Au sommaire cette semaine :
- sur le site Fragments sur les temps présents, Jean-Yves Camus livre une analyse très juste de la mort de Dominique Venner...
- sur Antipresse, Slobodan Despot rend hommage à la figure de Jan Palach...
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- sur le site Fragments sur les temps présents, Jean-Yves Camus livre une analyse très juste de la mort de Dominique Venner...
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Vous trouverez ci-dessous quelques liens vers des hommages rendus à Dominique Venner, qui a choisi de se donner la mort mardi 21 mai 2013, dans le lieu hautement symbolique de la cathédrale Notre-Dame de Paris, « afin de réveiller les consciences assoupies » et de « rompre la léthargie qui nous accable ».
Alain de Benoist : Dominique Venner, un homme qui a choisi de mourir debout
Aymeric Chauprade : Dominique Venner a choisi la mort volontaire
Laurent Ozon : Plus haut que le but
Christopher Gérard : Exit Dominique Venner
Pierre Le Vigan : Un samouraï d'Occident
Alain Soral : A propos de la mort de Dominique Venner
Christian Vanneste : Le sens d'un suicide ?
Bruno Gollnisch : Un homme d'honneur, un homme debout dans la bataille
Paul-Marie Coûteaux : Hommage à Dominique Venner
Pierre Saint-Servant : Nous venons de perdre un père
Philippe Christèle et Grégoire Gambier : La force de l'effet produit
Alain Rebours : Une étincelle dans la nuit
Enfin, vous pouvez écouter ci-dessous l'émission de Radio Courtoisie à laquelle Dominique Venner aurait dû participer mardi 21 mai dans la soirée aux côtés de Philippe Conrad, de Bernard Lugan et de Jean-Yves Le Gallou, qui lui ont rendu un hommage émouvant...
Nous reproduisons ci-dessous un texte de Jean-Yves Le Gallou, publié sur Polémia et qui vise à interpréter le choix du lieu fait par de Dominique Venner pour se donner la mort.
Dominique Venner : Pourquoi avoir choisi Notre-Dame de Paris ?
1-Il n’y a plus de lieu de souveraineté politique
Le geste de Dominique Venner a évidemment un sens politique : refuser « le grand remplacement », bien plus grave encore que « la détestable loi Taubira ». Mais la souveraineté française a déserté les lieux de souveraineté. Le Louvre est un musée. L’Elysée, un établissement de mise en œuvre de décisions prises ailleurs. L’Assemblée nationale, un théâtre d’ombres aux mains des lobbys. Y mourir serait dérisoire.
On ne meurt pas davantage devant une ambassade ou le quartier général d’un groupe de pression minoritaire.
Et puis, pour Dominique Venner, « quels que soient les mérites de l’action politique, ce n’est pas elle qui peut rendre aux Européens la conscience forte de ce qu’ils sont. Cette conscience de l’identité en tout, y compris en politique, appartient à l’ordre de la mystique ou de la croyance ».
2-Notre-Dame est un haut lieu de souveraineté spirituelle
Voilà sans doute pourquoi Dominique Venner a choisi « un lieu hautement symbolique, la cathédrale Notre-Dame de Paris, que je respecte et admire, elle qui fut édifiée par le génie de mes aïeux sur des lieux de culte plus anciens, rappelant des origines immémoriales ». Dès le premier siècle, les Gallo-Romains y honoraient Jupiter, Mars, Vénus et Cernunnos comme on peut le voir au Musée de Cluny. Depuis 850 ans, Notre-Dame de Paris, théologie de la lumière et quête de verticalité, est devenue le vaisseau du roman national. C’est le lieu de l’histoire et même de la très longue histoire de la France et de l’Europe.
Avec finesse et profondeur, l’abbé de Tanoüarn appelle l’attention sur le choix symbolique, pour l’ultime appel du sacrifié, d’un autel dédié à la Vierge Marie : une décision qui ne le surprend pas de la part d’un homme qui soulignait l’opposition entre la tradition européenne, qui respecte la femme, et l’islam, qui ne la respecte pas.
Je ne sais si cette hypothèse est juste. Mais il est clair que Dominique Venner a poursuivi son dialogue avec le christianisme lors de son « suicide-avertissement » (*).
3-Religion universelle versus religion identitaire
Nous touchons ici un point central du point de vue de Dominique Venner : pour lui les Indiens, les Arabes, les Chinois, les Japonais ont une religion identitaire, pas les Européens qui ont une religion universelle. C’était un atout tant que l’Europe était maîtresse du monde. Cet avantage se transforme en handicap quand l’Europe en recul est atteinte par les fléaux de la repentance et de la culpabilité : « Les autres religions, même l’islam […], ou le judaïsme, mais aussi l’hindouisme, le shintoïsme ou le confucianisme, ne sont pas seulement des religions au sens chrétien ou laïc du mot, c’est-à-dire une relation personnelle à Dieu, mais des identités, des lois, des communautés ». Ce qu’aux yeux de Dominique Venner le christianisme ne peut complètement apporter, précisément parce qu’il a une vocation universelle.
