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pierre de lauzun - Page 2

  • Armée nationale, esprit guerrier et stabilité politique...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Pierre de Lauzun cueilli sur Geopragma et consacré à la disparition progressive dans les pays européens d'une force armée véritablement nationale. Membre fondateur de Geopragma, Pierre de Lauzun a fait carrière dans la banque et la finance.

     

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    Armée nationale, esprit guerrier et stabilité politique

    La théorie qui définit l’Etat comme ayant le monopole de la force ne nous dit pas ce qu’est cette force. Dans toute entité politique, un enjeu essentiel est donc de savoir qui détient la force effectivement, et donc qui la constitue.

    Concrètement, dans une société humaine la force pour être force suppose la réunion de deux éléments : des moyens matériels évidemment, et donc entre autres financiers ; mais aussi voire surtout un esprit de combat, en un sens un esprit guerrier, qui doit pour cela exister quelque part dans la société et être entretenu puis mobilisé. Normativement, cette force doit alors bien sûr être construite de façon à œuvrer pour la société en question, en étant loyale au pouvoir politique légitime.

    Tout cela paraît trivial, mais dans la réalité cela ne va pas de soi et l’histoire le prouve ; dans nos sociétés, c’est considéré comme automatiquement réalisé, alors que rien ne le garantit sur la durée longue.

    Force guerrière et société civile

    L’histoire montre de très nombreux exemples de sociétés où la force appartient de fait à un corps semi-étranger par rapport à la société.

    Prenons les empires historiques. Selon Gabriel Martinez-Gros s’inspirant de l’analyse magistrale d’Ibn Khaldûn, le schéma général du pouvoir était le suivant : on avait d’un côté une armée professionnelle, principalement constituée de mercenaires et généralement issue d’une population ethniquement allogène ; et d’un autre côté, un peuple plus développé et plus riche, mais désarmé, qui payait les impôts, ce qui finançait cette armée et permettait la domination exercée par le pouvoir politique. Pour Ibn Khaldûn, la démobilisation de la population centrale était le résultat de la civilisation, qui amollit les esprits et les cœurs et décourage de combattre. Ce schéma est notamment représentatif des divers empires musulmans, y compris en Inde. De leur côté, les Ottomans ont longtemps utilisé, avec les janissaires, une solution hybride : des enfants étrangers mais enlevés à leurs familles et élevés très tôt dans des camps.

    Pour les Romains, un tel schéma a été vrai surtout à la fin, car auparavant les soldats étaient des citoyens romains. Quant à la Chine impériale, sa faiblesse était l’intégration insuffisante de la culture militaire dans la culture de gouvernement ; d’où une fragilité par rapport à des envahisseurs guerriers (Mongols puis Mandchous), militairement supérieurs et qui ont donc pu s’emparer de l’empire et, pour ces derniers, le dominer pendant 3 siècles.

    Dans une autre configuration, traditionnelle en Amérique latine et de plus en plus présente en Afrique, l’armée, sans être en général ethniquement à part, fonctionne de fait comme un corps politique séparé. Or comme chacun sait, dans ces pays au moins, il suffit d’une faible troupe pour s’emparer d’un pays. D’où la fréquence ahurissante des coups d’état militaires, un peu ralentie en Amérique latine, mais en plein expansion en Afrique. On retrouve des faits quelque peu analogues en Thaïlande ou a fortiori en Birmanie.

    L’exception de l’Europe traditionnelle

    En revanche, dès le haut Moyen Age, l’Europe a échappé à ce schéma. A l’époque, puis dans tout l’Ancien régime, une classe militaire (la noblesse) prenait en charge la direction du combat et fournissait une part appréciable des troupes ; or non seulement elle n’était pas marginalisée, mais elle jouait un rôle central dans l’organisation du pays, tout en étant autochtone. Cette même base sociologique est encore quelque peu présente aujourd’hui chez bien des officiers. En outre, à partir du XIXe siècle, le patriotisme (voire le nationalisme) a permis et justifié la levée en masse et la notion de peuple combattant, qui est encore plus à l’opposé du schéma impérial décrit ci-dessus. Et donc, sauf exceptions, le pouvoir militaire en Europe n’est traditionnellement pas étranger à la société et ne joue pas de rôle spécifique.

    Mais ce que l’on perçoit ici est la nécessité pour ce modèle d’avoir simultanément en place un esprit guerrier ou du moins combattant dans une fraction suffisante de la population, et la permanence d’un lien d’identification entre la force que cela permet de constituer et le reste de la population.

    L’évolution préoccupante en cours

    Or nous sommes maintenant entrés dans une ère nouvelle. Dans les pays dits occidentaux, la levée en masse a été abandonnée, tant pour des motifs techniques que par lassitude populaire. De fait, le patriotisme, vibrant d’autrefois, n’est plus très perceptible, du moins en Europe ; on ne va pas en déduire trop vite qu’il a disparu, mais de fait sa capacité de mobilisation est faible. Corrélativement, les armées occidentales, presque toutes professionnalisées, signalent une difficulté appréciable à recruter, notamment mais pas seulement à la base où la tendance à la diversification ethnique est croissante, tant chez les Américains que chez les Européens. Au niveau des officiers, le maintien relatif d’une tradition militaire dans une partie minoritaire de la société aide à corriger le processus, même si des signes inquiétants d’affaiblissement apparaissent ; notamment, les armées perdent souvent leurs cadres trop tôt.

    On peut donc discerner, à l’état certes de germe, les voies possibles d’une évolution ultérieure vers une situation analogue aux types décrits ci-dessus. Il suffirait, si on peut dire, que la composition de la force publique la mette de plus en plus à part de la société, par ailleurs de plus en plus hétérogène, et que cela débouche sur une moindre identification avec la population prise dans son ensemble ; parallèlement la tradition militaire nourrissant le corps des officiers s’atrophierait. D’où une armée dont la culture serait éloignée de celle nécessaire à la logique du système européen traditionnel. Il se pourrait en outre que d’autres forces apparaissent petit à petit ici ou là, dans des zones de non droit. Le résultat en serait une autonomisation de la force armée, militaire mais éventuellement policière. Théoriquement en outre, l’Europe serait bien plus vulnérable à une telle évolution que les Etats-Unis.

    Le cas européen et le rôle des Américains

    Mais justement ce rapprochement conduit à une autre considération ; le rappel que, de fait et dans l’opinion d’une majorité des pays européens, leur défense dépend en réalité plus des Etats-Unis que de leur armée propre, même si celle-ci y a son rôle. Dans cette perspective, le risque pour l’Europe est donc l’approfondissement d’une forme plus accentuée encore de protectorat américain, cette force armée étrangère jouant de fait un rôle prépondérant dans la défense nationale. En un sens donc, il y a déjà présents des éléments d’empire (au sens de l’analyse précédente), mais ils sont américains.

    Certes, la limite de cette comparaison est le fait que l’armée américaine ne joue pas de rôle direct dans la vie politique interne des pays européens ; et on peut s’interroger sur ce que feraient les Américains en cas de vrai conflit armé interne dans un pays européen. Mais tant qu’on n’en est pas là, la situation actuelle peut se perpétuer voire s’accentuer : dans la grande majorité des pays européens, de fait, le cœur de métier du militaire s’appuie sur une structure extérieure.

