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lutte des classes

  • Une passion française ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Xavier Eman, cueilli sur son blog A moy que chault ! et consacré à la réforme des retraites...

    Animateur du site Paris Vox, rédacteur en chef de la revue Livr'arbitres et collaborateur de la revue Éléments, Xavier Eman est l'auteur de deux recueils de chroniques intitulés Une fin du monde sans importance (Krisis, 2016 et la Nouvelle Librairie, 2019), d'un polar, Terminus pour le Hussard (Auda Isarn, 2019) et, dernièrement, d'Hécatombe - Pensées éparses pour un monde en miettes (La Nouvelle Librairie, 2021).

     

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    Une passion française

    Le désir farouche des bourgeois français de faire travailler davantage le populo est tout à fait fascinant. Ce n'est pas un banal calcul économique mais bien une véritable passion qui travaille le corps et l'esprit de la bourgeoisie depuis des lustres. Il faut que les ploucs, qui sont par nature des feignasses, travaillent davantage, plus longtemps. C'est ainsi, c'est une injonction, une incantation, c'est un mantra. Et peu importe que cela ne leur rapporte rien personnellement et que cela ne fasse qu'engraisser un peu plus les exilés fiscaux, les fonds d'investissements et les nababs de l'oligarchie libérale-mondialiste qu'ils rêvent secrètement de devenir en pensant n'être pour le moment que de vagues cousins éloignés de ces êtres d'élite et d'exception. Mais cela reste la famille !

    Il ne s'agit pas tant d'argent que de pouvoir, de rapports de force, de « morale », la leur. La réforme des retraites, c'est la poursuite de la lutte des classes par d'autres moyens. Le peuple doit marner, c'est son rôle, sa fonction. Les milliardaires n'ont jamais été aussi nombreux et aussi riches, croulant sous des fortunes qui ont depuis longtemps dépassées la plus abjecte indécence, pendant que les salaires sont au plus bas et que l'inflation ronge chaque jour un peu plus le pouvoir d'achat, mais peu importe, l'ennemi c'est le facteur, le cheminot, l'agent EDF, l'ouvrier, l'infirmier... Au boulot, au boulot, sinon cette belle économie, juste et équilibrée, risque de s'effondrer ! Vous imaginez le drame ?

    Et ce n'est pas l'incohérence complète du projet – entre chômage de masse, inactivité forcée des plus de 50 ans, immigration incontrôlée, milliards distribués à l'Ukraine et à l'Afrique... - qui gêne ces prétendus grands réalistes et « pragmatiques » puisqu'il s'agit avant tout d'un combat idéologique. C'est la revanche des descendants des Maîtres des forges et des propriétaires miniers privés du travail des enfants et de la semaine de 7 jours sans repos. Et ce n'est qu'un début ! A grands coups « d'efforts collectifs », de « lutte contre les avantages indus » et de « valeur travail », le 19e siècle est devant nous ! Ceux qui sont – ou pensent être – du bon côté du manche, du bon côté du système, s'en réjouiront sans doute, mais pour combien de temps ? Peut-être jusqu'au moment où leurs enfants ou petits-enfants, déclassés et paupérisés, viendront leur demander des comptes, réclameront des explications, voudront savoir pourquoi, au nom de mesquines jalousies et de mépris de classe, ils ont sabordé et détruit un système bâti dans le sang et la sueur, arraché à la cupidité et au froid calcul marchand, et qui, sans être parfait, apportait un peu de justice et d'équité à un monde qui ne peut être supportable que si l'on brise l'avidité féroce et sans limite des prédateurs, qui seront toujours plus néfastes et dangereux que les « parasites » au SMIC ou au RSA, exclus de facto de la société, du pouvoir décisionnel et de la vie publique, dont ils se servent comme de faciles boucs-émissaires.

    Xavier Eman (A moy que chault !, 9 février 2023)

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  • Un bloc populaire socialement dominé mais démocratiquement majoritaire...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire, dans lequel il revient sur les observations de Jérôme Sainte-Marie concernant la polarisation de la vie politique française. Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Ce que penser veut dire (Rocher, 2017) et Contre le libéralisme (Rocher, 2019).

