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réaction

  • Tour d'horizon... (237)

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    Au sommaire cette semaine :

    - sur The Conversation, Elodie-Laure Jimenez dresse un tableau renouvelé des origines ancestrales du chien grâce à l'apport des études de paléogénétique sur le loup...

    Le chien descend-il vraiment du loup ?

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    - sur Rage, Marc Daniel revient sur le roman Dune de Frank Herbert qui présente une société dans laquelle tradition et hyper-technologie cohabitent...

    Dune : la Technologie comme fondement de la Réaction

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  • Notre ennemi, le capital...

    Les éditions Flammarion publient cette semaine, dans leur collection Climats, le nouveau livre de Jean-Claude Michéa intitulé Notre ennemi, le capital. Critique essentiel du système et de la gauche du capital, Jean-Claude Michéa est l'auteur d'essais dont la lecture est indispensable comme Impasse Adam Smith (Flammarion, 2006), Le complexe d'Orphée (Flammarion, 2011) ou Les mystères de la gauche (Flammarion, 2013).

     

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    « Si l'on veut réellement rassembler la grande majorité des classes populaires autour d'un programme de déconstruction graduelle du système capitaliste (et non pas simplement accroître ses privilèges électoraux), il faut impérativement commencer par remettre en question ce vieux système de clivages fondé sur la "confiance aveugle dans l'idée de progrès", dont les présupposés philosophiques de plus en plus paralysants (du type "parti de demain" - celui de la Silicon Valley - contre "parti d'hier" - celui de l'agriculture paysanne ou de la culture du livre) ne cessent d'offrir depuis plus de trente ans à la gauche européenne le moyen idéal de dissimuler sa réconciliation totale avec le capitalisme sous les dehors beaucoup plus séduisants d'une lutte "citoyenne" permanente contre toutes les idées "réactionnaires" et "passéistes". »

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  • Les pétitionnaires de l'exclusion...

    Nous reproduisons ci-dessous un article de l'Observatoire des journalistes et de l'information médiatique qui décrypte finement la pseudo-affaire Gauchet, déclenchée cet été par deux jeunes rebellocrates plein d'avenir, qui ont voulu faire du philosophe une figure de la réaction et la "France moisie" ...

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    Edouard Louis et Geoffroy de Lagasnerie

     

    Les pétitionnaires de l'exclusion

    La pétition d’Édouard Louis et de Geoffroy de Lagasnerie contre le philosophe Marcel Gauchet a lancé la traditionnelle polémique de la rentrée début août. Mais cette fois, ce fut un flop.

    Le 31 juillet, l’écrivain Édouard Louis et le sociologue Geoffroy de Lagasnerie publient une tribune dans Libération pour appeler au boycott des « Rendez-vous de l’Histoire » de Blois qui se tiendront du 9 au 12 octobre prochain, événement auquel ils étaient conviés et dont ils viennent de se soustraire, sous prétexte que celui-ci serait cette année inauguré par Marcel Gauchet, qualifié de « militant de la réaction ». En 2012, ce fut l’écrivain Richard Millet ; en 2013, l’acteur et historien amateur à succès Lorant Deutsch ; cette année, c’est donc le philosophe Marcel Gauchet qui se trouve sur le bûcher dressé par les inquisiteurs pour aborder la rentrée par une bonne purification idéologique, comme c’est devenu une habitude dans ce pays autrefois célèbre pour sa passion du débat et sa liberté de ton. Si Millet fut socialement consumé et Deutsch vaguement chahuté, cette fois-ci le feu n’a pas pris, et peut-être même que l’affaire aura pour une fois davantage décrédibilisé les chasseurs que la prétendue sorcière. Pourquoi ? La mécanique s’enraye-t-elle ? Édouard Louis est-il trop jeune et encore novice dans la pratique du lynchage de l’adversaire ? La stratégie trop maladroite ? L’attaque précipitée ? Le bouc émissaire mal choisi ? Un peu tout cela à la fois. Voici en tout cas l’occasion pour l’OJIM de revenir sur cette affaire comme sur l’alliance politique entre intellectuels et médias, de sa phase héroïque à son virage inquisiteur.