    Par contraste bien sûr, on voit ce vers quoi où il faudrait s’engager : il s’agirait notamment de favoriser et faire renaître l’esprit du combat, la capacité à susciter des hommes loyaux qui acceptent le sacrifice ultime pour la communauté, en nombre suffisant. Mais on peut avoir les plus grands doutes que l’Union européenne soit le cadre politique et culturel adapté pour cela.

    Pierre de Lauzun (Geopragma, 2 octobre 2023)

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  • Ukraine et Russie : naissance de nations...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Pierre de Lauzun cueilli sur Geopragma et consacré à une des conséquences de la guerre à l'est : la naissance  de deux nations définitivement séparées, l'Ukraine et la Russie. Membre fondateur de Geopragma, Pierre de Lauzun a fait carrière dans la banque et la finance.

     

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    Ukraine et Russie : naissance de nations

    Les événements d’Ukraine mettent en évidence une fois de plus une conséquence inattendue ou peu soulignée des conflits majeurs à l’époque moderne : la redéfinition ou même la définition d’un fait national.

    Dans les systèmes politiques traditionnels ou dans les empires, le fait national n’est pas vital pour la définition du régime politique, même s’il y est plus ou moins latent. En revanche, lorsque ces systèmes évoluent dans un sens plus ‘démocratique’ il devient un enjeu important. On en a eu un exemple spectaculaire en Yougoslavie, où le système titiste, qui restait une autocratie communiste, reconnaissait certes la diversité des peuples composant le pays, mais ce n’était pas ce qui formait la base du régime. Quand il a éclaté, non seulement les différentes composantes ont pris leur indépendance, mais le rôle désormais stratégique du facteur national a conduit à des opérations souvent cruelles de séparation, les minorités ethniques qui cohabitaient auparavant avec la majorité locale étant sommées de partir ou de se soumettre : c’est ce qu’on a appelé non sans un certain cynisme le nettoyage ethnique. Il s’est d’ailleurs fait surtout au détriment des Serbes – dont les propres essais de « nettoyage » en Bosnie ont scandalisé à juste titre, mais plus que les mouvements en sens inverse, pourtant tout aussi réels.

    Dans d’autres cas, la situation était beaucoup plus floue et indéterminée. Les modalités de dissolution de l’ex-URSS ont été dans un premier temps non-violentes. Mais ce qui paraît sous cet angle a priori préférable a aussi pour conséquence de laisser l’indétermination durer plus longtemps. D’un côté, la Russie restait dans une position floue entre l’héritage de l’empire, soviétique et auparavant tsariste, et un avenir possible de nation comme les autres, à base ethnoculturelle sinon homogène, du moins à identité dominante claire. D’un autre côté, l’Ukraine restait dans un entre-deux, s’étalant d’un Ouest de tradition occidentale mais minoritaire et partisan d’une nationalisme purement ukrainien, à un Est s’identifiant comme ethniquement russe, et avec un grand centre entre les deux, plutôt ukrainien dans sa perception de soi, mais dont la culture était largement russe et qui utilisait plus le russe que l’ukrainien dans la plupart de ses manifestations publiques : c’était d’ailleurs le cas du Pdt Zelenski, russophone pour l’essentiel avant les événements récents, notamment dans sa carrière ‘artistique’.

    Certes, on avait eu auparavant des signes réguliers dans l’histoire de la présence d’éléments nationaux ukrainiens : la langue, la spécificité culturelle et sociologique, des révoltes, la réaction à des persécutions russes comme sous Staline, ou les événements ambigus de la seconde guerre mondiale. Mais d’une part, pendant le gros de l’histoire (hors extrême Ouest), le pays était inclus dans l’empire russe ou l’URSS ; et d’autre part la culture était très largement imprégnée de Russie. La littérature était bien plus russe qu’ukrainienne. De nombreux Ukrainiens ont fait tranquillement carrière dans l’empire, tsariste ou soviétique ; et nombreux sont les gens qui en Russie ont une ascendance ou une famille ukrainienne.

    Nous n’allons pas évoquer ici les causes et modalités du conflit en cours : mais souligner sa conséquence la plus directe : le précipité national en Ukraine, au sens chimique du terme. Quelle que soit l’issue militaire du conflit, du moins parmi les hypothèses plausibles, on aura au bout du compte l’équivalent du ‘nettoyage ethnique’ à la yougoslave : une partie restera à la Russie et sera russe ; et une autre partie, majoritaire, sera ukrainienne et seulement cela.

    D’où ce paradoxe apparent : l’action de V. Poutine aura été, très involontairement, une contribution majeure à la constitution d’une nation ukrainienne à identité tranchée, largement épurée de toute influence russe. Il est en effet d’ores et déjà pratiquement acquis que, quelles que soit les péripéties, on aura une nation ukrainienne qui non seulement ne parlera qu’ukrainien et ne se sentira que telle, percevant probablement sa personnalité comme occidentale, mais aura éradiqué autant que possible de sa mémoire les éléments russes. Concrètement, on n’étudiera plus le russe dans les écoles que comme langue étrangère et si on lit de la littérature, ce sera en ukrainien ou par des traductions d’œuvres occidentales. Un bouleversement profond, qui évoque par certains côtés la rupture organisée par Atatürk par rapport à la culture ottomane, dans la même volonté d’affirmation d’un nationalisme nouveau. Et donc ce qui se passe sous nos yeux est en un sens le processus d’émergence d’une nation en train de se constituer comme telle, du moins dans la présentation consciente qu’elle aura d’elle-même, y compris ce qu’on appelle par ailleurs son « roman national ».

    Après tout, dans un autre contexte, le geste d’Hitler annexant une Autriche dont l’identité nationale était rien moins qu’assurée, a abouti lui aussi en dernière analyse à cristalliser une identité nationale autrichienne distincte de l’allemande, qui n’était nullement évidente avant 1918. Seule différence, importante : l’Autriche reste germanophone et sa culture reste largement commune avec l’allemande.

    Bien sûr, ce résultat ne sera pas uniquement le fait des décisions de V. Poutine, tant s’en faut : le rôle du côté ukrainien aura évidemment été décisif aussi, notamment avec Maidan et depuis. Mais sans les gestes radicaux du dirigeant russe, le précipité national ukrainien serait sans doute resté plus limité et plus ambigu. Si donc la Russie pourra peut-être récupérer des tranches appréciables de territoires sur la base de ceux actuellement occupés et les assimiler, d’une part cela restera quelque peu en deçà de la zone antérieurement plutôt russophone (Odessa en est un bon exemple), et d’autre part elle perdra ce faisant l’âme de tout le reste, qui lui sera devenu étranger et orienté vers l’Ouest. Indépendamment donc de toute considération morale ou normative ainsi que de la dimension internationale, on peut donc s’interroger sur le résultat local du point de vue russe : il n’est pas évident qu’au final tout cela ait été une très bonne opération pour la Russie, dans la perspective qui était la sienne.

