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  • La pensée politique serbe face à l’Europe...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Dušan Dostanić au site de la revue Éléments, dans lequel il évoque les orientations de la pensée politiqque de droite en Serbie.

    Dušan Dostanić, docteur en philosophie, chercheur associé à l’Institut d’études politiques de Belgrade et contributeur au dernier numéro des cahiers du pôle Études de l’Institut Iliade.

    Dušan Dostanić, serbie

     

    La pensée politique serbe face à l’Europe

    ÉLÉMENTS : On rencontre souvent l’idée reçue d’un nationalisme serbe traditionnellement clérical et chauvin. Existe-t-il une droite serbe qui se perçoit comme partie d’un même ensemble européen ?

    DUŠAN DOSTANIĆ. Une telle vision du nationalisme serbe me paraît simpliste. En effet, il me semble que si l’on considère le nationalisme serbe dans une perspective plus large, on doit en conclure qu’il n’est pas seulement réductible au cléricalisme ni encore moins au chauvinisme. Tout au long du xxe siècle, il existe au sein du nationalisme serbe différentes tendances qui ne correspondent pas toujours aux représentations pré-établies. Si, au cours des années 90, certains éléments ont pu se révéler comme chauvinistes, leur apparition ne peut se comprendre en dehors du contexte de l’époque, à savoir la chute du communisme et l’effondrement de l’État yougoslave, de même que la réapparition de la question nationale serbe au moment où ce peuple se trouvait morcelé par des frontières divisant arbitrairement son espace ethnoculturel.

    Cependant, bien avant les années 90, une partie de la droite serbe commence à se voir comme une partie d’une communauté identitaire européenne bien plus large. Je pense ici en premier lieu à l’œuvre du peintre et publiciste Dragoš Kalajić qui, dans ses livres et articles, explorait une perspective plus large, européenne. Par exemple, Kalajić avait averti du danger de l’immigration à une époque où cette question ne se posait pas en Serbie. Son dernier livre, L’Idéologie européenne (ndt : Evropska ideologija, non traduit à ce jour) représente un résumé de ses positions politiques et identitaires. Il ne produisait bien évidemment pas seul, mais au sein d’un cercle plus large qui, au milieu des années 2000, éditait une revue au nom évocateur : Europe des nations (Evropa nacija). Ce cercle eut une influence importante sur le développement de la droite serbe contemporaine.

    ÉLÉMENTS : Que pensez-vous des parallèles historiques qui sont parfois dressés entre les traditions politiques médiévales serbes et françaises ?

    DUŠAN DOSTANIĆ. Je ne peux pas beaucoup en dire, n’étant pas historien ni spécialiste du Moyen Âge. Néanmoins, il me semble que ces parallèles ne sont pas dressés au hasard et qu’il existe certaines similitudes. Par exemple, Charles Maurras a observé dans son texte Pour un réveil français que les Français, avec les Serbes, sont les seuls peuples européens contemporains à posséder une dynastie autochtone. Cela me semble être un point important dans le contexte du développement de la conscience nationale tant chez les Serbes que chez les Français. Il est vrai que la dynastie capétienne a régné plus longtemps sur la France que les Nemanjić sur la Serbie, mais dans les deux cas, ces périodes sont perçues comme des ères de grandeur nationale.

    ÉLÉMENTS : La vie intellectuelle dans le royaume de Serbie, puis de Yougoslavie, est réputée avoir été fortement influencée par la pensée libérale et révolutionnaire française. Qu’en est-il, au contraire de la réception des idées contre-révolutionnaires et conservatrices ?

    DUŠAN DOSTANIĆ. Après l’arrivée au pouvoir des communistes à la fin de la Seconde Guerre mondiale et l’instauration de leur système totalitaire, ceux-ci ont insisté, afin de légitimer leur pouvoir, sur la continuité de traditions de gauche chez les Serbes, en exagérant l’influence des idées révolutionnaires en Serbie. De telles traditions ont parfois été construites de toute pièce, dans le but d’interpréter des événements historiques particuliers selon les nécessités de l’idéologie gauchiste. Après la chute du communiste, l’accent s’est déplacé vers l’étude du libéralisme chez les Serbes, mais les pensées contre-révolutionnaire et conservatrice sont de nos jours encore insuffisamment explorées. Malheureusement, il n’existe à l’heure actuelle aucune bonne histoire générale de la droite. Au mieux avons-nous des travaux sur des figures individuelles.

    Cependant, il me semble que l’on puisse trouver des traces de l’influence de la pensée de droite française chez les Serbes dès le xixe siècle. Certains étudiants serbes de Paris avaient par exemple pris le parti de l’antidreyfusisme aux côtés de Paul Déroulède et Maurice Barrès !

