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queer

  • La défaite des femmes ?...

    Les éditions du Cerf publient cette semaine Adieu mademoiselle - La défaite des femmes, un essai de combat d'Eugénie Bastié. Journaliste au Figaro, après avoir collaboré au magazine Causeur, Eugénie Bastié, 24 ans, qui s'est fait remarquer sur le plateau de l'émission Ce soir ou jamais face à Jacques Attali, est également rédactrice en chef politique de la revue d’écologie intégrale Limite.  

     

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    " Abolir la prostitution, mais autoriser la GPA. Supprimer la différence des genres, mais exiger l’égalité des fonctions. Réclamer l’abolition de la maternité, mais accepter l’imposition du voile. Se proclamer progressiste, mais enchaîner la condition féminine au Marché… Soixante-dix ans après Simone de Beauvoir, Eugénie Bastié dévoile ici, d’une plume enlevée et implacable, la misère du néoféminisme contemporain. L’égalité des droits est actée, le contrôle de la fécondité acquis, le système de la parité rendu obligatoire. Mais les nouvelles ayatollettes entendent poursuivre sans fin le combat, et lutter sans relâche pour un monde déjà advenu. Quitte, pour exister, à promouvoir les pires cauchemars d’Orwell, jusqu’à en oublier les véritables menaces qui pèsent sur le corps féminin. Des laboratoires de la Silicon Valley aux plateaux de l’Euro-vision, du tapage des Femen au déni de Cologne, des colloques queer et trans aux réseaux sociaux de la délation, de l’invasion des ministères à la désertion des banlieues, cette enquête intellectuelle sans précédent montre comment, sous prétexte de militantisme, l’idéologie postmoderne travaille à la défaite des femmes. Et, plus largement, à la disparition d’une humanité partagée. Un livre décisif. "

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  • Fractures à gauche...

    Deux ouvrages récents viennent éclairer les soubresauts que connaît la gauche progressiste depuis plusieurs années. De l'accueil contesté de Tariq Ramadan au Forum social européen de Saint-Denis en 2003  à l'agression de Caroline Fourest à la fête de l'Huma en septembre 2012, en passant par l'éclatement du NPA à la suite de la présentation d'une candidate voilée aux élections régionales de 2010, la fracture n'a cessé de s'élargir entre libertaires tendance bobo, féministe ou gay et anti-capitalistes "radicaux", favorables aux alliances avec les "damnés de la terre", quels qu'ils soient...

    On pourra donc feuilleter avec amusement Les féministes blanches et l'empire, de Félix Boggio Ewanjé-Epée et Stella Magliani-Belkacem, publié aux éditions de La Fabrique, et Homonationalisme - Politique queer après le 11 septembre, de Jasbir K. Puar, publié aux éditions Amsterdam. Une bonne initiation à la langue de plomb de la gauche radicale...

     

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    "Depuis la loi dite « sur le voile à l’école » de réelles fractures sont apparues entre les différentes composantes du mouvement féministe pour aboutir à des clivages profonds en termes de mots d’ordre, d’actions et de mobilisations. Dans le même temps, l’offensive raciste s’est affermie, greffant à sa rhétorique la question des « droits des femmes ». Il est de plus en plus courant d’analyser ce virage en terme d’« instrumentalisation du féminisme à des fins racistes ». Ce livre entend précisément interroger et discuter cet énoncé.
    L’idée qu’un mouvement social, une politique d’émancipation, puissent être simplement utilisés, ou récupérés par l’ordre existant pour renforcer son discours rencontre bien des limites. Comment expliquer que la réaction ait pu soudainement se parer de vertus « féministes », elle qui a toujours été si hostile aux mouvements féministes, elle qui est si prompte à défendre le patriarcat ? Pour comprendre ce tournant, il faut envisager la chose non comme une simple « récupération » ou « instrumentalisation » mais plutôt comme une convergence d’intérêt, comme une affinité entre les objectifs, à court ou moyen terme, de larges franges du féminisme et du pouvoir raciste et impérialiste, à des moments historiques précis.
    C’est dans cette perspective que les auteur-e-s de ce court essai entreprennent une généalogie des stratégies féministes : non pas une histoire détaillée, mais plutôt un coup de projecteur sur des situations historiques où la question raciale et/ou coloniale s’est trouvée au cœur du discours des féministes. Les suffragettes et « la mission civilisatrice », le féminisme de la deuxième vague et, plus près de nous, l’épisode de la loi sur le voile à l’école ou encore celui de la solidarité internationale, constituent ces « moments » dont l’étude met à jour les logiques qui ont conduit certaines féministes à promouvoir leurs objectifs aux dépens des colonisé-e-s et descendant-e-s de colonisé-e-s.
    Le livre propose une discussion stratégique sur le féminisme et le racisme, un récit des occasions perdues et de certaines faiblesses héritées que les mouvements progressistes doivent comprendre et dépasser pour inventer des futurs émancipateurs."

