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marine le pen - Page 23

  • Voyage au pays de l'essentialisme...

    Nous reproduisons ci-dessous un excellent texte de Pierre Bérard, cueilli sur le site de La Droite strasbourgeoise. Membre fondateur du G.R.E.C.E., ami et disciple de Julien Freund, Pierre Bérard est un collaborateur régulier de la revue Éléments 

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    Le journal Le Monde publiait récemment la tribune d’un professeur d’histoire, Bruno Belliot, titrée « Le Front de Gauche est un mouvement républicain, contrairement au FN ». Faisant le procès de l’UMP et du FN tout en dédouanant les angéliques du PC et du FdG français, cette tribune contenait tout l’argumentaire médiatique habituel sur l’incompatibilité du FN et de la République, colporté tant par certains politiques ignorants que par des journalistes incultes qui mettent leur complaisance au service d’une cause inavouable : la nostalgie du totalitarisme stalinien. Sa participation au camp des vainqueurs de 1945 n’empêche pas, en effet, le PCF de s’être rendu coupable de complicité avec la tyrannie.

    Le sens de l’affaire est limpide, toujours et encore culpabiliser le camp de la « droite » : « C’est pourquoi, il m’est intolérable d’entendre, de lire (comme de voir dessiner), qu’un parallèle peut être fait entre Mélenchon, les communistes, les candidats du Front de Gauche et l’extrême droite du FN. Et que par conséquent, la droite n’aurait pas à rougir de ses alliances avec le FN puisque le PS s’allie avec le Front de Gauche. »

    Ainsi, nous démontrons ci-dessous non seulement l’inanité de cette culpabilisation mais démontons du même coup la notion de « droite républicaine » dont la signification reste à démontrer si l’on veut dire par là qu’il existerait en 2012 une droite qui ne le serait pas.

    La Droite strasbourgeoise

     

    Front de Gauche/FN : Voyage au pays de l’essentialisme

    Alors que tout change, y compris l’extrême gauche passée en 40 ans de la défense héroïque du grand soir prolétarien à celle lacrymale des sans papier, « armée de réserve » du capital qui exerce une pression discrète mais constante à la baisse des petits salaires (sinon on se demande bien pourquoi madame Laurence Parisot aurait, sur ce point, les mêmes idées immigrationnistes que messieurs Krivine et Mélanchon). Certes, on peut toujours s’évertuer à penser que la dirigeante du MEDEF est secrètement passée du coté obscur de la force et qu’elle contraint ses amis à cultiver une forme peu banale de masochisme altruiste. Hypothèse peu probable, reconnaissons-le. Tout change donc : le « socialisme » démocratique acquis, via l’Europe, depuis deux ou trois décennies au social-libéralisme, comme le « gaullisme » qui a renoncé à l’indépendance et au dogme du peuple souverain.

    Tout change, sauf bien sûr l’extrême droite vue par Bruno Belliot, membre du Front de Gauche. Impavide, elle est semblable à elle même, immobile et pétrifiée comme les années trente du XX siècle en ont donné la définition rituelle , guettant dans l’ombre (évidemment) l’heure de sa revanche, ourdissant des complots comme celui de la Cagoule, collaborant avec l’ennemi durant l’occupation, se relevant avec le poujadisme puis l’OAS pour finir par renaitre avec le Front National. Elle est là, figée, telle que la vulgate médiatique en fait le portrait, une vulgate inspirée par l’antifascisme stalinien qui nous ressert toujours le même plat continûment réchauffé depuis 80 ans, comme l’a très bien montré François Furet. Cette paresse a fini par s’inscrire comme un habitus dans nos moeurs et nos tics de langage.

    Pourtant, en ce qui concerne le procès le plus sévère instruit contre l’extrême droite, sa collaboration avec le régime nazi ou ses soit-disant affidés, qu’en est-il ? 

    Pour ce qui est de la résistance et de la collaboration, puisque c’est sur ce sombre épisode que s’enrochent la plupart des mythes fondateurs de l’histoire sainte dont se réclame Bruno Belliot, rappelons quelques faits marquants qui n’appartiennent nullement à une vision révisionniste de l’histoire. C’est le 26 septembre 1939 que le Parti Communiste est interdit par le gouvernement dirigé par un des chefs du Front Populaire, Édouard Daladier. Pour quelle raison ? Parce que en bon disciple stalinien il continue d’approuver le pacte Germano-Soviétique d’août 1939 qui permettra le dépeçage de la Pologne, alliée de la France, entre les deux contractants. Passé dans la clandestinité, Jacques Duclos, un des principaux dirigeants du PCF, diffuse le premier octobre 1939 une lettre ouverte invitant le gouvernement à entamer des négociations de paix avec l’Allemagne hitlérienne qui étant pour l’heure l’alliée de l’URSS ne représente plus le condensé de la menace fasciste. C’est à la même époque que Maurice Thorez, secrétaire général du Parti, déserte face aux armées nazies, pour rejoindre la « patrie des travailleurs » (et du Goulag), ce qui lui vaut une condamnation à mort et la déchéance de la nationalité française.