    La plus grande influence de la droite française fut néanmoins exercée parmi les Serbes durant l’entre-deux-guerres. Un groupe de jeunes intellectuels serbes qui étudiaient à Paris tomba sous l’influence de Charles Maurras et de l’Action française. On peut considérer comme le point culminant de leur action le lancement de l’hebdomadaire Le Messager politique (Politički glasnik, 1925-1927) dont la ligne idéologique correspondait parfaitement au maurrassisme. Ses auteurs fondaient leurs analyses de la politique quotidienne sur les positions théoriques du maître de Martigues. Ce journal publiait également des traductions des livres de Maurras, mais aussi d’autres auteurs français tels que Henri Massis, Léon Daudet ou encore Léon de Montesquiou.

    Dans ces pages, le public serbe eut aussi la possibilité de découvrir pour la première fois Burke, depuis sa traduction française. On peut dire que Le Messager politique fut le principal organe de critique du régime démocratique dans la Serbie du xxe siècle. Pour Momir Nikolić, rédacteur en chef de ce journal, la démocratie représentait l’absolutisme, l’étatisme et l’abolition des libertés. Nikolić publia également un ouvrage intitulé Le Jardin du citoyen (Građaninov vrt) qui, dans ses thèses et sa structure, rappelle Mes Idées politiques de Maurras. Il est intéressant de noter qu’il faisait preuve dans ce livre d’un certain respect, inhabituel dans les milieux orthodoxes de l’époque, pour l’Église catholique-romaine. En résumé, on peut dire que l’influence de Maurras fut forte parmi les intellectuels serbes de l’entre-deux-guerres. Il n’est pas difficile d’expliquer les raisons de cette popularité, étant donné que la dynastie serbe des Karađorđević régnait sur l’État yougoslave. Vladislav Stakić, l’un des collaborateurs du Messager politique, a publié peu avant la Deuxième Guerre ce qui reste aujourd’hui la meilleure étude serbe sur Maurras et le monarchisme français. Dans son livre, Stakić dresse un bon aperçu de la pensée contre-révolutionnaire française de Joseph de Maistre et Louis Bonald, jusqu’à l’Action française. De plus, il s’intéressait particulièrement à l’œuvre de Georges Sorel. Il faut enfin souligner que Stakić fut l’un des hommes de confiance du Prince-Régent Paul Karađorđević.

    De même, il exista un temps une relativement petite organisation du nom de l’Action yougoslave (Jugoslovenska Akcija) qui fusionna plus tard avec d’autres groupes de droite pour former le Mouvement national yougoslave Zbor (Združena borbena organizacija rada, soit Organisation militante unie du travail). Le président de Zbor, Dimitrije Ljotić avait lui aussi vécu avant la guerre à Paris, où il évolua sous l’influence de l’Action française. Avec Maurras, on comptait parmi ses maîtres Blaise Pascal et le relativement peu connu Georges Valois, dont il appréciait grandement L’Homme qui vient. Philosophie de l’autorité. Outre l’influence certaine de Maurras, on remarque aussi chez Zbor une proximité avec le Parti populaire français de Jacques Doriot, dont les presses du mouvement rapportaient les congrès.

    ÉLÉMENTS : La révolution conservatrice allemande a-t-elle influencé certains intellectuels serbes ?

    DUŠAN DOSTANIĆ. Tout comme la droite française influença les intellectuels serbes dès le xixe siècle, on peut en dire de même de l’influence exercée par la pensée conservatrice allemande. Il s’agissait une fois de plus principalement d’étudiants qui se formèrent en Allemagne et évoluèrent là-bas au sein des cercles conservateurs. L’un de ces meilleurs exemples en est l’historien militaire Jovan B. Jovanović.

    L’un des représentants de la Révolution conservatrice allemande à avoir eu la plus grande influence sur les intellectuels serbes était Oswald Spengler. Bien que ses idées fussent déjà connues en Serbie avant la traduction par Vladimir Vujić du Déclin de l’Occident, c’est après celle-ci que Spengler devint une référence incontournable pour la droite serbe et yougoslave. Pour les conservateurs et militants de droite serbes, le diagnostic spenglerien revêtait une signification majeure. S’appuyant sur ces analyses, ils en arrivaient à la conclusion que ce serait une erreur d’imiter les institutions occidentales, et que la mission des Slaves du Sud était plutôt de créer des formes politiques authentiques fondées sur leurs propres traditions et coutumes. Ils adoptèrent également la prophétie de Spengler selon laquelle l’avenir du christianisme serait bâti sur les fondements établis par Dostoïevski. En ce sens, la droite serbe était fortement critique de l’Occident libéral et promouvait une « nouvelle orientation spirituelle » (Vladimir Velmar-Janković) enracinée dans la tradition. Pourtant, cela ne pouvait se réduire à la réaction ou de l’anarchisme. Selon les témoignages de plusieurs de ces acteurs, c’est sous l’influence décisive du Déclin qu’ils se dirigèrent vers la droite. De même, dans les publications de l’Action yougoslave, on constatait un intérêt pour Spengler et sa conception du « socialisme prussien », tout comme un suivi attentif des développements de la droite allemande, bien qu’ils ne fussent pas nécessairement approuvés.

