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système - Page 33

  • L'homme broyé et le Système fou...

    Nous reproduisons ci-dessous une analyse métapolitique particulièrement remarquable de Philippe Grasset, publiée sur son site De Defensa, à propos de l'affaire DSK.

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    L’homme broyé et le Système fou

    17 mai 2011 — Que ne l’a-t-on vu, cette image de DSK, menottes aux poignets, mains derrière le dos, “le visage hagard” selon les commentaires de service. La chose secoue la France jusqu’aux tréfonds, de bien diverses façons. Au contraire et mises à part les circonstances “croustillantes” de l’affaire, elle laisse en général l’Amérique courante assez indifférente bien que l’essentiel de cette affaire se déroule sur son sol et concerne un homme qui dirige une institution essentielle depuis des décennies à la politique générale de globalisation américaniste du reste du monde. Cette fois-ci, dans l’attitude publique au travers du système de la communication vis-à-vis des symptômes de la crise générale qui affecte le Système, et pour l’attitude spécifique de servir d’indicateur du caractère paroxystique de la crise, la France a raison et l’Amérique tort. C’est une occurrence inattendue et nouvelle car l’Amérique, jusqu’ici, au travers de sa presse dissidente et même certains segments de l’establishment, s’est montrée bien plus concernée par “le caractère paroxystique de la crise”.

    “Caractère paroxystique de la crise”, car DSK menotté, traîné, bousculé, débraillé et pressé par des policiers imperturbables, c’est bien autre chose que l’épilogue crépusculaire d’une partie de pince-fesses convulsive et forcée, réelle ou arrangée, avec une sorte d’ogre sexuel, ou bien le bouquet cruel d’une mise en scène des flics du New York Police Department (NYPD, marque du tea-shirt qu’arborait notre-Président en séance de jogging dans les rues de New York), – des flics plus vrais que nature et affichant complaisamment, sans qu’un trait de leurs visages ne bouge, leur brutalité de robots... C’est bien autre chose, parce que c’est une image profonde et terrible de la crise générale et de son “caractère paroxystique” actuel.

    Tous les personnages sont présents, on dirait presque “au garde à vous”, comme pour une revue de détails. Le Système a fait grandiose, dans le genre. Il y a DSK, plus vrai que nature, cet homme devenu un des grands parmi les grands de la haute direction financière internationale, avec ses mœurs brutaux et célèbres, son fric (ou celui de sa femme), ses suites à $3.000 la nuitée, ses 6 ou 7 téléphones portables, la Porsche de l’ami Lagardère, ses casseroles qui font qu’on conseille aux jeunes filles de la rédaction de se garer vite fait lorsqu’il arrive pour une interview, ses commentaires insipides, insupportables et satisfaits lors de la crise de 2008 dont son FMI et lui-même n’ont rien, absolument rien vu venir, puis son récent et opportun tournant social qui a fait s’exclamer d’admiration Joseph Stiglitz et qui ouvrait joliment sa campagne électorale.

    Il y a l’Amérique, son système américaniste qui marie la plus extrême brutalité, sa tendance à exposer une personne inculpée à la charge hystérique et au lynch des médias, ses entourloupes incroyables d’une justice de fer bâtie absolument, de haut en bas, sur la corruption légale, où tout se négocie, ou tout se compromet en sommes équivalentes de dollars… L’Amérique, – ou ceux, chez elle, qui s’y intéressent, – qui semblerait comme si elle se regroupait spontanément pour prendre comme tête de Turc le Frenchie placé à la tête d’une des plus puissantes et prestigieuses institutions de la globalisation américaniste ; Frenchie impudent, qui prétendait s’emparer d’un instrument absolument américaniste, réservé à la puissance américaniste ; en même temps, président d’un instrument détesté par l’Américain moyen, qui élit tous les quatre ans un Président qui fait marcher la globalisation, alors que lui-même déteste cette globalisation qui fait fuir les jobs dans les pays des périphéries métèques… En observant DSK menotté et débraillé, on était soudain pris d’un élan de compassion pour cet homme qui roulait des mécaniques financières 48 heures plus tôt, car l’on sent bien qu’il est tombé dans les rets d’une force supérieure en puissance, mais d’une force qui vient des profondeurs noires et sombres, d’une force du système, inarrêtable et impossible à amener à composer dans le champ des considérations simplement humaines.