     

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    "Dans le monde de l’après-11 Septembre, l’idéologie du « choc des civilisations » se combine à celle d’un « choc des sexualités ». Nous aurions d’un côté le monde occidental, tolérant et libéral, de l’autre le monde musulman, sexiste et homophobe.

    Une part non négligeable du mouvement gay états-unien, en quête d’intégration et de respectabilité, s’est ainsi engagée sur la voie d’une normali­sation « homonationaliste » et soutient les guerres « contre le terrorisme ». Parallèlement, la réception américaine des images de torture d’Abu Ghraib met en évidence les difficultés du féminisme et de la pensée queer à penser les questions de race et d’impérialisme.

    C’est à l’analyse de cette intrication complexe entre politique des sexualités et projets impérialistes occidentaux, qui fait pendant à la question de l’instrumentalisation du discours féministe par des poli-­
    tiques racistes et impérialistes, qu’est consacré Homonationalisme."

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  • L'infamie queer dénoncée par une femme ...

    Le livre de Nancy Houston, Reflets dans l'oeil d'un homme (Acte Sud, 2012), a suscité un commentaire enthousiaste de Pierre Cormary sur Causeur, que nous reproduisons ci-dessous. A lire...

     

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    L'infamie queer dénoncée par une femme

    Personne ne dit encore, quand un enfant vient de naître : « c’est un enfant ! ». Non, grâce à Dieu, tout le monde, même dans la famille de Judith Butler, dit : « c’est un garçon » ou : « c’est une fille ». Tout le monde, même l’oncle transsexuel ou la belle-sœur féministe, commence par désigner le sexe, c’est-à-dire ce qui va constituer le destin de l’individu. C’est que la distinction sexuelle est le trait fondamental, pour ne pas dire fondateur, de l’humanité. On peut avoir la manie trop humaine de l’interprétation et croire que tout est social, il n’empêche que devant la vie, la mort et la sexualité (on pourrait rajouter l’art), nous réagissons d’abord comme des êtres vivants – c’est-à-dire comme des créatures de Dieu (que nous y croyons ou pas) qui constatent qu’entre un pénis et un utérus la différence est physique, donc métaphysique. Un peu comme le végétarisme et autres aberrations socioculturelles, les conneries queer arriveront bien après.