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    Alain de Benoist : « Socialement dominé, le bloc populaire est aujourd’hui démocratiquement majoritaire »

    Warren Buffett, le milliardaire américain qu’on sait, a un jour déclaré en substance : « Bien sûr que la lutte des classes existe, la preuve en est que c’est la mienne qui l’a gagnée ! » Cette notion de « lutte des classes » ne saurait évidemment tout expliquer, mais il n’en est pas moins vrai qu’elle a été longtemps évacuée du débat médiatique. Ne serait-il pas opportun de la remettre à l’honneur ?

    Il ne s’agit pas de la remettre à l’honneur, mais d’en faire le constat. Warren Buffett a au moins le mérite de la franchise, car habituellement, c’est quand la lutte des classes bat son plein qu’on en parle le moins. Plus on monte dans l’échelle sociale, plus l’on feint de croire à la possibilité de « réconcilier les classes sociales » : c’est la façon ordinaire qu’ont les riches et les puissants de tenter de désarmer ou d’invisibiliser les « classes dangereuses ». Mais chez Buffett, on voit bien aussi que l’arrogance naïve le dispute au mépris de classe. Je réponds donc à votre question : oui, la lutte des classes est sans doute ce qui caractérise le mieux la situation actuelle dans notre pays. Dans son dernier livre (Bloc contre bloc. La dynamisme du macronisme, Cerf), qu’il faut lire en parallèle avec les travaux de Christophe Guilluy, Jérôme Sainte-Marie, excellent observateur de la vie politique française, le souligne avec force : « La cohérence entre le vote de classe aux élections et la condition sociale des électeurs aura rarement été aussi évidente qu’aujourd’hui. »

    Les gilets jaunes ont à cet égard joué un rôle essentiel. En mobilisant des gens de condition plutôt modeste, qui avaient en commun d’être les perdants de la mondialisation, ils ont provoqué dans la classe dirigeante une peur panique, qui explique la façon dont Emmanuel Macron a entièrement changé de méthode, abandonnant sa posture jupitérienne pour se faire chattemite, sans pour autant abandonner sa vision managériale de la société ni se doter d’un véritable enracinement social. Je crois avoir déjà qualifié le mouvement des gilets jaunes de « répétition générale ». Je le pense plus que jamais. Ce vaste mouvement populaire de protestation contre la relégation culturelle et géographique, politique, économique et sociale, est prêt à resurgir et à s’amplifier. Les mouvements sociaux qui se multiplient un peu partout en sont l’augure.

    Depuis Karl Marx, la notion de « classe ouvrière » a beaucoup évolué : l’artisan, le petit patron, l’auto-entrepreneur, les classes moyennes en voie de déclassement forment désormais une sorte de nouveau prolétariat.

    Dissipons tout de suite une équivoque : Marx n’est pas l’inventeur de la « lutte des classes » ! L’expression n’a même cessé d’être employée avant lui, notamment par Tocqueville et Guizot. La lutte des classes n’a jamais cessé, sinon qu’il y a des moments où les classes dominées sont plus conscientes de leur existence en tant que classe (c’est la classe « pour soi », par opposition à la classe « en soi ») qu’à d’autres moments. En revanche, il y a une différence, et elle est énorme : autrefois, c’étaient les classes dominantes qui s’affirmaient (formellement) conservatrices, alors qu’aujourd’hui, c’est dans les classes populaires que le désir d’enracinement et de valeurs partagées, l’attachement à la communauté nationale et le goût des traditions sont le plus répandus. Dans le passé, la guerre des classes a pu se confondre avec le clivage horizontal gauche-droite, mais ce n’est plus le cas. Tout véritable clivage de classe est un clivage vertical : le bas contre le haut, le peuple patriote contre les élites qui se sont déterritorialisées au même rythme que la machinerie du capital. Sans oublier que la gauche a « perdu le peuple » !

    Le résultat, c’est l’actuel clivage politique français : Emmanuel Macron assure la jonction entre bourgeoisie de droite et de gauche, tandis que Marine Le Pen semble en faire autant pour tous les laissés-pour-compte de la mondialisation. Y gagne-t-on en clarté ?