    Il y a la France, et les amis du Système. Autant tout le monde s’en fout, à Washington, au Congrès, autant toute la direction politique française observe la scène, absolument tétanisée, terrifiée, stupéfaite, la bouche bée et ne cessant de bavarder compulsivement pour ne surtout rien dire. Ils défilent tous à la radio, à la TV, pour leur interview que personne ne doit manquer, pour nous déclarer avec emphase ou l’air infiniment grave, qu’il n’y a rien à dire pour l’instant, qu’il faut “raison garder”, qu’il faut “un peu de hauteur, un peu de sérénité” (le maire de Paris), qu’il y a “la présomption d’innocence”, qu’“on doit penser, en cet instant, à la famille de Dominique-Strauss-Khan, à ses proches”… Il y a dans cette direction politique française, de quelque parti et de quelque tendance que ce soit pourvu qu’on reste dans le conformisme du Système, une stupéfaction qui ne semble jamais devoir se tarir, qui ressemble à la terreur indicible devant un abîme qui s’ouvre devant vous. A ce point, inutile de jouer à cette devinette de “qui profite de quoi” avec l’élimination de DSK, parce que l’évidence bien plus éclairante est bien la réalité d’une communauté, d’une solidarité, emmenées plus ou moins satisfaites dans la folle envolée du Système, découvrant soudain que rien, au fond, ne protège personne, que rien, enfin, ne protège plus rien, – que le Système est emporté dans sa folie dévastatrice et les emporte dans la même folie dévastatrice.

    Pour faire une forme de conclusion de cette revue de détails, mentionnons qu’il y a les bruits… Il y a les bruits divers, les bruits des frasques passées, les bruits des complots actuels, les mystères d’avant («l’étrange Omerta des médias sur le cas DSK», comme l’observe bruyamment Christophe Deloire, dans Le Monde, le 16 mai 2011 pour être précis) ; il y a les intrigues d’aujourd’hui, contre la patron du FMI, dont on dit que Wall Street l’avait classé dans les insupportables à cause de sa politique de réforme du FMI dans le sens d’un peu plus de “social”. Chacun est sûr de son fait, chacun est sûr de bien entendre la vérité. Les Français regardent l’Amérique comme s’ils découvraient l’horreur insondable de la chose. Les uns et les autres débusquent les complots sans nombre qui n’attendent qu’une occasion pour fondre sur notre vertus bien connue. Les jeunes femmes, victimes du “gorille en rut” (description de DSK par l’une d’entre elles, lors de ses entretiens particuliers), découvrent que la chose qu’elles ont tue jusqu’alors est un crime, considéré comme tel, disséqué comme tel, comme l’on cherchait les tâches du sperme présidentiel et même impérial sur la robe de Monica Lewinsky, in illo tempore… Justement, qui se rappelle l’affaire Lewinsky-Clinton ? L’affaire dura des mois, mit tant de gens à la torture, mais jamais elle n’écarta complètement le rythme d’opéra bouffe qui fut sa caractéristique dès l’origine.

    Pour DSK, rien de semblable ; dès l’origine de son affairer à lui, c’est la sombre tragédie, la descente aux enfers. C’est la folie d’un Système déchaîné, de toutes les façons et de tous les côtés, aussi bien dans le fait du comportement des flics de NYPD que dans le fait de DSK lui-même, avant qu’il ne tombe sous la coupe des flics de NYPD et alors qu’il préparait d’autres vastes coups dans sa suite du Sofitel à $3.000 la nuitée.