    Plus tard, la défaite de la France étant consommée, Jacques Duclos entre en contact dès le 18 juin 1940 avec les autorités allemandes d’occupation tout juste installées pour entreprendre une négociation. Dans quel but ? Permettre au Parti d’être à nouveau autorisé sur la base d’une bonne entente entre le peuple français et l’armée d’occupation. Duclos propose même d’orienter la propagande du Parti dans le sens d’une lutte contre le grand capital anglais et contre sa guerre impérialiste. Les allemands ne sont pas preneurs.

    Ce n’est qu’en Juin 1941 que l’extrême gauche communiste entre dans la résistance active suivant en cela ses sponsors. L’Allemagne ayant en effet décidé d’attaquer l’URSS. Dans cette résistance active, les communistes arrivent bien tard pour y retrouver des hommes qui venaient souvent de l’extrême droite. Comment, en effet, qualifier autrement les partisans de la monarchie tels Daniel Cordier (secrétaire de jean Moulin), le célèbre colonel Rémy (premier agent gaulliste en France occupée), De Vawrin (chef des services secrets de la France libre). Ou encore des cagoulards comme Guillain de Benouville (dirigeant du mouvement Combat) et des centaines d’autres affreux tels Honoré d’Estienne d’Orves fusillé un mois après Guy Moquet, célébré par Sarkozy ( à la suite du parti Communiste) et qui ne fut jamais résistant…

    Il suffit de lire les deux livres que l’historien israélien Simon Epstein a consacré à cette période pour abandonner tout schéma manichéen, schéma auquel s’accroche désespérément Bruno Belliot pour nous conter sa fable d’une France coupée en deux avec d’un coté les représentants du Bien et de l’autre ceux du Mal, c’est à dire l’extrême droite éternelle.

    Dans « Les Dreyfusards sous l’Occupation » (2001) puis dans « Un paradoxe français » (2008), il montre, liste de noms à l’appui, que dans leur immense majorité les dreyfusards, anti-racistes, généralement pacifistes de gauche s’engagèrent dans la collaboration, tandis que nombre d’antidreyfusards et antisémites appartenant à ce qu’il est convenu d’appeler la droite radicale germanophobe s’engagèrent dans la résistance et la France libre. Or ce paradoxe, on le comprend aisément, est peu abordé par l’histoire académique, prudente jusqu’à la couardise, permettant à une doxa politiquement correcte de prospérer sur les non dits de l’histoire savante. ce qui permet qu’aujourd’hui encore fleurissent des absurdités comme cette apologie du Front de Gauche intégrant trotskistes et communistes, dont peu, même dans une « droite » gagnée par la lâcheté, ose remettre en question les énoncés falsifiés. N’en reste pas moins vrai que les quatre cinquième de la chambre du Front Populaire ont accordé à un vieux maréchal, que sa réputation de laïque républicain plaçait au dessus de tout soupçon, les pleins pouvoirs. Il y avaient très peu de députés d’extrême droite, pourtant, dans cette assemblée. 

    Quant à la reconnaissance du Parti Communiste comme parti républicain par le général de Gaulle en 1943-1944, avait-il le choix ? Il lui fallait composer avec une force majeure à l’époque. Son réalisme politique a contribué à mettre en selle un parti qu’il s’est empressé de combattre à partir de 1947 (création du RPF). De même, n’est ce pas un récipiendaire de la francisque qui nomma en 1981 des ministres communistes dans son gouvernement pour mieux étouffer un parti qui devait plus tard ramasser les dividendes putrides de son long flirt avec une URSS désormais honnie? Ce qui montre bien que la reconnaissance de tel parti comme « parti républicain » est avant tout une question de rapport de force. Le statut « républicain » accordé à un parti n’a que très peu de rapport avec les vérités de la science politique et beaucoup à voir avec la « realpolitik » de l’époque. Les définitions de la République sont évasives, comme tout ce qui ressort de la condition humaine. Chacun devrait savoir que depuis 1793, la République a changé de signification. En faire une monade surplombant dans le ciel le monde des Idées est une niaiserie platonicienne. 

    Pierre Bérard (La Droite strasbourgeoise, 3 juillet 2012)

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  • Penser notre futur...

