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Métapo infos - Page 1270

  • La fin de la guerre froide n'a jamais eu lieu...

    Nous reproduisons ci-dessous un texte d'Alain de Benoist, cueilli sur le blog de la revue Eléments et consacré à la crise ukrainienne.

    Alain de Benoist a publié en fin d'année 2013 aux éditions Pierre-Guillaume de Roux un essai intitulé Les démons du Bien. Il vient également de publier aux éditions Mordicus un court essai polémique intitulé Non à la théorie du genre ! .

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    Ukraine : la fin de la guerre froide n'a jamais eu lieu

    1- L’affaire ukrainienne est une affaire complexe et aussi une affaire grave (à une autre époque et en d’autres circonstances, elle aurait très bien pu donner lieu à une guerre régionale, voire mondiale). Sa complexité résulte du fait que les données dont on dispose peuvent amener à porter sur elle des jugements contradictoires. En pareille circonstance, il faut donc déterminer ce qui est essentiel et ce qui est secondaire. Ce qui est essentiel pour moi est le rapport de forces existant à l’échelle mondiale entre les partisans d’un monde multipolaire, dont je fais partie, et ceux qui souhaitent ou acceptent un monde unipolaire soumis à l’idéologie dominante que représente le capitalisme libéral. Dans une telle perspective, tout ce qui contribue à diminuer l’emprise américano-occidentale sur le monde est une bonne chose, tout ce qui tend à l’augmenter en est une mauvaise.

     

    L’Europe ayant aujourd’hui abandonné toute volonté de puissance et d’indépendance, c’est de toute évidence la Russie qui constitue désormais la principale puissance alternative à l’hégémonisme américain, sinon à l’idéologie dominante dont l’Occident libéral est le principal vecteur. L’« ennemi principal » est donc à l’Ouest.

    Je n’éprouve pour autant aucune sympathie pour le président ukrainien déchu. Yanoukovitch était de toute évidence un personnage détestable, en même temps qu’un autocrate profondément corrompu. Poutine lui-même a fini par s’en rendre compte – un peu tard, il est vrai. Je ne suis pas non plus un inconditionnel de Vladimir Poutine, qui est de toute évidence un grand homme d’Etat, très supérieur à ses homologues européens et américains, et aussi un praticien averti des arts martiaux acquis aux principes du réalisme politique, mais qui est aussi beaucoup plus un pragmatique qu’un « idéologue ». Cela ne change rien au fait que, pour autant qu’on puisse en juger aujourd’hui, la « révolution de Kiev » a servi avant tout les intérêts américains.

    J’ignore si les Américains ont inspiré, voire financé cette « révolution » comme ils avaient déjà inspiré et financé les précédentes « révolution colorées » (Ukraine, Géorgie, Kirghizistan, etc.), en cherchant à canaliser des mécontentements populaires souvent justifiés pour intégrer les peuples dans l’orbite économique et militaire occidentale. Le fait est, en tout cas, qu’ils l’ont soutenue dès le départ sans aucune ambiguïté. Le nouveau Premier ministre ukrainien, l’économiste et avocat milliardaire Arseni Yatseniouk, qui n’avait obtenu que 6,9 % des voix à l’élection présidentielle de 2010, s’est d’ailleurs tout de suite précipité à Washington où Barack Obama l’a reçu dans le Bureau Ovale, honneur généralement réservé aux chefs d’Etat. Sauf retournement imprévisible, les événements qui ont abouti à l’éviction brutale du chef de l’Etat ukrainien à la suite des manifestations de la place Maïdan, ne peuvent donc pas être considérés comme une bonne chose par tous ceux qui luttent contre l’hégémonie mondiale des Etats-Unis.