    Le Système contre le Système contre le Système…

    Arrêtez, c’en est assez… Qui saura démêler, qui saura dire le vrai, qui saura distinguer le sentiment spontané de l’attitude composée, la réaction naturelle de la mise en scène coordonnée ? Tout est fini car il y a longtemps et beau temps que l’espoir d’une soudaine résurgence de la vérité, même pour un instant, que cet espoir est perdu à jamais, – à jamais, dans les conditions présentes, du Système actuel, avec cette force qui pèse sur nous, cette puissance qui nous contraint absolument. Tout cela est bien plus fort que nous, bien plus écrasant que notre piètre raison, que notre attitude faraude du “je comprends, et comment” et du “on ne me la fait pas”… Le pourcentage prodigieux du nombre de citoyens du monde qui ont tout compris à cette affaite nous laisse pantois, – et l’on se demande, enfer et damnation, comment tant de crimes et de vilenies restent incompréhensibles et insaisissables, et comment, avec tant de raison et de justesse, on n’arrive plus à prévenir les tsunamis de chaos qui ne cessent de nous dévaster. Alors, nous donnerons une autre interprétation, qui tente de rendre compte de la logique générale de ces comportements extraordinaires…

    Car il s’agit de comportements extraordinaires, – l’un des hommes les plus puissants du monde traité comme un criminel des bas-fonds et jeté dans une prison sordide, nommée The Tomb, dans des cellules où l’on se retrouve à une bonne quarantaine avec un seul sanitaire pour le sympathique groupe, – cela sans aucune prévenance de rien, comme pour proclamer son intention d’écraser n’importe quel présumé innocent du monde et le broyer ; il y a l’acharnement extraordinaire, furieux, impitoyable, de l’équipe du Procureur de New York contre DSK. Certains songent à vous décrire Strauss-Kahn, comme un fou d’obsession sexuelle, un satrape, un monstre, un “gorille en rut” qui menace toutes les vertus du monde et il est bon qu’il pourrisse en prison pour au moins les prochains quarante siècles qui lui restent à vivre. Strauss-Kahn, d’ailleurs, qui disait tout de même à ses interlocuteurs que ses trois grands handicaps pour sa réussite dans le monde actuel, c’était “l’argent, les femmes et le fait d’être Juif”, – effectivement, DSK, trois obstacles insurmontables dans la réussite sociale et politique dans le Système actuel, chacun le sait bien, – comment peut-on émettre de telles banalités de convenance de la langue de bois du “parti des salonnards”, et faire semblant d'y croire, en plus ? En parlera-t-il à ses compagnons de cellule de The Tomb ? Devant ces “comportements extraordinaires”, ces pensées absolument folles dissimulées derrière le conformisme de façade, ces attitudes insensées, vous ne pouvez sérieusement avancer un commentaire qui prétende trier ce qui importe, rétablir les hiérarchies qui comptent, dérouler la chronologie des situations dans le sens de l’arrangement et de l’ordre rétablie, prétendre enfin parvenir à l’appréciation mesurée des logiques en cours. Tout cela serait se tromper soi-même avant de tenter de tromper les autres.

    Alors, tournons-nous vers une autre appréciation. Il s’agit de ceci, sous forme d’hypothèse comme sous forme d’intuition, haute espérons-le… Alors, ce qui se passe devant nos yeux aveuglés, en vérité, c’est le déchaînement du Système. Tous ces gens que nous passons en revue sont du “même bord”, en un sens ; ils font tous partie du Système, de ce que nous avons aussi coutume de nommer, par exemple, le bloc BAO (le bloc américaniste-occidentaliste) ; et ils sont terrorisés par lui, également, par le Système. Tous ces gens, d’une façon ou d’une autre, se déchaînent de fureur et d’angoisse, eux qui supportent le Système dans les deux sens principaux du verbe, – à la fois “supporter” dans le sens de l’approuver et de le soutenir, à la fois “supporter” dans le sens d’en porter le poids jusqu’à en être broyé.