    Dans son livre, Jérôme Sainte-Marie montre à la perfection qu’au-delà de l’« archipélisation » dénoncée par Jérôme Fourquet, un vaste mouvement de polarisation est désormais à l’œuvre dans la société française (ce qui rejoint les observations de Patrick Buisson). Un « bloc populaire » est en train de se former face au « bloc bourgeois » créé par Macron – et c’est paradoxalement Macron qui a favorisé ce processus de radicalisation des différences sociales, car le regroupement des libéraux de droite et de gauche a eu pour effet, d’abord de déconnecter les conservateurs (tenants de la souveraineté nationale) et les libéraux (tenants de l’ouverture globale), ensuite d’éliminer les grands partis de gouvernement traditionnels. Mélenchon s’étant disqualifié depuis qu’il a renoncé au populisme pour revenir dans le giron de la « gauche morale », c’est le Rassemblement national qui en bénéficie. Le « plafond de verre » censé limiter la montée du vote RN a commencé à se désagréger et 63 % de ceux qui ont voté pour La France insoumise, aux dernières élections européennes, se disent maintenant prêts à voter pour Marine Le Pen au second tour d’une présidentielle qui l’opposerait de nouveau à Macron, contre 39 % seulement de ceux qui ont voté pour François-Xavier Bellamy. C’est un tournant de première grandeur.

    Le bloc élitaire et bourgeois d’Emmanuel Macron regroupe les très riches du CAC 40, les bobos, le personnel des grands médias et les cadres supérieurs enthousiastes de la mondialisation pour qui tout ce qui est « national » est dépassé. S’y ajoutent des retraités instinctivement portés à rejoindre le parti de l’ordre, sans voir que cet ordre n’est qu’un désordre établi qui ne les protégera pas de la montée du chaos. Cela ne fait, au total, qu’un Français sur trois. Socialement dominé, le bloc populaire est aujourd’hui démocratiquement majoritaire. Cette double polarisation explique aussi pourquoi l’« union des droites » est un mythe qui, dans le meilleur de cas, ne peut se réaliser qu’au niveau local : à terme, entre Macron et Le Pen, il n’y aura plus rien. C’est la raison pour laquelle, concernant la présidentielle de 2022, rien n’est joué. D’autant qu’on sait maintenant que la fabrique des présidentiables ne passe plus par les partis.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 30 novembre 2019)

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  • Nouvelle lutte des classes, nouvelle donne politique...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy, cueilli sur Polémia et consacré à l'analyse des causes profondes  de la révolte de la France populaire. Ancien haut-fonctionnaire, Michel Geoffroy a récemment publié La Superclasse mondiale contre les peuples (Via Romana, 2018).

     

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    Nouvelle lutte des classes, nouvelle donne politique

    La lutte des classes n’a pas disparu avec la chute de l’URSS et du communisme en Europe. Elle réapparaît. Une nouvelle lutte des classes s’est en effet installée en Occident qui oppose les nouvelles élites qui veulent révolutionner la société à leur profit – c’est « la révolte des élites » qu’avait prophétisée Christopher Lasch [1]– aux peuples qui aspirent au contraire à la stabilité, au maintien de leurs traditions, de leur identité et de leur culture – soit tout le contraire de la valorisation du bougisme, du « changement » et de la « mobilité », vantés par les nouvelles élites.
    Cette nouvelle lutte des classes résulte donc de l’inversion du schéma révolutionnaire tel qu’on le concevait depuis la fin du 19ème siècle : la révolution des sociétés provient aujourd’hui des élites [2] et non plus des « masses ».

    La nouvelle lutte des classes se concrétise par une fracture économique, sociale , politique et culturelle croissante, notamment en France

    Cette nouvelle lutte des classes oppose, d’un côté, « la France périphérique » en voie de paupérisation, de marginalisation, et de remplacement dans son propre pays.

    Car les élites – qui se sont protégées et se sont coupées des peuples en créant de nouvelle frontières intérieures du fait de la privatisation et de la réduction constante de l’espace public – mettent les peuples en insécurité économique (du fait du chômage de masse conséquence du libre-échangisme mondialiste [3]), en insécurité sociale (du fait de la déconstruction de toute l’histoire sociale européenne au nom du néo-libéralisme) et en insécurité culturelle et identitaire (du fait du Grand Remplacement migratoire , de l’Islamisation et de la déconstruction « sociétale » [4] des mœurs).

