Nous reproduisons ci-dessous un point de vue intéressant de Laurent Pinsolle, cueilli sur le Blog gaulliste libre et consacré à l'accord de libre-échange transatlantique entre l'Union européenne et les Etats-Unis...
Les dangers du traité transatlantique UE-USA
Jeudi, le parlement européen a voté les amendements sur le projet déposé par la Commission Européenne pour négocier un accord de libre-échange transatlantique. Un accord qui révèle tout ce qui ne va pas dans cette Union Européenne, dogmatiquement néolibérale et sous influence étasunienne.
La course au moins-disant
Il faut remercier l’Humanité pour avoir publié le texte du projet de mandat de négociation de la Commission Européenne et sensibiliser l’opinion à cet accord dont on ne parle pas suffisamment, ainsi que Magali Pernin, qui a publié sa traduction en français. Vous pouvez également trouver de nombreuses informations sur la genèse et l’avancée de ce traité sur le site La théorie du tout, de Liior Chamla. Même l’ultra-fédéraliste Jean Quatremer s’est inquiété sur son blog de l’avancée de ce texte, qui donne du grain à moudre à ceux qui dénoncent « l’Europe pro-étasunienne et ultralibérale ».
Et il faut dire que c’est bien le cas. Comme d’habitude, la Commission annonce des bénéfices colossaux pour l’Europe : 119 milliards de dollars de PIB additionnel, sans que l’on comprenne bien comment, d’autant plus que les précédents traités ne semblent pas vraiment avoir soutenu notre croissance. Mais en plus, ce genre de pronostic est totalement ridicule sachant que l’euro est au moins surévalué de 15% par rapport au dollar. A quoi bon réduire des droits de douane, qui tournent entre 3 et 4%, si c’est pour être pénalisé de quatre fois plus du fait de la sous-évaluation chronique du billet vert ?
Ensuite, se pose aussi la question des normes. Cet accord représente aussi pour les Etats-Unis le moyen d’imposer à l’Europe de démanteler ses barrières contre les bovins aux hormones ou les poulets aux antibiotiques, après avoir déjà réussi à nous imposer les volailles lavées à l’acide. Mais pourquoi libéraliser le commerce si c’est pour faire reculer les normes sanitaires de notre continent ? On comprend l’intérêt mercantile des Etats-Unis, mais on ne voit pas bien l’intérêt pour les peuples européens, qui vont à la fois perdre des emplois et des ventes, mais aussi sur notre sécurité !
L’Europe étasunienne
Mais l’autre problème que pose ce nouveau traité, c’est le biais atlantiste et étasunien de cette construction européenne. Le Général de Gaulle avait bien raison de dire qu’il était le seul à vouloir construire une europe européenne. Le Traité Constitutionnel Européen puis le traité de Lisbonne affirment que notre « défense commune est réalisée dans le cadre de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) ». A quoi bon construire l’Europe, un ensemble qui pèse économiquement aussi lourd que les Etats-Unis, si c’est pour se mettre dans leurs mains pour les questions de défense ?
Et dans la pratique, cet accord semble s’inscrire dans la droite lignée de cette vision atlantiste de l’Europe. Liior Chamla rappelait qu’en 2008, le parlement européen avait voté une résolution disant que « le partenariat transatlantique est une pierre angulaire de la politique extérieure de l’Union Européenne, ainsi que de sa politique économique globale ». Et ici, la levée des barrières sera totalement hypocrite de la part de Washington puisque rien ne sera fait pour traiter le sujet monétaire alors que la première barrière commerciale est justement la sous-évaluation du dollar…
Encore un sujet où le gouvernement semble tenir un double langage, entre un discours ferme pour les citoyens et les concessions faites par la Commission, comme le rapporte Magali Pernin. Assurément un sujet qu’il convient de suivre et qui expose tout ce qui va mal dans cette Europe.
Laurent Pinsolle (Blog gaulliste libre, 24 mai 2013)
Commentaires
Le démantèlement des règles de production et de consommation propres à l'Europe serait criminel et l'on a raison de s'en inquiéter quand on sait qui est aux commandes de l'Europe institutionnelle. Par contre, faire l'amalgame entre le projet de traité de libre-échange et l'Alliance atlantique ressortit à la doxa pavlovienne dès qu'un gaulliste aborde les relations franco-américaines. Ces deux sujets ne sont pas miscibles.
Autant il y a un équilibre à sauvegarder entre les forces économiques en présence, autant il n'existe rien d'opposable à l'OTAN en matière de sécurité. Deux réalités doivent être "dévoilées" :
(1) aucun pays (autre que la France) n'est prêt à troquer la "mauvaise" garantie atlantique contre une garantie continentale pilotée par la France, ce qui explique que la défense européenne n'ait jamais pu dépasser ses symboles, vite oubliés dès que ça chauffe ;
(2) la fable gaulliste de la contrainte américaine à s'engager aux côtés des USA par la mécanique du traité s'est liquéfiée lors de la seconde guerre d'Irak, lorsque le pays hôte des principaux états-majors atlantiques (Belgique) a refusé l'obstacle, le cousin d'Amérique (Canada) a carrément envoyé paître le Pentagone et le pays-hôte des plus grandes unités OTAN sur le théâtre européen (Allemagne) en a fait autant !
Se "mettre en les mains" des Américains pour notre défense dans l'accord de libre-échange économique est pour le coup osé. En revanche, il faut surveiller des près Barroso, Van Rompuy et Ashton.