    Vous pouvez écouter ci-dessous un exposé percutant de Laurent Ozon, diffusé par Le libre Teamspeak. Pour ceux qui ne le connaissent pas, Laurent Ozon est un militant et un théoricien, par ailleurs chef d'entreprise, qui s'est beaucoup investi dans la diffusion des idées écologistes et localistes et a, notamment, dirigé la remarquable revue Le recours aux forêts, malheureusement disparue.

     

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  • Pas d'union nationale possible ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Georges Feltin-Tracol, cueilli sur Europe Maxima et consacré à une intéressante réflexion sur les mirages de l'union nationale... Auteur de plusieurs ouvrages, Georges Feltin-Tracol a notamment publié Orientations rebelles (Heligoland, 2009) et Réflexions à l'est (Alexipharmaque, 2012).

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    Pas d'union nationale possible !

     

    La dernière campagne présidentielle marquée par l’élection du socialiste François Hollande a confirmé une triste habitude. Lors de l’entre-deux-tours et dans l’attente fatidique du résultat du 6 mai, une partie de ce que les commentateurs appellent la « droite de conviction » s’accoquina au sarközysme déclinant. Le désormais célèbre numéro de Minute (1) dans lequel s’exprimait le renégat occidentaliste Gérard Longuet témoigne pleinement de cette affligeante dérive.

    Cette tendance ne remonte pas au soir du 22 avril 2012. Quand on se penche sur cette frange droitière attirée par les sirènes sarközystes, on y retrouve sans surprise l’éternelle mouvance nationale, catholique, conservatrice et libérale qui se manifeste depuis deux siècles au côté de l’orléanisme félon (pléonasme !), des fusilleurs des Canuts lyonnais de 1831, des massacreurs des ouvriers parisiens de juin 1848, des assassins de la Commune de 1871, de Guizot, de Cavaignac, du « Parti de l’Ordre », de Thiers… Ce courant s’est maintenu jusqu’à nos jours par des travestissements successifs, des radicaux aux « nationaux » en passant par les opportunistes gaullistes qui soutinrent Pinay contre l’avis de De Gaulle en 1951 (2).

    Comme pour la présidentielle, et à l’exception de quelques situations particulières, les législatives n’ont pas favorisé la moindre esquisse d’une quelconque « union nationale » contre Hollande entre une « droite » institutionnelle faillie et une opposition « mariniste » ou « frontiste ». La présente droite, celle du « Siècle », aimerait principalement récupérer les électeurs et, peut-être, les cadres de « Marine », mais surtout pas les militants et leurs idées. Elle mise pour cela sur la complicité des « droitards » qui devraient comprendre que, contrairement à ce que disent les médias officiels, le vote en faveur de Marine Le Pen n’est « plus seulement un vote de sanction ou d’avertissement mais de plus en plus un vote d’adhésion (3) ». Entre cet électorat relativement aisé, conservateur, âgé, et l’électorat mariniste, plus jeune, plus féminisé, plus actif, existe dorénavant une véritable béance géographique, culturelle, sociale et générationnelle  et ce ne sont pas les appels intéressés à l’« union nationale » qui la combleront. Une telle perspective serait même la pire des choses.

    L’histoire politique française montre que l’union nationale tant en période électorale qu’en temps de guerre nuit toujours à ce que l’historien israélien des idées Zeev Sternhell a nommé la « droite révolutionnaire » (4) et qu’il serait préférable d’appeler « radicalités non-conformistes ». Doit-on rappeler que l’« Union sacrée » de l’été 1914 à laquelle se soumit Charles Maurras entama la longue fin de l’Action française (5) ? Au cours de la Seconde Guerre mondiale, les dissidents tant à Alger (Henri Frenay) qu’à Vichy avec « les non-conformistes des années 1940 » (6) se retrouvèrent écartés au profit des communistes, des technocrates et des politiciens revenants de la IIIe République. Pendant la Guerre d’Algérie, de nombreux « révolutionnaires de droite » apportèrent leur soutien au résident de Colombey-les-Deux-Églises avec le dépit qui en résulta. À chaque fois, la « droite révolutionnaire » est flouée. Il est temps que cessent ces tromperies. Plutôt que d’être les auxiliaires zélés de la Banque et de la Bourgeoisie, les milieux militants identitaires devraient développer un discours radical cohérent et total.