    Durant les années 30, d’autres penseurs de la Révolution conservatrice exercèrent une influence remarquable, avant tout via le magazine Idées (Ideje), dont le rédacteur en chef était le célèbre écrivain serbe Miloš Crnjanski. Selon le professeur Milo Lompar, Crnjanski était l’équivalent serbe du « modernisme réactionnaire » (Jeffrey Herf) de la Révolution conservatrice allemande, en d’autres termes : il était fasciné par la technologie moderne tout en étant rejetant les Lumières, ainsi que les valeurs et institutions de la démocratie libérale. Dans leurs articles, Crnjanski et d’autres penseurs proches s’opposaient au « vieux libéralisme » et prônaient un « nouveau nationalisme ». Idées publia également des articles sur Spengler et le style prussien d’Arthur Moeller van den Bruck. Pour Crnjanski, le nationalisme était une force vivante, créatrice, qu’il opposait aux attitudes antinationales et internationalistes de différentes tendances. Les notions d’authenticité culturelle et d’indépendance politique constituaient le cœur de ce nationalisme. Il est inutile de préciser que la critique acerbe du communisme et du marxisme jouait un rôle important, non seulement dans Idées mais dans l’ensemble des cercles conservateurs et droitiers serbes. Le Comité antimarxiste yougoslave opérait à Belgrade et éditait son bulletin. Dans ce contexte, il convient de souligner l’influence de l’émigration russe-blanche dans la capitale, une donnée importante de la vie culturelle. Leur critique du marxisme fut en effet très bien accueillie par la droite serbe.

    En plus de Crnjanski, qui servit un certain temps à Berlin comme attaché de presse de la diplomatie yougoslave, le philosophe et théologien orthodoxe Dimitrije Najdanović, qui fit son doctorat à Berlin, fut également très influencé par les auteurs de la Révolution conservatrice. Najdanović publia notamment dans des revues chrétiennes, et l’on peut inférer de ses écrits qu’il comptait Bergson, Spengler, Scheller, Moeller van den Bruck, Heidegger ou encore Carl Schmitt parmi ses références.

    On doit cependant ajouter que, durant l’entre-deux-guerres, ces influences étaient entremêlées. Dans Idées, écrivaient aux cotés de Crnjanski le disciple de Maurras Momir Nikolić, le théologien Najdanović mais également des intellectuels de renom qu’on ne pourrait assurément classer à droite. D’un autre côté, dans une revue orthodoxe comme Pensée chrétienne (Hrišćanska misao) on pouvait trouver par exemple des traductions d’article de Moeller van den Bruck. De plus, Najdanović fut membre du mouvement Zbor, contrairement à Nikolić et Crnjanski.

    Les affinités idéologiques s’accompagnaient de liens personnels. Par exemple, au cours de son séjour à Berlin comme ambassadeur du royaume de Yougoslavie, Ivo Andrić se rapprocha de Carl Schmitt, d’Ernst Jünger et d’Arno Brecker. Il n’existe cependant que des témoignages indirects de ces contacts, la correspondance d’Andrić n’ayant pas été conservée.

    ÉLÉMENTS : Quelle réception les travaux des intellectuels de la Nouvelle Droite, tels qu’Alain de Benoist ou Guillaume Faye, ont-ils pu avoir en Serbie ? Peut-on observer une évolution de la droite serbe vers des positions identitaires ?

    DUŠAN DOSTANIĆ. Comme nous l’avons établi précédemment, il n’y eut pas, même durant l’entre-deux-guerres, un développement rectiligne de la droite serbe, mais diverses influences et tendances y ont coexisté. La chute du communisme ouvrit l’espace pour un développement idéologique plus poussé. D’une part, la droite serbe dut à nouveau découvrir ses racines du xixe et du xxe siècles et d’autre part, rattraper l’évolution des courants de la droite européenne contemporaine et s’orienter vers des problématiques politiques concrètes. L’émigration serbe joua un rôle notable dans ce travail. Dès les années 90, le public serbe put découvrir les œuvres traduites de Konrad Lorenz, Ernst Jünger, Thomas Molnar, mais aussi d’auteurs comme Julius Evola, René Guénon ou encore Alexandre Douguine. Sans surprise, Douguine devint rapidement très populaire. Les livres d’Alain de Benoist et de Guillaume Faye furent traduits un peu plus tard. Bien qu’il fût publié par un éditeur de petite envergure, il me semble que Communisme et nazisme. 25 réflexions sur le totalitarisme au xxsiècle, 1917-1989 fut très bien reçu en Serbie, aussi bien à droite que dans les cercles académiques. Cependant, je dirais que l’excellente étude d’Alain de Benoist Carl Schmitt actuel est passée relativement inaperçue malgré l’intérêt réel pour l’œuvre de Carl Schmitt en Serbie. L’Archéofuturisme de Guillaume Faye a été également très bien reçu, probablement en raison du titre évocateur de l’ouvrage. Il existe d’ailleurs ici une organisation intellectuelle de jeunesse nommée « Arheofutura ». Grâce aux traductions anglaises et allemandes de ses œuvres, Dominique Venner a lui aussi atteint une certaine popularité dans les cercles de droite serbe.

