Publié d'abord en 2007, chez Stock, sous le titre A feu et à sang - De la guerre civile européenne, l'essai d'Enzo Traverso reparait en poche, dans la collection Pluriel, sous le titre 1914-1945 - La guerre civile européenne. Il mérite d'être lu en contrepoint du célèbre ouvrage d'Ernst Nolte, La guerre civile européenne 1917-1945.
Comme l'indique l'auteur dans son introduction : "Ce livre n'ignore pas les victimes [...] mais il se penche surtout sur les acteurs de la violence, ceux qui la font et qui, lorsqu'ils la subissent, l'assument comme conséquence prévisible de leurs choix. Il s'agit, en d'autres termes, de rééquilibrer la perspective historique en redonnant visibilité aux acteurs des guerres et des révolutions, aux vainqueurs comme aux vaincus. Occultés par une mémoire publique du XXe siècle vu comme temps des totalitarismes et des génocides – une mémoire dont la « religion civile » de l'Holocauste constitue à plusieurs égards le paradigme -, ils ont connu une éclipse, emportant avec eux quelques clefs d'intelligibilité du siècle écoulé. [...]. Les vaincus de la guerre civile européenne sont de tous bords : ils s'appellent Rosa Luxemburg, Antonio Gramsci, Manuel Azaña, Léon Trotski, Walter Benjamin, mais aussi Ernst Jünger ou Carl Schmitt. C'est pourquoi leurs idées occupent une grande place dans cette ouvrage, en faisant l'objet de réflexions et d'analyses critiques, au-delà des sympathies et des antipathies qui me rapprochent ou m'éloignent des uns et des autres."
"La première moitié du XXe siècle, de 1914 à 1945, fut une époque de guerres, de destructions et de révolutions qui mit l'Europe à feu et à sang. Pour Enzo Traverso, la notion de " guerre civile européenne " permet de rendre compte de cette terrible combinaison de guerre totale sans lois ni limites, de guerres civiles locales (URSS 1917-1923, Espagne 1936-1939, Résistance 1939-1945) et de génocides, qui vit aussi l'affrontement de visions opposées du monde. L'ouvrage analyse ainsi les positions de ces intellectuels de l'entre-deux-guerres qui, à partir d'un égal rejet du monde en l'état, optèrent soit pour le communisme, soit pour la révolution conservatrice. Il revient sur le combat des militants et résistants antifascistes, sans pour autant esquiver la question des liens avec le stalinisme ou celle de l'aveuglement face au génocide. Ce livre, paru en 1re édition chez Stock sous le titre A feu et à sang, s'inscrit ainsi contre une relecture de cette période de l'histoire qui, sous couvert d'une critique des horreurs du totalitarisme, tend à rejeter les acteurs, fascistes ou antifascistes, dans le purgatoire indistinct des idéologies, comme si, derrière les victimes, aujourd'hui célébrées, tous les chats du passé étaient gris."