    Cela dit, du point de vue du fait national, on peut prendre une autre approche : contrairement à ce que pensent une majorité d’observateurs, non seulement ce sera à terme une étape dans l’émergence d’une nation ukrainienne aux contours tranchés, mais cela peut éventuellement conduire à un fait analogue pour la Russie elle-même, devenant plus nettement nationale russe, et moins impériale au sens propre du terme. D’autant plus que l’empire dépasse manifestement ses moyens. Ce qui ne veut pas dire un pays sans ambition de puissance, ou devenant secondaire sur la scène internationale ; mais ce sera alors d’une façon différente du passé. Américains et Chinois par exemple ont sous différentes formes une volonté de puissance claire, mais les deux pays sont fondés sur une nation relativement homogène, du moins dans sa grande majorité, et ne visent pas la construction d’un véritable empire pluriethnique au-delà de leurs frontières. L’empire russe puis l’URSS étaient eux clairement et massivement pluriethniques et assumés comme tels, même s’ils était construits autour du peuple russe. On peut imaginer qu’une fois intégrée la déchirure en cours, ce sera beaucoup moins le cas à l’avenir de la Russie, quel que soit son régime.

    Pierre de Lauzun (Geopragma, 5 juin 2023)

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  • La Guerre Sainte des démocraties face au choc des réalités...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Pierre de Lauzun cueilli sur Geopragma et consacré à l'échec du discours idéologique porté par le camp occidental dans l'affrontement avec la Russie. Membre fondateur de Geopragma, Pierre de Lauzun a fait carrière dans la banque et la finance.

     

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    La Guerre Sainte des démocraties, face au choc des réalités

    A propos de la guerre d’Ukraine, la question d’un grand affrontement entre démocraties et régimes autoritaires a été soulevée. Beaucoup en sont convaincus dans ce qu’on appelle un peu rapidement l’Occident. La réalité est autrement plus nuancée.

    On le voit déjà au niveau planétaire : si une majorité nette de pays a condamné l’invasion russe de l’Ukraine, seuls les Occidentaux ont décidé des sanctions. Entre les deux lectures possibles ‘occidentales’ du conflit ukrainien (agression contre un Etat, ou lutte du bien et du mal), la première se révèle bien plus féconde internationalement. La grande majorité des pays hors ‘Occident’, démocraties comprises, ne se sent pas impliquée par une idée de grande croisade contre des forces antidémocratiques. D’autant qu’ils ne se sentent pas menacés par la Russie. La situation est sur ce point nettement différente de celle de l’URSS, qui avait un programme idéologique et pouvait s’appuyer sur des forces locales plus ou moins classées comme révolutionnaires, de sorte qu’à côté de la menace militaire éventuelle, limitée à certaines zones, on craignait une menace idéologique bien plus large.

    Ce qui veut dire concrètement que la prétention des Occidentaux à représenter un camp qui serait celui de la démocratie est de fait contestée. Bien des pays considèrent d’ailleurs à tort ou à raison que la menace d’une intervention occidentale, notamment américaine, idéologique ou à prétexte idéologique, est pour eux plus sérieuse que la menace des autres, et en tout cas plus étayée par l’expérience. On peut ajouter que la définition même du camp des démocraties n’est pas vraiment évidente. Comme chacun sait, dans le camp dit occidental de nombreux régimes non-démocratiques ont trouvé et trouvent tranquillement place.

    Du côté des Etats classés autoritaires (Chine, Russie, Iran et autres) la situation est loin d’être simple ou uniforme. Partout il y a une ligne officielle, plus ou moins idéologique, et à forte composante nationaliste. Mais c’est à usage interne, et de façon très différenciée. Si la Chine présente à l’évidence une situation spécifique, en cela que l’idéologie marxiste y est supposée rester une référence interne majeure, et qu’un parti communiste y est parti unique, ce n’est pas un produit d’exportation, au moins actuellement et à vue humaine. De même a fortiori pour la Corée du Nord. Quant à la Russie actuelle, le régime, de fait de plus en plus autoritaire, ne met pas en avant de modèle politique original pouvant servir d’exemple, en dehors du simple fait de ce caractère autoritaire. Corrélativement, ce pays ne se signale pas par une grande originalité idéologique. Certes il se présente comme divergeant du monde occidental sur plusieurs sujets, comme les questions de société et de mœurs, mais cela ne constitue pas une alternative politique. On ne se rapproche d’une forme d’idéologie prosélyte qu’avec l’Iran, mais ce n’est qu’un cas parmi d’autres dans le monde musulman ; et la dimension iranienne d’un côté, chiite de l’autre, apparaît très largement prépondérante dans son action extérieure.

    Il apparaît donc en définitive que du point de vue des idées et du régime le rapprochement entre Russie, Chine et Iran est passablement circonstanciel, et largement dû à l’existence d’un adversaire commun, occidental. On ne saurait discerner de véritable impérialisme idéologique de leur côté.

    Cela ne les classe évidemment pas comme des petits saints. Il y a chez les uns ou les autres une propension évidente au débordement de puissance, de sorte que dans leur opposition commune aux Occidentaux (en fait, aux Américains) le discernement entre cause et effet soit sujet à débat. Mais ne n’est pas l’effet d’un antagonisme idéologique irréductible, du moins vu de leur côté et de celui des tiers. La volonté de puissance est une chose, l’idéologie une autre. Inversement bien sûr, de trop grands succès de leur côté favoriseraient sans doute un modèle autoritaire de régime ici ou là, mais cela pourrait prendre des formes très variables, faute de modèle.

    Il est par ailleurs patent que la propension occidentale, ou plutôt américaine, à la recherche régulière de l’instauration de la démocratie par la force, est à la fois remarquable par son inefficacité et, à nouveau, une cause majeure de la crainte que cette manie instille non moins régulièrement un peu partout. Le monde arabe a été comme chacun sait le lieu le plus caricatural de la démonstration, le cas du malheureux Iraq étant ici emblématique. Cette démocratisation avait pourtant eu l’air d’opérer après 1945 en Allemagne et au Japon, mais c’était après une guerre à mort radicale, et dans une mesure importante dans les deux pays on renouait avec des situations antérieures à leur dérive agressive. Et en tout cas cet interventionnisme ne fonctionne pas ailleurs. D’autant moins que, comme on l’a dit, dans la perception générale hors Occident la volonté de puissance du supposé libérateur l’emporte sur les motivations démocratisantes affichées. En bref, l’affichage démocratique est ruiné par son identification de fait avec ce qui est perçu à tort ou à raison comme un impérialisme. C’est manifeste notamment en Afrique ou au Moyen Orient, ou sous une forme plus modérée en Amérique latine. Et même là où la dimension stratégique peut favoriser l’identification au camp occidental, voire à la démocratie, celle-ci n’est pas vécue comme une copie impliquant la solidarité – ainsi en Asie du Sud et du Sud-Est.

