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mathieu bock-côté - Page 10

  • Comment l'antiracisme empêche le débat sur le multiculturalisme...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Mathieu Bock-Côté, cueilli sur Figarovox et consacré à l'antiracisme comme instrument idéologique destiné à faire taire les détracteurs du multiculturalisme...

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    Comment l'antiracisme empêche le débat sur le multiculturalisme

    Les attentats du 7 janvier n'ont finalement pas provoqué de grand réveil politique en France. La prise de conscience patriotique s'est vite dissipée, la haine de soi est revenue. On avait déjà remarqué que la lutte contre l'islamisme s'était transformée en lutte contre l'islamisme et l'islamophobie, comme s'il fallait équilibrer les maux à tout prix. L'islamisme a vite été laissé de côté: on a parlé du terrorisme en général, en évitant de le caractériser, pour éviter de stigmatiser. On avait aussi noté que la France s'était finalement reconnue responsable de la haine à son endroit d'une partie de la jeunesse immigrée en se déclarant coupable d'apartheid.

    Le dispositif pénitentiel qui pousse à croire bien méritée la haine anti-occidentale fonctionne comme jamais. C'est à cette lumière qu'il faut comprendre l'offensive annoncée du gouvernement de Manuel Valls contre le «racisme.»

    L'époque se veut en lutte contre le racisme. On comprend naturellement pourquoi et cette lutte a sa part de légitimité. Mais on sait aussi qu'elle a été depuis un bon moment détournée. N'est-elle pas utilisée avec une légèreté déconcertante pour en finir avec un contradicteur gênant, pour l'expulser des médias, ou encore, pour censurer certaines analyses remettant en question la vision officielle et bucolique du vivre-ensemble multiculturel? L'accusation de racisme servira à marquer publiquement et à disqualifier définitivement un homme politique ou un intellectuel commentant avec trop de franchise les dégâts du multiculturalisme. Elle permettra aussi de reléguer dans les marges de l'espace public les défenseurs de l'identité nationale, toujours suspectés du pire.

    On pourrait parler d'une extension du domaine du racisme. Et quiconque jette un œil dans la sociologie antiraciste d'inspiration américaine en verra l'ampleur. Elle repose sur une thèse forte: la structure même des sociétés occidentales, serait raciste, en ce sens qu'elle institutionnaliserait, en les dissimulant sous le masque de l'universalisme, les avantages d'une majorité historique «blanche». La sociologie antiraciste parle alors de racisme universaliste. En France, on dénoncera par exemple les «mensonges» de l'égalité républicaine qui favoriserait de manière systémique les «Français de souche». Inversement, ceux qui distinguent entre les cultures et se demandent lesquelles sont compatibles sur un même territoire, et lesquelles ne le sont peut-être pas, tant elles sont différentes, seront accusés de racisme différentialiste.

    La sociologie antiraciste en arrive ainsi à conceptualiser une société raciste sans «racistes». Il suffirait toutefois de participer à sa reproduction pour se rendre coupable de racisme sans le savoir et sans même le vouloir. Celui qui refuse, par exemple, la discrimination positive, sera accusé de s'opposer à un mécanisme visant à corriger les inégalités structurelles causées par le racisme occidental. Celui qui, quant à lui, plaidera pour une réduction significative de l'immigration subira la même accusation: n'entend-il pas maintenir l'hégémonie d'un groupe ethnique majoritaire dans nos sociétés, alors qu'il faudrait plutôt le dépouiller de ses privilèges institutionnels et culturels? À terme, c'est la simple remise en question de la sociologie antiraciste qui sera assimilée au racisme.

    Des pans de plus en plus grands de la réalité tombent sous l'accusation de racisme simplement à travers un jeu de définitions de plus en plus agressif.

    On aura compris que le racisme n'est aussi qu'à sens unique - il représente un système de domination qui pousse à l'exclusion et à la discrimination contre les minorités issues de l'immigration. Mais les minorités ne pourraient jamais s'en rendre coupable, et on refusera par exemple de prendre au sérieux le rap des banlieues où s'exprime pourtant la véritable haine raciale en France. La situation est presque loufoque. D'un côté, on étend sans cesse la définition du racisme pour continuer à combattre les sociétés occidentales en son nom, alors qu'il ne trouve plus d'échos que dans les marges les plus éloignées de la vie sociale, au point même d'être souvent dénoncé dans les partis qu'on dit «d'extrême-droite». De l'autre, on refusera de voir le racisme lorsqu'il s'exprime crument et brutalement chez certaines franges de la population immigrée. Au pire, il ne serait rien d'autre chez eux qu'un réflexe de défense.

    On comprend dès lors la portée de la législation qui s'en vient.

    La dissidence devant le multiculturalisme était déjà psychiatrisée à travers la multiplication des phobies dépistées chez ses contradicteurs. Elle sera désormais potentiellement criminalisée. On devine ainsi ce que les associations antiracistes les plus zélés sauront faire de ces nouvelles dispositions juridiques. Ne faudrait-il pas plutôt remettre en question la sociologie antiraciste et plus largement, cette fâcheuse manie qui consiste à accuser les sociétés occidentales d'être historiquement coupables de crimes si abjects à l'endroit de la diversité qu'elles ne pourront les expier qu'en se convertissant au multiculturalisme. Chose certaine, la restriction de la liberté d'expression, ici, sert bien moins la lutte contre le racisme que la diabolisation de ceux qui ne croient pas les sociétés occidentales coupables d'exister.

    Mathieu Bock-Côté (Figarovox, 20 avril 2015)

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  • Qu'est-ce qu'être français ? La réponse d'un Québécois...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Mathieu Bock-Côté, cueilli sur Figarovox et consacré à la question de l'identité française. Québécois, l'auteur est sociologue et chroniqueur à Radio-Canada et a déjà publié plusieurs essais.