    L’intellectuel insurgé

    Si cet événement consistant à voir des intellectuels s’insurger avec virulence dans la presse contre un fait déclaré inacceptable est si classique en France, c’est qu’il s’appuie sur un héritage particulièrement glorieux dans notre pays, au point d’être constitutif des mythes nationaux. Le modèle initial en est bien sûr Voltaire, dont le rayonnement fut considérable tant en France qu’à travers toute l’Europe au siècle des Lumières. L’écrivain s’illustrait notamment dans l’affaire Calas ou celle du chevalier de La Barre, prenant la défense de victimes d’erreurs judiciaires, condamnées par l’instinct de lynchage de la foule et les inclinaisons du pouvoir contre les minorités (protestants ou libres-penseurs). L’autre grand moment de cette geste est le fameux « J’accuse ! » d’Émile Zola dans L’Aurore où c’est, cette fois, au cours de l’affaire Dreyfus, le préjugé antisémite qui conduit à l’erreur judiciaire. Monument du genre, la tribune de l’écrivain naturaliste a redoublé son impact avec le temps du fait des événements du XXème siècle qui conférèrent à sa révolte de 1898 une dimension visionnaire. De ces actes de bravoure s’est donc forgée une figure légendaire de l’intellectuel défiant par voie de presse l’opinion et le pouvoir afin de réparer des injustices et mettre en garde contre les dérives criminelles de l’air du temps.

    Postures et impostures

    Cependant, la première chose à noter, c’est que les conditions dans lesquelles intervenait l’intellectuel héroïque du XVIIIème ou de la fin du XIXème siècle ont fortement changé, et que, par conséquent, il ne suffit pas d’en reproduire la posture pour en imiter la bravoure. À l’époque de Voltaire, la presse est alors un vrai contre-pouvoir naissant permettant de développer des discours alternatifs aux discours officiels et autoritaires émanant de l’Église ou de l’État royal. Aujourd’hui, non seulement l’Église a perdu toute influence, ou presque, dans le débat public, mais surtout, le pouvoir médiatique est quasiment devenu le premier pouvoir auquel même le politique se trouve souvent soumis. En somme, s’exprimer dans Libé ne revient pas à prendre le maquis, mais bien à monter en chaire devant les fidèles. Ensuite, le courage d’un Voltaire ou d’un Zola tient au fait qu’ils se dressent d’abord seuls contre l’instinct de lynchage et la pression du pouvoir. Lors de l’affaire Millet, en 2012, Annie Ernaux vient avec 150 signataires demander l’éviction d’un écrivain. Il ne s’agit donc pas de se confronter à une foule enfiévrée par la haine, mais seulement à un intellectuel, et de s’y confronter tous contre seul, avec l’appui officieux du pouvoir, en témoignera l’intervention du premier ministre de l’époque, Jean-Marc Ayrault. Après l’appel au boycott des rendez-vous de Blois, et étant données les premières réactions négatives, Louis et Lagasnerie se fendront d’une nouvelle tribune le 6 août, renforcés d’une tripotée de signataires, pour faire nombre contre leur cible. Une grande partie des crimes moraux qui sont cette fois reprochés à Gauchet comme des arguments imparables – ses réticences au mariage gay ou ses mises en garde contre les dérives de l’antiracisme – sont ainsi des désaccords avec la politique du gouvernement en fonction ! La posture rejoint donc la pire des impostures, et si nous devions transposer l’attitude des Ernaux ou des Louis au siècle des Lumières, nous ne verrions pas une armée de Voltaire s’insurgeant contre l’injustice, mais bien des curés du parti dévot désignant au roi et à la vindicte populaire un protestant isolé et suspect pour ne pas communier à la religion officielle. De même que les nazis se déguisaient en chevaliers teutoniques en se comportant comme de vulgaires équarisseurs, nos pétitionnaires se glissent dans la panoplie de Zola pour jouer in fine les délateurs de service.