    Au plan politique, cela se traduit par la marginalisation du peuple dans les démocraties occidentales, qui pour cette raison sont de moins en moins démocratiques  (abstention électorale élevée, absence de recours au référendum, vote pour des partis qui sont diabolisés et donc peu représentés au Parlement etc… ).

    Avec le rejet du populisme, les élites ont d’ailleurs théorisé leur volonté de marginalisation du peuple et cela explique pourquoi le régime politique devient toujours plus oligarchique [5].

    Cette insécurité est le produit fatal de l’idéologie des nouvelles élites : le libéralisme libertaire et cosmopolite (mondialiste).

    Une idéologie destructrice de toute société : « La société n’existe pas » disait Mme Thatcher. Le libéralisme libertaire ne connaît que des individus calculateurs et pourvus de droits-créances contre la société. Cette idéologie se concrétise dans le mythe de la « société ouverte [6]», utopie inventée par Karl Popper qui signifie en réalité l’implosion programmée de la société traditionnelle [7], mais au seul profit des nouvelles élites et notamment des grandes firmes mondialisées et de leurs dirigeants.

    Et, de l’autre, des élites économiques,  financières, culturelles, médiatiques et politiques qui vivent dans un monde protégé et qui ont tendance à s’enrichir toujours plus.

    Comme le déclarait le milliardaire Warren Buffet : « Il y a une guerre des classes, c’est un fait mais c’est ma classe, la classe des riches qui la mène et nous sommes en train de la gagner » [8]

    Parce que ces élites pratiquent sur une grande échelle le « socialisme des riches » (Joseph Stiglitz) : privatiser les profits (notamment en application du « consensus de Washington » qui ouvre la voie à la privatisation des biens publics et à la dérégulation économique et financière dont profitent avant tout les plus riches) mais socialiser les charges et les pertes (comme on l’a vu lors de la crise financière de 2008). Et parce qu’elles ont développé leur « industrie de défense des revenus » au plus haut niveau depuis les 30 dernières années : principalement en échappant à la pression fiscale (grâce à la faible taxation des revenus du capital).

    Ce qui se traduit par une augmentation rapide des inégalités sociales en Occident, à rebours de ce qui s’est produit durant les Trente Glorieuses.

    En effet dans une économie mondialisée et dérégulée les anciens paradigmes de la « science économique » sont de moins en moins opérants :

    • L’effet de « ruissellement » fonctionne de moins en moins car la richesse ne se réinvestit plus nécessairement dans le pays d’origine (mais plutôt dans des pays plus riches ou dans des paradis ou des niches fiscales comme le financial art par exemple).

    • Le fordisme devient obsolète : on n’a plus besoin de bien payer ses salariés, car on peut les remplacer par des ouvriers et des consommateurs Chinois, Indiens et demain peut-être, par des robots ou des Africains.

     Ces nouvelles élites correspondent au phénomène décrit [9] sous l’expression « super classe mondiale ». C’est-à-dire l’apparition en Occident d’un pouvoir économique et financier, hors sol, qui monopolise la richesse, qui s’est affranchi de la souveraineté des Etats et qui prescrit des normes politiques et sociales en dehors de toute régulation démocratique. Et qui se croit « élu » pour imposer sa « gouvernance » au monde et aux peuples.

    A la différence de l’ancienne lutte des classes, les nouvelles élites n’ont plus peur des peuples depuis la chute du communisme

    C’est pourquoi elles ont perdu toute décence commune à son égard, comme en témoignent par exemple les propos d’Emmanuel Macron lorsqu’il évoque les Français pauvres (les gens de rien) ou de François Hollande se gaussant des « sans-dents ».

    D’autant que, avec l’immigration, les élites se sont fabriquées un peuple de rechange, qui constitue sa réserve électorale (notamment celle de la nouvelle gauche).

    De fait, aujourd’hui, les immigrants se trouvent donc objectivement du côté de l’oligarchie (même si, au plan des valeurs, ils n’ont que mépris pour la décadence et la mécréance occidentale) et ils bénéficient d’ailleurs de toutes ses sollicitudes (notamment « la politique de la ville » qui ne vise pas les territoires les plus pauvres mais uniquement les zones d’immigration). D’ailleurs, sans le vote des électeurs d’origine immigrée, les partis de gauche disparaîtraient [10] et beaucoup de notables de droite ne seraient pas réélus dans leurs communes.