4- Retrouver la mémoire identitaire : Homère et les humanités
D’où la nécessité pour les Européens de retrouver leur riche mémoire identitaire : « A défaut de posséder une religion identitaire à laquelle nous amarrer, nous avons en partage depuis Homère une mémoire propre, dépôt de toutes les valeurs sur lesquelles refonder notre future renaissance ». Au moment de quitter la vie, Dominique Venner reste fidèle au De Viris illustribus de sa jeunesse. Mais c’est aussi à un retour aux humanités qu’il appelle. Par les textes, par les arts et par la tenue. C’est le discours d’un éveilleur de peuple qui a mis la peau au bout de ses idées. La mort de Dominique Venner n’est pas une fin mais un commencement.
Jean-Yves Le Gallou (Polémia, 22 mai 2013)
(*) L’expression « suicide-avertissement » est empruntée à l’abbé Guillaume de Tanoüarn.
Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Alain de Benoist à Boulevard Voltaire à propos du suicide de Dominique Venner...
Dominique Venner, un homme qui a choisi de mourir debout
Vous connaissiez Dominique Venner depuis 1962. Au-delà de la peine ou du chagrin, êtes-vous étonné par son geste ? Se place-t-il dans la logique de sa vie, de son combat politique, même si la politique, il avait arrêté d’en faire depuis longtemps ?
Dans l’immédiat, je suis surtout empli de dégoût en lisant les commentaires qui me tombent sous les yeux. « Suicide d’un ex-OAS », écrivent les uns, tandis que d’autres parlent d’une « figure de l’extrême droite », d’un « opposant violent au mariage gay » ou d’un « islamophobe ». Sans compter les insultes de Frigide Barjot, qui a révélé le fond de sa nature en crachant sur un cadavre. Ces gens-là ne connaissent rien de Dominique Venner. Ils n’ont jamais lu une ligne de son œuvre (plus de cinquante ouvrages et des centaines d’articles). Ils ignorent même qu’après une jeunesse agitée, qu’il avait évoquée dans l’un de ses plus beaux livres – Le cœur rebelle (1994) -, il avait définitivement rompu avec toute forme d’action politique il y aura bientôt un demi-siècle. Je peux même donner la date exacte, puisque j’étais présent lorsqu’il déclara prendre cette décision : c’était le 2 juillet 1967. À compter de ce jour, Dominique Venner s’était entièrement consacré à l’écriture, d’abord avec des ouvrages sur la chasse et les armes (il était, en ce domaine, un expert reconnu), ensuite avec des travaux d’historien, écrits avec une plume étincelante et dont beaucoup font aujourd’hui autorité. Il était enfin le fondateur de La Nouvelle Revue d’histoire, un bimestriel de haute qualité.
Je n’ai absolument pas été surpris par son suicide. Je savais depuis longtemps qu’à l’exemple des vieux Romains, et aussi de Cioran, pour ne citer que lui, il admirait la mort volontaire, qu’il y voyait la façon la plus conforme à l’éthique de l’honneur d’en finir avec la vie dans certaines circonstances. Il avait en tête le souvenir de Yukio Mishima, et ce n’est pas un hasard si son prochain livre, à paraître le mois prochain chez Pierre-Guillaume de Roux, s’intitulera Un samouraï d’Occident. On peut dès à présent en mesurer le caractère testamentaire. Je n’ai donc pas été étonné par cette mort exemplaire. Je suis seulement surpris du moment et du lieu.
Dominique Venner n’avait aucune « phobie ». Il ne cultivait aucun extrémisme. C’était un homme attentif et secret. Au fil des années, le jeune activiste de l’époque de la guerre d’Algérie s’était mué en historien méditatif. Il soulignait volontiers à quel point l’histoire des hommes reste toujours imprévisible et ouverte. Il y voyait motif à ne pas désespérer, car il récusait toute forme de fatalité. Mais il était avant tout un homme de style. Chez les êtres, ce qu’il appréciait le plus était la qualité humaine, laquelle se résumait chez lui à un mot : la tenue. En 2009, il avait consacré à Ernst Jünger un bel essai dans lequel il expliquait que son admiration pour l’auteur de Sur les falaises de marbre tenait d’abord à sa tenue. Dans son univers intérieur, il n’y avait place ni pour les cancans, ni pour la dérision, ni pour les disputes de la politique politicienne qu’il méprisait à juste raison. C’est pour cela qu’il était respecté. Parfois jusqu’à l’excès, il recherchait la tenue, le style, l’équanimité, la hauteur d’âme, la noblesse d’esprit. Ce sont là, malheureusement, des mots dont le sens même échappe sans doute à ceux qui regardent les jeux télévisés et se ruent chez Virgin Megastore pour profiter des soldes…
Dominique Venner était païen et ne s’en cachait pas. Il aura pourtant choisi une église pour mettre fin à ses jours. Y voyez-vous une contradiction ?