    Des exemples étrangers récents démontrent la pertinence de ce positionnement. En Grèce, le L.A.O.S. (Alarme orthodoxe populaire) de Georgios Karatzafaris participa un trimestre au gouvernement d’union nationale de Loukas Papadimos en compagnie de Nouvelle Démocratie (droite) d’Antonis Samaras et du P.A.S.O.K. (socialiste). Mais, face à l’exaspération populaire croissante, les ministres du L.A.O.S. démissionnèrent du gouvernement avant l’approbation d’un nouveau plan d’austérité, le 10 février 2012. Toutefois, l’un d’eux, Makis Voridis, quitta son parti pour Nouvelle Démocratie. Il sauva ainsi son siège de député, car, aux législatives du 6 mai 2012, les citoyens désavouèrent la décision de Karatzafaris en ne renouvelant aucun mandat du L.A.O.S. au Parlement. Près de 7 % des Grecs préférèrent en revanche voter pour L’Aube dorée de Nikolaos Michaloliakos au programme détonnant. Les nouvelles législatives du 17 juin dernier ont confirmé l’audience du mouvement radical grec malgré une intense campagne d’hostilité médiatique (7).

    En Italie, les dernières élections municipales partielles ont concerné une dizaine de millions d’électeurs. Elles ont vu l’effondrement de la Ligue du Nord d’Umberto Bossi et le surgissement d’un singulier mouvement « anti-politique ». Plus d’une décennie d’entente étroite et de compromissions multiples avec le parti libéral-conservateur de Silvio Berlusconi a gravement perturbé le fonctionnement interne de la Lega Nord. Fort opportunément, des scandales financiers viennent d’éclabousser Bossi et ses proches. Son fils Enzo – qu’il surnomme « la Truite » du fait de son triple échec au bac (!) – s’était acheté un diplôme universitaire en Albanie et plusieurs belles voitures aux frais du parti régionaliste padanien. La vice-présidente liguiste du Sénat avait, elle, offert à son jeune amant un appartement et de l’argent venu des contribuables.

    Les électeurs agacés ont désavoué la Lega qui perd de nombreuses mairies et deux tiers des suffrages ! Désabusés, les Italiens qui ne se sont pas abstenus ont distingué le Mouvement Cinq Étoiles de l’humoriste Giuseppe « Beppe » Grillo. Provocateur, adversaire véhément de la partitocratie, contempteur des institutions, chantre de la démocratie directe, partisan de la sortie de la Péninsule de l’euro, les médias du Système catalogue Beppe Grillo parmi les « néo-populistes ».

    On pourrait voir dans le phénomène Grillo une résurgence du qualqunisme (8). Ce qui se déroule en Italie a souvent des répercussions en Europe. Observant les résultats du premier tour de la présidentielle française de 2012, le géographe chevènementiste Christophe Guilluy, auteur de Fractures françaises, estime qu’« au XXIe siècle, on doit tenir un discours à la fois sur la dimension sociale et identitaire. Quand vous ne tenez qu’un discours sur le social, vous restez bloqué dans les années 1980. C’est cela que Jean-Luc Mélenchon a payé dans les urnes (9) ». Or, en Italie, les appels de Beppe Grillo sont simultanément identitaires (il est contre la réforme prévue du code de la nationalité qui abandonnerait le droit du sang pour celui du sol, il refuse l’immigration de peuplement et soutient la fermeture des bases étatsuniennes), sociaux (il conteste l’inquisition fiscale, le primat des banques et les délocalisations) et écologiques (il défend un programme ambitieux de sortie du nucléaire et de développement des énergies renouvelables).

    Au lieu de célébrer une hypothétique union nationale avec des dignitaires droitards à l’esprit bourgeois, la « radicalité non-conformiste » devrait s’inspirer de Grillo et soumettre à la population des thèmes radicaux identitaires, solidaristes et écologiques. L’occasion est propice, surtout depuis que « la gauche n’est plus crédible sur la question sociale (10) ». Certains bons (et simples ?) esprits parleront d’« irréalisme intello ». Écartons d’une maine ferme leur jugement stupide et toutes leurs vieilles lubies modernistes, libérales et conservatrices. Les simplets du national-libéralisme auront alors beau jeu de crier au sectarisme et à la trahison quand la « Patrie » est en danger. Leur vision de la patrie n’est pas la nôtre. Abandonnons donc les chimères démodés et ouvrons avec une joie dionysiaque les portes du temple de Janus, car on sait que l’Hexagone sera, demain, la Grèce et, après-demain, la Bosnie des années 1990.

     

    Georges Feltin-Tracol (Europe Maxima, 1er juillet 2012)

     

     

    Notes

    1 : Minute, n° 2562, du 2 mai 2012.

    2 : Il importe cependant de distinguer les personnes qui ont appelé à voter pour le président sortant sans le moindre espoir de retirer un quelconque bénéfice de celles capables de réaliser à la base un « front des droites » dans une perspective tactique victorieuse pour les élections législatives. On y reviendra…

    3 : Françoise Fressoz, « Le coup de semonce de “ la France des invisibles ” », dans Le Monde, 24 avril 2012.