    La crise du Système, le chaos du Système, ce chaos qui s’exprime en désordres divers, nous envahissent à intervalles réguliers et de plus en plus rapprochés, dans des domaines si différents. Nous avons eu le désordre du monde arabo-musulman, le désordre de Fukushima, le désordre de la Libye, le désordre de l’opération Geronimo, nous avons le désordre de l’affaire Sofitel-DSK ou DSK-Sofitel. Tout cela renvoie à une seule racine, à une seule force, à une seule dynamique. Que faire d’autre que de la subir, sinon tenter de comprendre de quoi il s’agit précisément et d’une façon générale et globale, plutôt que charger encore le sapiens de vertus diverses, aussi bien d’organisations de vilenies diverses que de complots habiles.

    “En même temps”, cette expression qui revient, lancinante, qui semble indiquer un temps redoublé ou un dédoublement du temps qui vous donnerait, qui vous imposerait pour chaque remarque que vous jugez définitive son double qui aussitôt détruit votre certitude. En même temps, vous détestez DSK, cet arrogant arriviste, ce détraqué sexuel, cet homme couvert de faux nez pour nous faire croire ce qu’il n’est pas, ce dirigeant d’une institution qui mène le monde, nécessairement “qui mène le monde à sa faillite”, à notre catastrophe ; en même temps, vous ressentez irrésistiblement une si forte compassion pour cet homme traqué, humilié, psychologiquement torturé et abaissé, et bientôt brisé, jeté dans une prison qui est un trou à rats où l’enfer triomphe, dans la pire des organisations du monde, dans un système fait pour broyer l’homme et qui se proclame comme l’avenir de l’homme. En même temps, vous pensez à sa victime et ne pouvez qu’exprimer votre désolation ; en même temps, vous pensez que la “victime” a pu être la complice d’un complot… En même temps, vous voyez ces robots, ces flics, ces juges, impassibles, indifférents à la compassion, qui méritent toute votre vindicte ; en même temps, vous songez que ce sont des flics américanistes également, les policiers du Wisconsin, qui se sont rebellés et ont refusé d’appliquer l’ordre du gouverneur Walker d’évacuer par la force le Capitole de Madison occupé par les citoyens de l’Etat, venus protester contre une des nouvelles horreurs du Système… Il est impossible d’être quitte de cet amoncellement de contraires contradictoires, dans un temps qui nous assomme de nouvelles extraordinaires ; c’est impossible, parce que la crise nous presse, lorsque nous dénonçons un aspect terrible d’un drame qui nous semble désigner les coupables, d’évoquer son contraire aussitôt, qui fait aussitôt des coupables du premier des innocents dans le second… La crise est si forte, si puissante, si profonde et si rapide, qu’elle interdit à votre raison de jouer à son jeu favori qui est de détacher et d’isoler les causes des conséquences, pour n’avoir pas à être conséquente dans un jugement, c’est-à-dire contrainte de tenir compte de ce désordre du Tout qui marrie impitoyablement les contraires et oblige le jugement à reculer devant un verdict qui classerait le monde, à la satisfaction de cette même raison, entre bons et mauvais… Car, en vérité, il n’y a que des esquifs à la dérive, balayés par la tempête, tantôt bons, tantôt mauvais, tantôt bons et mauvais, et en vérité jouets impuissants du déchaînement de la crise, prisonniers du Système, mauvais par proximité du Système qui n'est rien de moins que le Mal, et mauvais à mesure de cette proximité.