    Le parti de l’intelligence

    Une autre des distorsions frappantes entre le mythe originel et la réalité de ces attaques devenues rituelles, c’est qu’il s’agit dans le premier cas de l’insurrection d’une intelligence libre contre les passions de la foule et les intérêts du pouvoir, alors que les cibles actuelles, quand elles se trouvent être Richard Millet ou Marcel Gauchet, sont des intellectuels de premier ordre, avec lesquels on ne souhaite pas débattre mais que l’on exige de voir bâillonnés. Ce sont les accusateurs qui sont soumis à la passion militante et ce sont eux, encore, qui ont un intérêt en jeu, celui de se faire un nom sur le dos de l’homme à abattre. Il n’est qu’à voir la liste des signataires qu’avait réunis Ernaux : la plupart n’étaient que des écrivaillons médiocres et obscurs qui obtinrent la démission d’un des plus grands écrivains français vivants du comité de lecture de Gallimard. Quant aux noms célèbres qui paraphent la seconde tribune de Louis et Lagasnerie, ils posent tout de même quelques questions. Voir la chanteuse de variétés Jil Caplan ou le chansonnier Dominique A. demander le boycott de Marcel Gauchet, c’est un peu comme si Annie Cordy et Michel Sardou avaient exigé l’annulation d’une conférence de Jean-Paul Sartre ! Quant à Édouard Louis lui-même, sa renommée très fraîche tient au succès de son premier roman En finir avec Eddy Bellegueule, sorti cette année même au Seuil, livre où il décrit la difficulté, quand on est homosexuel, de grandir au milieu des beaufs racistes de province. Ce garçon, un vrai cliché littéraire à lui tout seul, grisé par son petit triomphe, s’empresse donc d’endosser un autre cliché en attaquant Marcel Gauchet, et c’est ainsi que le plumitif de 21 ans (!) paré d’un vague succès de librairie, se met en tête d’avoir celle d’un ponte de la philosophie contemporaine allant sur ses soixante-dix ans…

    Rebellocrates associés ©

    Mais le plus comique dans cette histoire, là où elle rejoint presque littéralement un texte de Philippe Muray, c’est le cœur même de la discorde, soit l’intitulé des « Rendez-vous de l’Histoire » de cette année qui devaient se dérouler autour de la figure du rebelle, nos pétitionnaires jugeant Gauchet indigne d’aborder un tel sujet pour n’être pas un rebelle conforme. Si l’on suit Louis et Lagasnerie, un rebelle autorisé est un rebelle favorable aux grèves de 95, adhérant aux associations féministes et antiracistes ultra subventionnées et favorable au « mariage pour tous » aujourd’hui bel et bien inscrit dans nos textes de lois… Et il est par ailleurs évident qu’un rebelle est quelqu’un de particulièrement vigilant quant à l’intégrité idéologique d’un événement institutionnel auquel il a été convié en raison de ses bons services en termes de rébellion… En somme, suprême paradoxe orwellien, un rebelle est un conformiste bien en cour qui ne plaisante pas avec les directives du pouvoir en place. Après « l’intellectuel insurgé » forcément juste et rebelle, on retrouve un autre poncif d’une certaine gauche, celle du « rebelle », forcément juste et moralement admirable. D’où le syllogisme : s’il est juste d’être pour le mariage gay, il est rebelle de l’être. Sauf que contextuellement, les rebelles actuels sont plutôt à chercher du côté des militants de la Manif pour tous, de Dieudonné, des décroissants, des maires FN ou des sympathisants d’Al Quaida. La posture rebelle n’infère en elle-même aucune qualité morale particulière. Rebelle, Satan l’est comme Jeanne d’Arc, Antigone, de Gaulle ou les membres de l’OAS…

    La mythologie contre la pensée

    Si cette pseudo intelligentsia médiatique ne voit même plus l’ampleur de ses contradictions, c’est précisément parce que cela fait un certain temps qu’elle a déserté le champ de la pensée pour ne plus souscrire qu’à une mythologie datée qui lui tient lieu de programme et de vertu. On pourrait soulever dans son discours une autre contradiction qui, bien que gisant entre les lignes, n’en est pas moins formidable. Suivant l’autre réflexe mythologique selon lequel la figure de l’immigré est fatalement positive, à l’instar de celle de l’intellectuel insurgé ou du rebelle, nous pouvons être absolument certains que les Louis et les Lagasnerie se mobiliseraient demain avec la même énergie pour défendre le droit des masses d’immigrés venues d’Afrique de s’installer en Europe, d’y bénéficier des mêmes avantages que les citoyens européens, d’y être nourries, logées et soignées. Pourtant, il est également certain que les masses en question, de par leurs origines culturelles, partagent dans leur quasi intégralité les réticences de Marcel Gauchet quant au mariage gay et sa prétendue vision de la femme « naturellement portée vers la grossesse. » Des positions que les Louis et les Lagasnerie jugent pourtant odieuses et inacceptables. Considéreront-ils donc qu’un bon immigré est un immigré qui ouvre sa bouche pour qu’on le nourrisse ou pour réclamer des droits, mais qui doit résolument la fermer s’il s’agit d’exprimer ses opinions personnelles ?

