Sur L'avant-blog, Eric Werner poursuit l'oeuvre entreprise dans son ouvrage Ne vous approchez pas des fenêtres (Xenia, 2008). Dans de courts dialogues, ses personnages emblématiques commentent l'actualité, discutent sur l'air du temps et « résistent à mi-voix à la pression de la "pensée unique" ».
Pour vous engager à suivre cette chronique forte et subtile de la modernité tardive, nous reproduisons ici deux des derniers dialogues.
Contradictions
Au fait, que pensez-vous de l'Usurpateur, dit le Visiteur? Il est pris dans ses propres contradictions, dit l'Ethnologue. D'un côté il veut maintenir les frontières, de l'autre il est pour la liberté des marchés. C'est soit l'un, soit l'autre. Soit on croit au marché, soit au maintien des frontières. A mon avis, l'Usurpateur croit surtout au marché. Ce n'est pas pour rien d'ailleurs qu'il participe aux séances du groupe de Bilderberg, un des hauts-lieux du pouvoir mondialisé. Ah bon, dit le Visiteur? Oui, tout fait, dit l'Ethnologue. C'est l'Editeur qui a levé ce lièvre. L'Usurpateur est également très faible en matière sociale, écologique, etc. En fait c'est un néolibéral, mais un néolibéral incohérent. Il ne va pas pas jusqu'au bout de ses propres principes. Il critique certaines retombées de l'idéologie dérégulatrice, en aucune manière cette idéologie elle-même.23 novembre 2010
En reste
Les autres, ceux d'en face, ne sont pas en reste, dit l'Ethnologue. Tous, on le sait, sont pour l'ouverture des frontières (aux personnes, aux capitaux, aux marchandises, etc.), inconditionnellement pour. A leur goût, les frontières ne seront jamais assez ouvertes. Plus on les ouvre, mieux c'est. En même temps ils se disent héritiers de l'ancienne social-démocratie européenne, celle qui, au lendemain de la dernière guerre, a construit l'Etat-providence. Or ne me dis pas que l'ouverture des frontières reste sans effet sur l'Etat-providence. Sans effet, évidemment non. Eux-mêmes le savent très bien. Mais ils ne veulent pas le reconnaître. Et donc, dit le Visiteur? Ils maintiennent une façade d'Etat-providence tout en s'employant à le vider insensiblement de sa substance, au gré de réformes successives que les gens acceptent en maugréant, mais acceptent quand même.24 novembre 2010Eric Werner