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Le malaise est dans l'homme...

Après la publication de ses carnets, Le Front du Cachalot (Dualpha, 2009) et La Tyrannie de la transparence (L'AEncre, 2011), Pierre Le Vigan revient avec un essai publié aux éditions Avatar et intitulé Le malaise est dans l'homme - Psychopathologie et souffrances psychiques de l'homme moderne. L'essai est préfacé par Thibault Isabel, jeune philosophe, spécialisé dans l'anthropologie culturelle et l'histoire des mentalités, dont les lecteurs de la revue Krisis connaissent la signature.

 

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Psychopathologie et souffrances psychiques de l’homme moderne

Les souffrances psychiques ne sont pas des maladies. Mais elles peuvent y mener. La condition de l’homme étant tragique, ouverte, risquée, la fragilité de l’homme est inhérente à son être-au-monde. Toutefois, si le malaise est dans l’homme depuis toujours, le monde moderne et hypermoderne lui donne des formes nouvelles.

Les sociétés traditionnelles fonctionnaient sur la base d’un modèle d’intégration sociale, au demeurant inégalitaire, où chacun néanmoins avait sa place, y compris le fou. Les sociétés modernes ont fonctionné sur le mode du refoulement et de la névrose. La société du travail ne voulait pas connaître les états d’âme, ni même les âmes d’ailleurs. La société hypermoderne combine les exigences du travail et celles de l’autonomie : il faut être productif, il faut être performant, mais aussi « positif ». Il faut donner sa force de travail, mais aussi assumer un certain savoir-être, et non simplement apporter son savoir-faire.

La mobilisation de l’homme dans l’hypercapitalisme est donc totale mais elle n’est plus une mobilisation sous une forme guerrière qui était celle du « soldat du travail ». C’est une mobilisation pour plus de mobilité, plus de fluidité, plus de liquidité. L’hypercompétitivité et la lutte de tous contre tous tendent à devenir la règle. Le consumérisme et le narcissisme tout comme le désir mimétique en sont les conséquences. Tout ce qui relève des projets à long terme, individuels ou collectifs, en sort évidemment dévalorisé. Cela ne va pas sans de nouvelles formes de malaises intimes, psychiques, qui atteignent l’homme et le reconfigurent. Ce livre, qui s’essaie à en dresser le portrait, est ainsi un court traité de psychopathologie de l’homme moderne pour mieux comprendre notre monde.

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Commentaires

  • … dans l’homme

    Les quatre vents

    Les mondains qui pleurent sont battus par quatre vents différents. Il y a celui de la prospérité, de l’adversité, de la crainte et de la conscience. Cela fait quatre vents.
    Le souffle de la prospérité développe l’orgueil par une folle présomption, une grande estime de soi-même, accompagnée du mépris du prochain. Si le mondain détient le pouvoir, il multipliera les injustices. Son cœur, plein de vanité, sera partagé entre les impuretés du corps et de l’esprit et le souci égoïste de sa propre gloire. Et combien d’autres vices encore que la langue ne pourrait raconter.
    Le souffle de la prospérité est-il lui-même corrompu ? Non ! C’est la souche principale de l’arbre qui est corrompue, et qui corrompt tout le reste. C’est Moi qui vous envoie, c’est Moi qui vous dispense toute chose. Moi qui suis l’Etre souverainement bon. Il ne peut donc être mauvais, ce souffle de la prospérité. S’il en résulte pour le mondain de la souffrance et des larmes, c’est dans son cœur qu’il faut en chercher la cause. Ce cœur n’est pas rassasié, parce qu’il désire ce qu’il ne peut avoir. Ne pouvant l’obtenir, il en est attristé. Sa tristesse lui tire des larmes parce que, ainsi que Je te l’ai dit, les yeux veulent satisfaire aux sentiments du cœur.

    Puis vient à souffler le vent de la crainte servile. Sous son inspiration, l’homme a peur de son ombre, tant il craint de perdre ce qu’il aime . Il a peur de perdre sa propre vie, il a peur de perdre ses enfants ou quelqu’un des siens, il a peur de perdre sa situation, il a peur de perdre les honneurs et les richesses, ou celle des siens, par amour propre, par ambition ou par avarice. Cette crainte ne lui laisse aucun repos, elle trouble toutes ses joies. Tous ces biens, il ne les possède pas dans l’ordre de sa soumission à Ma volonté : de là cette crainte servile, de là cette épouvante. Il s’est fait esclave misérable du péché, or le péché n’est pas quelque chose. Esclave donc du néant, il est réduit à néant.