    2- On parle partout d’un « retour à la guerre froide ». Il faudrait plutôt se demander si elle a jamais pris fin. A l’époque de l’Union soviétique, les Américains développaient déjà une politique qui, sous couvert d’anticommunisme, était fondamentalement antirusse. La fin du système soviétique n’a rien changé aux données fondamentales de la géopolitique. Elles les a au contraire rendu plus évidentes. Depuis 1945, les Etats-Unis ont toujours cherché à empêcher l’émergence d’une puissance concurrente dans le monde. L’Union européenne étant réduite à l’impuissance et à la paralysie, ils n’ont jamais cessé de voir dans la Russie une menace potentielle pour leurs intérêts. Au moment de la réunification allemande, ils s’étaient solennellement engagés à ne pas chercher à étendre l’OTAN dans les pays de l’Est. Ils mentaient. L’OTAN, qui aurait dû disparaître en même temps que le Pacte du Varsovie, a non seulement été maintenu, mais il s’est étendu à la Pologne, à la Slovaquie, à la Hongrie, à la Roumanie, à la Bulgarie, à la Lituanie, à la Lettonie et à l’Estonie, c’est-à-dire jusqu’aux frontières de la Russie. L’objectif est toujours le même : affaiblir et encercler la Russie en déstabilisant ou en prenant le contrôle de ses voisins.

    Toute l’action des Etats-Unis vise ainsi à empêcher la formation d’un grand « bloc continental » en persuadant les Européens que leurs intérêts sont contraires à ceux de la Russie, alors qu’ils sont en réalité parfaitement complémentaires. Telle est la raison pour laquelle l’« intégrité territoriale » de l’Ukraine leur importe plus que l’intégrité historique de la Russie. « Revenir à la guerre froide », pour les Américains, c’est revenir aux conditions les plus propices à la mise en sujétion de l’Europe par Washington. Le projet de « grand marché transatlantique » actuellement en cours de négociation entre l’Union européenne et les Etats-Unis va également dans ce sens.

    3- La complication vient du caractère hétérogène de l’opposition à Yanoukovitch. La presse occidentale a généralement présenté cette opposition comme « pro-européenne », ce qui est un mensonge évident. Parmi les opposants à l’ancien président ukrainien, on trouve en réalité deux tendances totalement opposées : d’un côté ceux qui veulent effectivement se lier étroitement à l’Occident et rêvent d’intégrer l’OTAN sous parapluie américain, de l’autre ceux qui aspirent à une « Ukraine ukrainienne » indépendante de Moscou comme de Washington ou de Bruxelles. Le seul point commun de ces deux tendances est leur allergie totale à la Russie. Les manifestations de la place Maïdan ont donc d’abord été des manifestations antirusses, et c’est en tant que « président pro-russe » que Yanoukovitch a été destitué.

    Les nationalistes ukrainiens, regroupés dans des mouvements comme « Svoboda » ou « Secteur droite » (Pravy Sektory), sont régulièrement présentés dans la presse comme des extrémistes et des nostalgiques du nazisme. Comme je ne les connais pas, j’ignore si c’est vrai. Certains d’entre eux semblent bien être les tenants d’un ultra-nationalisme convulsif et haineux que j’exècre. Mais il n’est pas évident que tous les Ukrainiens désireux d’indépendance vis-à-vis de la Russie comme des Etats-Unis partagent les mêmes sentiments. Beaucoup d’entre eux ont lutté sur la place Maïdan, sans avoir le sentiment d’être manipulés,  avec un courage qui mérite le respect. Toute la question est de savoir s’ils ne seront pas dépossédés de leur victoire par une « révolution » dont l’effet principal aura été de remplacer le « grand frère russe » par le Big Brother américain.