    Dans le texte que nous signalons par ailleurs, de Robert Kuttner, nous insistons sur le premier mot du texte, souligné dans cette phrase de l’entame : «The apparent selfdestruction of Dominique Strauss-Kahn in a New York hôtel…» “Selfdestruction”, comme l’on dirait d’un suicide, n’est-ce pas… Pourquoi suggérer quelque chose comme un suicide ? Kuttner sait-il ce qu’il suggère ou bien suggère-t-il, inconsciemment poussé par une intuition dont il ignore qu’elle agit sur lui ? (Car, bien sûr, rien ensuite dans son texte ne donne la moindre explication, ne fait la moindre référence à cette curieuse entame de son texte sur l’idée du suicide qui semble, par rapport au reste, comme un cheveu posé sur la soupe.) Pendant ce temps, hier, dans le Cannes du Festival, sur le podium pompeux et extrêmement people de l’émission Le Grand Journal de Canal +, l’actrice Carole Bouquet, interrogée sur le sort infâme fait à DSK, répondit, rêveuse et mystérieuse, quelque chose comme : “Je me demande si cet homme ne s’est pas suicidé… Cet homme ne voulait pas être vraiment candidat à la présidence, et peut-être président, mais il savait qu’il ne pourrait pas refuser d’être candidat à la présidence, et peut-être président ; alors, il préfère se suicider…” Démarche inconsciente certes, mais démarche d’une psychologie d’un homme complètement du Système, ô combien, qui jouit du Système jusqu’à plus soif, mais qui est en même temps prisonnier du Système, et qui sait qu’il ne peut résister aux injonctions du Système, et qui se révolte, tout cela inconscient certes, contre le Système.

    Concluons… L’affaire DSK-Sofitel ou Sofitel-DSK, et tout ce qui tourne autour, c’est un épisode spectaculaire et extraordinaire d’une révolte convulsive et paroxystique du Système. Nous disons “Système” de la façon la plus vague et la plus large du monde en même temps (là aussi), car la révolte est celle du Système contre le Système, des hommes du Système contre le Système, du Système contre les hommes du Système, de tout le monde contre tout le monde, dans la sarabande déchaînée, cette bacchanale infernale qu'est ce monde, comme devrait penser DSK… Rien d’autre ne peut être dit de plus vaste et de plus puissant, et de plus significatif en vérité, car alors l’hypothèse ne désigne rien de moins qu’un soubresaut formidable de la crise de la fin de notre “contre-civilisation”.

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  • Les snipers de la semaine... (22)

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    Au sommaire cette semaine :

    - sur De Defensa, Philippe Grasset exécute ( et autopsie...) le "scélérat-Président"...

    Notes sur le "scélérat-Président"

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    - sur Polémia, Antonin Coignet flingue le pseudo-non-conformisme de la présidente du jury de l'ENA, Michèle Pappalardo...

    ENA : vive les mutins de Panurge !

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  • Qui sera le prochain Goldstein ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un excellent article de Jérôme Leroy, cueilli sur Causeur, à propos de l'élimination de Ben Laden. Il faut relire Orwell !...

     

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    Ben Laden : qui sera le prochain Goldstein ?

    Dans 1984 de George Orwell, qui reste décidément le livre essentiel pour comprendre notre modernité, l’archétype du traître, le génie du mal, le grain de sable dans les rouages de l’Angsoc de Big Brother s’appelle Goldstein. Il a été l’un des principaux compagnons de Big Brother dans la conduite de la Révolution avant de se retourner contre lui et de lui livrer une guerre sans pitié, menant des opérations de déstabilisation depuis l’étranger, organisant des attentats au cœur de Londres et exhortant les citoyens pourtant si heureux d’Oceania à la révolte.

    Le lecteur se demande d’ailleurs si Goldstein, tout comme Big Brother, existe vraiment en tant que personne ou si c’est l’incarnation fictive de celui qu’il faut détester collectivement pour assurer la cohésion aléatoire d’une société elle-même minée par des contradictions intenables. Autrement dit Orwell montre, à travers ce personnage de Goldstein, opposant à la fois radical et complètement instrumentalisé par le pouvoir, la façon dont nos sociétés savent intégrer leur part de négatif pour continuer à avancer dans la bonne conscience la plus totale.