    Le vent de la crainte n’a pas fini de le secouer, que voici venir le vent de la tribulation et de l’adversité qu’il redoutait et qui le dépouille en tout ou partie de ce qu’il possédait : entièrement quand il perd la vie, car la mort le sépare de tout, en partie quand il perd tantôt une chose tantôt une autre, la santé ou ses enfants, ou ses richesses, ou sa situation, ou ses honneurs, suivant que Moi, le bon médecin, Je l’estime nécessaire à son salut. Car c’est pour son salut que Je lui envoie ces épreuves.
    Mais sa fragilité est toute corrompue, elle n’a plus aucune connaissance d’elle-même et de Moi, et ne peut goûter ce fruit de la patience [le salut]. Elle ne produit donc que l’impatience , les scandales, les murmures, l’aversion pour Moi et pour mes créatures. Ce qui est un don de Moi pour la vie, il le reçoit pour la mort. La douleur de la perte est égale à l’amour qu’il avait pour le bien qui lui est enlevé, et il en est réduit à ces larmes de colère et de révolte qui dessèchent l’âme et la tuent en lui ôtant la vie de la grâce, qui dessèchent aussi et consument le corps, qui aveuglent spirituellement et corporellement. Le voilà vide de toute joie, parce qu’il n’a plus d’espérance. Sa joie, son amour, son espérance, sa foi, c’était ce bien qu’il possédait. Et il l’a perdu ! Et il le pleure !
    Certes, ce ne sont pas les larmes seules qui produisent ces tristes effets. C’est aussi et avant tout l’amour désordonné, la douleur du cœur d’où sont venues les larmes. Les pleurs qui tombent des yeux ne sauraient par eux-mêmes donner la mort et mériter un châtiment, s’ils ne venaient pas de cette source mauvaise qu’ est l’amour propre, l’amour désordonné du cœur. Si le cœur était bien réglé par la grâce, les larmes elles-mêmes seraient de bonnes larmes qui me contraindraient, Moi, le Dieu éternel, à faire miséricorde. Pourquoi donc ai-Je dit que ces larmes des mondains sont des larmes de mort ? Parce que les larmes sont le signe extérieur de la mort ou de la vie qui est dans le cœur.

    Mais voici venir le vent de la conscience , nouveau messager de Ma divine bonté ! Par la prospérité, j’ai voulu attirer le pécheur à Moi, en essayant de l’amour. Je l’ai sollicité par la crainte, afin de l’amener, par le trouble et l’inquiétude de son cœur, à quitter l’amour déréglé pour aimer dans la vertu. Je l’ai éprouvé par la tribulation, pour lui faire connaître la fragilité du monde et le peu de fond qu’il faut faire sur lui. Enfin, à quelques autres à qui ce remède est nécessaire, j’envoie le remords de la conscience, pour qu’enfin ils desserrent les lèvres et vomissent la corruption du péché par la sainte confession.
    Mais eux, comme s’ils s’étaient obstinés dans le mal et étaient véritablement réprouvés par Moi à cause de leur iniquité, ils refusent absolument de recevoir ma grâce. Pour échapper au remord de la conscience, ils esayent de l’étouffer en des plaisirs misérables au mépris de Moi-même et de leur prochain.
    La raison en est que la racine de l’arbre est corrompue comme aussi l’arbre tout entier, et tout lui est cause de mort. Voilà ces malheureux dans les tristesses, et les gémissements, et les larmes amères, et s’ils ne se corrigent pas pendant qu’ils ont encore le temps d’user de leur libre arbitre, ils ne seront délivrés de ces larmes passagères que pour être voués à des pleurs sans fin. Ce qui n’était que fini devient donc infini, parce que ces pleurs furent versés avec une haine sans fin de la vertu, Je veux dire avec un désir de l’âme fondé sur une haine infinie. Il est vrai que, s’ils l’avaient voulu, ils se seraient épargné ces larmes éternelles, avec le secours de Ma grâce, quand ils étaient encore libres, nonobstant cette haine infinie.
    Infinie, en effet, elle peut être, par la volonté et l’être de l’âme, mais ici-bas, la haine ou l’amour qui sont dans l’âme, de soi, ne durent pas nécessairement toujours. Car, tant qu’on est dans cette vie, on peut changer de haine ou d’amour, comme on veut. Mais si l’on meurt dans l’amour de la vertu, l’on reçoit un bonheur qui ne finira pas ; et si l’on meurt dans la haine, l’on demeure dans cette haine sans fin, en recevant l’éternelle damnation.

    Tu le vois donc, les larmes des mondains leur procurent une amère souffrance dans ce temps qui passe, et à la mort, pour toujours, la compagnie des démons.

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