     

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    Qu'est-ce qu'être Français? La réponse d'un Québécois

    Le Français de souche est victime d'un vilain paradoxe: officiellement, il n'existe pas, fondamentalement parce qu'il n'existerait plus. La nation française serait tellement métissée aujourd'hui qu'on ne saurait plus discerner quelque population de souche que ce soit. Il s'agirait d'un fantasme généalogique d'extrême-droite, référant à un âge d'or révolu de l'homogénéité ethnique qui aurait en fait été un enfer. En fait, il se pourrait même qu'il n'ait jamais existé: le métissage serait la véritable loi de l'histoire et d'une époque à l'autre, il aurait imposé ses codes à la France, qui n'existerait qu'au pluriel. Le Français de souche n'aurait même jamais existé, car il n'y aurait jamais eu d'époque d'avant l'immigration de masse.

    Et pourtant, de temps en temps, sans avertir, il revient à l'avant-scène, à la manière d'un affreux personnage qui sent très mauvais et qu'on évoque publiquement pour en dire du mal. C'est ce qui lui arrivé il y a quelques jours lorsque François Hollande y a fait référence pour préciser que les barbares qui avaient profané les sépultures dans un cimetière juif n'étaient pas seulement des «jeunes» parmi d'autres, pour reprendre la formule médiatiquement convenu, mais bien des Français de souche -autrement dit, ils n'étaient ni arabes, ni musulmans, et dans ce cas, il était tout à fait pertinent de rappeler leur origine ethnique sans que personne ne hurle à l'amalgame. On peut parler du Français de souche, mais seulement pour dire qu'il est un salaud.

    La chose n'est pas nouvelle et dépasse les seules préoccupations sémantiques. Il y a plus de dix ans, on s'en souvient, s'inquiétant de la persistance de l'identité française dans un pays qu'il aurait voulu soumettre au génie de la mondialisation et de la construction européenne, Philippe Sollers s'était permis une tirade contre la France moisie. Il pensait à la France béret-baguette, gouailleuse, enracinée, celle du terroir, qui préfère la souveraineté nationale au fédéralisme européen et qui s'imagine encore qu'il faut posséder quelques rudiments de culture française pour se dire français. Plus récemment, dans le débat sur l'identité nationale qu'il avait enclenché, Nicolas Sarkozy avait dit vouloir du gros rouge qui tache, manière comme une autre de tourner en dérision ce qu'il croyait être les préjugés de la France de souche devant les étrangers.

    D'une fois à l'autre, on le verra, c'est la même logique qui se met à l'œuvre: ce qui est spécifiquement français n'existe pas, et si cela existe, c'est très mal et il faut s'en distancier, s'en séparer, s'en débarrasser pour que naisse une nouvelle France post-identitaire, post-historique et post-nationale. Au mieux, ce sera pittoresque, et alors, on transformera cela en décor pour les touristes. Mais il n'est plus possible de se représenter autrement que négativement toute forme de substrat historique spécifique à la France. La poussée à l'indifférenciation qui traverse la mondialisation fait en sorte que ce qui est spécifique à un peuple et ne se laisse pas aisément traduire dans la culture globale des droits de l'homme est connoté négativement de manière automatique.

    C'est le paradoxe de l'identité française, en fait, et un semblable raisonnement pourrait s'appliquer aux autres nations occidentales, qui sont aussi soumises à la censure de fer propre à l'idéologie multiculturaliste. On dira que la France qui mérite d'être célébrée se distingue par les valeurs de la République, mais on oublie que ces valeurs, du moins, telles qu'elles se formulent aujourd'hui, ne se distinguent pas fondamentalement des valeurs revendiquées par d'autres nations, comme l'Allemagne, les États-Unis, le Canada, le Québec ou l'Italie. Autrement dit, la France cherche à se définir par ce qu'elle n'a pas de singulier, et refoule dans des stéréotypes négatifs ce qu'elle pourrait avoir en propre.

    Qu'est-ce qui fait que la France n'est pas le Danemark? On ne trouvera pas vraiment la réponse à cette question dans le seul universalisme républicain. D'une manière ou de l'autre, et en parlant ou non du Français de souche, il faudra bien rappeler les droits de l'histoire, ou si on préfère, des cultures historiques, celles qui font que les peuples ne sont pas interchangeables, qu'ils ont chacun une personnalité singulière, qui s'exprime dans l'appropriation des paysages, dans la cuisine (il est amusant de noter que dans Soumission, la jeune Myriam, qui l'a quitté pour Israël, exprime sa nostalgie de la France en parlant des fromages! Quant à lui, Éric Zemmour, dans la tournée de promotion du Suicide français, a donné le même exemple pour parler concrètement de l'identité française), dans la chanson, dans les contes et légendes, autrement dit, dans les mœurs, dans le mode de vie. Bien évidemment, le culte de la république à la française caractérise aussi le particularisme français.

    Devenir Français, cela ne consiste pas, alors, à se contenter d'une carte d'identité comme si un pays n'était qu'une association administrative s'ouvrant à n'importe qui s'y installe, mais cela ne saurait exiger non plus le partage d'une généalogie pluri centenaire. Mais cela consiste à s'approprier une culture, à s'en approprier la mémoire, aussi, pour la faire sienne. Cela consiste à envoyer les signaux, nombreux, qui témoignent de mille manières d'une appartenance héritée ou revendiquée à un peuple, à une identité qui a noué ses fils intimes au fil de l'histoire, et qu'il serait bien triste de voir aujourd'hui se dissoudre. Nous ne pourrons pas toujours vivre dans le déni des cultures.

    Mathieu Bock-Côté (Figarovox, 3 mars 2015)

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