    Et ce sont celles-ci que Nancy Huston, dans Reflets dans un œil d’homme(qui aurait tout aussi bien pu s’appeler « Traité élémentaire d’humanité »), un livre qui n’a pas encore été dénoncé par la Halde ou Act Up, a décidé de fouetter. A l’heure où l’enseignement du négationnisme des sexes qu’on appelle la « théorie du genre » fait son apparition en classe de 1ère, il n’est pas inutile de rappeler que la vie est hétérosexuelle par nature, que le social est toujours une émanation du naturel et que la séduction a toujours été et sera toujours une question de reproduction – et cela, quel que soit l’anathème que suscite ce constat chez les Occidentaux depuis un demi-siècle. Oui, même quand on a le goût de la partouze ou de la sodomie, ou qu’on se rend à une soirée des préservatifs plein les poches, on pense encore à engendrer. « Les hommes qui fréquentent des boîtes de nuit avec lap dancers, ces jeunes danseuses quasi nues qui viennent se trémousser sur leurs genoux, seraient étonnés d’apprendre qu’ils donnent dix fois plus de pourboire aux filles en période ovulatoire. » La fécondité, élément essentiel du sex-appeal. Même s’ils ne veulent pas d’enfants, hommes et femmes sont naturellement plus attirés par ceux et celles qui peuvent en avoir que par ceux et celles qui ne le peuvent pas – et c’est pourquoi la vasectomie, cette opération pourtant si efficace et si égalitaire qui permet aux hommes de faire l’amour sans risque d’enfanter, est fort peu prisée par les un(e)s et les autres. L’infertilité casse le fantasme. Même Don Juan a besoin de savoir que son sperme est porteur de vie. Mince, alors !

    Et si les hommes s’habillent sobrement, ce n’est pas parce qu’ils ne sont pas en compétition sur le plan vestimentaire comme les femmes le sont entre elles, mais parce que… les femmes valorisent cette sobriété ! Le costard cravate, ça fait sérieux, protecteur, paternel. Ca fait époux (ou gendre) idéal. Au contraire, un homme qui s’habille de manière trop voyante fera volage ou tapette et de fait sera beaucoup moins excitant pour le vouloir vivre féminin. En vérité, le veston bleu terne a sur ces dames un effet aphrodisiaque.

    Ce qu’ont oublié les individus est que l’espèce est la première pulsion de l’individu. S’il y a identité des sexes ce n’est pas, comme le pensent les égalitaristes sociopathes, dans le droit, pour chaque sexe, de se définir ou de se nier comme il l’entend, mais bien dans le désir de se reproduire à tout prix – que celui-ci prenne le mode masculin de « la baise » ou féminin de « l’amour ». Nul n’échappe au vouloir-vivre même s’il fait le choix de s’opposer à ce dernier parce qu’il a mal vécu, à cause d’une mère abusive ou d’un père absent (ou le contraire, ou les deux), ses premiers pas dans la vie. « Au sortir d’une enfance vécue sous l’autorité d’une femme, l’homme regarde le corps féminin avec ambivalence, en le désirant et en le redoutant, en le jalousant et en le détestant ». De toute façon, « l’ambivalence fait l’humanité, fait l’art ». L’ambivalence, c’est-à-dire la blessure, la coupure ontologique, le fait que ce cela soit la femme qui donne la vie et a par conséquent le souci du dedans – et non pas l’homme qui se contente de décharger et a plutôt le besoin du dehors. Dès lors, certains auront le désir d’exprimer cette blessure (art), de la reconnaître comme première réalité ontologique (religion), ou de la corriger (droit), sinon de la supprimer (théorie du genre).

    Tout commence avec les Stoïciens et les Chrétiens qui inventent chacun à leur manière la notion de « l’individu », ce que Nancy Huston appelle plaisamment « le malin ». Le malin individu qui s’arrache à la nature et affirme sa souveraineté. Mais qui dit « individu » dit « égalité », qui dit « souveraineté » dit « ipséité ». D’abord réservée à une élite, l’individualité devient au fil des siècles l’affaire de tous puis de… toutes. « C’est parce que les humains sont devenus affamés d’égalité qu’éclatent, à l’âge moderne, de graves conflits entre les sexes. » De plus, il ne s’agit plus de se définir par et dans l’altérité comme dans la pensée classique mais bien par et dans l’ipséité : Dieu est mort depuis longtemps et les données biologiques ne sont plus. C’est moi et seulement moi qui choisis à tout moment ce que je suis quels que soient mon sexe, mon âge et mon poids. Je peux être une jolie fille de 25 ans même si je suis biologiquement un gros lard de 52 – et ne me dites pas que c’est un fantasme sinon je vous fais un procès ! Mon désir, c’est mon réel.