    Un flagrant échec

    Atteignant donc, avec cette pétition, un degré de caricature et de parodie un peu plus outrageux qu’à l’ordinaire, nos rebelles conformes au service de l’État ont cette fois-ci subi un revers. Non seulement leur coup n’a pas porté, puisque les « Rendez-vous de l’Histoire » ne sont pas soumis à leurs objurgations et l’ont fait savoir dans le même journal d’où était partie l’attaque, le 8 août ; mais encore, ils n’ont reçu le soutien d’aucun des très nombreux journalistes qui avaient rejoint la cabale d’Annie Ernaux en 2012 contre Richard Millet (la liste est longue et détaillée ici). Pire, le seul écho médiatique à leur action fut pour la condamner, provenant des mêmes voix qui s’étaient élevées contre le lynchage de Millet et qui furent les seules, en ce mois d’août, à commenter l’affaire. Soit Élisabeth Lévy dans Le Point, Pierre Jourde sur son blog du Nouvel Obs, Pierre Assouline dans La République des Lettres, Gil Mihaëly de Causeur et le fondateur de Marianne, Jean-François Kahn, sur le site Atlantico, sans compter l’intervention de Mathieu Block-Côté sur Figaro Vox.

    Bilan de l’affaire

    Quel bilan tirer donc de cette cabale ratée ? Tout d’abord, que nul n’est à l’abri d’un lynchage orchestré par les intellectuels d’extrême gauche, même quand on est à la fois un ponte honoré de l’intelligentsia française et un homme « de gauche » donnant les gages nécessaires à la Pensée unique, comme c’est le cas de Marcel Gauchet ; même quand les accusateurs ne sont à peu près rien dans le débat public, puisque leur conviction d’appartenir au « Camp du Bien » leur permet toutes les impudences avec la meilleure conscience qui soit. Ensuite, qu’en forçant trop sur la dose, l’inquisiteur du politiquement correct peut lui aussi commettre des « dérapages » en mettant à nu trop crûment la nature de ses réflexes. Enfin, que les indignations surjouées de nos belles âmes reposent sur une mythologie qui n’a plus aucun rapport avec le réel et dont les ressorts sont tout sauf vertueux. Que les prétendus intellectuels insurgés sont en fait des dévots et des délateurs ; que les pseudo-rebelles appartiennent à la pire espèce d’idéologues conformistes ; que les généreux partisans de l’immigration de masse n’ont pour les immigrés qu’un intérêt purement stratégique et narcissique ; que la principale obsession de ces grands esprits est de tuer, en France, toute véritable vie de l’esprit. Pour finir, et en attendant la prochaine « affaire », on peut souhaiter que toutes celles qui eurent lieu durant les années 2000 et 2010 soient relues à l’aune de l’affaire Gauchet, moment où apparaît si clairement le vrai visage de ces mascarades à visées totalitaires.

    Observatoire des journalistes et de l'information médiatique (25 août 2014)

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  • La mythologie du progrès...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et dans lequel il revient sur le mythe, toujours vivace, du progrès... 

     

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    La mythologie du progrès repose sur l’idolâtrie du nouveau…

    À chaque élection, les hommes de gauche prétendent rassembler les « forces de progrès ». Mais un cancer peut, lui aussi, progresser ! Le progrès serait-il une fin en soi ?

    Les malheureux ne savent même plus de quoi ils parlent ! Historiquement, l’idée de progrès se formule autour de 1680, avant de se préciser au siècle suivant chez des hommes comme Turgot ou Condorcet. Le progrès se définit alors comme un processus accumulant des étapes, dont la plus récente est toujours jugée préférable et meilleure, c’est-à-dire qualitativement supérieure à celle qui l’a précédée. Cette définition comprend un élément descriptif (un changement intervient dans une direction donnée) et un élément axiologique (cette progression est interprétée comme une amélioration). Il s’agit donc d’un changement orienté, et orienté vers le mieux, à la fois nécessaire (on n’arrête pas le progrès) et irréversible (il n’y a pas de retour en arrière possible). L’amélioration étant inéluctable, il s’en déduit que demain sera toujours meilleur.

