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révolution - Page 8

  • Vendée : une guerre populaire oubliée...

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    Le deuxième numéro hors-série de La Nouvelle Revue d'Histoire est en kiosque. Il est entièrement consacré à la guerre de Vendée. On y trouve un entretien avec Reynald Secher, le spécialiste du génocide vendéen, ainsi que des articles de Stéphane Courtois ("Reynald Secher et le mémoricide"), de Dominique Venner ("Le peuple contre la révolution"), de Charles Vaugeois ("L'épopée en sabots de la Vendée"), de Guy Chambarlac ("Les colonnes infernales"), de Jean-Joël Brégeon ("L'affaire Carrier") ou encore de Jean Tulard ("Qui gouvernait sous la Terreur")... Bref, un numéro copieux !

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  • Tour d'horizon... (6)

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    Au sommaire :

    - sur L'esprit européen, Michel Lhomme observe le malaise français et sent monter la révolte...

    Révoltez-vous !

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    - sur Valeurs actuelles, Georges-Henri Bricet des Vallons, pour sa part, voit venir la fin de l'Union européenne...

    Une implosion programmée

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  • Régis Debray : "Il faut toujours une verticalité..."

    Nous reproduisons ci-dessous certains propos de Régis Debray, tenus dans le cadre d'un échange organisé par le quotidien Le Monde, avec Olivier Py et Denis Podalydès, à propos de la représentation et de la figuration du pouvoir aujourd'hui. Le texte de ce débat a été publié dans le numéro daté du 5 mars 2011.

     

     

     

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    Sur Sarkozy et la représentation de la fonction présidentielle :

    "Les mots-clés sont lâchés : vitesse, corps-à-corps, court-circuit. Avec l'enfant de la télé, l'ancien blouson doré de Neuilly, la société du spectacle a cédé la place à la société du contact. Plus de formes ni de protocole. Nous avons un pouvoir qui tutoie, et qu'on tutoie. "Casse-toi, pauvre con !" On est passé de la queue-de-pie au tee-shirt. Il faut que le chef soit tout le monde. Marketing oblige. Il faut qu'il soit en prise directe avec l'émotion du jour. On surfe, on virevolte, on bouge avec tout ce qui bouge. C'est l'Etat-Kodak, clic-clac. Une suite d'instantanés.

    D'où l'inconstance des positions, et l'inconsistance des personnages. Le plan de vol, c'est le bulletin météo. Ça change tous les jours. C'est la fin de ce que l'historien Ernst Kantorowicz appelait "les deux corps du roi". Le corps physique, éphémère. Et ce que ce corps incarne, un principe immuable. En voyant de Gaulle, on voyait la France au travers, en voyant Gambetta, j'imagine qu'on voyait la République. En voyant Sarkozy, on ne voit plus que lui, et c'est le drame. La télévision empêche de voir double, me direz-vous. Soit. Mais la mystique manque. Il y a trop de corps.

    C'est la rançon du direct, du live. Le tout à l'image, c'est le tout à l'ego. Avec la séquence des présidents depuis cinquante ans, vous voyez le lent déclin du symbole et l'avènement de la trace. Prenons 1958, de Gaulle, grand écrivain et mémorialiste ; Pompidou, prof de lettres ; Giscard rêvant à Maupassant ; Mitterrand grand liseur, encre bleue, et belle plume ; Chirac se tourne vers les arts premiers, mais donne encore du maître à l'écrivain ; Sarkozy embrasse Johnny Hallyday."

     

    Sur la désacralisation de la fonction présidentielle :

    "Nos présidents vivent dans une "extimité" permanente : leur intimité ne cesse d'être mise en scène. Le dédoublement entre la personne et la fonction était l'essence même du sacré politique. La personne est plus petite que la fonction, le "moi je" s'efface devant le "il" ou le "nous". Charles disparaît sous de Gaulle. On n'en parle pas.

