Encore un effort pour être républicain !
Rien n’aura vraiment changé le 7 mai. Le grand vainqueur est évidemment le système. Non seulement parce que le parti du gouvernement mondialiste de cet « espace » néolibéral qu’est devenue la France, l’UMPS, est sorti conforté avec, au premier tour, un peu plus de 55% des voix, mais aussi parce que la puissante participation aux deux votes, plus de 80%, témoigne de l’attachement du peuple français au régime de despotisme éclairé postmoderne. Cette formidable adhésion à un scrutin qui n’est, somme toute, qu’un chèque en blanc, ne manque pas d’étonner si l’on se réfère à la défiance maintes fois réitérée à l’égard de la classe politique, tant dans les sondages qu’à l’occasion d’élections locales, et surtout lors du référendum, en 2005, sur le projet de constitution européenne, qui avait vu la victoire du nom, contre l’ensemble de la « France d’en haut ». Les 18% du score de Marine Le Pen, et les résultats d’autres mouvements protestataires, dont le total s’élève à peu près à 30%, montrent que cette méfiance s’exprime néanmoins, mais à un degré qui ne constitue pas une menace sérieuse pour l’oligarchie cosmopolite au pouvoir. Si l’on considère au surplus que 51% des électeurs du Front national ont reporté leurs voix sur un candidat frénétiquement libéral, destructeur du système de protection sociale issu du Conseil national de la Résistance, sur celui qui a vassalisé franchement notre pays, qui a mené une politique visant ouvertement à la disparition de notre nation, et qui a déconsidéré la plus haute fonction de l’Etat par sa vulgarité et son cynisme, on prend la mesure de l’ « illusion politique ». Il est encore prouvé, une fois de plus, que rien ne peut entamer, si le désastre n’y met bon ordre, le quasi envoûtement des maîtres chanteurs qui se partagent le pouvoir depuis des décennies, ni les faits, ni les critiques.
Hollande a, en effet, lourdement démenti les faibles mouvements de manches destinés à réinjecter quelque chaleur au rêve, désormais perdu, de l’anticapitalisme socialisant. Très rapidement, il s’est réclamé du blairisme, c’est-à-dire d’un grand parti « démocrate » à l’américaine, plus libéral que social. Il s’est empressé de rassurer les marchés et la finance, il n’est pas revenu sur la réforme des retraites imposée par le gouvernement Fillion, il ne conteste pas les délocalisations, l’ouverture des frontières, il avoue ouvertement sa préférence pour le métissage, il souhaite une intervention militaire en Syrie, s’inscrivant ainsi dans la continuité de la politique néocoloniale de Sarkozy, et dans un américanisme qui, sans être ostentatoire, n’en sera que plus réel, et il vante la « démocratie » israélienne, qui est un apartheid agressif. Quant à Sarkozy, outre son action extraordinairement dévastatrice pour la France et son identité, il a réussi, par des roulements de menton et d’épaule, à voiler la réalité de ses convictions, qui sont tout autant mondialistes, immigrationnistes, soixante-huitardes que celles de la gauche.
L’ensemble de la « droite » partage en effet les mêmes valeurs que la « gauche ». Bachelot n’a-t-elle pas augmenté de près de 50% de la rémunération des médecins pour une interruption involontaire de grossesse ? De même, le 22 novembre 2011, des responsables UMP, confortés par Chatel, l’inévitable Bachelot et Copé himself, avaient lancé un appel en faveur du mariage gay, comme l’avait fait, du reste, le premier ministre anglais et « ultra-conservateur » !, David Cameron ». Sarkozy n’était pas défavorable, en 2006, à un « contrat d’union civique » pour les homosexuels, comme d’ailleurs, à la même époque, il louait le « métissage ».
Il serait relativement dérisoire de mettre l’accent sur ces péripéties appartenant au champ « sociétal », si cher à la « nouvelle gauche » américanisée, si elles ne dissimulaient, avec la peur rhétorique du « socialisme » ou du « fascisme », les questions de fond engendrées par les choix économiques et internationaux, celle, notamment, de la nécessaire rupture avec l’emprise des marchés financiers et de leur bras armé, l’empire hégémonique américain. Malheureusement, les réflexes conditionnés et les connotations idéologiques ont joué bien plus que la raison. Les foules en liesse à la Bastille, le soir du 6 mai, indiquent assez éloquemment le degré de mystification qui sidère encore une partie des masses.
Au même moment avaient lieu des élections, dans une Grèce qui ressemble à ces ruines qui jonchent son sol chargé d’histoire. Le pays a rejeté, en bloc, les partis de gouvernement, la Nouvelle démocratie et le Pasok, l’équivalent de l’UMPS. Les Grecs montrent, en ayant choisi majoritairement des mouvements protestataires, qu’ils ne sont plus décidés à se laisser berner. C’est là évidemment un avertissement pour la caste bureaucratico-financière qui est en train d’emprisonner l’Europe dans un carcan libéral à tendances dictatoriales. Le pays d’Homère n’est donc plus gouvernable, et il est probable qu’on s’achemine vers de nouvelles élections, avec l’accompagnement propagandiste et les pressions que l’on augure.
Quoi qu’il en soit, comme deux photographies d’une évolution dans le temps de la situation européenne, nous avons dans le même instant un passé qui cherche à perdurer illusoirement, et un avenir plein d’amertume et de colère. Les Français doivent attacher leur attention à ce qui se passe du côté de la mer Egée, car ils seront bientôt face au même dilemme : ou se résigner à l’esclavage, ou se révolter, voire mener une révolution.
Qu’est-ce donc, au fait, qu’une révolution ? Un tel chamboulement n’est possible que lorsque se conjuguent trois facteurs : un effondrement économique, avec la misère, le désespoir qui en résultent ; une démoralisation ou un amollissement de la classe dirigeante, et enfin une prise de conscience, par le peuple, de ses intérêts propres. Nous aurons le premier, fatalement ; la seconde est incertaine, car la caste européenne qui nous ment est partagée, mais reste conquérante et sûre d’elle, d’autant plus qu’elle sait compter sur la puissance de son maître américain ; la troisième n’est pas acquise, et c’est ce qui nous reste encore à parfaire, si nous voulons vraiment être républicains.
Claude Bourrinet (Voxnr, 7 mai 2012)