    Le queer ou la gauche sexuelle contre le réel. En fait, des libertins libertaires qui se révèlent bien pires que les moines et les bonnes sœurs d’antan dans leur révisionnisme génétique, leur négation du substrat biologique, leur refus mortifère de l’engendrement. Tant pis pour eux. Comme le dit Huston, « ils peuvent s’amuser comme ils veulent, que ce soit par l’abstinence ou le fist-fucking ; l’espèce s’en moque car ceux qui la narguent disparaissent sans laisser de trace. » Alors que les hommes et les femmes qui savent que les hommes et les femmes ne sont ni identiques ni symétriques restent et transmettent.

    Evidemment, pas question pour celle qui disait un jour qu’elle regrettait moins son féminisme que son gauchisme, de nier la condition toujours problématique des femmes. Que ces dernières soient aliénées aux talibans ou à « la burqa de chair » et au « harem de la taille 38 » de l’Occident, elles apparaissent toujours dépendantes du regard érotique et génétique qu’ont les hommes, puis elles-mêmes, sur elles – et l’on pourra lire ces magnifiques Reflets comme une biographie symbolique de toutes les femmes, à commencer par celle de l’auteur- sans e lui-même. Chronique de la petite fille qui apprend très tôt à se dédoubler, à se voir faire les choses, à se voir être vue, à se définir comme image. Chronique de l’adolescente qui se demande si on l’aime pour elle ou pour son corps – reprenant à son insu et tout naturellement la vieille dualité corps / esprit que l’on avait cru abolir depuis des lustres. Chronique du narcissisme féminin si moqué alors que celui-ci relève toujours d’une politique du désespoir. On se mire pour ne pas se suicider. On se rend au bal tout en pensant au viol et à la grossesse qui menacent perpétuellement – et font qu’il n’y a pas et qu’il ne peut y avoir d’égalité entre les sexes. C’est l’erreur des idéologues de croire que les lois remplacent le réel alors qu’elles ne font que le prévenir et qu’il n’y a jamais de risque zéro. Le devoir-être ne saurait être confondu avec l’être.

    C’est là que le queer apparaît comme ce que l’on a pensé de plus irresponsable et de plus méprisant pour les femmes. « Si l’on décrète l’indifférence des sexes, comment faire pour penser ces plaies, sans même parler de les panser ? » Comme toutes les théories totalitaires, la théorie du genre pense moins à protéger les êtres humains d’eux-mêmes qu’à les transformer. Pour les « genristes » en effet : pas de genre = pas de trouble = pas de viol = pas besoin de protéger les femmes (« vas-y ma chérie, balade-toi toute seule sur la 42 ème Rue à trois heures du matin, et, si jamais quelqu’un essaie de t’embêter, dis-lui que tu as choisi d’être un homme »). Sous prétexte que les nazis avaient décrété le tout nature, les contemporains ont fui dans le tout culture, ne se rendant pas compte qu’en procédant ainsi ils aboutissaient à un déni d’humanité. C’est comme si l’on décrétait que le feu ne brûle ou que l’eau ne mouille que si l’on veut qu’il brûle ou qu’elle mouille mais qu’ils peuvent faire bien autre chose. Le queer comme ce qui a déclaré la guerre à l’élémentaire – et au bon sens. Le queer comme ce qui rejette Darwin (comme le créationnisme, tiens !) en refusant absolument de placer l’humain dans la continuité biologique, donc sexuée, de l’animal. Le queer comme ce qui ne croit qu’à la seule volonté humaine anti-anatomique. Le queer comme ce qui veut abolir le sexe au nom de la plasticité humaine. Le queer comme ce qui a fait du sexe le premier tabou de la postmodernité.