    Armin Mohler est un autre auteur de Nouvelle Droite traduit en serbe. Il y a quelques années, j’ai, avec mon collègue Aleksandar Novaković, édité le recueil Ordre et liberté (Poredak i sloboda) dans lequel on retrouve Alain de Benoist, Götz Kubitschek, Erik Lehnert, mais également des représentants plus anciens de la Nouvelle Droite, comme Armin Mohler ou Gerd-Klaud Kaltenbrunner.

    D’une certaine manière, la droite serbe a toujours eu un caractère identitaire prononcé, il en découle ainsi que plusieurs postulats idéologiques fondamentaux de la Nouvelle Droite peuvent être considérés par elle comme allant de soi. Sous le joug ottoman, alors qu’il n’existait plus d’État, ce fut l’Église orthodoxe serbe qui protégea l’identité et la mémoire historique de notre peuple, ce qui explique qu’ici la question de l’identité collective ait toujours joué un rôle de première importance. Il ne faut pas oublier que le peuple serbe a déjà vécu des expériences historiques négatives avec l’islam, le prosélytisme catholique, le communisme et les promoteurs du mondialisme, en d’autres termes avec l’« idéologie du même » (Alain de Benoist). On observe ici clairement une tension entre un universalisme uniformisant et une volonté de préserver ses spécificités concrètes. Plus simplement, les Serbes furent les premières victimes du mondialisme, mais également le premier peuple européen à s’y opposer, au prix fort. Cette opposition fut à l’époque plus instinctive que réfléchie et se dévoila alors que la Serbie se trouvait seule et sans alliés. C’est pourquoi il est complètement compréhensible pour les Serbes que la question identitaire devienne un enjeu politique décisif de notre siècle.

    ÉLÉMENTS : Les droites occidentales perçoivent souvent le Kosovo comme un avertissement quant à l’avenir des territoires menacés par l’immigration de masse et l’islamisation. Pensez-vous qu’en Serbie il soit possible de relier le traditionnel « mythe du Kosovo » à ces problématiques actuelles ?

    DUŠAN DOSTANIĆ. Je pense que c’est exact. À l’époque où Enoch Powell s’est fait connaître par son « discours des fleuves de sang », dans lequel il avertissait ses compatriotes des conséquences de l’immigration massive – « Je contemple l’avenir et je suis rempli d’effroi. Comme les Romains, je vois confusément le Tibre écumant de sang » –, l’allusion était plus que claire : si rien n’était fait pour stopper l’immigration incontrôlée, la Grande-Bretagne risquait de connaître à l’avenir des troubles, des conflits, voire une guerre civile, en d’autres termes, des fleuves de sang. Bien qu’à l’époque on n’eût pas encore connu les attentats terroristes islamistes et les décapitations, il ne fallait pas beaucoup d’imagination à Powell pour esquisser dans les grandes lignes ce que l’immigration de millions d’Indiens, de Pakistanais et d’Africains allait infliger à son pays. Pourquoi ce rappel ? Au moment où Powell sacrifiait sa propre carrière politique en alertant le public sur le remplacement des autochtones, les Serbes du Kosovo-et-Métochie abandonnaient déjà leurs foyers face au terrorisme agressif de la minorité albanaise. Les responsables communistes étaient alors aussi aveugles sur les questions identitaires que le sont aujourd’hui les politiciens de gauche libérale-écolo, drapés du drapeau arc-en-ciel. Ils ouvrirent grand la porte aux « réfugiés » d’Albanie et les aidèrent à s’installer pour démontrer leur propre ouverture d’esprit. Les communistes de l’époque, tout comme les libéraux d’aujourd’hui, ne comprenaient pas l’importance des frontières. Face aux premiers témoignages des violences subies par les Serbes du Kosovo-et-Métochie, les autorités menèrent la politique de l’autruche, affirmant que ces rapports étaient exagérés ou bien des incidents isolés. Les dirigeants communistes octroyèrent aux nouveaux arrivants un statut plus qu’autonome alors que ceux-ci attaquaient les sœurs des monastères médiévaux serbes, chassaient les Serbes des villages et des villes, profanaient leurs cimetières. La police, la justice et l’économie passèrent toute progressivement sous contrôle albanais. Il n’y eut pourtant aucun responsable de la Ligue communiste yougoslave qui voulut parler de ceci et risquer ainsi sa carrière comme le fit le Britannique Powell. Les Serbes du Kosovo-et-Métochie s’exilaient, tandis que d’autres allaient à Belgrade exiger la justice pour eux-mêmes et leurs enfants, ne rencontrant que l’incompréhension. Prisonniers de leur idéologie économiste, les communistes affirmèrent qu’à la racine de chaque conflit ethnique, on trouvait des problèmes sociaux, en l’espèce des résidus de nationalisme qui disparaîtraient avec le temps.