    La Minute de la Haine

    Dans 1984, Goldstein est la vedette d’une cérémonie bien particulière qui est la Minute de la Haine. Chaque jour, chaque citoyen sur son lieu de travail est prié de se rendre dans une salle de projection où il va exprimer en groupe sa détestation absolue de la figure honnie en hurlant des slogans haineux et en crachant sur l’écran. Cette Minute de la Haine est d’ailleurs un moyen pour la Police de la Pensée de détecter ceux qui ne communient pas suffisamment dans la détestation de ce qu’il faut détester.

    Goldstein est aussi un opposant très utile parce que sa haine du système de Big Brother est telle, ses propos et ses actes tellement effroyables, qu’il rend impossible toute critique car critiquer reviendrait à adhérer à ses
    thèses monstrueuses.
    Ces dernières années, nous avons connu de nombreux Goldstein

    En France, Goldstein s’est longtemps appelé Jean-Marie Le Pen. Jean-Marie Le Pen avait été inventé par Mitterrand puis entretenu par le discours sécuritaire de la droite pour empêcher de penser toute alternative crédible à l’ensemble RPR-UDF puis UMP ou au Parti Socialiste. Ce dispositif a permis d’éliminer tous ceux qui pouvaient incarner le « troisième homme ». On faisait monter en puissance Goldstein dans les sondages et c’est ainsi que Chevènement ou Bayrou perdaient tout espoir d’incarner une alternative crédible. Le Pen, Goldstein, même combat. Quand, au soir du 21 avril 2002, le scénario a failli déraper et que Goldstein s’est retrouvé au second tour, on a, comme dans le roman d’Orwell d’ailleurs, transformé la Minute de la Haine en Semaine de la Haine et ce fut la fameuse « quinzaine antifasciste » qui vit l’électeur de gauche se précipiter vers les urnes pour faire barrage à la Bête Immonde.

    Sur le plan international, les Goldstein furent légion, notamment lors de la guerre en Yougoslavie. On se souvient évidemment de Karadzic et de Mladic (ce dernier court toujours mais n’intéresse plus grand monde, dirait-on) chez les Serbes de Bosnie. Leurs exactions avérées rendaient absolument impossible toute réflexion sur les vraies raisons de l’explosion de la Yougoslavie ou sur les horreurs commis par d’autres, comme les Croates quand ils chassèrent les Serbes de Krajina. De même, au moment de la guerre du Kosovo, l’intervention de l’Otan fut en partie motivée par l’épuration ethnique privée que menait le Goldstein du moment, Arkan, un super-méchant que l’on aurait pu croire sorti d’un SAS avec sa femme chanteuse et les supporters de son club de foot transformés en Tigres noirs avec fusils d’assaut et gros 4X4.

    Une des caractéristiques de Goldstein est qu’il connaît une mort violente ou suspecte. Arkan est mort assassiné devant un grand hôtel tandis que Milosevic lui-même, président de la Yougoslavie avec lequel on négociait avant qu’il ne devienne un criminel de guerre, est mort en prison à la Haye, d’une crise d’hypertension. Dommage pour la fin d’un procès pourtant bien intéressant.

    Que dire aussi d’un Goldstein particulièrement réussi, Saddam Hussein, qui après avoir été traité, pendant la guerre Iran/Irak des années 1980 comme la pointe avancée de la lutte de l’Occident contre l’obscurantisme chiite, a fini vingt ans plus tard pendu par les mêmes chiites dans une exécution complaisamment filmée.