    Le pire est que la France vient officiellement d’adopter ce nouveau tabou. Au contraire des Américains qui n’ont jamais permis que le créationnisme ou que l’ « intelligent design » (l’idée qu’une entité supérieure, extra-terrestre ou divine, ait présidé à l’élaboration des espèces et ait privilégié la nôtre) soit enseigné dans leurs écoles, les Français ont permis depuis l’an dernier que la théorie du genre le soit dans les leurs. Et c’est pourquoi un lycéen peut désormais lire dans son manuel de SVT des Editions Hachette que si « Le sexe biologique nous identifie mâle et femelle, ce n’est pas pour autant que nous nous pouvons nous qualifier de masculin ou de féminin. » L’unisexe a remplacé l’uniforme. Hélas, les hormones, comme les faits, sont têtues.

    Le paradoxe, et au fond la meilleure contradiction à cette idéologie qui n’est rien d’autre qu’un puritanisme underground, est qu’homosexuels, transsexuels et autres transhumains baroques affirment pleinement l’ancienne, l’horrible, la judéo-chrétienne distinction sexuelle – chacun ou chacune faisant parfaitement la différence entre ce qui les attire ou non. Si une lesbienne ne veut pas de mec dans son lit ou si un homme veut s’habiller en femme, c’est bien que l’un et l’autre se sentent contrariés dans leur sexe originel et destinal et parce que l’un n’est justement pas l’autre. « De même, si l’on subit une intervention chirurgicale pour changer de sexe, c’est forcément parce qu’on trouve que ce n’est pas kif-kif ». L’individu qui désire son sexe ou qui veut devenir l’autre sexe est encore plus obsédé par la distinction sexuelle que celui qui s’en tient au sien et est attiré par l’autre. Comme l’affirmait de toute éternité la pensée classique, c’est l’identité qui provoque la différence, c’est la singularité qui entérine la norme. La distinction est tragique mais l’indistinction est néant. Et c’est au néant que conduit la théorie queer, cette trisomie appliquée à la sexualité. Et pour l’avoir dit de manière si lumineuse, on vous rend grâce, Nancy Huston.

    Pierre Cormary (Causeur, 10 juin 2012) 

    Nancy Huston, Reflets dans un œil d’homme, Actes sud, mai 2012.

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  • Le petit catéchisme du "genre"...

    "Gender studies", "queer theory"... Fini le normativisme de la sexuation et le différentialisme sexuel : place au choix, aux essais, au trans-genre... Bref, une nouvelle vague de politiquement correct à l'américaine déferle sur la France, et ce néo-catéchisme pour bobo libertaire fera l'objet d'un enseignement obligatoire à Sciences Po... Nous reproduisons ici un point de vue de la journaliste Frédérique de Watrigant publié par Valeurs actuelles dans son numéro 3853 (du 30 septembre au 6 octobre 2010).

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    Sciences Po frappé par le genre

    Les études sur le genre entrent à Sciences Po : une première conférence a été donnée le 27 mai et les enseignements seront obligatoires pour tous les étudiants à la rentrée 2011. Le programme de recherche et d'enseignement des savoirs sur le genre porte un nom prémonitoire : "Présage". Car en s'intégrant dans les cours dès le Collège universitaire de Sciences Po, il risque fort de mettre en péril les fondements pédagogiques d'un institut qui a largement fait ses preuves en fournissant à notre pays la majorité de ses cadres politiques depuis des décennies. Une nouvelle pierre apportée par son très médiatique directeur, Richard Descoings, pour transformer la vénérable maison selon ses vues personnelles.