    Nous n'avons plus une scène de théâtre où l'on joue en différé, mais un studio de télévision où l'on passe en direct. L'Elysée est un plateau de télé-réalité et l'on a vu cette chose extraordinaire dans Paris Match, montrant Nicolas Sarkozy, dans le fauteuil du général de Gaulle, la main sur la cuisse de sa femme assise sur ses genoux. Plus de hiatus entre la chambre à coucher et le bureau présidentiel, entre l'intime et l'officiel. Loft Story ou love Story ?"

     

    " La technologie commande, oui, nous sommes d'accord. Peinture, photographie, cinéma, télévision et Internet changent la focale et le tempo du pouvoir. Mais tout de même, être à la tête d'un pays, maîtriser des situations, c'est savoir se mettre hors-jeu, au-dessus. La maîtrise n'allait jamais sans distance. Sans un certain laconisme, voire une certaine capacité d'absence. Le chef est calme, voire indifférent, comme Mitterrand. Les compagnons de captivité du capitaine de Gaulle disaient qu'ils ne l'avaient jamais vu sous la douche !

    Il y avait chez de Gaulle un art de la dissimulation et de la disparition, et donc de l'apparition au bon moment. Aujourd'hui, le frère a remplacé le père et l'on gouverne par la proximité. Par sauts et gambades. En sautillant, en s'agitant. Résultat : du pouvoir, oui, mais sans autorité. Le dernier seul vrai pouvoir d'un président, où il ne fait pas semblant, est celui de nommer. La Cour est donc fascinée, terrorisée et obséquieuse - la danse devant le buffet a un arbitre suprême, qui peut vous nommer ou non à la tête d'un ministère, d'une entreprise publique, d'une ambassade. L'intimidation est là. Mais elle concerne 2 000 personnes. Les autres, nous tous, on s'en fout et on a bien raison."

     

    " On est passé de l'Etat éducateur à l'Etat séducteur. Aujourd'hui, un homme d'Etat n'est plus celui qui élève, c'est celui qui cajole. Il n'exalte pas, il accompagne. Denis Podalydès évoque bien le rajeunissement du pouvoir ; il y a un côté adolescent chez Sarkozy, sans doute sympathique parce que pulsionnel. C'est l'indice d'un nouveau monde. Inutile de raisonner à partir du Napoléon en César ou du de Gaulle en général. Ils parlaient derrière une table, assis. Sarko est debout derrière un pupitre.

    C'est le modèle Maison blanche. Sarkozy est obsédé par les Etats-Unis. Il veut faire américain, ou moderne, comme il dit. On aura donc à Versailles le discours de l'Union où le président s'adresse au Congrès réuni. C'est encore du vu à la télé. La France colonisée n'arrive plus à produire ses propres normes de représentation, étant entendu que les jeunes leaders socialistes ne sont pas moins aliénés que les autres."

     

    Pouvoir, autorité et verticalité :

    "Le chef révolutionnaire tient son pouvoir des armes. Il a côtoyé la mort. Ce qui l'autorise ensuite, pense-t-il, à la donner. La guerre ne pousse pas à la démocratie. Fidel Castro et le Che, ce sont d'abord des ducs, des condottiere, des conspirateurs en uniforme. Avec eux, on est ramené aux sources archaïques du pouvoir, qui ont leur vérité. Mitterrand aussi a fait l'expérience de la guerre, ce qui l'a changé."

    "Pour qu'une parole soit performative dans le tohu-bohu, elle doit se faire rare, et peser. Le comble de l'autorité, c'est le laconisme. Le Che, puisqu'on en parlait, était remarquablement silencieux. Un distant qui en imposait par sa distance. Il en était conscient et disait qu'il faisait de vice vertu. "Je suis timide et asthmatique. Je n'ai aucun don de communication, aucun don "de gente"", disait-il. De cette faiblesse, il a bien fallu faire une force. Et cette introversion lui donnait un ascendant sur la troupe. C'était assez insolite en contexte latino. Argentin, très européen, le Che gardait une culture littéraire, avec Neruda dans son sac à dos, quand Fidel Castro était l'oralité en geste."