    La réalité finit cependant toujours par s’imposer d’elle-même, y compris alors que les politiciens essaient de l’ignorer. Finalement, comme l’annonçait la prophétie de Powell, les conflits armés sont arrivés. Il me semble qu’un tel scénario est également inévitable en Europe occidentale. Il est vrai que la Serbie s’est retrouvée en guerre contre l’OTAN, et qu’après cette agression, le Kosovo-et-Métochie reçut le statut de protectorat international jusqu’à ce que les Albanais déclarent unilatéralement et illégalement leur indépendance en 2008. Et pourtant, le sujet n’est toujours pas clos pour les Serbes. Le Kosovo représente une terre sainte pour le peuple serbe, le berceau de leur souveraineté et il s’agit du lieu où s’est déroulé la bataille du Kosovo. Autrement dit, il possède une place particulière dans la conscience serbe. Jusqu’à la première Guerre des Balkans, les Serbes rêvaient et attendaient la libération du Kosovo. Les soldats qui se distinguèrent au cours de cette guerre reçurent une médaille sur laquelle était inscrit « Vengeurs du Kosovo », ce qui signifie qu’ils étaient ceux qui avaient vengé la défaite de l’État médiévale serbe en 1389. Quand nous parlons du Kosovo comme terre sainte, c’est pour dire que l’on ne marchande pas avec le sacré. C’est pourquoi la jeunesse nationaliste continue de chanter et d’évoquer le Kosovo-et-Métochie, arborant les drapeaux frappés du slogan « Pas de capitulation ! » (Nema predaje!)

    Pour résumer, le Kosovo est inextricablement lié aux problèmes actuels de l’Europe. Notre survie en tant que peuple sur notre propre sol dépendra de notre volonté et de notre force.

    ÉLÉMENTS : Certains se représentent la Serbie comme une marge orientale de l’Europe blanche, une croyance que partagent également une partie des Serbes eux-mêmes. Qu’y répondriez-vous ?

    DUŠAN DOSTANIĆ. Il est vrai que la relation entre les Serbes et le reste de l’Europe a pu être compliquée. Si nous devions rentrer dans les détails, cela nous prendrait beaucoup plus de place, mais l’on doit bien reconnaître que, parmi les conservateurs européens, certains ont observé les peuples orthodoxes, Serbes inclus, avec scepticisme, un point de vue tenu par exemple par Otto von Habsbourg. L’historien allemand Heinrich August Winkler, dans son ouvrage L’Occident s’effondre-t-il ? (ndt : Zerbricht der Westen, non-traduit) exclut ainsi les Serbes et les Russes de l’Occident. Évidemment, on doit alors se poser la question : qu’est-ce que l’Occident ? Est-ce un concept vide de sens et quelle est la relation entre Occident et Europe ?

    De leur côté, les Serbes ont toujours été conscients de leur appartenance à la grande communauté des peuples européens. Néanmoins, une partie des Serbes s’est sentie trahie et abandonnée par l’Europe. En effet, les Serbes se sont pensés au fil des siècles comme les gardiens des portes de l’Europe face aux incursions de l’islam venu d’Asie, mais les États européens ont, durant les guerres de Yougoslavie, préféré soutenir les musulmans en Bosnie et au Kosovo contre eux. Tout cela s’est finalement terminé par l’agression de l’OTAN contre la Serbie, l’occupation de fait du Kosovo-et-Métochie, la destruction du patrimoine culturel serbe en 2004 et enfin la proclamation unilatérale d’indépendance en 2008, que la plupart des pays européens reconnaissent. Il est difficile de comprendre que l’Europe s’inquiète des « droits de l’Homme » partout dans le monde tout en ignorant le fait que les Serbes du Kosovo-et-Métochie, c’est-à-dire sur le territoire européen, vivent encore aujourd’hui dans des enclaves entourées de barbelés. Les monastères médiévaux serbes menacés au Kosovo ne font-ils pas partie du patrimoine culturel européen ? On peut se demander également pourquoi l’Europe se préoccupe autant de l’intégrité territoriale de l’Ukraine, au point de se préparer à l’éventualité d’une guerre ouverte avec la Russie, tout en ignorant celle de la Serbie. Si nous prenons en compte le cas de la République serbe (Republika Srpska) au sein de la Bosnie-Herzégovine, on constate une volonté de marginaliser l’élément serbe. Enfin, et ce n’est pas le moins important, il est visible que la bureaucratie bruxelloise considère la Serbie comme un réservoir potentiel de matières premières bon-marché. En ce qui me concerne, cela ouvre la question des rapports de l’Europe non pas juste avec la Serbie, mais avec elle-même. Les Serbes font partie de l’Europe d’un point de vue géographique, historique, culturel et ethnique. Notre origine, notre histoire, notre foi, notre tradition, nos habitudes et notre mode de vie nous font faire partie de la communauté des peuples européens, tout en conservant évidemment nos spécificités locales. Comme on le sait bien, la Serbie fut l’un des pays situés sur la soi-disant « route des Balkans » en 2015 et fut témoin de l’arrivée massive et incontrôlée de migrants issus d’une culture étrangère en Europe. Je le répète, nous avons déjà expérimenté historiquement et négativement l’islam. Cependant, la vraie question reste de savoir si l’Europe souhaite préserver son identité, sa culture et son héritage ou si elle tend à ne devenir qu’une simple partie de l’Occident mondialisé. Plus l’Europe sera européenne et consciente de son identité, plus la Serbie y prendra facilement la place qui lui revient de droit.