    Les immigrants bénéficient en outre par construction de la mondialisation puisqu’ils peuvent échapper à leur condition misérable dans leur pays d’origine en bénéficiant de la protection sociale des pays riches qui, même sur le déclin, sera toujours plus élevée que chez eux.

    Il est d’ailleurs frappant de constater que la révolte des Gilets Jaunes de l’automne 2018 en France n’a concerné pour l’essentiel que des Français de souche : à l’évidence les prétendues « banlieues défavorisées » , celles de l’immigration, ne le sont pas tant que cela.

    Les nouvelles élites regroupent principalement les CSP les plus élevées et ceux qui travaillent dans des secteurs protégés de la concurrence des pays à bas salaire qui célèbrent « la mondialisation heureuse » : avant tout parce qu’ils bénéficient de la réduction des prix résultant du libre-échange mondialiste sans en supporter les conséquences néfastes en termes d’emploi ou de diminution de la couverture sociale.

    Ces privilégiés de la mondialisation diffusent un discours destiné à leur donner bonne conscience (par exemple « l’ouverture aux autres » et le « vivre ensemble ») alors qu’ils manifestent une indifférence glacée vis-à-vis de la situation dans laquelle se trouve la majorité de leurs compatriotes et en particulier vis-à-vis de la destruction de la classe moyenne.

    Dans la nouvelle lutte des classes, les nouvelles élites récusent la démocratie et dénient au peuple le droit de définir son destin. Elles remplacent la démocratie par la post-démocratie qui n’est qu’une forme douce de dictature : notamment parce que la post-démocratie repose sur la domination des juges inamovibles et idéologisés sur les législateurs élus. Elle repose aussi sur l’Union Européenne qui permet de détruire la souveraineté des peuples. Et sur un contrôle croissant de la population : contrôle par la propagande des médias, censure du politiquement correct, contrôle par l’écologie punitive, contrôle technologique etc…

    De cette nouvelle lutte des classes, découlent plusieurs conséquences importantes pour l’avenir de la Droite

    La question sociale (la paupérisation, la fin de l’ascenseur social, la précarité du travail) est de retour en Occident

    Mais elle reste en déshérence puisque la Gauche l’a abandonnée et que la Droite reste largement prisonnière de la doxa libérale (ou de l’oxymore d’un libéralisme/national). Et, de toute façon, elle ne s’est jamais vraiment intéressée aux questions sociales, à la différence de la Gauche.

    Cela signifie que la révolte populaire contre les nouvelles élites se déroule pour le moment en dehors des partis institutionnels de gauche comme de droite, car ils n’apportent pas de réponse lisible à cette nouvelle demande sociale.

    Il s’agit donc d’un champ politique à conquérir pour la Droite. D’autant qu’avec l’immigration de peuplement et la mondialisation, la question sociale rejoint la question identitaire et de la souveraineté.

    La question institutionnelle est aussi de retour, parce les institutions publiques - et notamment les États - ne garantissent plus le Bien Commun, mais deviennent l’instrument de l’oppression des peuples autochtones en Europe.

    En particulier parce que les élites installent, pour conforter leur domination, la suprématie des minorités et des intérêts privés sur les majorités. Parce qu’elles installent partout la préférence en faveur des Autres (Big Other), aux dépens des Nôtres. Et parce que notre système politique est devenu profondément antidémocratique (des minorités d’électeurs élisent des minorités non représentatives de l’ensemble de la population[11], et qui de toute façon ne gouvernent pas vraiment, puisque les États ont perdu l’essentiel des instruments de la souveraineté au profit de la super classe mondiale, des lobbies et de l’Europe de Bruxelles).

    Rendre du pouvoir au pouvoir devient pour cette raison une question essentielle, pour restaurer la démocratie entendue comme « le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ».

    La nouvelle lutte des classes modifie la nature du clivage gauche/droite, mais ne le supprime pas pour autant

    En particulier les partis de gauche ne se situent plus du côté du peuple, mais ont rejoint le camp libéral, libertaire et mondialiste contre les peuples. Et parce qu’ils privilégient désormais les Autres aux dépens des Nôtres.