    4- En ce qui concerne la Crimée, les choses sont à la fois plus claires et plus simples. Depuis au moins quatre siècles, la Crimée est un territoire russe peuplé essentiellement de populations russes. Elle abrite aussi la flotte russe, Sébastopol constituant le point d’accès de la Russie aux « mers chaudes ». S’imaginer que Poutine pourrait tolérer que l’OTAN prenne le contrôle de cette région est évidemment impensable. Mais il n’a pas eu besoin d’agir en ce sens, puisque lors du référendum du 16 mars, près des 97 % des habitants de la Crimée ont exprimé sans équivoque leur désir d’être rattachés à la Russie, ou plus exactement d’y revenir, puisqu’ils en avaient été coupés arbitrairement en 1954 par une décision de l’Ukrainien Nikita Khrouchtchev. Cette décision d’attribuer administrativement la Crimée à l’Ukraine s’était faite à l’époque dans le cadre de l’Union soviétique – elle était donc sans grandes conséquences – et sans aucune consultation de la population concernée. L’ampleur du vote du 16 mars, doublée d’un taux de participation de 80 %, ne laisse aucun doute sur la volonté du peuple de Crimée.

    Parler dans ces conditions d’un « Anschluss » de la Crimée, faire la comparaison avec les interventions de l’URSS en Hongrie (1956) ou en Tchécoslovaquie (1968), est donc tout simplement ridicule. Dénoncer ce référendum comme « illégal » l’est plus encore. La « révolution » du 21 février a en effet mis un terme à l’ordre constitutionnel ukrainien, puisqu’elle a substitué un pouvoir de fait à un président régulièrement élu, ce qui a entraîné la dissolution de la Cour constitutionnelle ukrainienne. C’est d’ailleurs pour cette raison que les dirigeants de la Crimée, estimant que les droits de cette région autonome n’étaient plus garantis, ont décidé d’organiser un référendum sur son avenir. On ne peut à la fois reconnaître un pouvoir né d’une rupture de l’ordre constitutionnel, qui libère tous les acteurs de la société de leurs contraintes constitutionnelles, et en même temps se référer à ce même ordre constitutionnel pour déclarer « illégal » le référendum en question. Vieil adage latin : Nemo auditur propriam turpitudinem allegans (« Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude »).

    En apportant dès le 21 février dernier leur appui à un nouveau gouvernement ukrainien directement issu d’un coup d’Etat, les Américains ont par ailleurs démontré que leur souci de « légalité » est tout relatif. En agressant la Serbie, en bombardant Belgrade, en soutenant en 2008 la sécession et l’indépendance du Kosovo, en déclarant la guerre à l’Irak, à l’Afghanistan ou à la Libye, ils ont aussi montré le peu de cas qu’ils font du droit international, comme d’un principe d’« intangibilité des frontières » qu’ils n’invoquent que lorsque cela les arrange. Au demeurant, les Etats-Unis semblent avoir oublié que leur propre pays est né d’une sécession vis-à-vis de l’Angleterre… et que le rattachement de Hawaï aux Etats-Unis, en 1959, ne fut autorisé par aucun traité.

    Les dirigeants européens et américains, qui s’arrogent la qualité de seuls représentants de la « communauté internationale », n’ont pas contesté le référendum qui, voici quelques années, a séparé l’île de Mayotte des Comores pour la rattacher à la France. Ils admettent qu’en septembre prochain les Ecossais pourront se prononcer par référendum sur une éventuelle indépendance de l’Ecosse. Pourquoi les habitants de la Crimée n’auraient-ils les mêmes droits que les Ecossais ? Les commentaires des dirigeants européens et américains sur le caractère « illégal et illégitime » du référendum de Crimée montrent seulement qu’ils n’ont rien compris à la nature de ce vote, et qu’ils refusent de reconnaître à la fois le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et la souveraineté du peuple qui est le fondement de la démocratie.