    4 : Zeev Sternhell, La droite révolutionnaire. Les origines françaises du fascisme 1885 – 1914, Le Seuil, coll. « Histoire », 1978.

    5 : Cf. Georges Feltin-Tracol, « Les trois erreurs de Charles Maurras », dans Flash, n° 71, le 28 juillet 2011, ensuite mis en ligne sur Vox N.-R., le 14 août 2011, toujours consultable.

    6 : Cf. Michel Bergès, Vichy contre Mounier. Les non-conformistes face aux années quarante, Économica, 1997.

    7 : En dépit d’une diffamation permanente orchestrée par les gras médias grecs et étrangers aux mains de l’hyper-classe mondialiste, L’Aube dorée résiste, ne perdant que 0,8 %, soit trois sièges en moins (18 au lieu de 21).

    8 : On appelle « qualunquisme » le mouvement « populiste » italien – le Front de l’Homme Quelconque – de Guglielmo Giannini (1891 – 1960), précurseur du poujadisme, qui exprimait la protestation des électeurs entre 1946 et 1949.

    9 : Entretien avec Christophe Guilluy, « Le second tour reste ouvert », dans Le Figaro, 26 avril 2012. Notons que Mélanchon a vu sa courbe dans les sondages commencer à diminuer après son discours de Marseille célébrant les mérites du métissage… Dans le même temps, sur les conseils avisés de son père Jean-Marie, Marine Le Pen revint sur les points fondamentaux du programme frontiste : l’immigration et les pathologies sociales qui en découlent. Le Front de Gauche a raté le tournant populiste comme en 1980 le P. « C.F. » de l’ineffable Georges Marchais le rata après avoir envoyé les bulldozers contre des foyers d’immigrés… La ligne nationale-communiste naguère défendue par Pierre Zarka a définitivement vécu.

    10 : Christophe Guilluy, « Le vote Marine Le Pen est, dans les faits, un vote de classe », dans Marianne, 28 avril – 8 mai 2012.

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  • Réfléchir un peu...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Dominique Venner, cueilli sur son site et consacré à l'analyse du mouvement de fond identitaire que semble révéler les élections de ces deux derniers mois...

     

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    Lendemains d'élection - Réfléchir un peu

    Il n’est pas dans mes habitudes de commenter des élections. Celles qui se sont déroulées en France depuis la présidentielle de mai 2012 présentent cependant une vraie nouveauté. On peut définir celle-ci comme la manifestation d’une conscience accrue du problème n°1 de notre temps : le « remplacement » des populations de souche par l’immigration de masse arabo-musulmane. Les images des drapeaux africains et maghrébins agités place de la Bastille le soir du 6 mai 2012 pour saluer la victoire du candidat socialiste, ont rappelé les images, dix ans auparavant, de la réélection de Chirac après son duel inégal avec un Le Pen diabolisé comme jamais.

    Les conditions sont toutefois très différentes. La personnalité moderne et « apaisante » de Marine Le Pen n’a pas favorisé la même mobilisation contre son mouvement après son score très honorable de 17,9 % des voix au premier tour de l’élection présidentielle du 10 juin. Avec 6,4 millions de voix lors de ce scrutin, le FN se pose comme le troisième parti de France. Une loi électorale cousue sur mesure pour maintenir les oligarchies en place interdit une nouvelle fois que les 6,4 millions d’électeurs du FN soient représentés à l’Assemblée nationale, sinon par deux élus, contre des centaines pour les partis oligarchistes : UMP et socialistes (associés au Front d’extrême gauche).

    Ce qui se passe en France n’est pas spécifique à ce pays. C’est un phénomène européen. Cependant, comme je l’ai déjà souligné, les mouvements identitaires européens sont victime d’une « maladie infantile » que je qualifie de chauvine. Agissant en ordre dispersé, sans liens ni concertation, ils sont pour le moment incapables d’imaginer des initiatives face à un adversaire commun. Cela ne signifie par qu’il en sera toujours ainsi. Dans tous les mouvements concernés, les militants les plus réfléchis songent à la nécessité de convergences. Partout en Europe des partis analogues au FN, rejetant le racisme et l’antisémitisme, font de la préservation de l’identité des peuples européens leur raison d’être. Citons entre autres le Parti du peuple danois, le Parti de la liberté néerlandais, le FPÖ et le BSÖ autrichiens, les Vrais Finlandais, Le Parti du progrès norvégien, le Vlaams Belang flamand, l’English Defense League, le Fidesz au pouvoir en Hongrie, Droit et Justice en Pologne, Ataka en Bulgarie, la Ligue du Nord en Italie, les Démocrates en Suède ou l’Union démocratique (UDC) du centre en Suisse. Tous ces partis dépassent 5 % des voix et atteignent parfois 25 % ou plus, en dépit de l’hostilité active des médias qui constituent le « clergé séculier » du Marché, relayé par son « clergé régulier » (prof des universités et des écoles), sans compter le vieux clergé des Eglises traditionnelles chargé d’apporter la dimension compassionnelle et paralysante qui est sa spécialité.