    Dušan Dostanić, propos recueillis et traduits par Miloš Milenković (Site de la revue Éléments, 19 mai 2025)

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  • L’ « assimilation », vieille utopie pour une France devenue « colonie de ses colonies »…

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Bernard Lugan cueilli sur le site de L' Afrique réelle et consacré à la vieille lune de l'assimilation.

    Historien et africaniste, Bernard Lugan a publié de nombreux ouvrages, dont Histoire de l'Afrique (Ellipses, 2009), Atlas historique de l'Afrique (Rocher, 2018), Esclavage, l'histoire à l'endroit (L'Afrique réelle, 2020) et dernièrement Pour répondre aux « décoloniaux », aux islamo-gauchistes et aux terroristes de la repentance (L'Afrique réelle, 2021).

    Il est également l'auteur de deux romans avec Arnaud de Lagrange, Le safari du Kaiser (La Table ronde, 1987) et Les volontaires du Roi (réédition : Balland, 2020) ainsi que d'un récit satirique, Le Banquet des Soudards (La Nouvelle Librairie, 2020).

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    L’ «assimilation», vieille utopie pour une France devenue «colonie de ses colonies»…

    Trois semaines après les dévastations subies par la France, tétanisés devant un réel qu’ils niaient et qui a fini par leur  exploser au visage, les responsables politiques n’ont qu’un remède à proposer : l’« ASSIMILATION ». Vieil avatar de l’utopie universaliste, cette nuée ne permettra évidemment pas de transformer ceux qui « niquent la France » en Français de cœur… Retour sur l’histoire.
     
    En 1937, le Manifeste du PPA (Parti populaire algérien) qualifiait l’assimilation « d’utopie chimérique (car) nous ne serons jamais Français, ni par la race, ni par la langue, ni par la religion ».
     
    En 1945, Edouard Herriot, grande conscience « humaniste » disait que l’ « assimilation » ferait de la France « la colonie de ses colonies ».
     
    Le général de Gaulle dont toute la classe politique française se réclame aujourd’hui, considérait pour sa part  l’« assimilation » comme « un danger pour les Blancs, une arnaque pour les autres » dont la conséquence ferait que « Colombey-les-Deux-Eglises (deviendrait) Colombey-les-Deux-Mosquées ! »
     
    Durant la période coloniale la France tenta une politique d’ « assimilation ». Son postulat était que, grâce à la diffusion de la culture et de la langue française, colonisés et colonisateurs coaguleraient au sein d’une même nation sous les plis du drapeau tricolore…et pour la plus grande gloire de la République française universelle…
     
    L’échec fut à la hauteur de l’illusion. Cependant, aucune leçon n’en fut tirée puisque la classe politique française parle de nouveau d’« assimilation ».
    Or :
     
    - Comment « assimiler » une déferlante migratoire devenue majoritaire sur une partie du territoire français et qui impose peu-à-peu ses normes vestimentaires, alimentaires, culturelles, juridiques et religieuses sur l’ensemble du pays?
     
    - Comment oser parler d’ « assimilation » quand, par leurs déclarations irresponsables au sujet de la colonisation, François Hollande et Emmanuel Macron ont humilié la France, ne donnant ainsi guère envie aux « citoyens du monde » de s’y assimiler ?
     
    - Comment imaginer que la solution est l’ « assimilation » quand la France qui accueille, nourrit, habille, soigne, loge et éduque des millions d’étrangers, est présentée comme une nation « génétiquement esclavagiste et raciste » ?
     
    - Comment les partisans de l’ « assimilation » vont-ils concrètement proposer leur « martingale » à des groupes animés par un sentiment à la fois revanchard et conquérant ? Notamment à Madame Houria Bouteldja qui ne craint pas de dire que :
     
    « Notre simple existence, doublée d’un poids démographique relatif (1 pour 6) africanise, arabise, berbérise, créolise, islamise, noirise, la fille aînée de l’Eglise, jadis blanche et immaculée, aussi sûrement que le sac et le ressac des flots polissent et repolissent les blocs de granit aux prétentions d’éternité (…) ».
     
    - Comment assimiler des francophobes assumés, dont Madame Hafsa Askar, vice-présidente du syndicat étudiant UNEF, qui a osé dire le 15 avril 2019, jour de son incendie :
     
    « Je m’en fiche de Notre-Dame de Paris, car je m’en fiche de l’histoire de France…Wallah  …on s’en balek (traduction : on s’en bat les c…), objectivement, c’est votre délire de petits blancs ».
     