    "Heureusement qu'il y a des invariants, mais aujourd'hui, l'ascendant symbolique s'est évanoui, le respect devient impossible. On ne peut que saluer des performances d'acteur ou de bateleur. On remplace le relief par le réseau et on met tout à plat. Mais il faut toujours une verticalité, sinon l'horizontal se fragmente, s'atomise. Et vous n'avez plus un collectif, une société, une nation, mais un puzzle d'intérêts et de clientèles où chacun est étranger à son voisin. L'écroulement symbolique, c'est le chacun pour soi et personne pour tous. C'est seulement ce qui nous dépasse qui nous rassemble. Là où rien ne dépasse, rien ne rassemble. Et la vraie tragédie, c'est que le pouvoir est devenu une comédie."

    Régis Debray (propos recueillis par Nicolas Truong, Le Monde, 5 mars 2011)

     

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  • Tour d'horizon... (2)

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    Au sommaire :

    - François-Bernard Huyghe sur son site, Huyghe.fr, tire des leçons provisoires des révolutions d'Afrique du Nord ;

    Révolutions assistées par ordinateur ?

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    - Jean-Paul Baquiast, sur De Defensa, se livre à un passionnant exercice d'anticipation prospective.

    "Processus coactivés" et nouvelle maîtrise du monde

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  • La fabrique du temps nouveau...

    Les éditions du Temps Présent viennent de publier un livre d'entretien avec Jean de Maillard, La fabrique du temps nouveau dans lequel il s'intéresse à "la révolution néolibérale" et à sa capacité à transformer notre monde. Jean de Maillard, magistrat, est notamment l'auteur de L'arnaque : la finance au-dessus des lois et des règles, ouvrage consacré aux rapports du capitalisme financier avec la fraude et la délinquance...

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    "Comment expliquer cette brusque accélération de l'histoire qu'est la mondialisation ? Quelles sont ses conséquences sur la façon dont nous faisons société et sur ce que nous sommes ? A la recherche du système parfait, celui qui permettrait à l'humanité d'entrer dans la fin de l'histoire en annulant ses contradictions, les " révolutionnaires " néolibéraux s'en sont remis, dans tous les domaines, à la main invisible de l'offre et de la demande. Quels que soient les champs envisagés, la rupture avec l'époque antérieure semble radicale. Naguère orienté par l'espace dont les frontières déterminaient nos appartenances, le monde est désormais façonné par le temps des réseaux. Or ce que nous avons gagné en liberté, nous l'avons perdu en sécurité. D'où la schizophrénie dans laquelle le monde s'enfonce, nourrie du sentiment de menaces diffuses auxquelles il est d'autant plus difficile de répondre que toutes les institutions d'hier (de l'Etat à la famille) sont progressivement devenues incapables de symboliser et de normaliser les rapports humains. Point de basculement fondateur, le moment néolibéral brouille les normes communes et exacerbe l'éternel dilemme entre liberté et sécurité. Un entretien mené par Karim Mahmoud-Vintam, professeur de géopolitique à Sciences Po Lyon."

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  • Vers un printemps des peuples européens ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un texte de Jean-Paul Baquiast, tiré du site Europe solidaire, comportant un certain nombre de réflexions intéressantes. A lire...

     

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    Quel printemps pour les peuples européens ?

    Les peuples européens, et à quelles conditions, pourraient-ils connaître un printemps politique analogue à celui des Tunisiens et des Egyptiens?