    Est-ce à dire qu’il n’y ait pas en la matière de soft power ? Ou que les thèmes idéologiques soit sans effet ? Evidemment non. Il est évident que le thème de la démocratie ou plus encore celui de la liberté ont une audience et une résonance, éventuellement fortes. Mais sur ce plan le facteur essentiel reste les évolutions politiques internes, qui peuvent bien sûr être facilitées par une action de rayonnement si elle est appropriée. A condition de ne pas insister sur des facteurs répulsifs comme l’idéologie woke, et cette manie de vouloir imposer une vision des mœurs qui répugne à la plupart des cultures.

    On peut noter par ailleurs qu’en matière économique, notamment de commerce international, une attitude apparemment inverse a prévalu côté occidental. Mais elle était en réalité tout aussi idéologique, et non moins contestable. Toujours par idéologie, on a en effet poussé activement à une ouverture maximale des frontières douanières et autres, et à l’entrée de la Chine puis de la Russie à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), sans aucune réflexion sur la dimension pourtant évidemment stratégique d’un tel commerce, et sur le besoin de se protéger de ces partenaires qu’on vilipendait par ailleurs. Car on croyait avec une naïveté confondante que le « doux commerce » allait déboucher sur la paix, et surtout, dans les pays concernés, sur la démocratie. Le résultat de cette illusion a été de donner à la Chine le moyen d’un formidable bond en avant qui en a fait l’usine de la planète et un compétiteur stratégique de premier plan.

    La mythologie de la supposée croisade des démocraties contre les forces du mal, et le mélange des genres entre relations de puissance et idéologie, sont donc en résumé contre-productives de façon générale, et cela du point de vue même de ses promoteurs. Certes, au niveau international, la dimension idéologique n’a pas disparu, mais à l’époque actuelle ce qui domine est le polycentrisme des puissances, le développement de chacun dans sa logique propre. Face à cette réalité, on ne peut qu’être frappé par le contraste avec le rôle subsistant de l’idéologie dans la vie politique dans ce qu’on appelle Occident. Y compris d’ailleurs au niveau interne, que ce soit par son utilisation croissante par la construction européenne au détriment des réalités nationales, ou par son rôle ravageur dans le déchirement interne américain. Mais en tout cas, sous sa forme conquérante et agressive ce n’est pas un très bon article d’exportation.

    Conséquemment, dans le cas de la guerre d’Ukraine le déterminant principal pour l’attitude à tenir n’est pas la nature des régimes (ce qui n’empêche pas d’avoir une opinion critique sur eux et leurs comportement, et de l’exprimer), mais la dimension internationale, qu’il s’agisse de considérations de droit, d’évaluation des rapports de forces réels ou espérés, ou de la paix possible.

    Pierre de Lauzun (Geopragma, 16 mars 2023)

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  • Quel avenir aux empires ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Pierre de Lauzun cueilli sur Geopragma et consacré à la question des empires. Membre fondateur de Geopragma, Pierre de Lauzun a fait carrière dans la banque et la finance.

     

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    Quel avenir aux empires ?

    Nous sommes tellement convaincus que la démocratie à l’occidentale est l’étape finale de l’histoire que nous n’envisageons pas un instant que celle-ci puisse aller dans un autre sens. Cela résulte du fait que la démocratie étant sacralisée dans nos sociétés comme le bien par excellence, on ne voit d’alternative que dans ce qui parait être le mal absolu, et qu’on croit être l’opposé exact de la démocratie, le totalitarisme. Mais il y a d’autres configurations possibles, comme l’histoire l’a montré. Et notamment les empires. L’actualité met en outre les projecteurs sur la coupure en cours entre les démocraties occidentales et ce qu’on perçoit comme une alternative russo-chinoise, vue comme autoritaire, agressive et, précisément, impériale.

    On parle donc beaucoup d’empires. Mais avec beaucoup d’imprécision. Il y en a eu des formes variées dans l’histoire, mais le terme n’a son sens plein que pour désigner un pouvoir autoritaire, direct, sur un territoire vaste et relativement hétérogène, dépassant l’horizon d’une nation. C’est le sens qui sera retenu ici. Au sens strict il n’y a en plus vraiment aujourd’hui, tout au plus partiellement : le langage courant parle d’empire américain, pour ce qu’il est plus précis d’appeler une hégémonie.

    Est-ce à dire qu’il n’y en aura plus à l’avenir ? Non, et le contraire est même probable. Nous sommes en effet dans une période de transition : nos systèmes donnent bien des signes de faiblesse, les brassages de peuples s’intensifient notamment dans les pays avancés, de nouvelles puissances montent, et la guerre réapparaît là où on ne l’attendait plus. L’histoire va donc se remettre en mouvement. Or dans une période troublée et évolutive, la formule impériale a toutes ses chances. Ce qui ne veut pas dire que cela soit souhaitable…

    Qu’est-ce qu’un empire ?

    Le terme d’empire défini comme ci-dessus s’oppose à celui de nation. Ce qui caractérise sauf rares exceptions une nation est son homogénéité ethnoculturelle. L’empire, lui, est plurinational, même si une ethnie ou nation y domine. La problématique de l’empire se définit dès lors largement par rapport à la question nationale. Un des aspects de cette opposition est la question de la démocratie. Comme je l’ai montré ailleurs (Les Nations et leur destin), le système démocratique exige normalement de s’appliquer à une nation, homogène, ayant la même langue et la même culture. Une nation peut être démocratique (au sens large) ou pas, un empire normalement pas.

    Un empire est en général le fruit d’une conquête militaire, et le rapport de forces en reste une dimension essentielle. Certains sont plus ou moins éphémères, et sans trace historique ultérieure. Car ils durent en général moins que les nations au sens large, parce que plus complexes, et faute du support objectif que ces dernières trouvent dans le fait national. Mais on a des cas d’empires qui ont duré longtemps et joué un rôle significatif, ainsi Rome, ou la Chine impériale. Toutes deux se sont avérées capables d’offrir une possibilité réelle d’assimilation aux populations conquises et d’abord à leurs dirigeants. Par-là de tels empires ont adopté certains des traits d’une nation, et notamment une certaine unité linguistique. Et ils ont duré plus longtemps.

    L’expérience de l’Europe est tout à fait différente. L’histoire européenne n’a pas fourni de cas d’unification impériale et s’est même caractérisée par son éloignement de ce modèle, qui imprégnait pourtant les esprits encore au Moyen Âge. Cette grande fragmentation politique sur une base largement nationale est spécifique à l’Europe. Quant aux empires coloniaux européens à partir du XIXe, ils étaient clairement distingués de leurs métropoles. Celles-ci étaient des démocraties au moins partielles, nationales, et leurs empires non. Ils ont joué un rôle décisif pour modeler la planète telle que nous la connaissons. Mais fondés qu’ils étaient sur des principes contradictoires et sur un rapport de force transitoire, sans véritable assimilation, ils ont très peu duré.

    Empires et nations : forces et faiblesses

    On l’a dit, l’empire est une entité vaste, complexe, réunissant des parties hétérogènes. L’État-nation, lui, raisonne sur un seul peuple, un seul territoire, une seule communauté politique. La nation tend à homogénéiser et exclure ce qui n’entre pas dans son schéma, l’empire lui traite différemment les différents peuples. Il accepte la différence comme telle, moyennant soumission ; l’État-nation cherche à la dépasser. Cette hétérogénéité possible permet à un empire de gouverner, du moins un temps, des ensembles plus vastes et diversifiés, ce que la base nationale exclut. Les empires sont d’ailleurs souvent pragmatiques et flexibles, tant que leur pouvoir n’est pas remis en cause.

