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servitude volontaire

  • Notice d'ingénierie sociale...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Eric Guéguen , cueilli sur le Cercle Aristote et consacré aux technique d'ingénierie sociale utilisée par l'oligarchie pour asseoir sa domination. Philosophe et essayiste, Eric Guéguen vient de publier Le miroir des peuples (Perspectives libres, 2015).

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    Notice d'ingénierie sociale

    Constat sans appel : de plus en plus de gens ont l’impression que leur vie est régentée par une oligarchie qui, peu à peu, met en application un projet de société ourdi à leur insu. Ne pouvant faire confiance aux médias dits mainstream, auxquels qualité et probité font désormais défaut, les plus volontaires investissent massivement le Net et ses relais pour se convaincre d’un autre son de cloche et partager leur désillusion. On commence alors à parler d’« ingénierie sociale » pour qualifier une emprise refusant de dire son nom. Dans les hautes sphères, en attendant un arsenal juridique adéquat à opposer à la « dissidence » qualifiée de paranoïaque, on aura tendance à n’y voir qu’une nébuleuse accro des complots. En quelques lignes, j’aimerais aider à éclaircir un point.

    En matière d’ingénierie sociale, l’actualité ne tarit plus d’exemples. Du faux référendum de 2005 (dix ans déjà !) au traité transatlantique, en passant par le « genrisme », la gestation pour autrui, l’uniformisation scolaire ou la loi sur le renseignement, les partis accrédités (UMPS, Verts et centristes) sont sur tous les fronts. Tantôt seront mis en avant des promoteurs, tantôt des objecteurs de commande. Le côté théâtral est à ce point manifeste qu’il renforce le sentiment de manipulation. Et la colère monte.

    Mais il y a une autre facette du problème, tout aussi snobée par les nantis bien en vue et les petites mains du système, mais plus difficile à entendre de la part du grand nombre indistinct. Pour y avoir accès, il faut croiser la lecture du Discours de la servitude volontaire d’Étienne de La Boétie avec celle de Propaganda d’Edward Bernays. De fait, lorsque la fabrique du consentement rencontre le conformisme résolu, le gros du travail est fait. La tyrannie douce s’insinue et seule une crise du confort marchand sur laquelle elle s’appuie peut la mettre au jour. C’est précisément ce que nous éprouvons depuis maintenant quelques années, et c’est un mal pour un bien. À condition d’assumer le rôle que nous tenons quotidiennement dans un ordre marchand à vocation apolitique.

    « La vapeur qui fait tourner la machine sociale, ce sont les désirs humains. Ce n’est qu’en s’attachant à les sonder que le propagandiste parviendra à contrôler ce vaste mécanisme aux pièces mal emboîtées que forme la société moderne. » Ce sont les mots d’Edward Bernays en 1928, peu avant la grande crise économique qui débouchera sur un conflit mondial. Et au sortir de ce conflit, la société bernaysienne entrera en action dans les pays occidentaux. Pour le grand bonheur des masses usées par la guerre durant au moins trente années « glorieuses ».

    La toute-puissance marchande, aussi bien dans sa dimension macroéconomique (TAFTA) que microéconomique (GPA), se nourrit d’une mentalité d’ayants droit qui, dans le même temps, la déplore et s’en remet entièrement à elle. Il y a bel et bien un projet de société à l’œuvre et une oligarchie aux manettes, mais ce sont aussi les symptômes de nos modes de vie.

    Eric Gueguen (Cercle Aristote, 9 juin 2015)

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  • L'art de bâcler ses guerres...

    Nous reproduisons ci-dessous ce point de vue de Georges-Henri Bricet des Vallons, publié dans Valeurs actuelles (18 août 2011), lucide et sans concession sur l'inconsistance de la politique de notre pays dans la guerre d'Afghanistan. Chercheur en sciences politiques, spécialisé dans les questions stratégiques, Georges-Henri Bricet des Vallons est l'auteur d'un essai intitulé Irak, terre mercenaire (Favre, 2009) et a dirigé un ouvrage collectif intitulé Faut-il brûler la contre-insurrection (Choiseul, 2010).



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    L'art de bâcler ses guerres



    Avant de savoir finir une guerre, il faut savoir la commencer. On ne sait ce qu’il y a de plus accablant dans l’annonce de notre retrait d’Afghanistan, le mois dernier : notre mimétisme vis-à-vis des Américains ou, ce qui va de pair, l’inconsistance totale du politique dans la conduite de la guerre ? Tout au long de ces dix années de conflit, l’Élysée n’aura été que de demi-mesure en demi-mesure. Ceux qui décident de faire la guerre à moitié l’ont perdue dès le départ et complètement. Voilà la leçon. Elle est définitive et implacable.