Je pense qu’il a lui-même répondu à votre question dans la lettre qu’il a laissée derrière lui, en demandant qu’elle soit rendue publique : « Je choisis un lieu hautement symbolique, la cathédrale Notre-Dame de Paris, que je respecte et admire, elle qui fut édifiée par le génie des mes aïeux sur des lieux de culte plus anciens, rappelant nos origines immémoriales. » Lecteur de Sénèque et d’Aristote, Dominique Venner admirait surtout Homère : l’Iliade et l’Odyssée étaient à ses yeux les textes fondateurs d’une tradition européenne qu’il avait reconnue pour sa patrie. Il faut vraiment être Christine Boutin pour s’imaginer qu’il s’est « converti à la dernière seconde » !
Politiquement, cette mort spectaculaire sera-t-elle utile, tel cet autre sacrifice demeuré célèbre, celui de Jan Palach, en 1969 à Prague, ou celui, plus récent, de ce petit commerçant tunisien ayant en partie déclenché le premier « printemps arabe » ?
Dominique Venner s’est aussi exprimé sur les raisons de son geste : « Devant des périls immenses, je me sens le devoir d’agir tant que j’en ai encore la force. Je crois nécessaire de me sacrifier pour rompre la léthargie qui nous accable. Alors que tant d’hommes se font les esclaves de leur vie, mon geste incarne une éthique de la volonté. Je me donne la mort pour réveiller les consciences assoupies. » On ne saurait être plus clair. Mais on aurait bien tort de ne pas voir que cette mort volontaire va bien au-delà du contexte limité des débats sur le « Mariage pour tous ». Dominique Venner ne supportait plus, depuis des années, de voir l’Europe sortie de l’histoire, vidée de son énergie, oublieuse d’elle-même. L’Europe, disait-il souvent, est « en dormition ». Il a voulu la réveiller, à la façon d’un Jan Palach en effet, ou en d’autres temps d’un Alain Escoffier. Il a ainsi fait preuve de tenue jusqu’au bout, restant fidèle à l’image qu’il se faisait de ce que doit être l’attitude d’un homme libre. Il a écrit aussi : « J’offre ce qui me reste de vie dans une intention de protestation et de fondation. » Il faut retenir ce mot de fondation, que nous lègue un homme qui a choisi de mourir debout.
Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 23 mai 2013)
« Une mort peut agir sur l'avenir comme une irradiation. »
Yukio Mishima
Dominique Venner a laissé une courte déclaration écrite pour faire connaître les raisons de son choix d'une mort volontaire. Nous reproduisons son texte ci-dessous.
Les raisons d’une mort volontaire
Je suis sain de corps et d’esprit, et suis comblé d’amour par ma femme et mes enfants. J’aime la vie et n’attend rien au-delà, sinon la perpétuation de ma race et de mon esprit. Pourtant, au soir de cette vie, devant des périls immenses pour ma patrie française et européenne, je me sens le devoir d’agir tant que j’en ai encore la force. Je crois nécessaire de me sacrifier pour rompre la léthargie qui nous accable. J’offre ce qui me reste de vie dans une intention de protestation et de fondation. Je choisis un lieu hautement symbolique, la cathédrale Notre Dame de Paris que je respecte et admire, elle qui fut édifiée par le génie de mes aïeux sur des lieux de cultes plus anciens, rappelant nos origines immémoriales.
Alors que tant d’hommes se font les esclaves de leur vie, mon geste incarne une éthique de la volonté. Je me donne la mort afin de réveiller les consciences assoupies. Je m’insurge contre la fatalité. Je m’insurge contre les poisons de l’âme et contre les désirs individuels envahissants qui détruisent nos ancrages identitaires et notamment la famille, socle intime de notre civilisation multimillénaire. Alors que je défends l’identité de tous les peuples chez eux, je m’insurge aussi contre le crime visant au remplacement de nos populations.
Le discours dominant ne pouvant sortir de ses ambiguïtés toxiques, il appartient aux Européens d’en tirer les conséquences. À défaut de posséder une religion identitaire à laquelle nous amarrer, nous avons en partage depuis Homère une mémoire propre, dépôt de toutes les valeurs sur lesquelles refonder notre future renaissance en rupture avec la métaphysique de l’illimité, source néfaste de toutes les dérives modernes.
Je demande pardon par avance à tous ceux que ma mort fera souffrir, et d’abord à ma femme, à mes enfants et petits-enfants, ainsi qu’à mes amis et fidèles. Mais, une fois estompé le choc de la douleur, je ne doute pas que les uns et les autres comprendront le sens de mon geste et transcenderont leur peine en fierté. Je souhaite que ceux-là se concertent pour durer. Ils trouveront dans mes écrits récents la préfiguration et l’explication de mon geste.
Dominique Venner (21 mai 2013)