    Dans Le Monde du 14 juin 2012, pages Débats, une politologue (Virginie Martin) et un sociologue (Pierre Lénel), après avoir noté l’étonnante permanence du votre FN, malgré son exclusion électorale, en tiraient une conclusion pertinente qui doit être relevée. Ces deux chercheurs estiment en effet qu’il faut réviser l’interprétation habituelle du vote FN comme simplement « protestataire ». Sa permanence dans le temps exige plutôt d’y voir un véritable « vote d’adhésion ». Adhésion à quoi ?

    Usant d’un vocabulaire prudent, les deux chercheurs proposent de rechercher un dénominateur commun à tous ceux (nantis ou démunis, jeunes ou plus âgés, urbains ou ruraux, qui ont accordés leurs suffrages à Marine Le Pen à l’élection présidentielle du 10 juin. Ce dénominateur commun c’est, disent-ils, un « trouble civilisationnel », expression juste et modérée.

    « Ce trouble, écrivent-ils dans leur jargon, met en avant une lecture du monde qui révèle une hostilité au pluralisme culturel sur le plan intérieur et le refus du multiculturalisme sur le plan international ». En clair, il révèle une forte inquiétude identitaire, face à des menaces toujours plus évidentes.

    Les deux chercheurs poursuivent en estimant que le « trouble » se cristallise plus particulièrement autour de quatre points. « La nationalité en constitue le premier marqueur : les Français d’origine immigrée ne sont pas vus comme « légitimes », leur nationalité serait usurpée. Cette illégitimité vient s’appuyer sur la question culturelle et bien souvent cultuelle (islam). C’est le deuxième élément : une relation négative s’instaure entre signes de métissage et identité française. « Nous » s’oppose à « eux », la différence trouve là son expression la plus criante : « eux » ont une autre histoire que celle qui « nous » constituerait de tout temps. »

    Ce trouble, ajoutent les auteurs, est un élément nouveau par rapport à leurs enquêtes de la fin des années 1990. Il est relié, disent-ils, aux événements de la scène internationale : le monde arabo-musulman apparaît désormais comme dangereux… « Et c’est bien souvent à cette question que la question sécuritaire est réinterprétée… Tous ces éléments se confondent dans la figure de l’immigré, présence ici de cet ailleurs arabo-musulman qui apparaît comme diabolique ».

    « Enfin, poursuivent les deux chercheurs, l’élément le plus prégnant est celui du sentiment d’un rapport de forces devenu défavorable entre les Français d’origine maghrébine et les Français « de souche » : l’idée d’un effet de nombre produit un sentiment de colonisation inversé ».

    Rarement les faits ont été observés avec autant de pertinence dans cet organe central de l’oligarchie mondialiste qu’est Le Monde. Au passage, on ne peut négliger un fait anecdotique et cependant gros de symbole : l’un des deux élus du FN à ce deuxième tour du 17 juin 2012 est la propre petite-fille du fondateur, la toute jeune Marion Maréchal-Le Pen, 22 ans, qui a conquis le siège de Carpentras (Vaucluse), ville qui avait été le prétexte d’une opération géante de diabolisation du FN en 1990 par l’instrumentalisation d’un fait divers : la profanation d’une tombe par des loubards (sans lien avec le FN) dans le cimetière juif de la ville. La plus jeune députée de toute l’histoire de la Ve République accorde aux siens une revanche inattendue.

    Sans doute peut-on penser que la conscience identitaire est lente à s’éveiller. Mais il faut se souvenir de quel chaos historique et intellectuel elle a surgi, sans compter les obstacles immenses qui lui sont opposés. C’est donc son affirmation qui surprend et non une ampleur jugée encore insuffisante.

    Dominique Venner (Site de Dominique Venner, 19 juin 2012)

     

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  • Pourquoi BHL est intouchable...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Philippe Bilger, cueilli sur le site de Marianne et consacré aux raisons de l'invulnérabilité médiatico-judiciaire de BHL... 

     

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    Pourquoi BHL est intouchable

    Marine Le Pen va assigner BHL en justice parce qu'en substance, dans son bloc-notes du Point, celui-ci lui a imputé une responsabilité dans l'agression odieuse des trois jeunes Juifs à Villeurbanne, près de Lyon (Le Point, nouvelobs.com, Marianne 2).