    L’existence de sous-communautés est relativement compatible avec les systèmes autoritaires et donc les empires. Mais c’est contradictoire avec une démocratie. Celle-ci suppose en effet que les élections se fassent sur la base d’un vote sur des options diverses, au sein d’une population suffisamment cohérente et homogène pour que la minorité accepte la loi de la majorité comme représentative d’un peuple auquel tous s’identifient. Si ce n’est pas le cas, la démocratie sera remise en cause et, au-delà d’elle, la vie commune et la solidarité qu’elle comporte.

    D’où une conséquence importante : l’empire (ou un autre système autoritaire) peut donner une réponse à la désagrégation de systèmes politiques, notamment démocratiques, si leur hétérogénéité notamment culturelle ou ethnique devient ingérable. Ce qui nous conduit à une interrogation importante pour notre époque. Au vu de l’hétérogénéité et des fragilités croissantes de nos constructions politiques, l’idée vient à l’esprit que les chances des empires à l’avenir sont loin d’être nulles, malgré leur limites.

    Des exemples d’empires dès aujourd’hui ?

    Où en est-on aujourd’hui ? Si nous n’avons actuellement plus d’empire au sens retenu ici, certaines situations méritent attention.

    Il y a d’abord actuellement plusieurs exemples intermédiaires, de pays pluriethniques ou plurinationaux, mais où l’une de ces nations ou ethnies est nettement majoritaire et structure l’État. Des exemples évidents en sont l’Iran, la Turquie, certains pays d’Amérique latine Ces minorités fortes subsistent, mais elles sont en position d’infériorité nette ; et donc cela peut durer.

    Le cas russe est à mettre à part. Il y a toujours eu dans l’empire russe comme en URSS une majorité russe, mais les minorités y étaient importantes. A l’époque, le pouvoir avait su se maintenir par un mélange d’autoritarisme et d’intégration habile d’élites locales, qui trouvaient une place dans le système impérial. Cet empire s’est désagrégé. Reste aujourd’hui une situation confuse. Il y a en Russie même des minorités appréciables, notamment musulmanes. En cela, elle se rangerait plutôt dans la série précédente. Mais le cas russe en diffère à deux titres, le premier étant la présence de minorités russes à l’extérieur, question sensible et reliée au passé impérial. Le deuxième est que la Russie ne considère pas ce qui relevait de l’empire russe ou de l’URSS comme complètement extérieur. D’une certaine façon, sa conception de soi et ses frontières ne sont pas clarifiées. D’où la question d’une permanence impériale dans la problématique russe.

    La Chine présente des traits analogues, avec ses minorités tibétaines, ouïgoures etc., mais en moins marqué : la prépondérance de l’ethnie chinoise y est massive ; en outre son territoire correspond très largement à celui de l’ancien empire et elle a peu de revendications historiques à faire valoir.

    A terme, la réémergence d’empires ?

    Un empire à l’ancienne suppose la conquête militaire par un pays de ses voisins. A première vue, il paraît ne pas y avoir de base pour cela dans le monde que nous connaissons aujourd’hui. En outre le maintien de l’hégémonie américaine dans des zones majeures de la planète rend l’exercice difficile.

    Il y a une exception possible, on l’a vu : la Russie. Mais en regardant de près, la réponse ne paraît pas non plus assurée. On note d’abord dans ce pays une hésitation entre le modèle impérial et un modèle national russe : l’invasion de l’Ukraine est-elle motivée par la remise en cause de sa réalité comme État, au profit d’une vision impériale ; ou n’assiste-t-on pas, de façon pas nécessairement consciente côté russe, à une affirmation ethnico-nationale proprement russe ? En tout cas l’agression a eu pour effet de souder un sentiment national ukrainien jusqu’ici flou, appelé à durer au moins dans la partie centre et ouest. De ce point de vue, l’invasion aura probablement ce résultat a priori paradoxal d’y faire basculer la problématique dans un sens national homogène, comme l’ont fait les nettoyages ethniques post-yougoslaves. S’agissant des autres minorités russes ou russophones de la périphérie immédiate, on pourrait imaginer une agression russe dans les pays baltes (mais la Russie se heurterait ici directement à l’Otan), ou au Kazakhstan. Mais là encore cela ne déboucherait pas sur un empire, et par certains côtés au contraire : on s’éloignerait de ce modèle pour se rapprocher d’une logique purement nationale (agressive en l’occurrence). Tout autre est la question des éventuelles ambitions russes au-delà de ce périmètre russophone, notamment dans sa zone de domination anciennement soviétique (Caucase, Asie centrale, etc.). Mais en supposant que la Russie en ait l’intention, elle ne paraît en état d’aller bien loin, au vu des limites de l’armée russe apparues en Ukraine, sans parler de celles de l’économie et de la démographie ; et elle se heurterait assez vite à d’autres puissances (Otan, et même Chine). Et ce serait a fortiori le cas au-delà de ces zones. Dès lors, la perspective véritablement impériale apparaît dans les années qui viennent plutôt limitée pour ce pays, au-delà d’une forme d’hégémonie sur une partie de l’ancienne URSS.

    La perspective impériale est en revanche bien plus plausible à terme plus ou moins éloigné dans le monde arabo-musulman, surtout avec le recul de l’hégémonie américaine. Ainsi dans le monde arabe où les États restent assez artificiels, et souvent sans base nationale propre suffisante. Par ailleurs, Turquie et Iran, en partie hétérogènes, ont été de vrais empires et s’en souviennent. La Turquie notamment, avec sa nostalgie ottomane soigneusement entretenue par R. Erdogan et la constitution progressive d’un rôle international qui pourrait assez vite tourner à l’empire. Mais un Iran dépassant l’impasse actuelle pourrait aussi entrer dans ce schéma.

    De même, la possibilité d’empires est tout à fait concevable à terme en Asie, notamment avec l’impressionnante émergence de puissances comme la Chine ou l’Inde. Certes, cela ne paraît pas être leur priorité dans l’immédiat, car elles sont pour l’essentiel axées sur leur montée en puissance, même si elles ne dédaignent pas d’exercer une forme d’hégémonie. Mais la situation pourrait évoluer à terme plus long. Et leur surpuissance par rapport aux pays voisins sera alors considérable.

    Une forme nouvelle d’empire : l’Europe ?

    Il est intéressant d’élargir le débat au-delà des empires classiques, construits sur une base guerrière. A notre époque on peut en effet envisager des processus différents d’évolution vers des formes politiques de type impérial. A terme plus ou moins long, dans un contexte instable où la confiance deviendrait très difficile, des formules robustes comme celle-là peuvent alors avoir leurs chances. La remarque vaut bien sûr d’abord pour les empires éventuels qu’on vient d’évoquer, des hégémonies pouvant devenir tellement prégnantes qu’elles ressemblent à des empires ; on pense alors naturellement d’abord à la Chine.