    5- Quant aux menaces de « sanctions » économiques et financières brandies par les Occidentaux contre la Russie, elles prêtent à sourire, et Poutine n’a pas eu tort de dire ouvertement combien elles l’indiffèrent. Poutine sait que l’Union européenne n’a aucun pouvoir, aucune unité, aucune volonté. A juste raison, il n’accorde aucun crédit à des pays qui prétendent « défendre les droits de l’homme », mais ne peuvent se passer de l’argent des oligarques. Comme disait Bismarck : « La diplomatie sans les armes, c’est la musique sans les instruments ». Poutine sait que l’Europe est déliquescente, qu’elle n’est plus capable que de gesticulations et de provocations verbales, et que les Etats-Unis eux-mêmes la regardent comme quantité négligeable (« Fuck the European Union ! », comme disait Victoria Nuland). Il sait surtout que, s’ils voulaient vraiment « sanctionner » la Russie, les Occidentaux se sanctionneraient eux-mêmes, car ils s’exposeraient à des représailles de grande ampleur dont ils ne sont visiblement pas prêts à payer le prix. C’est la vieille histoire de l’arroseur arrosé.

    Il suffit de rappeler ici que le gaz et le pétrole russes représentent environ le tiers de l’approvisionnement énergétique des 28 pays de l’Union européenne, pour ne rien dire de l’ampleur des investissements européens, notamment allemands et britanniques, en Russie. On ne compte aujourd’hui pas moins de 6000 sociétés allemandes actives sur le marché russe. En France, le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius a menacé la Russie de ne pas lui livrer deux navires porte-hélicoptères de type « Mistral » actuellement en construction aux chantiers de Saint-Nazaire. Dans un pays où l’on compte déjà plus de cinq millions de chômeurs, la conséquence serait la perte de plusieurs milliers d’emplois… Quant aux Etats-Unis, s’ils cherchent à geler les actifs russes à l’étranger, ils s’exposent à voir en retour gelés le remboursement des crédits que les banques américaines ont accordés à des structures russes.

    L’Ukraine est aujourd’hui un pays ruiné. Elle aura le plus grand mal à se passer du soutien économique de la Russie et à remédier à la fermeture du marché de la CEI (la Russie représentait jusqu’à présent 20 % de ses exportations et 30 % de ses importations). On voit mal par ailleurs les Européens trouver les moyens de lui apporter une aide financière qu’ils ne veulent même plus accorder à la Grèce : compte tenu de la crise qu’elle traverse depuis 2008, l’Union européenne n’est tout simplement plus en mesure de débloquer des sommes de plusieurs milliards d’euros. En proie à leurs propres problèmes, à commencer par des déficits colossaux, les Etats-Unis voudront-ils soutenir l’Ukraine à bout de bras ? On peut en douter. Les chèques de Washington et du Fonds monétaire international (FMI) ne règleront pas les problèmes de l’Ukraine.

    6- L’avenir reste pour l’heure aussi incertain qu’inquiétant. L’affaire ukrainienne n’est pas finie, ne serait-ce que parce qu’on ne sait pas encore qui représente exactement le nouveau pouvoir ukrainien. Si l’Ukraine choisit de s’ancrer résolument à l’Ouest, la grande question est de savoir comment réagira la partie orientale de l’Ukraine, qui est à la fois la plus pro-russe et la plus industrialisée (la partie ouest ne représente que le tiers de la production du PIB). Comment la Russie pourrait-elle, de son côté, accepter qu’un gouvernement radicalement antirusse dirige un pays dont la moitié de la population est russe ? Toute tentative d’imposer une solution par la force risque d’aboutir à la guerre civile et en fin de compte à la partition d’un pays où les grandes lignes de partage politiques, linguistiques et religieuses, recoupent largement les lignes de partage territoriales. On verrait alors se reproduire le scénario qui a conduit à l’éclatement de l’ex-Yougoslavie.

    Dans l’immédiat, le risque le plus grand est celui d’un pourrissement de la situation à Kiev, accompagné d’une série d’initiatives irresponsables (création de milices, etc.) et d’incidents isolés qui dégénéreraient en montée aux extrêmes. Ni l’Europe ni la Russie (qui va maintenant renforcer son alliance militaire avec la Chine) n’y ont intérêt. De l’autre côté de l’Atlantique, en revanche, les partisans de la guerre ne manquent pas.