    Le combat n'est même pas inégal, BHL est gagnant par KO avant même de l'avoir livré.

    MLP, après tout, ne représente que plus de six millions d'électeurs qui sont par définition des obtus et des fascistes. En plus, elle n'est même pas reçue à l'Elysée par un président qui pourtant semblait avoir fait de l'équité et de la normalité ses guides.

    Il est évident qu'elle n'a pas d'honneur, qu'on a le droit de tout se permettre avec elle. Elle a beau avoir renvoyé aux oubliettes les obsessions de son père sur la Seconde Guerre mondiale, le nazisme, le racisme et l'antisémitisme même si elle a connu une lamentable rechute à Vienne sans doute à cause d'une fidélité à la part sombre de son père si obstinément présent. Ses paroles et ses déclarations n'ont pas l'ombre d'une importance puisque, comme pour Eric Zemmour ou quelques autres, on lui impute, derrière elles aussi décentes qu'elles soient, pensées forcément mauvaises et, s'il le faut, arrière-pensées nauséabondes. MLP est faite comme un rat dans l'étau et la bonne conscience de ses adversaires fanatiques. Pour la politique, elle s'en débrouille.

    Elle a fait huer le nom de BHL dans ses meetings. Quoi qu'ait accompli ou dit ce dernier, il est scandaleux de s'en prendre à lui parce que ce ne sont jamais ses actions, ses attitudes et ses invectives qui sont mises en cause mais seulement la donnée qu'il est juif. Il est donc interdit, dans tous les cas, d'avoir un différend avec lui : on est naturellement indigne. Celui qui prétendrait ne pas l'aimer à cause de ses oeuvres, de ses écrits, de ses paroles et, plus généralement, de la haute opinion qu'il a de lui-même et que la révérence médiatique lui permet de cultiver serait inéluctablement de mauvaise foi puisqu'il se méprendrait sur la cause exclusive de son dissentiment: parce que BHL est juif ! Peu importe le fait que lui-même, à tous moments et sur tous les plans, l'évoque. C'est comme cela : il est intouchable.

    MLP n'a pas d'honneur ni de sens de l'honneur. Donc tout outrage est possible, confortable, bienvenu.  BHL, lui, a tous les honneurs. Ceux qu'on lui octroie et ceux dont il se pare. Son omniprésence, sa surabondance, son film sélectionné à Cannes en dernière extrémité dans l'urgence, la Libye surexploitée sur le vif, par le livre, par l'image, la rhubarbe et le séné pour Nicolas Sarkozy et lui, sa volonté de se constituer et d'apparaître sans cesse comme un justicier éthique, l'arbitre des élégances morales et des initiatives historiques, le vibrion exemplaire des causes dans l'instant sublimes et durablement perverses - encore la Libye ! -, BHL incontestable, incontesté, applaudi, fêté, encensé, une ou deux critiques négatives sur son film n'altèrent pas sa médiatisation forcenée, BHL une lumière, une clarté pour notre monde sans repères ! On a le droit, même le devoir de dire du bien de lui, ce n'est pas parce qu'il est juif. Du mal : c'est parce qu'il l'est.

    Comment BHL aurait-il dû, dans ces conditions, s'abstenir d'accabler MLP ? Il n'avait aucune raison de se gêner puisqu'avec elle on a toute licence, même celle de lui imputer une quelconque responsabilité dans la commission d'actes odieux et qu'elle a jugés très graves avant même l'intimidation de BHL. Il sera assisté, lors de l'audience où tel que je le devine il sera présent, par un avocat remarquable tandis que MLP sera aux côtés d'un conseil obligatoirement choisi par connivence politique et donc perfectible. Parce que d'autres meilleurs, sans doute scandalisés autant qu'elle dans leur for intérieur, se garderaient bien, sollicités, de venir plaider sa cause. On n'est jamais trop prudent, trop lâche !

    Je ne doute pas une seconde que BHL saura, si on lui objecte que l'influence de Merah a été peut-être décisive sur le comportement de ces brutes, par un habile retournement démontrer que MLP et Merah doivent être unis dans la même opprobre. Je relève avec intérêt que l'auteur principal présumé des violences s'est présenté à la police mais qu'aucune indication n'est fournie sur son identité et son origine (20 minutes) même si les victimes ont évoqué la présence de "trois jeunes gens d'origine maghrébine"(Le Monde).

    A vous dégoûter donc de pourfendre, de dénoncer et d'être injuste puisque, quand on s'appelle BHL, on triomphe sans gloire, on est vainqueur avant le match.

    Philippe Bilger (Marianne, 8 juin 2012)

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  • Politiquement correct, occidentalisme et fondamentalisme sunnite...