    Mais la question mérite d’être posée dans le cas de l’Europe. En fait, élément militaire mis à part, l’Union européenne ressemble quelque peu à un empire : ce n’est pas une nation mais elle est composée de nations variées ; elle constitue un pouvoir supranational en surplomb, qui se fonde certes en principe sur les démocraties nationales, mais tend à considérer le niveau national comme subalterne, historiquement dépassé, à réguler par en-haut. Ce pouvoir n’est pas élu directement comme un pouvoir politique national ; le ‘parlement’ est élu sur la base d’élections qui se font en fait sur des listes nationales ; l’exécutif n’est pas élu. Le pouvoir politique européen n’est donc pas véritablement responsable devant des électeurs. Ce pouvoir reste toutefois limité à certains domaines, même s’ils sont de plus en plus vastes ; on reste donc dans une situation intermédiaire.

    Comment peut-il évoluer ? Il ne peut pas se construire politiquement comme une démocratie nationale : il n’y a pas de peuple européen, ni de vie politique européenne. Il pourrait évidemment se rebâtir sur un projet différent, fondé sur ses nations, mais il ne prend pas ce chemin. Il peut bien sûr continuer de stagner dans un entre-deux bâtard sous hégémonie américaine : c’est le plus probable.

    Mais, hors une dislocation possible, on peut imaginer un autre scénario, surtout en cas de crise grave. Dans un contexte de fragilisation des systèmes politiques et économiques nationaux, dont les bases d’identification nationale ont été érodées, ce à quoi s’ajoute l’hétérogénéité croissante des populations vivant en Europe, avec une immigration massive qui peut encore s’accélérer, on peut imaginer, lors d’une crise très grave, un transfert de pouvoir massif, plus ou moins consensuel des états membres à Bruxelles, qui deviendrait tête d’une sorte d’empire. Cela dit, cet empire resterait un peu bizarre, du fait que militairement il est a priori peu probable à ce stade qu’il se détache de l’Otan et donc de l’hégémonie américaine. C’est donc un scénario, mais pas la plus forte probabilité.

    Pierre de Lauzun (Geopragma, 8 janvier 2023)

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  • La dissémination nucléaire après la guerre d’Ukraine...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Pierre de Lauzun, cueilli sur le site de Geopragma et consacré à l'arme nucléaire. Membre fondateur de Geopragma, Pierre de Lauzun a fait carrière dans la banque et la finance.

     

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    La dissémination nucléaire après la guerre d’Ukraine : quelques leçons pour les pays tiers

    On reparle beaucoup du nucléaire militaire à l’occasion de la guerre d’Ukraine. On l’avait un peu oublié. Or les événements d’Ukraine remettent cette question au centre de l’attention. Je ne parlerai pas ici de la guerre d’Ukraine elle-même, mais de l’impact qu’elle a sur la réflexion sur le nucléaire, et notamment sur la dissémination.

     Car s’il y a bien une première conclusion évidente à tirer de cette guerre, c’est l’intérêt de l’arme nucléaire. On sait que l’Ukraine était une composante majeure de l’URSS, y compris sur le plan militaire, et en son sein, du nucléaire soviétique. Pourtant lors de la dissolution de l’URSS, devenant indépendante, elle a renoncé à l’arme nucléaire, qu’elle pouvait sans difficulté technique détenir et développer. Nul doute que si elle avait fait le choix inverse, la question de la guerre actuelle ne se serait pas posée, ou très différemment. Peut-être pas pour les événements précédant cette année, car la constitution des républiques du Donbass restait possible et l’aide militaire que leur apportait la Russie. En revanche les données de l’invasion russe de 2022 auraient été très différentes ; et il est raisonnable de penser qu’elle ne se serait pas produite ou en tout cas de façon beaucoup plus limitée. Or même si l’Ukraine finissait par l’emporter, le coût humain et économique de la guerre aura été ravageur pour elle.

    Pour tous les pays tiers, même s’il est clair depuis longtemps que la détention de cette arme est un facteur majeur d’indépendance nationale (sachant qu’il n’est pas démontré que cela soit une garantie totale), la présente guerre illustre de façon spectaculaire la validité de ce raisonnement.

    A cela s’ajoute une autre considération. Cette guerre est la première guerre de type classique qu’on connaisse depuis longtemps, si on appelle classique une guerre qui ne soit pas clairement dissymétrique (comme celles en Iraq, Afghanistan ou Vietnam, ou dans une moindre mesure les guerres israélo-arabes), c’est-à-dire qui fasse s’affronter deux armées non pas nécessairement égales, mais du même genre, dans un affrontement proprement militaire. Pour trouver un équivalent, sans remonter à la guerre de Corée, il faut remonter à la guerre entre Iran et Iraq ou aux guerres indo-pakistanaises. Mais outre que cela nous ramène avant 1980-1990, cela ne mettait pas aux prises des armées aussi avancées qu’aujourd’hui, les niveaux de technologies étant alors bien plus bas et beaucoup plus anciens. Surtout, à l’époque il n’y avait pas de grande puissance en lice (l’Inde le devient progressivement depuis) et notamment pas nucléaires. Or cette fois nous avons non seulement une guerre classique, déjà relativement longue, mais surtout menée par une grande puissance nucléaire, elle-même sanctuarisée par le fait même. Nul doute que la prudence même relative des Américains dans leur aide aux Ukrainiens, tient grand compte de ce facteur, évitant notamment sauf exceptions toute atteinte à la Russie elle-même. Il y a donc une dissymétrie, au départ désavantageuse pour le pays le plus faible. Pour les pays tiers, c’est encore un argument en faveur du nucléaire : si mon agresseur se protège ainsi, j’ai le plus grand intérêt à faire de même.

    Côté américain, la position traditionnelle, hostile à la dissémination nucléaire (notamment des administrations démocrates), ne devrait en revanche pas être remise en cause. Etant en général le pays le plus interventionniste sur le plan militaire, les Etats-Unis n’ont aucun intérêt à ce que les cibles possibles se hérissent de nucléaire. De plus, le fait qu’un pays qui leur est allié n’ait pas cette arme le rend évidemment beaucoup plus dépendant de leur aide, dont on a vu en Ukraine la redoutable efficacité à l’occasion.

    Un autre facteur nouveau apparu en Ukraine est l’annexion par la Russie de territoires précédemment ukrainiens, ce qui du point de vue russe fait passer ces zones dans le cadre de la défense du territoire russe. Et donc potentiellement (selon l’état de la doctrine et son emploi) sous leur protection nucléaire. On voit évidemment l’attrait du nucléaire pour un pays ayant des revendications ou des visées sur un territoire voisin. Certes, on ne connait pas à ce stade ce qu’il adviendra de ces zones dans le présent cas, selon les développements de la guerre en cours. Mais le raisonnement subsistera dans son principe. Si l’Iraq avait eu l’arme nucléaire, peut-être aurait-il gardé le Koweït en 1990. En résumé donc, l’avantage que cette détention donne à un pays ayant des ambitions extérieures sur un voisin qui n’aurait pas l’arme atomique est appréciable. Bien entendu ce n’est qu’un aspect de la question car d’autres dimensions entreraient en compte (sanctions etc.).