    7- Le déchaînement des médias occidentaux est révélateur de leur degré de soumission à Washington. Poutine est régulièrement décrit comme un « nouveau tsar », un « kagébiste », un « néo-soviétique », mais aussi un « fasciste » et un « rouge-brun », alors que ce n’est pas lui qui a déclenché la crise ukrainienne, et qu’il a plutôt fait preuve dans cette affaire d’une extraordinaire patience. La Russie est présentée, sinon comme une « dictature », alors qu’elle n’a jamais connu un tel degré de démocratie dans son histoire, du moins comme un régime « insuffisamment libéral », c’est-à-dire pas assez conforme aux exigences de la « société ouverte ». Mais, comme l’a très bien vu Henry Kissinger, « diaboliser Poutine n’est pas une politique, mais une manière de masquer une absence de politique ».

    Certes, comme je l’ai dit plus haut, il n’y a pas lieu de considérer Poutine comme un « sauveur » qui épargnerait aux Européens de prendre eux-mêmes en mains leur destin. L’Europe n’a pas pour vocation de constituer la branche occidentale d’un grand empire russe (l’idée d’empire n’est pas réductible à l’impérialisme). Elle a en revanche le devoir d’admettre la nécessité d’une alliance avec la Russie dans le grand projet collectif d’une logique continentale eurasiatique, ce qui est tout différent.

    La Russie, de son côté, aurait tout intérêt à admettre le pluralisme d’identités de ses voisins de l’« étranger proche ». La colère ukrainienne s’est nourrie d’une tendance russe à nier l’identité ukrainienne qui n’est pas imaginaire, même si elle a parfois été exagérée. On n’en serait sans doute pas arrivés là si la Russie avait traité l’Ukraine sur un pied d’égalité et de réciprocité. Dans une logique fédérale, les identités locales doivent être respectées tout autant que les droits des minorités. Les notions de décentralisation, d’autonomie et de régionalisme doivent entrer dans la culture politique russe, tout comme elles doivent entrer dans la culture politique ukrainienne, qui n’y est visiblement pas plus disposée (comme le montre l’incroyable décision du nouveau gouvernement ukrainien de dénier à la langue russe le statut de seconde langue officielle). La notion de zone d’influence a un sens, et ce sens doit être reconnu, mais les pays « satellites » doivent désormais céder la place à des pays partenaires et alliés. Comme l’a écrit le Croate Jure Vujic, le « projet géopolitique grand-européen eurasiste doit être avant tout un projet fédérateur, de coopération géopolitique, fondé sur le respect de tous les peuples européens et sur le principe de subsidiarité ».

    Alain de Benoist (Blog Éléments, 23 mars 2014)

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  • Vers une révolution conservatrice ?...

    Les éditions Pierre-Guillaume de Roux publient cette semaine un essai de Paul-François Paoli intitulé Malaise de l'Occident - Vers une révolution conservatrice ? . Chroniqueur au Figaro littéraire, Paul-François Paoli est l'auteur de plusieurs essais, dont La tyrannie de la faiblesse (Bourin, 2010) et Pour en finir avec l'idéologie antiraciste (Bourin, 2012).

     