    Nous avions fait l'hypothèse, dans notre éditorial du 11/02/2011 « Le printemps des peuples » que l'exemple des révolutions tunisienne et égyptienne allait peut-être inspirer un certain nombre de peuples du monde jusqu'ici privés de liberté politique et de droits civiques par des gouvernements autoritaires. Ceci ne résoudrait pas nécessairement leurs difficultés économiques mais y contribuerait. La démocratie rendrait plus difficile la confiscation et le gaspillage des ressources nationales par les cercles du pouvoir. Les individus rendus plus autonomes pourraient mieux participer à la création de richesses collectives. Plus généralement, ceux qui sont situées au bas des échelles sociales auraient davantage de moyens pour se faire entendre. On comprend que de telles perspectives, pour des populations qui ne disposent d'aucun de ces avantages, considérés comme allant de soi dans les démocraties européennes, génèrent un grand enthousiasme collectif.

    Mais nous nous demandions quel type de révolution serait susceptible de générer de l'enthousiasme collectif parmi les populations européennes, puisque celles-ci, globalement, bénéficient depuis quelques décennies des libertés civiques dont sont privées les citoyens vivant dans des dictatures. Or les Européens, à écouter ceux qui parlent en leur nom, font valoir nombre de sujets de mécontentements. Beaucoup de ceux-ci ne sont pas tels qu'ils les pousseraient à descendre dans les rues pour provoquer une révolution à l'égyptienne. Ils sont cependant assez nombreux et importants pour inspirer ce que l'on pourrait nommer de façon sommaire un véritable « rejet du Système ». On peut donc penser que si des forces révolutionnaires hypothétiques proposaient, non des aménagements de façade, mais de véritables mutations dans le Système politique et économique global, elles pourraient susciter un grand enthousiasme populaire.

    Encore faudrait-il que ces propositions ne soient pas utopiques. Les citoyens européens sont suffisamment avertis d'un certain nombre de contraintes globales pesant sur l'humanité pour ne pas soutenir de programmes proposant par exemple le développement continu de la consommation, la diminution radicale du temps de travail productif ou une égalité absolue entre régions et couches sociales. En simplifiant beaucoup, nous pourrions dire que la revendication la plus susceptible de rassembler les populations européennes concernerait le travail. Il s'agirait d'abord du droit au travail pour tous, autrement dit le refus du chômage en train de devenir une véritable plaie, même en Europe. Il s'agirait ensuite, à l'intérieur de chacune des professions, qu'il s'agisse du secteur public ou du secteur privé, de la conquête d'une plus grande autonomie à l'égard des hiérarchies, des réglementations et plus généralement des contraintes imposées par un ordre économique libéral ou néo-libéral devenu dominant en Europe, dont les inconvénients apparaissent bien supérieurs aux avantages.

    Du temps où les oppositions de gauche s'inspiraient d'un marxisme théorique, le remède proposé aux dysfonctionnement des régimes capitalistes consistait à remplacer les « patrons » par l'Etat ou par des entreprises publiques assurant une répartition dite tripartite du pouvoir entre les cadres, les personnels et les usagers. Ceci n'a pas donné que de mauvais résultat, puisqu'on doit à une telle politique, en France, ce qui distingue encore notre pays de ses voisins plus libéraux: les services publics de l'énergie et des transports, le secteur santé-social, un certain nombre de grandes entreprises industrielles où l'Etat a conservé une certaine participation,. Bien sûr, tout ceci est actuellement détruit systématiquement par le capitalisme financier soutenu par un gouvernement acquis à sa cause. Mais l'on pourrait envisager qu'une « révolution » adaptée aux exigences du temps présent propose d'y revenir.

    Ceci cependant ne serait pas suffisant. La financiarisation systématique de l'économie, donnant priorité aux profits spéculatifs sur la production de biens et services relevant de l'économie dite réelle, a mis en place au niveau mondial un système d'appropriation des résultats du travail au profit de nouveaux pouvoirs bien plus exploiteurs que les anciens chefs d'entreprises. Les crises économiques récentes les ont mis en évidence. Il s'agit des industries financières, banques, assurances, gestionnaires de marchés spéculatifs. Il s'agit aussi des gouvernements et des classes sociales supérieures qui, dans le monde entier, sans exception, se sont associés aux responsables de ces organismes pour mettre en commun les moyens civils, réglementaires et le cas échéant militaires permettant de s'imposer à des populations sans défense.