    Le déclin tendanciel des partis de gauche – notamment socialistes ou sociaux-démocrates – résulte de cette translation (et réciproquement, cf la stratégie de Terra Nova : les minorités doivent remplacer l’électorat populaire qui se tourne vers les partis populistes).

    En récusant le mondialisme, la déconstruction des sociétés ou le grand remplacement migratoire, les peuples ont au contraire tendance à occuper un positionnement de droite et conservateur.

    L’idée d’une convergence des révoltes politiques entre la France périphérique et la France immigrée repose sur une illusion

    La France immigrée n’a aucun intérêt commun avec la France périphérique.

    En outre l’oligarchie se sert de l’immigration comme moyen de museler définitivement la France périphérique, notamment en la remplaçant démographiquement tout simplement et en instrumentant la « lutte contre le racisme et la xénophobie».  Une course de vitesse se déroule donc entre les flux migratoires (que les élites mondialistes veulent à tout prix maintenir) et la révolte des peuples autochtones.

    Pour cette raison un positionnement politique comme celui de La France Insoumise est voué à l’échec à moyen terme. Mais il en va de même pour une droite qui croirait pouvoir satisfaire ces deux électorats en même temps.

    Une convergence politique entre certaines élites et la France périphérique est pour le moment aussi une illusion 

    La solidarité des élites entre-elles sera toujours plus forte que son empathie pour le reste de la population. Pour cette raison, les partis populistes ou souverainistes ne réussissent globalement toujours pas à recruter au-delà des classes moyennes et populaires.

    Certaines élites ne rejoindront le peuple – comme cela s’est produit au début du 20ème siècle – que si elles ont de nouveau peur de la révolte populaire ou de quelque chose d’équivalent. D’une certaine façon, la révolte des Gilets Jaunes de l’automne 2018 en France en apporte la preuve.

    Mais si la France périphérique est pour le moment [12] plus nombreuse que les élites [13], elle reste inorganisée et manque de maturité idéologique, notamment parce qu’elle est de plus en plus déculturée [14].

    Il y a donc là aussi un champ d’action que la Droite devrait investir si elle avait conscience des enjeux

    Le populisme progresse partout car il est à la fois un cri de douleur (celui des peuples qui ne veulent pas mourir ni être remplacés) et un cri de ralliement contre les nouvelles élites (comme hier le socialisme pour le prolétariat).

    Mais il ne dépassera pas le stade protestataire – instrumentalisé par les élites comme repoussoir – s’il n’apporte pas aussi des réponses cohérentes à la question sociale et pas seulement à celle de la souveraineté, de l’immigration et de l’identité.

    Il faut donc qu’il apparaisse aussi comme porteur d’une alternative crédible et cohérente au libéralisme libertaire et cosmopolite. Y compris au plan spirituel et moral, afin de répondre au vide existentiel produit par un Système, qui est comme le communisme, d’essence matérialiste.

    Michel Geoffroy (Polémia, 6 décembre 2018)

     

    Notes :

    [1] La Révolte des élites et la trahison de la démocratie, ouvrage posthume de Christopher Lasch publié en 1995

    [2] Au sens sociologique  et non qualitatif du terme : avant tout les plus riches et les CSP les plus élevées

    [3] Selon l’économiste Ph.Herlin le pouvoir d’achat des Français a diminué depuis 1975 dans les domaines essentiels à la vie du transport, du logement et de la nourriture

    [4] Il s’agit en fait d’un oxymore car ces réformes ont justement pour objet l’individuation radicale et la destruction de tout ce qui fait société. Le terme sociétal est destiné à faire oublier qu’à droite comme à gauche on a abandonné le social : parce que la gauche a abandonné le peuple et parce que la droite réduit le social à l’humanitaire et à la philanthropie)

    [5]« Il faut arrêter de dire que le peuple a toujours raison», affirmait d’ailleurs Daniel Cohn-Bendit après le vote pour le Brexit ; le Figaro du 5 juillet 2016

    [6] La Société ouverte et ses ennemis,  Karl Popper , 1945

    [7] Comme l’écrit George Soros dans la société ouverte « la structure organique de la société a été désintégrée au point où ses atomes, les individus, flottent sans entraves » ; Soros et la société ouverte, Pierre-Antoine Plaquevent ; le Retour aux sources ; 2018 ; page 115