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    " La France est-elle au bord de la guerre civile ainsi que le clament de manière unanime l’ensemble des médias, toutes tendances confondues ?  Le mal profond dont souffre le pays résulte de plusieurs fractures dépassant de loin  la « fracture sociale » dénoncée par Jacques Chirac il y a 20 ans. Ainsi les grandes manifestations contre le « mariage pour tous » ont témoigné du fossé existant désormais entre une France affiliée à une certaine vision « naturaliste » de la famille et le monde parisien où les partisans du « mariage pour tous » sont très majoritaires. Cette fracture est extrêmement profonde car dépassant les affiliations politiques: il s'agit, ni plus ni moins, d'une vision de l'homme, de la femme et de l'enfant. Une autre question, tout aussi dramatique par sa violence, a trait à l'identité de la France et de la République.  D’un côté, la gauche a réussi à imposer, à travers les discours récurrents de Peillon, Hamon, Taubira ou Hollande, une vision de "l'homme universel" dont, nous autres Français, aurions, en quelque sorte, déposé l'imprimatur depuis la Révolution Française. Là encore il s'agit d'une spécificité française, marquée par la culture jacobine, mais aussi par les idéaux du Grand Orient de France auxquels moult ministres socialistes sont affiliés. Cet universalisme idéologique n'est pas aussi partagé qu'on le croit et son affirmation autoritaire instaure un clivage dans un pays marqué par le morcellement croissant des identités. La troisième fracture  découle de l'histoire d'une Résistance marquée par l'influence communiste. Au point que toute contestation de sa vision passe pour une forme de collaborationnisme. La pensée gaullienne, nationale dans son essence, a été, en fin de compte, occultée au bénéfice d'un humanisme messianique dont Stéphane Hessel est devenu, ces dernières années, le parangon médiatique. Occultation qui est la raison d'être fondamentale de l'apparition du FN dans les années 80, lequel se construit sur les ruines du gaullisme politique.  Aux yeux d'un De Gaulle, la légitimité de l'Etat français est fondée sur un peuple; le peuple français, dont la francité n'est pas réductible à la citoyenneté , prônée à toute force par la République officielle de Peillon et consorts, mais relève aussi d'un sentiment d'affiliation historique et culturelle.. . Toutes ces fractures ont pour enjeu la survie même du pays. A l'heure où émergent ces grands blocs que constituent l'Inde et la Chine et où se radicalise l'Islam, il semble vain de se nourrir d'illusions sur le rôle, par définition universel, de la France dont l'influence, désormais scellée par l'entreprise européenne, s'est amoindrie depuis la fin de l'Empire colonial. Alors quelle révolution  s’impose-t-elle sinon, celle qu’on appellera «  conservatrice » ? "

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  • Le ras-le-bol de la politique politicienne

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un point de vue de François Huguenin, cueilli sur Figarovox et consacré aux résultats du premier tour des élections municipales. Historien des idées, François Huguenin était rédacteur-en-chef, au début des années 90, de l'excellente revue Réaction. Il est l'auteur de plusieurs essais comme Histoire intellectuelle des droites (Perrin, 2013),  L'Action française, Une histoire intellectuelle (Perrin, 2011), Résister au libéralisme - Les Penseurs de la communauté (Éditions du CNRS, 2009) ou Le Conservatisme impossible : libéralisme et réaction en France depuis 1789 (La Table Ronde, 2006).

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    Abstention, percée du FN : le ras-le-bol de la politique politicienne

    Les résultats du premier tour des élections municipales ont été sans surprise marquées par un double phénomène: l'importance du taux d'abstention et le succès du Front National. Deux manières de manifester une profonde défiance par rapport à la classe politique, dont le Front National, qui n'exerce pas de responsabilités de gouvernement, peut donner l'illusion de ne pas faire partie.

    Se lamenter sur l'absence de sens civique de nos concitoyens, s'indigner de la lepénisation des esprits peut être louable. Cela risque pourtant de n'être qu'une incantation supplémentaire qui peut certes donner bonne conscience, mais qui a montré sur la durée son inconsistance et son inefficacité. Ce double mouvement de défiance renvoie à quelque chose de fondamental qui est l'absence de principes de la classe politique, ou tout au moins de sa partie la plus visible, au sommet des appareils partisans, et donc de l'Etat. Comment en est-on arrivé là? Qu'est-ce que cela dit de notre démocratie?