    Pour les hommes des Lumières, étant donné que l’homme agira à l’avenir de façon toujours plus « éclairée », la raison se perfectionnera et l’humanité deviendra elle-même moralement meilleure. Le progrès, loin de n’affecter que le cadre extérieur de l’existence, transformera donc l’homme lui-même. C’est ce que Condorcet exprime en ces termes : « La masse totale du genre humain marche toujours à une perfection plus grande. »

    La mythologie du progrès repose ainsi sur l’idolâtrie du nouveau, puisque toute nouveauté est a priori jugée meilleure du seul fait qu’elle est nouvelle. La conséquence en est le discrédit du passé, qui ne peut plus être regardé comme porteur d’exemples ou de leçons. La comparaison du présent et du passé, toujours à l’avantage du premier, permet du même coup de dévoiler le mouvement de l’avenir. La tradition étant perçue comme faisant, par nature, obstacle au progrès, l’humanité doit s’affranchir de tout ce qui pourrait l’entraver : s’arracher aux « préjugés », aux « superstitions », au « poids du passé ». C’est déjà tout le programme de Vincent Peillon ! À l’hétéronomie par le passé, on substitue en fait une hétéronomie par l’avenir : c’est désormais le futur radieux qui est censé justifier la vie des hommes.

    En ce sens, la « réaction » peut faire figure de sain réflexe, mais ne raisonner qu’en « contre », n’est-ce pas abandonner toute pensée autonome ?

    La « réaction » est saine quand elle nourrit l’esprit critique, plus discutable quand elle se borne à dire que « c’était mieux avant ». La critique de l’idée de progrès, qui à l’époque moderne commence chez Rousseau, représente souvent le double négatif – le reflet spéculaire – de la théorie du progrès. L’idée d’un mouvement nécessaire de l’histoire est conservée, mais dans une perspective inversée : l’histoire est interprétée, non comme progression perpétuelle, mais comme régression généralisée. La notion de décadence ou de déclin apparaît en fait tout aussi peu objectivable que celle de progrès. En outre, comme vous le dites, se borner à raisonner en « contre », c’est encore rester dépendant de ce à quoi on s’oppose. C’est en ce sens que Walter Benjamin pouvait dire que « l’antifascisme fait partie du fascisme »…

    « Progrès » et « réaction » ne procèdent-ils pas finalement tous deux d’une vision linéaire de l’histoire, laquelle pourrait tout aussi bien fonctionner par cycles ?

    Chez les Grecs, seule l’éternité du cosmos est réelle. L’histoire est faite de cycles qui se succèdent à la façon des générations et des saisons. S’il y a montée et descente, progrès et déclin, c’est à l’intérieur d’un cycle auquel en succédera un autre (théorie de la succession des âges chez Hésiode, du retour de l’âge d’or chez Virgile). Dans la Bible, au contraire, l’histoire est purement linéaire, vectorielle. Elle a un début absolu et une fin nécessaire. L’histoire devient alors une dynamique de progrès qui vise, dans une perspective messianique, à l’avènement d’un monde meilleur. La temporalité est, en outre, orientée vers le futur, de la Création au Jugement dernier. La théorie du progrès sécularise cette conception linéaire de l’histoire, d’où découlent tous les historicismes modernes. La différence majeure est que l’au-delà est rabattu sur l’avenir, et que le bonheur remplace le salut.

    Mais les gens croient-ils encore au progrès ?