    Tuer un ennemi est une victoire, pas une fête

    Ben Laden fut évidemment le Goldstein le plus réussi des dernières décennies. Depuis 1998, date à laquelle il fit exploser deux ambassades américaines en Afrique de l’Est, et encore plus depuis le 11 Septembre, il était devenu l’ennemi absolu. Il y avait de quoi, direz-vous et vous aurez raison. En même temps avec un ennemi tel que lui, il devenait absolument impossible de penser les rapports entre le Nord et le Sud, l’Occident et le monde arabo-musulman, Israël et la Palestine autrement qu’en termes de choc des civilisations, ce qui arrangeait bien les idéologues néoconservateurs du temps de Bush.

    Le « Printemps arabe » a changé la donne, et c’est tant mieux. Ben Laden est mort et c’est tant mieux aussi. Même si on aurait préféré pour lui le sort d’Eichmann et un procès exemplaire qui aurait dissipé les fantasmes que ne manqueront pas d’entretenir les conditions rocambolesques de sa mort et de la cérémonie funèbre et maritime qui s’en est ensuivie. Même si on aurait préféré, également, ne pas voir les scènes de liesse dans la rue américaine qui ne sont jamais que le reflet symétrique des scènes de liesse qui eurent lieu dans certains pays arabes après le 11 septembre. Je ne sache pas qu’on ait dansé dans les rues de Tel-Aviv ou de Haïfa après la pendaison d’Eichmann.
    Tuer un ennemi est une victoire, pas une fête.

    En ce qui concerne Ben Laden, et c’est là aussi une des caractéristiques du Goldstein d’Orwell, on lui accorde d’autant plus d’importance qu’il a de moins en moins de puissance. On a peut-être tué un symbole mais certainement pas un chef de guerre enfermé dans un QG et donnant ses ordres à ses troupes à travers une chaine de commandement clairement définie. Penser que la mort de Ben Laden signe l’acte de décès d’Al Qaïda, c’est un peu comme croire que tuer le clown Ronald Mc Donald entrainerait la fermeture de tous les fast-foods de la marque à travers le monde.

    Celui que les Américains avaient équipé en missiles Stinger contre les Soviétiques, celui dont la famille entretenait de cordiales relations d’affaires avec la famille Bush, était devenu le Génie du Mal officiel. Il n’est plus là. Un seul Goldstein vous manque et tout est dépeuplé.

    La succession est donc ouverte au bal des Affreux. De l’Iran à la Corée du Nord, les prétendants ne manquent pas. Et comme nous avons a terriblement besoin d’eux pour éviter de nous regarder en face, on ne devrait plus tarder à connaître le nom du successeur.

    Jérôme Leroy (Causeur, 5 mai 2011)


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  • Politique : et si tout changeait ?...

    Le numéro 63 de Flash, le journal gentil et intelligent, nous propose un dossier consacré aux turbulences actuelles du système politique. On pourra y lire, notamment, une analyse d'Alain de Benoist ainsi que les points de vue de Pierre Le Vigan, de Pierre Hillard et de Philippe Randa. On retrouvera aussi les analyses géopolitiques de Christian Bouchet.

     

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    Au sommaire :

    Dossier : Centre décentré, extrêmes recentrés, Droite et gauche cul par dessus tête… Politique : et si tout changeait ?
    • De quoi la montée du FN est-elle le signe ? Alain de Benoist fait le point en page 3
    • Quand les intellectuels s’y mettent : Emmanuel Todd et Alain Cotta se lâchent. Page 4
    Pierre Hillard répond à nos questions en page 5
    Pierre Le Vigan et Philippe Randa analysent ces nouveaux clivages en page 11

    Du rififi dans les herbiers…
    Réglementation des médecines douces et des produits à base de plantes : est-ce pour protéger notre santé ou favoriser celle de l’agrobusiness ? Topoline s’inquiète en pages 6 & 7