    Une Hafsa Aksar qui a également pu déclarer sans être immédiatement traduite devant les tribunaux :
    - « On devrait gazer tout (sic) les blancs (resic) cette sous race.
    - « Tout ce que j’ai à dire c’est les blancs ( sic) arrêtez de vous reproduire ».
    - « Non à la mixité avec les blancs (sic)»
    - « Je suis une extrémiste anti-blanc »
    - « Le monde serait bien mieux sans les blancs (sic) » etc.,
     
    - Comment les héritiers des « Lumières » qui gouvernent la France en la conduisant avec application sur les pentes de la disparition peuvent-ils parler d’« assimilation » quand ceux qu’ils prétendent « assimiler » rejettent leurs dogmes fondateurs, qu’il s’agisse des « valeurs de la République », des « droits de l’homme », du « vivre ensemble » ou de la « laïcité » ?
     
    La vérité est que ceux qui croyaient aux chimères du sacro-saint laïcisme républicain ne voient pas que leur idéologie est morte. Prisonniers de l’immédiat, sans mémoire, sans culture et sans courage, ils ne voient pas qu’un cycle s’achève et qu’un nouveau émerge dans le chaos.
    Aux porteurs des forces créatrices de saisir cette opportunité historique pour imposer un salutaire changement de paradigme. Autrement, les civilisations étant mortelles, la population indigène, celle qui a créé la France devra s’adapter au changement anthropologique en cours. Donc accepter de ne plus être chez elle sur la terre de ses ancêtres… Comme les Serbes au Kosovo…
     
    Bernard Lugan (L'Afrique réelle, 20 juillet 2023)
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  • Les hommes libres...

    Les jeunes et dynamiques éditions Bios viennent de publier un récit autobiographique de Frédéric Lynn intitulé Les hommes libres. Enfant de classe moyenne, Franco-américain, Frédéric Lynn, né en 1988, a vécu la majeure partie de sa vie en Haute Normandie, à la campagne. Il étudie le théâtre et les arts graphiques à Lyon puis compose de la musique mais connait rapidement le chômage et la rue. Militant nationaliste, son goût pour la géopolitique et le voyage l'amène à découvrir la Serbie, avant de s'engager dans l'Est de l'Ukraine au côté des rebelles pro-russe, puis plus tard en Irak.

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    " « J'ai commencé ce livre en Ukraine. Être volontaire est bien plus compliqué que de «ramasser un fusil et d'aller se battre». La difficulté est de persister envers et contre toutes les frustrations, les déceptions et les trahisons.

    La difficulté est d’affronter ses propres contradictions. Je suis parti au Donbass jeune, la tête emplie d'idées tourbillonnantes et de fureur adolescente. J'en suis sorti autre et la plupart de mes camarades aussi. Changés sur un plan moléculaire. Tellement intime, tellement profond, que la majorité d'entre nous n'en parleront jamais. Beaucoup choisissent le silence, et moi-même, j'ai souvent failli abandonner ce livre.

    La guerre au Donbass a été traitée essentiellement par des analystes, des politiciens ou des idéologues mais il n’existe pas de témoignages de soldat et de sa vie quotidienne sur le front.

    Ce n'est pas un livre « de guerre » au sens classique du terme. Nos arrestations multiples, nos passages illégaux de frontières, nos attentes, nos romances, nos intrigues, nos misères et nos joies quotidiennes appartiennent autant à la guerre que les combats eux-mêmes.

    Les faits et les personnages, qu'ils soient héroïques ou sordides, constituent la raison d'être de ce livre. Je n'ai pas honte d'avoir participé à cette guerre. Au contraire, comme disait un modèle de mon enfance, « je n'ai qu'un seul regret, c'est de ne pas m'être engagé plus tôt ». L'un des personnages de ce livre se plaisait à décrire le phénomène de la parallaxe : « un fait ne peut être perçu par différentes personnes que de leur point de vue individuel et donc, limité. » Ce n'est qu'en additionnant les points de vue que l'on obtient une idée de la réalité.

    Ce récit est ma contribution. » "

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  • Les fossoyeurs de l'Occident...

    Les éditions Apopsix viennent de publier un essai de Louis Dalmas intitulé Les fossoyeurs de l'occident - Essai sur le Nouveau Désordre Mondial. Journaliste, Louis Dalmas a fondé en 1996 le mensuel Balkans Infos (maintenant B.I.) pour prendre la défense de la cause serbe. Il est aussi l'auteur de plusieurs essais comme La pensée asphyxiée (L'Age d'homme, 2000) ou Le crépuscule des élites (Tatamis, 2008).