    La suite de notre retrait d’Afghanistan, achevé en 2014 ? On la connaît. Les écoles pour femmes fermeront. La burqa reprendra pleinement ses droits à Kaboul. Musique et cinéma seront à nouveau bannis.

    Voilà pour l’argument, pour l’affichage télégénique. La corruption endémique des forces afghanes n’en fait qu’une armée mexicaine au service d’une féodalité décrépite, qui sera incapable de freiner sa dislocation ethnique et tribale après le retrait des troupes occidentales, enfin disons françaises, puisque les Américains, pas assez sots pour laisser le trésor de guerre à la Chine, ne feront que réduire la voilure et resteront bien après 2014 pour exploiter les 1 000 à 3 000 milliards de dollars de gisements miniers et fossiles que recèle le sous-sol afghan. Ils se concentreront sur le pays “utile”, entendez celui qui rapporte. Comme en 1996, où l’empire s’était fort peu ému de la victoire des talibans, les États-Unis négocieront avec le nouveau gouvernement de coalition formé par les réseaux Karzaï et ceux du mollah Omar une rente suffisante pour étouffer en surface les velléités antioccidentales et garantir la sécurité du Transafghanistan Pipeline. Les logiques de baronnies reflueront, le pays se déchirera à nouveau et la routine ancestrale de la guerre civile afghane reprendra ses droits, sans pour autant représenter une menace globale. Il n’y aura, comme aujourd’hui, ni paix ni guerre véritables.

    Seigneurs de guerre et talibans peuvent dire merci aux torrents de dollars que les Américains ont jetés à fonds perdus dans l’effort d’une chimérique reconstruction d’une nation jamais construite et qu’ils n’ont, d’ailleurs, jamais eu l’intention de construire : 400 millions de dollars par an auraient ainsi été brûlés au profit des rebelles, selon le Congrès américain. L’empire a acheté la paix tactique en Afghanistan comme on achète la paix sociale dans nos banlieues mais, cahin-caha, il tient le pays, grâce, il faut le dire, à l’apport de ses supplétifs européens, merveilleuse béquille prête à tout pour satisfaire un hégémon boiteux, qui traîne et endure son ahurissant budget militaire de 700 milliards de dollars comme un pied bot.

    Le cynisme de la gestion américaine a au moins le mérite de servir, sinon son peuple, tout du moins sa puissance géoéconomique. Mais que dire de notre rôle à nous Français dans cette guerre ? Certes, sur le fond, cette décision est bonne : la guerre n’a jamais été menée pour servir l’intérêt de la France. Nous n’avons jamais été en Afghanistan des alliés pour les Américains, tout au plus un bien utile réservoir de main-d’oeuvre destiné à faire de la tactique de détail et c’est ce que nos hommes ont fait, avec une grande témérité et un grand panache. La conclusion annoncée de “notre” guerre, l’extraordinaire gâchis d’énergie et d’argent qu’elle contresigne, n’en prend que plus aux tripes. Que vaudront nos succès tactiques en Kapisa et en Surobi, sur le temps long ? Que restera-t-il de l’action des colonels Le Nen, Heluin, Durieux ? Une Bronze Star, juste récompense due aux vassaux, remisée sur l’étagère poussiéreuse d’un musée de régiment ? Tribut de la servitude volontaire.

    Enfin, au bilan de cet engagement bâclé, il faudra se souvenir du mépris, de l’extraordinaire mépris du politique et de ses calculs d’épicier : faut-il rappeler que le ministère de la Défense a attendu 2011 pour reconnaître officiellement notre engagement en Afghanistan comme une “guerre”, simplement pour ne pas avoir à payer les frais de la campagne double à nos soldats ?

    Les simulacres cérémoniels ont tendance à nous faire oublier que, dans l’alcôve des ministères, le démantèlement de l’outil militaire, déjà cassé, va son train : effectifs sabrés par dizaines de milliers à la hache de la RGPP qui tient lieu à notre classe politique de seul plan stratégique, réformes menées en fonction de postulats purement technocratiques comme celle, aberrante, des bases de défense ou du système d’information financière Chorus, réduction continue du format et du contrat opérationnel des armées, abandon de nos positions en Afrique, non-respect systématique des lois de programmation budgétaire, etc. Ce débat, ce n’est pas aux hommes politiques, qui se satisfont trop bien de la marginalité des questions de défense, qu’il incombe de le porter, mais bien aux armées, à nos officiers, à nos soldats. C’est eux et eux seuls qui sont en mesure de mettre les enjeux de la défense au cœur de la campagne. Pour ce faire, et pour exorciser définitivement le fantôme de 1940, il faut qu’ils parlent : haut et fort. 

    Georges-Henri Bricet des Vallons ( Valeurs actuelles, 18 août 2011)

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