    Parag Khanna, un néo-américain en Orient… Christian Bouchet nous présente le géopoliticien le plus écouté de Washington et s’interroge sur le printemps syrien. Page 8
    La Turquie, modèle ou pas… Mais modèle de quoi, au juste ? Après le voyage éclair de Sarkozy, Pierre Le Vigan fait le point. Page 10
    Philippe Pichon, le flic qui en savait trop. Et qui le disait ! Révélations en page 12
    “Le temps du dégoût a remplacé l’âge du goût” écrit Jean Clair dans l’Hiver de la culture. Jean-Claude Lauret a lu son livre et nous en parle en page 13
    La haute armure comme la haute couture : Le “bling bling” de la Renaissance ? Des chefs d’œuvre de 20 Kilos d’orfèvrerie. C’est à voir aux Invalides et en page 14.
    Cinéma : l’avance sur recettes réservée à la Rive gauche et rien pour le cinéma populaire… David Valéry s’insurge en page 16

    Et rapide, en ligne, et en toute sécurité, abonnement sur le site : http://www.flashmagazine.fr/abonnement/

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  • L'honorable société...

    Quand DOA, l'auteur de l'excellent Citoyens clandestins, et Dominique Manotti, celui de Nos fantastiques années fric ou de Lorraine Connection, se rencontrent, ils écrivent L'honorable société, publié chez Gallimard, un polar passionnant sur "l'envers de l'histoire contemporaine" et sur le système mafieux qui s'installe progressivement dans notre pays...

     

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    "À Paris, deux jours avant le premier tour des élections présidentielles, deux hommes cagoulés pénètrent dans un appartement du 17e arrondissement. Une seule chose semble les intéresser : l’ordinateur portable du propriétaire des lieux, un certain Benoît Soubise, dont ils copient consciencieusement le disque dur. Ce dernier rentre plus tôt que prévu et, après une courte lutte, meurt accidentellement. Aussitôt les deux cambrioleurs désertent ce qui est devenu une véritable scène de crime.

    L’enquête, confiée au commandant Pétrus Pâris de la Brigade criminelle, va très rapidement prendre une dimension inattendue du fait de la personnalité de la victime. Et, dans un contexte politique tendu, les investigations de la Crim’ commencent à gêner l’entourage du Ministre des Finances, en lice pour la présidentielle. Lui et ses amis industriels ne voient pas d’un très bon oeil l’acharnement du commandant Pâris à faire éclater la vérité. La situation est d’autant plus explosive qu’un groupuscule de jeunes écologistes extrémistes semble également avoir eu accès à l’ordinateur du défunt.

    Alors que les candidats à l’élection suprême se présentent sous leur plus beau jour devant les caméras des télévisions nationales, leurs porte-flingues, dans l’ombre, s’activent pour étouffer dans l’oeuf une affaire qui pourrait s’avérer explosive.

    Événement dans l’univers du polar français : Manotti et DOA ont allié leurs qualités respectives pour écrire un roman critique et haletant, une charge contre l’État Français qui se lit comme un pur roman d’action et d’aventures. Fruit de longues enquêtes et de recherches minutieuses, L’honorable société est un roman noir sans concession. Manotti et DOA démontrent comment une petite affaire de surveillance et de contrôle peut finalement déraper dans la violence et le sang, comment la machine d’État broie sans hésiter les individus qui se dressent sur son chemin. Les institutions ne sont finalement que des paravents qui cachent une réalité bien souvent nauséabonde. Critique politique et économique, la force de L’honorable société est de se lire comme un roman d’action tel qu’il en existait dans les années 1970. Fruit de longues enquêtes et de recherches minutieuses, L’honorable société se rapproche au plus près de la réalité de notre pays."

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  • La crise, causes et solutions...

    Vous pouvez regardez ci-dessous un débat extrêmement intéressant sur la crise, ses causes et ses éventuelles solutions entre Jean Robin, animateur du site Enquête & Débat, et Michel Drac, responsable des éditions Le Retour aux Sources, et auteur de plusieurs essais. 


    Echec et mat : Michel Drac et Jean Robin par enquete-debat

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