    Une question plus technique posée actuellement est celle de l’usage possible du nucléaire tactique (arme de plus petit calibre, en principe utilisée contre des forces militaires). Son utilisation éventuelle en Ukraine soulève des questions complexes, qu’on n’évoquera pas ici. Mais de façon générale le fait d’en disposer peut représenter lui aussi un avantage potentiel, ne serait-ce que comme option intermédiaire, en théorie disponible, entre la guerre classique et le nucléaire stratégique. Notamment contre une autre puissance nucléaire, sans que le niveau stratégique se déclenche automatiquement. La Corée du Nord prétend par exemple désormais en disposer.

    Il faut relever enfin un point important : le secret. La détention de l’arme nucléaire ne suppose pas nécessairement qu’elle prenne une forme publique, visible et revendiquée – pourvu que les adversaires éventuels croient qu’elle existe. Mais si la détention de l’arme offre une sécurité considérable, même si elle n’est pas totale, en revanche son développement est plein de risques pour un pays qui a déjà un ennemi puissant car ce dernier sera alors fortement incité à déclencher une guerre préventive, classique ou nucléaire, pour précisément bloquer ce développement. Ce risque apparaît évidemment par exemple dans le cas de l’Iran (avec Israël, voire les Etats-Unis); mais aussi de la Corée du Sud (avec son cher voisin du Nord). D’où l’intérêt majeur d’un développement aussi secret que possible, selon la voie qu’a explorée Israël en son temps et avec succès.

    A cela s’ajoutent pour les pays amis des Etats-Unis les questions que pose justement la protection attendue de ces derniers. Pensons déjà à nouveau à la Corée du Sud, au Japon et à Taïwan. La première question est la validité d’un éventuel parapluie nucléaire américain : rien ne prouve qu’il serait mis en œuvre, notamment par rapport à une puissance nucléaire. Et si leur attitude en Ukraine montre qu’ils savent à l’occasion être très efficaces dans leur aide classique, cela ne permet évidemment pas d’éviter la catastrophe que présente de toute façon une guerre conventionnelle pour le pays qui la subit. Il y a donc à nouveau de puissants arguments pour ces pays pour développer l’arme nucléaire ; mais à l’israélienne, en n’en faisant état qu’une fois le pas franchi – tout au plus. On sait que Taïwan avait commencé un tel développement, mais avait abandonné sous pression américaine : il peut s’en mordre les doigts, car ce ne serait probablement plus possible aujourd’hui, la Chine s’en apercevant très probablement s’il essayait, et réagissant aussitôt.

    La question se pose sans doute moins en ces termes en Europe, pour les pays non nucléaires. Il y a à cela au moins une première raison simple et immédiate : l’expérience ukrainienne a montré les limites de l’armée russe, qui n’est manifestement à ce stade pas celle d’une vraie grande puissance – en dehors de son arsenal nucléaire. En outre, pour les pays qui peuvent se sentir encore menacés (toujours hors nucléaire) l’Otan offre une réponse, qui a beaucoup regagné en crédibilité du fait de la guerre en cours. Inversement, les Etats-Unis ne toléreraient pas un développement nucléaire dans un de leur alliés. Le seul vrai motif pour ces derniers serait donc de tenter de parer à une attaque nucléaire russe, selon la logique de l’équilibre de la terreur. Mais il faudrait pour cela développer un armement puissant et performant, et assumer politiquement la dissuasion, en interne et face aux Américains : on voit très mal un pays européen s’engager dans cette voie.

    En revanche d’autres candidats seraient assez naturels ailleurs. Ainsi au Moyen Orient, dans la lignée d’Israël ou à l’instar de l’Inde et du Pakistan tout proches. Outre l’Iran (mais il est très surveillé), on a évidemment la Turquie, et certains autres dans la péninsule arabique… Et là aussi, la voie du secret est désormais la seule sûre.

    Le tout renforcera encore, évidemment, la voie maintenant inéluctable vers la multipolarité. Mais une multipolarité clairement hiérarchisée.

    Pierre de Lauzun (Geopragma, 17 octobre 2022)

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  • Après la guerre d’Ukraine, un monde fragmenté...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Pierre de Lauzun, cueilli sur le site de Geopragma et consacré à la fracturation géopolitique du monde provoquée par la guerre russo-ukrainienne. Membre fondateur de Geopragma, Pierre de Lauzun a fait carrière dans la banque et la finance.

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    Après la guerre d’Ukraine, un monde fragmenté. L’aspect monétaire et financier.

    Faire la guerre, ou à un degré plus limité, soutenir l’effort de guerre de quelqu’un, est un acte à la fois coûteux et risqué. D’où l’importance centrale des buts de guerre. Or en l’espèce, au-delà d’un point de départ évident (soutenir un État agressé et envahi),  l’évolution des buts de guerre occidentaux pose bien des questions, car elle remet sur certains points en question l’architecture même du monde que ces mêmes Occidentaux et notamment les Américains prétendent construire. Nous allons le voir sous l’angle monétaire et financier.

    La dérive idéologique occidentale

    J’ai évoqué ce sujet par ailleurs [1].  Je distingue trois grands types de buts de guerre: idéologiques, impérialistes et patriotiques. Je note que les deux premiers types favorisent les options guerrières, la première notamment, car une idéologie n’admet pas de compromis et tend à classer le monde entre bons et méchants. Ce faisant, on favorise l’ascension aux extrêmes que le processus de la guerre tend par ailleurs à produire. La guerre en Ukraine est sur ce plan particulièrement symptomatique. Côté occidental, surtout américain, la dimension idéologique a pris de plus en plus le dessus,  dans un grand récit de lutte des démocraties contre les régimes autoritaires. Cette attitude est dangereuse, notamment au vu de ce que cela signifie pour le monde de demain. Concrètement, sauf issue militaire improbable, la Russie fera partie du paysage international de demain. On peut évidemment désirer que l’issue de la guerre sera le moins favorable possible pour elle, et agir en ce sens. Mais sans de ce fait prendre de risque excessif, sans nourrir l’ascension aux extrêmes, et sans détruire des liens utiles ou des actifs. Déjà il était irrationnel de démanteler toutes les positions des entreprises occidentales en Russie, ou de boycotter sportifs et artistes russes. A fortiori de mettre en place des embargos dont les Européens souffrent au moins autant que les Russes.

    Un monde nouveau fragmenté

    Mais, au-delà de ces faits immédiats, ce qui frappe le plus est l’absence de vraie vision à terme, hors improbable réalisation du scénario dans lequel les démocraties, aidant les Ukrainiens à bouter les Russes hors de leur territoire, provoqueraient un changement de régime à Moscou, montrant par là au reste de la planète qu’il n’y a qu’une voie gagnante pour l’avenir. Nous ne savons pas comment se terminera cette aventure (indéniablement absurde et condamnable dans le cas russe) ; mais nous pouvons voir que, d’ores et déjà, les moyens déployés par les Occidentaux, y compris à travers les sanctions, façonnent en partie appréciable ce monde de demain. Et c’est vrai aussi en matière économique et financière.