    L’excellent Baudoin de Bodinat remarque que, « pour juger du progrès, il ne suffit pas de connaître ce qu’il nous apporte, il faut encore tenir compte de ce dont il nous prive ». Le fait est que bien des progrès dans un domaine se doublent d’une perte, d’un manque, voire d’une régression dans un autre. Les totalitarismes du XXe siècle et les deux guerres mondiales ont, de toute évidence, sapé l’optimisme des Lumières. On ne croit plus guère au « sens de l’histoire » ni que le progrès matériel rende l’homme automatiquement meilleur. L’avenir lui-même inspire plus d’inquiétudes que d’espoirs, et l’aggravation de la crise paraît plus probable que les « lendemains qui chantent ». Il n’est jusqu’à la technoscience dont l’ambiguïté se révèle un peu plus chaque jour, comme le montrent les débats sur la « bio-éthique ». Bref, comme le disait l’écrivain italien Claudio Magris : « Le progrès n’est pas un orgasme ! »

    Pour être juste, il faut cependant reconnaître qu’au travers des progrès de la technologie et de l’idéologie du « développement », la notion de progrès reste quand même présente dans une société qui, parce qu’elle croit encore que « plus » est toujours synonyme de « mieux », recherche ou accepte la suraccumulation infinie du capital et l’extension perpétuelle de la marchandise.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 31 mars 2014)

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  • La vie des hommes...

    La maison d'édition L'Editeur vient de publier La vie des hommes, un recueil d'essais d'Olivier Bardolle. Essayiste et observateur grinçant du monde contemporain, Olivier Bardolle a rassemblé dans cet ouvrage son Petit traité des vertus réactionnaires (L'Editeur, 2010), La vie des jeunes filles (L'Editeur, 2011), L'agonie des grands mâles blancs sous la clarté des halogènes (L'Editeur, 2012) et Des ravages du manque de sincérité dans les relations humaines (L'esprit des péninsules, 2006).

     

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    « Oui, un autre monde va être possible, et même inéluctable, mais il ne ressemblera probablement pas à ce que les altermondialistes avaient imaginé. C’est au décryptage des signes annonciateurs de ce monde en voie de dissolution que je me suis attelé depuis une dizaine d’années, ce qui s’est traduit par la parution des textes ici rassemblés. La dissolution comme solution, telle est bien la volonté secrète qui sous-tend les faits et gestes des Occidentaux qui, fatigués d’eux-mêmes jusqu’à la nausée, n’aspirent plus qu’à se débarrasser une fois pour toutes de leur responsabilité historique. En somme, hâtons-nous de tout oublier et qu’on n’en parle plus. C’est ainsi que la vie des hommes, tels que nous la connaissons depuis quelques milliers d’années, est en train de prendre fin pour laisser la place à autre chose. Autre chose à laquelle nul n’est tenu de collaborer, et pour laquelle il n’est pas non plus obligatoire de se réjouir. Libre à chacun de pratiquer la suspension du jugement et de rechercher l’ataraxie en solitaire, tout en profitant des derniers instants de liberté dont il dispose encore pour se délecter de ces moments exquis, si caractéristiques des fins de civilisation, en accrochant à sa face s’il le souhaite – et pour faire bonne figure – le sourire reposant du Bouddha. »
     

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  • Droites...

    Les éditions Perrin viennent de publier dans leur collection de poche Tempus Histoire intellectuelle des droites, un essai de François Huguenin. Historien des idées, François Huguenin était rédacteur-en-chef au début des années 90 de l'excellente revue Réaction. Il est l'auteur de plusieurs essais comme L'Action française, Une histoire intellectuelle (Perrin, 2011), Résister au libéralisme - Les Penseurs de la communauté (Éditions du CNRS, 2009) ou Le Conservatisme impossible : libéralisme et réaction en France depuis 1789 (La Table Ronde, 2006).

     

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    " Pourquoi depuis 1789 la droite semble-t-elle impuissante à tenir tête à la gauche sur le plan des idées ? Pourquoi a-t-elle été incapable de lui opposer une véritable alternative de type conservatrice ? Ce livre retrace l'histoire de ses deux grandes mouvances intellectuelles : une école réactionnaire refusant radicalement la Révolution française et une pensée libérale dont le positionnement s'est avéré plus ambigu. D'un côté, Joseph de Maistre, Bonald ou Maurras ; de l'autre, Benjamin Constant, Tocqueville et Aron. François Huguenin raconte l'opposition irréductible de ces droites et l'échec de chacune d'entre elles. Entre une réaction bien plus moderne qu'elle ne le croit, mais inapte à penser la liberté, et un libéralisme qui a oublié l'impératif du bien commun, il trace les lignes de force d'un possible renouveau. "

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