    La corruption du personnel politique n'est pas nouvelle. Il suffit de lire l'histoire de l'Antiquité à nos jours pour savoir que le pouvoir corrompt, que l'homme est bien souvent sous l'emprise de ce que saint Augustin appelait la libido dominandi qui le conduit à des pratiques immorales. Quel que soit le type de régime, cette tentation a existé au cœur de l'homme et la démocratie française n'y a pas échappé. On se souvient de la difficulté à s'implanter de la IIIe République, gangrénée par les affaires de corruption (scandales de Panama et des décorations), ou d'atteinte à la liberté d'opinion (affaire des fiches). Pourtant, malgré tout, il restait clair que ces pratiques, lorsqu'elles étaient mises en lumière, pouvaient faire tomber un gouvernement ou un ministre et heurtaient une morale laïque partagée par tous. Qu'elles aient été moins ou aussi fréquentes qu'aujourd'hui, ces pratiques étaient à tout le moins considérées comme anormales et condamnables. Aujourd'hui, un gouvernement ne tombe plus pour une sombre histoire d'écoute et d'atteinte à la liberté ; un parti politique qui finance sa campagne de façon malhonnête garde pignon sur rue ; sans parler des glauques affaires sexuelles d'un ancien candidat à la présidence. Les Français sont-ils choqués? Sans doute. Mais rien ne se passe. Ils en ont pris leur parti. Ces affaires ne sont au demeurant que la partie immergée d'un iceberg qui met en péril le navire de notre démocratie: c'est le sentiment que les hommes politiques ne cherchent qu'à conquérir, garder ou retrouver le pouvoir, en servant les intérêts du camp qui les soutient, sans attention au bien commun ; que les promesses électorales sont systématiquement non tenues et que les électeurs ne sont pas considérés comme des citoyens à qui l'on doit la vérité et le respect.

     

    Pourquoi cet effondrement des principes qui garantissent la légitimité de notre démocratie? C'est là qu'un passage par l'histoire des idées s'impose. Comme l'avait montré Leo Strauss, la fracture de la politique moderne a consisté, avec Machiavel, dans le fait d'abandonner l'exigence de vertu au service du bien commun qui était le but de la politique traditionnelle. Non sans arguments, Machiavel, puis Hobbes, Locke et les Lumières ont considéré que l'écart entre l'objectif des Anciens et leur pratique était trop important. Il a donc fallu abaisser le seuil d'exigence de la conduite politique: remplacer l'objectif de bien gouverner par celui de prendre ou garder le pouvoir, troquer la quête de la vertu pour la recherche de la force et de la ruse (Machiavel) ; chercher la division et la neutralisation des pouvoirs pour garantir la paix civile (Montesquieu). Toutes ces stratégies ont abouti sur le plan des institutions à une démocratie qui a pu fonctionner sur des mécanismes électifs garantissant l'expression des diverses opinions et sur des institutions permettant l'équilibre ou l'alternance des pouvoirs. Mais ces institutions étaient ancrées sur d'anciens réflexes, et notamment sur la création d'une élite, ou pourrait-on dire d'une aristocratie certes non héréditaire, mais encore marquée par le souci d'un bien commun, d'un certain esprit de service, d'un souci d'honnêteté (pensons à de Gaulle payant les factures d'électricité de l'Elysée relatives à sa consommation personnelle!). L'effondrement des principes éthiques, la mise entre parenthèse de la notion de bien commun, la foi en un complet relativisme des conceptions du bien ont réduit à néant cet héritage. Désormais, plus rien ne vient obliger les politiques, rien ne vient transcender leurs objectifs de carrière, leurs accords partisans, leur appétit de pouvoir. La démocratie a oublié ce que Rousseau avait rappelé: elle peut encore moins vivre sans vertu, au sens des qualités requises pour agir en fonction du bien, que l'aristocratie ou la monarchie. Les Anciens le savaient, les Modernes tant qu'ils ont gardé cette mémoire le savaient encore. Les postmodernes que nous sommes l'avons oublié. La démocratie s'est recroquevillée sur un mécanisme purement procédural. Seul compte le sacre de l'élection pour légitimer le pouvoir alors que la politique ancienne savait que, quel que soit le mode de désignation des gouvernants, leur légitimité tenait à leur souci du bien commun. Cette exigence s'est perdue. L'adhésion aux institutions, le sentiment d'appartenance au corps social, risquent de se dissoudre dans le triomphe de l'individualisme, du consumérisme et du relativisme. Retrouver le souci du bien commun est devenu une urgence politique.