    [8] New York times du 26 novembre 2006

    [9] Notamment le premier par Samuel Huntington dans son livre Qui sommes-nous, paru en 2004

    [10] Il s’agit d’un phénomène que l’on rencontre partout, même aux Etats-Unis où le parti démocrate devient le parti des minorités ethniques, alors que les WASP votent en majorité pour le parti républicain

    [11] En 2017 seule une minorité de Français a voté (Emmanuel Macron n’a été élu que par 43,6% des inscrits[11] et aux législatives de 2017, seuls 38,4% des Français ont voté) et la « majorité » parlementaire est en réalité minoritaire dans l’opinion et une part importante des votants n’est pas représentée du fait du régime électoral (ex avec 1,59 M de voix au second tour des législatives de 2017,le FN n’a que 8 élus, quand la France Insoumise a 17 élus avec 880 000 voix et le PC 10 élus avec …200 000 voix)

    [12] La croissance démographique de la France immigrée est très rapide

    [13] A noter cependant que les familles traditionnelles (catholiques en France) ont tendance à faire plus d’enfants que les bobos : leur poids spécifique tend donc à augmenter

    [14] L’Education Nationale ayant abandonné toute transmission des savoirs, conformément aux souhaits de l’oligarchie

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  • Le bruit des baskets...

    Nous reproduisons ci-dessous une chronique de François Taillandier parue dans le quotidien L'Humanité. Auteur de plusieurs essais, comme Les parents lâcheurs (Rocher, 2001), François Taillandier est aussi romancier et est, notamment, l'auteur d'une magnifique fresque romanesque en cinq volumes, intitulée La grande intrigue, parue chez Stock (mais en cours de publication en poche dans la collection Folio), que nous vous recommandons.

     

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    Le bruit des baskets

    Était-ce pour l’anniversaire de sa mort ? Dimanche, à la supérette G 20 de mon quartier, une radio rediffusait le Bruit des bottes, de Jean Ferrat, chanson écrite aux alentours de 1980. Ferrat alertait sur la possibilité d’un coup d’État fasciste, en cas, par exemple, d’arrivée de la gauche au pouvoir. Beaucoup, dont j’étais, partageaient cette crainte, que les faits semblaient justifier : il y avait les précédents de la Grèce, du Chili et d’une bonne partie de l’Amérique latine, où les régimes à képis étaient soutenus à bout de bras par les mêmes Etats-Unis qui avaient martyrisé le Vietnam.

    L’histoire a des cheminements imprévus : trente ans plus tard, il reste à constater que nous étions menacés par tout, sauf par cela. Comme Pasolini l’avait pressenti, le capitalisme multinational a rompu les amarres avec les formes anciennes de domination. L’acceptation empressée des revendications strictement sociétales, la promotion d’un nouvel individualisme hédoniste, la concurrence mondiale du travail, l’endettement permanent et encouragé, s’ajoutant aux désillusions du communisme réel, lui ont fourni des masses atomisées, soumises, peu capables d’une contestation structurée du système. Je ne sais quel ploutocrate américain proclamait récemment : «La lutte des classes existe, et nous sommes en train de la gagner.» Ces gens-là ont compris que la séduction est plus efficace que la violence pour asservir les peuples.

    Il doit être désormais entendu que nos gouvernants nous aiment et ne veulent que nous protéger. Et quand ils se rendent invisibles, c’est pour ne pas être importuns. Les mouchards sont technologiques, le flicage confié au code-barres et à la puce, la traçabilité numérisée ; le collectivisme est celui des marques ; l’enrégimentement est festif. Les ennemis désignés du système sont les fumeurs persistants, les virus virtuels, les misogynes s’il en reste, les déchets non triés et les tapis-puzzles à base de formamide. La propagande organisée n’incite qu’à la consommation, le seul impératif social est de « mangerbouger ». Le bruit des baskets a succédé à celui des bottes. Tout le monde ou presque en redemande.

    Certes, il subsiste quelques « fachos ». Et aussi quelques révolutionnaires. Doctes et médias ont trouvé la parade en les regroupant sous l’appellation infamante de « populistes ». On n’aura même pas besoin de leur faire du mal.

    François Taillandier (L'Humanité, 17 mars 2011)

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