    Pour comprendre ce qui est en jeu, il faut d'abord préciser ce que recouvrent les études sur le genre (plus connues sous le nom de gender studies) et la théorie du genre. Or la première difficulté naît du terme lui-même, dont le contenu sémantique est extrêmement large. En français, "études de genre" renvoie aux statistiques sur le sexe, aux "sexospécificités" en sociologie, à l'égalité des sexes en droit, à la parité en sciences politiques ... En bref, les études sur le genre recouvrent une nébuleuse dont il est très difficile de comprendre la portée, d'autant qu'elle se dissimule derrière des objectifs de promotion de la femme dans tous les domaines de la vie sociale et de combat contre les injustices sociales découlant des inégalités sexuelles.

    La confusion sémantique est une manière de voiler la conception anthropologique plus que singulière induite par la théorie du gender. Selon celle-ci, le genre désigne le sexe social, c'est -à -dire ce qui est déterminé par l'environnement social et culturel. Le sexe n'est plus perçu comme une différence biologique déterminée dès la naissance par la nature, mais comme une construction sociale déterminée par la culture. Plus encore, la différence des sexes est une aliénation imposée par la nature. Pour être libre, l'individu doit pouvoir choisir et construire sa propre identité sexuelle; d'où la substitution dans le vocabulaire du genre, masculin - féminin, au sexe, homme- femme, car l'individu serait mieux caractérisé par son orientation sexuelle que par son identité. Or, n'en déplaise aux partisans du gender, la réalité c'est que nous naissons homme ou femme et que cette condition ne peut être niée, sous prétexte qu'il existe une infime minorité de cas de confusion ou de transformation de l'identité sexuelle. La théorie du gender n'est qu'une nouvelle élucubration conçue par des intellectuels américains qui nient la réalité sociale pour créer un Homo sapiens selon leurs désirs. Le gender est d'ailleurs contesté par des scientifiques qui constatent qu'il est impossible de s'affranchir du déterminisme biologique. L'anthropologue Françoise Héritier (professeur honoraire au Collège de France) rappelait que « la différence des sexes - à la fois anatomique, physiologique et fonctionnelle - est à la base de la création de l'opposition fondamentale qui permet de penser ». Si le présupposé de sexe conçu comme exclusivement social est faux, comment peut-on de manière critique, comme le veulent les savoirs sur le genre, interroger la réalité sociale à travers cette grille d'analyse?

    Le propre de Sciences Po, qui s'appuie majoritairement sur l'enseignement de l'histoire, est de former les esprits à l'analyse critique. La solide culture générale que les étudiants y acquièrent vient de leur confrontation à différentes écoles de pensée ; ils apprennent ainsi à utiliser plusieurs portes d'entrée pour appréhender la réalité, et le résultat à la sortie donne des cadres parfaitement polyvalents, comme le montre la diversité des parcours professionnels des diplômés de l'école.

    C'est pourquoi la seconde objection à cet enseignement porte sur le caractère obligatoire des cours alors même que la plupart des enseignements à Sciences Po ne le sont pas. D'autant qu'il n'est pas question de proposer des enseignements contradictoires, permettant aux étudiants de porter un regard critique sur ces savoirs. Il ne s'agit pas en effet d'ajouter seulement une chaire de recherche, mais « de former l'ensemble des étudiants(es) de Sciences Po à la pensée sur le genre », comme il est précisé sur le site de Présage.

    Former signifie aussi façonner et donc faire entrer dans les cerveaux des plus jeunes une conception de la réalité on ne peut plus contestable, parce qu'irréelle. Le fait de cette obligation démontre bien qu'il s'agit avant tout de propager cette théorie au sein même des futures élites de notre pays, Sciences Po servant ici de simple cheval de Troie.

    Sensibiliser les étudiants aux inégalités politiques et économiques objectives entre les hommes et les femmes en leur proposant de les étudier en droit et en économie est une chose. S'attaquer à la conception de l'être humain en est une autre, autrement plus grave pour la cohésion et l'avenir de notre société.

    Frédérique de Watrigant (Valeurs actuelles, du 30 septembre au 6 octobre 2010 

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