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Peine de mort : le point de vue d'Alain de Benoist

Dans le numéro 27 de Flash (19 novembre 2009), Alain de Benoist répondait aux questions de Nicolas Gauthier sur la peine de mort.

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Alain de Benoist : "Je ne me suis pas battu pour l'abolition de la peine de mort. Je ne me battrai pas pour son rétablissement..." 

Si l'on en croit les clichés médiatiques, l'homme de droite serait pour la peine de mort et l'homme de gauche contre... C'est sûrement un peu plus compliqué que ça...

Sans doute. Je connais beaucoup d'hommes de droite révulsés par la peine de mort, surtout quand ils ont eux-mêmes fait de la prison. Je connais aussi des hommes de gauche hostiles à la peine de mort, qui trouvent cependant qu'on n'a pas assez fusillé à la Libération. Le débat sur la peine de mort n'est pas seulement archi-rebattu. Son caractère. émotionnel (d'un côté "toute vie humaine est sacrée", de l'autre "le sang appelle le sang") le rend aussi plutôt ennuyeux. Les partisans de la peine de mort, qu'ils en tiennent pour des arguments utilitaristes (protéger la société en mettant définitivement hors d'état de nuire) ou moraux (la peine de mort comme punition exemplaire ou sacrifice expiatoire), ont souvent du mal à comprendre que la justice publique est quelque chose d'autre que la vengeance privée ou la loi du Talion, et que la justice pénale n'a pas pour but premier de satisfaire les victimes. Leurs adversaires, eux, tombent souvent dans l'angélisme. Mais le plus détestable, ce sont ceux qui s'opposent à la peine de mort ... sauf bien sûr dans les cas où elle leur apparaît tout à fait justifiée! Les hommes de droite observent souvent que la peine de mort a été constamment appliquée dans l'histoire (elle était pourtant peu fréquente à Rome à l'encontre des citoyens romains), tandis que les hommes de gauche se réclament plutôt de l'esprit de "tolérance" des Lumières. Mais chez les philosophes du XVIIIe siècle, le refus de la peine de mort ne faisait pas l'unanimité. Diderot disait :"Le malfaisant est un homme qu'il faut détruire et non punir" ! Quant à Cesare Beccaria, grand adversaire de la peine de mort, il prônait son remplacement par un "esclavage perpétuel" ...

Autre cliché médiatique, la peine de mort ne serait à l'honneur que dans des nations "arriérées"... dont les USA ou la Chine, pourtant assez "avancées"... Comment expliquer cette distorsion dialectique entre une ONU qui la proscrit et une Amérique qui l'applique? "Faites ce que je dis et pas ce que je fais" ?

L'ONU n'est pas l'Amérique. Et l'Amérique n'applique pas uniment la peine de mort: elle existe dans certains États, pas dans d'autres. C'est d'ailleurs ce qui permet de constater que la peine de mort n'est nullement dissuasive : la majorité des criminologistes savent bien que la criminalité n'est pas plus forte là où on l'a abolie. D'ailleurs, la principale cause des crimes, c'est que leurs auteurs sont convaincus qu'ils ne se feront pas prendre. Aujourd'hui, la peine de mort reste prévue dans la législation de près de 100 nations. Elle est appliquée dans les quatre pays les plus peuplés du monde: la Chine, l'Inde, les États-Unis et l'Indonésie. Géographiquement, c' est l'Asie qui est de nos jours la moins abolitionniste. À noter que la peine de mort existe aussi au Japon, et qu'en Chine, on exécute couramment pour corruption, détournement de fonds ou évasion fiscale.

Au-delà de sa valeur éventuellement dissuasive - qui demeure à démontrer -, la peine de mort a-t-elle une valeur symbolique?

C'est ce que l'on dit souvent. Mais symbolique de quoi ? Au-delà de la peine de mort, la torture pourrait aussi avoir une valeur symbolique ! Et d'un point de vue "symbolique", qu'est-ce qui est le pire : la condamnation à mort ou la condamnation à vie ? L'idée générale est que "les crimes les plus horribles méritent le châtiment suprême". Le problème est qu'il n'existe aucun accord sur ce qui est le plus "horrible" (on retombe ici dans l'émotionnel). Personnellement,je trouve que les crimes contre la collectivité sont beaucoup plus graves que les crimes contre les personnes individuelles, mais je doute que beaucoup de gens partagent cette opinion. Remarque subsidiaire: les crimes généralement considérés comme les plus "horribles" sont le plus souvent des crimes pulsionnels, dont les auteurs sont tout à fait inaccessibles à la notion rationnelle de dissuasion. Beaucoup sont des malades, qui relèvent de la psychiatrie plutôt que des tribunaux.

Et vous, au fait, vous êtes pour ou contre?

Je ne me suis pas battu pour l'abolition de la peine de mort. Je ne me battrais pas pour son rétablissement.

 

Propos recueillis par Nicolas GAUTHIER ( Flash n°27 du 19 novembre 2009)  

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Commentaires

  • La question du jour n'est pas la peine de mort, ni non plus le prix des nouilles. La question, c'est Camus au Panthéon, comme social-démocrate!

    Le Général de Gaulle au Panthéon ? Impensable!
    Que notre Président et quelques jean-foutre envisagent d’y faire une place à un anarchiste, c’est drôle, n’est-ce-pas ?

    Quelle manie ils ont tous avec le Panthéon ! Le télé-film d’hier soir sur Camus m’a fait bicher. Youpi !

    On y voit un Camus, réformiste radical et sympathisant du mouvement libertaire. Vous remarquerez que la presse ne fait jamais mention de Rirette Maîtrejean, une ancienne de la bande à Bonnot, dans l’entourage de Camus. Jamais.

    Je ne sais quels jean-foutre essayent en ce moment de faire appartenir Camus à la social- démocratie. Quelle manie ils ont tous de social-démocratiser à tout prix -- !!

    Le Film d’hier montre combien le point de vue de Camus sur la révolte historique, rejoint l’une des valeurs premières de l’anarchisme : ne pas abandonner les aspects moraux des combats pour la liberté.

    Dans le film, réponse de Camus, au journaliste sur sa mère et la justice.

    Relire sa préface de Moscou sous Lénine d Alfred Rosmer, l’ancien révolutionnaire proche de Trotsky. Pour Camus, la révolution, lorsqu’elle phagocyte l’Etat, dénature la révolte, transforme le potentiel libérateur en instrument de l’oppression. (Lire Albert Camus et les libertaires, Egrégores, 2008)

    Un libertaire au Panthéon ? On ira tous voir ça !

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