    Les pays dits développés, comme les pays émergents ou ceux qui sont encore sous-développés, n'échappent pas à cette nouvelle tyrannie. Les Européens, si aujourd'hui ils voulaient renverser les dictateurs qui les oppriment, ne devraient pas se limiter à renverser les gouvernements détenteurs du pouvoir politique. Ils devraient renverser parallèlement les détenteurs du pouvoir économique et social, en tout premier lieu les banques et les institutions financières qui soutiennent la spéculation. L'ennui est que celles-ci forment un réseau sans faille au plan international. Vouloir réformer l'un de ses représentants entraine la réaction violente de l'ensemble des autres. De plus, les banques et assurances répondent à un besoin indéniable, celui de gérer et faire circuler les épargnes. Elles se sont appuyées sur ces services pour développer leurs activités spéculatives et prédatrices. Il faudrait donc, dans la perspective d'une « révolution » s'en prenant au pouvoir financier, conserver, sous une forme moins prédatrice, par exemple mutualisée, les activités utiles de la banque, de l'assurance et de la monnaie.

    Est-ce à dire qu'une révolution politique visant à détruire les pouvoirs qui oppriment les citoyens européens, notamment en les privant de leur droit au travail et à la responsabilité dans leur activité professionnelle, serait impossible. Beaucoup de gens le pensent. Le monde est trop complexe, l'Europe est imbriquée dans des luttes entre blocs géopolitiques bien trop puissants. Il faut se résigner à subir le chômage, la dépersonnalisation de ce qui reste d'activités productrices. Il faut accepter le luxe et le gaspillage dont profite une petite minorité de dominants se soutenant les uns les autres au plan international. Pour notre part, nous ne le pensons pas. Mais pour s'en convaincre, il est nécessaire de réfléchir à la façon dont se feront les révolutions à notre époque, qui est celle de l'Internet et des réseaux interactifs, dits du web 2.0.

    Des cyber-activistes cognitifs

    Le monde va changer très vite sous l'influence de l'évolution exponentielle des technologies de l'information, de l'intelligence artificielle et de la robotique autonome (voir notre présentation du livre de Martin Ford, « The Lights in the Tunnel », bien informé de ces questions). Ceci entraînera des conséquences profondes sur les processus productifs et l'emploi, sur le contrôle imposé aux populations mais aussi sur les modes d'action des oppositions politiques et syndicales. Aucun pouvoir, aussi tyrannique qu'il soit, ne pourra prétendre les neutraliser. Dans les systèmes anthropotechniques chaotiques en conflit qui sont ceux du monde global, ces oppositions, que ce soit pour détruire ou pour construire, s'exprimeront nécessairement dans et par les réseaux. Mais quelle forme prendront-elles?

    Les révolutions tunisienne et égyptienne en ont déjà donné une petite idée. On doit se persuader qu'une population, même lorsqu'elle est très opprimée, ne se révolte pas spontanément. Il faut qu'apparaissent (qu'émergent) des agitateurs. Ce furent les « encyclopédistes » du Tiers Etat avant la révolution française de 1789, les intellectuels anarchisants des révolutions anti-czaristes avant 1917 ou les militants de la bourgeoisie française « allant au peuple pour l'éduquer » durant l'entre deux-guerre. Aujourd'hui on commence à désigner de tels agitateurs par le terme d' « activistes cognitifs » ou, dans la mesure où ils utiliseront massivement les ressources du web, de cyber-activistes cognitifs.

    Il s'agit dans les pays pauvres de représentants des classes moyennes fortement diplômes qui ne trouvent pas leur place sur le marché du travail et qui théorisent les changements sociaux souhaitables. Mais au lieu de s'exprimer comme jadis par les voies traditionnelles du militantisme et de la presse, ils utilisent les réseaux interactifs. Ils s'en servent non seulement pour préciser leurs propositions mais pour les diffuser au sein des couches sociales qui ne se révolteraient pas spontanément. Les pouvoirs, aussi tyranniques qu'ils soient, peuvent difficilement couper les réseaux et neutraliser les serveurs, de plus en plus nombreux, même dans les pays pauvres.