    François Huguenin (Figarovox, 23 mars 2014)

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  • En territoire ennemi...

    Les éditions Les Belles Lettres viennent de publier En territoire ennemi, de Didier Goux. Journaliste et auteur de romans populaires, Didier Goux est également un réactionnaire qui s'assume sur son blog intitulé Didier Goux habite ici...

     

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    " Voir le monde se lézarder et menacer ruines en même temps que sa propre jeunesse est une expérience douloureuse, mais partagée par nombre de consciences malheureuses et isolées. Fort heureusement, la souffrance ressentie devant un pays familier, maternel, se muant rapidement en un territoire hostile, n'empêche nullement l'humour, l'ironie ni le sarcasme ; pas plus que la tendresse ou la nostalgie, voire le désir d'en découdre avec la bêtise satisfaite et péremptoire.
    En une centaine de textes courts, écrits dans une langue dont l'élégance ne bride jamais la verve, En territoire ennemi dresse la carte de la société que l'on cherche à nous imposer, évidemment pour notre plus grand bonheur. L'auteur s'appuie sur ce qui fut, littérature, morale, traditions, histoire pour dévoiler plus crûment ce qui s'abîme sous nos yeux. Avec aussi, çà et là, quelques vivants espoirs de reconquête.
    Et si Didier Goux se montre parfois cruel, c'est que, dans la grande nurserie que l'on aménage pour les hommes de demain, la cruauté redevient nécessaire. La cruauté et le rire, ces armes jumelles. "

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  • Europe-marché ou Europe-puissance ?...

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    À l’occasion de la parution d'un numéro spécial «Europe», la revue Eléments a le plaisir de vous inviter à participer au colloque «Europe-marché ou Europe-puissance ?», le samedi 26 avril prochain, qui aura lieu de 15 à 19 heures à Paris, à l'ASIEM.

    Le rêve européen s’est transformé en cauchemar. L’Union européenne traverse une crise de légitimité sans précédent. Et le spectacle qu’elle offre n’a rien pour enthousiasmer. Le sentiment le plus répandu est que l’Europe se construit désormais contre les Européens. Un sondage Ipsos a révélé que 70 % des Français souhaitent « limiter les pouvoirs de l’Europe ». Comment en est-on arrivé là ?

    Invités du colloque

    Eric Maulin, professeur à l’université de Strasbourg et vice-président du Forum Carolus,

    Gérard Dussouy, professeur de géopolitique à l'université de Bordeaux,

    Magali Pernin, spécialiste en droit public, animatrice du site contrelacour.fr,

    Françoise Bonardel, philosophe, professeur à l'université de Paris Panthéon-Sorbonne,

    Paul-Marie Coûteaux, essayiste,

    Pierre Le Vigan, écrivain et journaliste d’Éléments,

    • Alain de Benoist, essayiste et directeur de Krisis et Nouvelle Ecole.

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  • Le point de vue d'Alain de Benoist sur la Crimée...

    Alain de Benoist, directeur des revues Nouvelle Ecole et Krisis et éditorialiste de la revue Eléments, répond aux questions de la radio iranienne francophone, IRIB, à propos des réactions des Etats-Unis et de l'Union européenne  après la décision de Vladimir Poutine d'accepter l'entrée de la Crimée au sein de la Fédération de Russie.

     

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