     

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    " Supposez que vous soyez dans un avion sans contrôle au milieu d'un orage. Le chef de bord a eu un malaise et s'est évanoui. L'avion pique du nez. La chute menace d'être fatale. Tout à coup, vous apercevez sous un siège une sorte de manuel. Le titre : « L'avion. Comment il fonctionne. Que faire en cas de pépin ». Une lueur dans le cauchemar. Un moyen d'en sortir ? Peut-être une chance d'être sauvé. Vous croyez que, dans la merde où vous êtes, vous n'y jetteriez pas un coup d'œil ? Eh bien, dans la merde, vous y êtes. Et pas dans un simple avion à la dérive, mais dans tout l'espace occidental ! Pas seulement avec un pilote dans le cirage, mais au service d'un empire dirigé ou par des fous, ou par des cyniques qui se veulent les maîtres du monde et prévoient de s'enrichir en reconstruisant ce qu'ils auront détruit. Vous ne croyez pas que cela vaudrait le coup de feuilleter ce livre ? Non seulement ça vaudrait le coup, mais ça urge. Alors, faites un effort. Ouvrez-le et lisez. Il n'a pas la prétention de traiter de tous les sujets ni de résoudre tous les problèmes. Mais il offre quelques explications de ce qui nous arrive, qui ne sont pas celles données habituellement. Et qui peuvent peut-être aider à y voir plus clair. "

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  • Balkans : un éclatement programmé...

    Les éditions Xénia viennent de publier un essai d'Alexis et Gilles Troude intitulé Balkans : un éclatement programmé. Spécialistes de l'ex-Yougoslavie, les auteurs reviennent, vingt ans après le début du  processus de dissolution de ce pays, sur cette crise, dont les principaux bénéficiaires ont été les Etats-Unis au travers de l'OTAN... 

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    "L’éclatement de la Yougoslavie, dés les années 1991-1992, accompagné de guerres civiles meurtrières, fut un grand traumatisme européen. Ce fut également le modèle et le banc d’essai de toutes les ingérences occidentales de l’ère post-soviétique, justifiées par la défense des minorités et des droits de l’homme, mais sous-tendues par des objectifs géopolitiques précis.
    Vingt ans plus tard, alors que les armes se taisent et que les passions paraissent endormies, Alexis-Gilles Troude jette un regard rationnel sur ces événements déjà entrés dans l’histoire.
    Présentées à l’époque, en Occident, comme des insurrections spontanées et autonomes des peuples assoiffés de liberté et de démocratie contre le pouvoir centralisateur de Belgrade, les sécessions des années quatre-vingt-dix révèlent une implication lourde des facteurs étrangers, notamment américains, tant sur le plan militaire et diplomatique que dans le domaine du conditionnement de l’opinion.
    Mettant en évidence les circonstances réelles de cette recomposition, cet ouvrage se penche également sur le destin des nouveaux Etats créés sur le territoire yougoslave et sur leurs chances de stabilisation et de survie dans le contexte actuel. Soulevant autant de questions qu’il apporte de réponses."

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  • Un héros trahi par les alliés...

    Les éditions Perrin viennent de rééditer dans leur collection de poche Tempus, Mihailovic - Héros trahi par les Alliés, une biographie du général serbe écrite par Jean-Christophe Buisson. Ce dernier, journaliste au Figaro Magazine et spécialiste des Balkans, est aussi l'auteur d'un ouvrage consacré au général Vlassov, autre figure tragique de la deuxième guerre mondiale...

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    "Le 17 juillet 1946, le général Draza Mihailovic est fusillé par les communistes yougoslaves au terme d'une parodie de procès. Avec sa mort disparaît le chef de la résistance monarchiste anti-allemande, dernier obstacle à la conquête de la Yougoslavie par Tito. Né en 1893 au coeur de la vieille Serbie, décoré à de multiples reprises durant les deux guerres balkaniques (1912-1913) et la Première Guerre mondiale, Mihailovic intègre ensuite l'état-major de l'armée yougoslave. Après un séjour de quelques mois en France, il est nommé attaché militaire à Sofia puis à Prague. Ses
    avertissements contre le danger allemand ne sont pas entendus : la Yougoslavie est balayée en quelques jours par l'offensive du IIIe Reich d'avril 1941. Refusant la défaite, il rejoint le plateau de Ravna Gora où il crée la première guérilla de résistance en Europe occupée. En quelques mois, des dizaines de milliers d'hommes se rangent derrière lui, pour une Yougoslavie libre et royale. Depuis Londres, le roi Pierre II le nomme ministre de la Guerre du gouvernement yougoslave en exil. Après l'entrée en résistance des partisans de Tito en juillet 1941 et l'échec d'une action commune contre l'ennemi nazi, les troupes de Mihailovic doivent combattre sur plusieurs fronts : contre les Allemands, contre les oustachi croates alliés de Hitler, enfin contre les communistes. D'abord considéré comme le héros du monde libre par les Alliés, « le Chouan de Serbie » est abandonné par ceux-ci après des tractations entre Churchill et Staline. Les titistes ne parviennent à s'emparer de lui qu'en mars 1946 alors qu'il est encore à la tête d'une armée de plusieurs dizaines de milliers d'hommes. Draza Mihailovic fut autant victime de l'infiltration des services d'espionnage alliés par
    les agents communistes que par le cynisme et la lâcheté de l'Occident. Surtout, son destin tragique incarne celui de nombreux peuples européens, victimes successives de deux totalitarismes du XXe siècle."

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