    Il y avait déjà avant cette guerre une forte poussée de remise en cause de la conception antérieure, qu’on peut appeler de mondialisme ouvert, notamment du fait de la Covid. Avec la mise en évidence des risques appréciables qu’on pouvait courir, au niveau de la sécurité des approvisionnements, du fait de tels événements naturels, et cela tant au niveau national qu’à celui des entreprises. Mais avec les sanctions contre la Russie, un pas nouveau majeur a été accompli, car cette fois l’interruption résulte d’une volonté politique. et elle bouleverse la logique antérieure tant des échanges que des investissements. Du jour au lendemain, l’approvisionnement pétrolier et gazier d’origine russe s’est trouvé anathème ; de même la présence de la Société générale ou de Renault en Russie. Pour les entreprises, cela veut dire que pour l’avenir, quand vous investissez à quelque part, ou que vous vous y approvisionnez, si vous êtes occidental vous devrez inclure un facteur majeur de risque politique, non plus seulement par changement politique local comme par le passé, mais du fait de décisions des autorités de votre pays d’origine (ou de ses alliés). Bien sûr on en avait eu un petit avant-goût avec l’Iran. Mais les enjeux restaient alors limités : dès lors, on pouvait considérer que ce n’était qu’un cas particulier et que le reste de l’activité obéissait toujours aux règles antérieures. Ce n’est désormais plus le cas, car l’exemple russe est trop massif, trop porteur de précédents. Dit autrement, si le pays avec qui vous travaillez peut d’une façon ou d’une autre déplaire gravement à Washington, vous courez un risque élevé.

    Réciproquement, du point de vue desdits pays, la possibilité de telles ruptures est désormais avérée. Déjà significatif pour le pays moyen, le virage prend un sens tout particulier dans le cas de la Chine, en outre proche de la Russie. En bonne logique, la jurisprudence russe pourra s’appliquer demain à elle, et elle le sait. Elle ne peut qu’en tenir compte pour l’avenir.

    Le dilemme monétaire

    Il est en outre un domaine où ces considérations remettent tout particulièrement en cause les idées et les usages, qui est le domaine monétaire. On parle depuis longtemps et non sans motif du privilège exorbitant du dollar. Mais il reposait sur une idée implicite : que tout le monde pouvait investir et payer en dollar, et que le dollar était sûr, du moins politiquement. Or voici que non seulement les banques russes ont été exclues du système (et notamment des paiements par Swift, sauf exception), ou que les actifs d’une liste de personnages sont bloqués, mais surtout, les réserves mêmes de la Banque de Russie (en dollars et en euros, situées dans les pays occidentaux) ont été bloquées. Si on admet un ordre de grandeur de plus de 630 milliards (dont 40% au moins étaient dans les pays occidentaux en 2021), on voit l’importance de l’enjeu (le Financial Times parle de 300 milliards bloqués). Il est vrai que la Russie avait en partie prévenu le coup en transférant ses ressources hors d’Occident (où elles étaient à plus de 80 % en 2014) et en augmentant massivement son stock d’or, évalué à quelque 140 milliards de dollars, ce qui laisse au régime une marge de manœuvre, d’autant que le prix de l’or augmente. Mais désormais toute la planète sait que la sécurité des réserves d’un pays détenues dans un pays occidental n’est pas garantie. Certes on en reste à ce stade au blocage. Mais les fonds ne sont dès lors plus utilisables.

    La disruption serait bien entendue a fortiori encore plus grave si, comme certains le proposent (Josep Borrell par exemple), les Occidentaux dans leur escalade décidaient non plus simplement de bloquer, mais de confisquer ces actifs. Or si la chose est compliquée pour les oligarques (sociétés – écrans, questions judiciaires de responsabilité etc.), c’est à première vue plus facile pour les avoirs de la Banque centrale : ce sont des avoirs du pays, et ce pays en a agressé un autre, en lui infligeant des destructions massives. Quoi de plus simple politiquement que de financer en bonne partie la reconstruction de l’Ukraine (ce pour quoi les Ukrainiens par exemple évoquent jusqu’à 5 ou 600 milliards voire plus) avec l’argent de la Banque de Russie ? En clair, on façonne donc un monde dans lequel avoir des réserves dans une devise occidentale n’est plus une question purement monétaire ; ces réserves sont politiquement à risque.

    La même remarque vaut pour les transactions en dollars elles-mêmes. Les États-Unis ont décidé de bloquer les paiements par les Russes des échéances de leur dette extérieure (modeste il est vrai, qui s’élève à environ 50 milliards de dollars) – du moins si le créancier (ou sa banque) est américain. Certes, on savait déjà qu’il n’était pas innocent de faire de simples transactions en dollars : BNPP par exemple avait récemment dû payer une amende énorme pour des financements impliquant le Soudan, qui était alors sous embargo américain mais non européen. Pourtant aucune des parties n’était américaine ; mais la monnaie était le dollar (donc avec en bout de chaîne une compensation à New York). Là encore on pouvait espérer que cela resterait limité. Nous n’en sommes plus là. Maintenant quelqu’un qui a emprunté en dollars peut être déclaré en défaut de paiement (avec tout ce que cela entraîne) non pas parce qu’il n’a pas l’argent ou ne veut pas payer, mais parce que les États-Unis lui interdisent de payer !

    En réalité, c’est le sens même de ce qu’est une monnaie internationale qui change de sens. Ces monnaies (dollar et peut-être euro) ne sont plus neutres même dans leur usage par celui qui les détient. Elles sont en fait dans les mains du pouvoir politique du pays dont elles sont la monnaie, et il peut vous priver de vos actifs si vous lui déplaisez. En un sens, ce ne sont donc plus pleinement des monnaies.

    Je ne vais pas débattre ici du bienfondé de ces démarches, ni de leur efficacité. Je voudrais noter qu’on est là dans la construction d’un monde pour demain qui, hors le scénario improbable de la victoire totale, sera un monde plus fragmenté et politiquement polarisé, soit le contraire exact du monde défendu par ailleurs par les Occidentaux, Américains en tête. On risque alors de répéter la situation de 1945 : les démarches s’inscrivant pendant la guerre dans une logique de victoire ont alors débouché sur un rideau de fer – que les Alliés ne voulaient pas. De même ici : Russes et Chinois, et à leur suite bien d’autres, vont comprendre qu’ils ne pouvaient se fier aux outils communs que les Occidentaux présentaient comme mondiaux. Ils ont dès lors un intérêt majeur à développer les leurs, le plus découplé possible du reste. Quitte à continuer à jouer par ailleurs avec ces derniers lorsque le risque est jugé acceptable.

    La prétention universaliste de l’idéologie débouche donc sur l’effet contraire, celui d’un monde fragmenté, qui en matière monétaire est sans précédent dans l’histoire.

    Pierre de Lauzun (Geopragma, 13 juin 2022)

     

    Note :

    [1] Aide à l’Ukraine : quels sont nos buts de guerre ?

     

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