Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Hervé Juvin, publié sur son blog, Regards sur le renversement du monde, consacré à la Grèce... Faut-il laisser choir ce pays ? le soutenir ?... Une chose est certaine, comme le souligne au final l'auteur, il y a un choix politique à faire : il faut décider ! On recherche d'urgence des hommes (ou des femmes) d'Etat...
Grèce
Sauver la Grèce ou sauver l’Europe ?…
Vous venez de payer 500 euros pour les Grecs !…
Pas du tout, c’est 15 milliards d’euro que la France donne aux Grecs – soit la quasi-totalité de l’augmentation d’impôts et de taxes votée le 8 septembre dernier….
… puisque moins d’un ménage sur deux paie l’impôt, c’est juste 1.000 euros que chaque ménage imposé vient de donner aux Grecs !
… et d’ailleurs, les avoirs de Grecs en Suisse s’élèveraient à 200 milliards d’euro, soit exactement le montant des aides ( fons structurels, etc.) versés par l’Union à la Grèce depuis vingt ans !
… les chiffres courent, vérifiables ou non, l’opinion s’agite, la défiance monte.
Pourquoi ne pas dire la vérité sur les chiffres, sur les scénarios, et pourquoi refuser que les Français, et les Européens avec eux, en débattent ?
Les montants qui circulent représentent, ou veulent représenter, la contribution des Français aux prêts ( sous un nom ou sous un autre ) que l’Union européenne accorde à la Grèce. Un prêt se rembourse, il rapporte un intérêt, et cet intérêt peut être profitable au créancier ; contrairement à ce qui est généralement dit ou sous-entendu, les prêts accordés aux banques françaises lors du gel du marché interbancaire de 2008 ont été remboursés, la plupart de manière anticipée, avec des vrais euros, et ont rapporté de l’argent à l’Etat !
La question semble évidente ; la Grèce va-t-elle rembourser
J’ai récemment fait part de ma conviction ; non. Non sans nouveaux prêts, non sans nouvelles aides, et pour parler clair, non sans nouveaux dons. Il n’existe aucune chance que même une austérité appliquée, des impôts recouvrés et une croissance robuste permettent à la Grèce de rembourser plus de… 20 % ou 30 % de sa dette – risquons un chiffre. Et j’ai aussi écrit que les Grecs n’avaient rien fait pour mériter ces aides et notre solidarité. Que les Grecs commencent par s’aider eux-mêmes, c’est-à-dire lever l’impôt, reconstruire une économie, bâtir une Nation, et on verra.
Le seul problème est la Grèce pourrait bien sauver l’Europe ! Tout simplement parce que si la Grèce, faute de soutien fait défaut, chacun sait déjà que les acteurs du marché en tireront pour première conséquence que l’Italie aussi, que l’Espagne aussi, et pourquoi pas la France aussi, vont faire défaut, ou peuvent faire défaut, et vont engager toutes leurs forces pour que l’un après l’autre les mâillons de la chaîne sautent. Le scénario est écrit, et il suffit de regarder le marché des CDS pour constater qu’il se met en place. Et c’est un scénario… à combien de milliards de dollars la prime pour ceux qui auront abattu l’euro ?
C’est un argument du soutien inconditionnel et illimité à la Grèce qui se résume ainsi ; il ne sera jamais trop coûteux d’aider un pays qui représente moins de 2 % de l’Union, si le défaut de la Grèce entraînait une menace de défaut, donc un besoin d’aide inconditionnel, sur des pays qui représentent 8 %, 10 %, 15 % de l’Union !
Entre la décision par la morale et la décision par l’intérêt bien compris, le débat n’est pas, ne peut pas être technique. La question est simple ; est-ce à la BCE, est-ce au Conseil des Ministres, est-ce aux Européens de trancher ?
Le dossier n’est pas si complexe qu’il ne puisse être partagé, expliqué, mis en débat. Et le débat n’est pas si obscur qu’il ne puisse faire l’objet d’un choix des Européens. Nous en sommes au point où les décisions techniques, dans l’obscurité des cabinets ou des institutions, de toute façon manqueront leur objet parce que la volonté collective ne les porte pas, parce que le projet européen n’y est pas, ce projet qui sera celui des peuples d’Europe ou ne sera pas.
De toute manière, l’Union européenne n’échappera pas au débat populaire quand elle comprendra que pour se construire, elle doit d’abord se séparer de ce qui n’est pas elle. La question de la frontière, de la séparation et du lien, avec la Turquie comme avec Israël, avec le Maghreb comme avec l’Afrique subsaharienne, avec la Russie comme avec l’île britannique, est de celles qui ne s’évitent pas. Elle n’évitera pas non plus le débat sur l’unité interne entre ceux qui en sont, et l’écart avec ceux qui n’en sont pas. Le cadeau de la Grèce à l’Europe pourrait bien être de rapprocher l’échéance d’un débat dont seuls les peuples d’Europe diront le dernier mot. Comme savent le dire les (bons ) conseillers en gestion à leurs clients: « votre choix sera le meilleur, puisque c’est le vôtre. Il n’en est pas de pire que de ne pas choisir».
Hervé Juvin (Regards sur le renversement du monde, 12 septembre)