    Ceci dit, le terme de cyber-activisites cognitifs pourrait aussi désigner, dans les pays développés, les innombrables sources qui contestent sur Internet les pouvoirs établis et proposent des solutions alternatives. Tout le bouillonnement en résultant ne s'est pas encore concrétisé par des programmes politiques susceptibles de mobiliser les électeurs ou susciter d'éventuelles manifestations suivies, mais le mouvement est en marche.

    Dans les pays développés cependant, tels les pays européens, les cyber-activistes cognitifs devront pour toucher les foules dépasser le niveau de l'opposition primaire. Nous avons vu que les problèmes à résoudre sont extrêmement compliqués. Aucune solution ne peut s'imposer dans susciter d'innombrables débats. L'ignorance, l'intolérance, spontanées ou entretenues, des citoyens, sont considérables. Pour que les opinions se motivent en profondeur, soit en vue d'une expression par la voie de la démocratie représentative, soit à défaut dans la rue ou sous d'autres formes non prévues par les institutions, un travail de formation, de construction et de dialogue en profondeur s'impose. Pour cela, il ne suffira pas de prise de paroles sur les blogs et moins encore d'affirmations abruptes lancées sur twitter. Même des articles s'efforçant à la pédagogie comme le présent texte ne suffiront pas.

    Nous pensons que les cyber-activistes cognitifs visant à faire évoluer en profondeur les sociétés européennes, dans le sens d'une véritable révolution citoyenne, devront s'impliquer de deux façons supposant un engagement total.

    La première et la plus importante consistera à expérimenter des modes de production ou de distribution utilisant les nouvelles technologies pour changer en profondeur les activités économiques. Il s'agira d'enlever du pouvoir aux formes concentrées d'exploitation soumises aux intérêts financiers mondialisés pour le redonner à des producteurs locaux mutualisés. Cela concernera l'agriculture, les diverses formes de production industrielles ou artisanales relocalisables, la banque et l'assurance mutualistes. Mais il s'agira aussi de repenser les activités de service, y compris celles relevant de la sphère publique. Ceux qui auront les moyens ou le courage de se lancer dans de telles expériences devront utiliser systématiquement les ressources de l'internet pour faire connaitre et discuter leurs objectifs et leurs résultats. S'ils ne le font pas, ils ne pèseront pas face aux multinationales et aux politiques publiques qui sont à leur service.

    Le second mode d'action, plus ludique et facile en apparence, consistera à utiliser les ressources de l'intelligence artificielle et de la gestion des connaissances en ligne pour intéresser les citoyens de la base à la façon dont des réformes, voire des révolutions, pourraient améliorer leur condition de travailleur et de consommateur de produits culturels. On sait qu'aujourd'hui, les personnes même les plus défavorisées consacrent beaucoup de leur temps à des émissions de télévision qui sont des machines à décerveler et à soumettre. Il faudrait que des cyber-activistes cognitifs de plus en plus nombreux proposent des produits (par exemple sur le mode des jeux vidéos) capables de rendre concrets les enjeux et les modes d'organisation d'une société européenne devenue en profondeur digne des valeurs qu'elle prétend incarner.

    De telles propositions, faites rapidement comme c'est le cas du présent article, resteront  sans doute incompréhensibles à beaucoup. Mais nous sommes persuadés que certains cyber-activistes cognitifs européens, ceux que nous pourrions qualifier de citoyens, ont déjà réfléchi à la façon de les concrétiser. Bien mieux, ils le font déjà mais ils n'ont pas fait assez d'efforts pour se faire connaitre à l'échelle européenne, compte tenu des différences de langage et de culture propres à ce continent qui en sont par ailleurs la richesse.

    Jean-Paul Baquiast (Europe solidaire, 12 février 2011)

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