    Nous reproduisons ci-dessous une réponse percutante du philosophe italien Costanzo Preve aux critiques formulées par ses amis de gauche à la suite de la publication de son texte Si j'étais Français, dans lequel il expliquait le choix politique qu'il aurait fait aux élections présidentielles. Ce texte , daté de la fin d'avril 2012 a été traduit et annoté par Yves Branca.

    Marxiste critique et atypique, Costanzo Preve a noué un dialogue fécond avec Alain de Benoist depuis plusieurs années et est maintenant bien connu des lecteurs d'Éléments et de Krisis. Un de ses ouvrages, Histoire critique du marxisme, a été publié en 2011 aux éditions Armand Colin. 

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    Politiquement correct, occidentalisme impérialiste et fondamentalisme sunnite.

    Par Costanzo Preve.

    Turin, fin d’avril 2012

    1. Ma déclaration écrite que, si j’avais été français, j’aurais voté pour Marine Le Pen au premier tour, et Hollande contre Sarkozy au second tour ne pouvait m’attirer que des critiques. Je ne prendrai ici en considération que celles qui m’ont été adressées par des amis : Andrea Bulgarelli, Lorenzo Dorato, Alessandro Monchietto, Maria Serban.
       Ces critiques sont de trois sortes.
       La première  porte sur la brutalité avec laquelle j’ai violé le Politiquement Correct. Cette violence serait une attitude inconsciente et même provocatrice, puisque le Politiquement Correct demeure un code d’accès au seul domaine qui aujourd’hui m’importe vraiment, qui est celui de la philosophie. Du calme ! - me dit-on. C’est une chose que d’être une voix qui chante en solo, comme tu le fais depuis vingt ans, c’en est une autre que de vouloir épater le gauchiste (1), ce que je traduis ici par « scandaliser la gauche ». Par là, je fournirais trop facilement un prétexte à ceux qui prétendent faussement que je serais passé de gauche à droite.
       La seconde concerne la pensée même de Marine Le Pen. Celle-ci aurait tout au plus une conception « de droite sociale traditionnelle », se rapportant à une prépondérance « impériale » française rénovée (2), mais sans considérer le moins du monde les rapports sociaux de production entre les classes. 
       La troisième sorte de critiques vise l’anti-islamisme (3) radical de Marine Le Pen; si radical, qu’il confinerait à la théorie du « choc des civilisations », et aux invectives d’Oriana Fallaci. 
       Ce troisième type de critiques est fondamental. Je répondrai d’abord brièvement à celles des deux premiers, mais seules celles du troisième type sont importantes. 

    2. J’ai des amis personnels de droite, du centre, de gauche, apolitiques, laïcs, religieux. Le bon usage de l’amitié ne suppose pas de considérations doctrinales. Mais je n’ai plus d’« amis politiques » de gauche (ni évidemment « de droite ») depuis une bonne quinzaine d’années. Internet donne d’étonnantes possibilités de diffamation, et je tiens pour sottise d’en avoir peur. Dire que l’on peut voter Le Pen représente une violation extrême du politiquement correct du monde des intellectuels, qui depuis une vingtaine d’années a pris pour ennemi d’élection le « populisme raciste », substitué au vieux capitalisme archaïque. Je considère, quant à moi, qu’accepter par introjection les valeurs du Politiquement Correct, c’est offrir la victoire à l’adversaire, qui n’est ni de droite ni de gauche, mais qui est celui qui ne peut en aucune façon supporter les nouveautés « inquiétantes » qui poussent à réviser des synthèses acquises et assimilées. Depuis une quinzaine d’années, je me soucie peu de cet adversaire. Quand bien même il y aurait là l’influence d’un subconscient infantile et provocateur, on m’accordera que je n’ai pas besoin de faire les frais d’une psychanalyse pour savoir quelle est la vérité.

    3 : L’objection de Lorenzo Dorato est plus importante. A ses yeux, Marine Le Pen « n’a pas un programme de correction politique structurelle et forte, dans un sens solidariste », car « la contradiction économique essentielle du capitalisme n’y est traitée en aucune façon ».
      Très juste. Soit. Je suis tout à fait d’accord. Mais Dorato affirme aussi que « cela vaut mieux que n’importe quelle perspective globaliste et européiste des néo-libéraux de droite comme de gauche ». Parfait, Dorato a répondu lui-même à sa propre question ! Que le programme de Marine Le Pen ne puisse « être partagé » par un communiste communautaire (4) et anticapitaliste, cela est absolument évident.
       Le fait qui importe est que Marine Le Pen est moins « dans le système » qu’un Mélenchon. Tout ce que le système médiatique unifié diabolise en le qualifiant de populiste et de raciste doit être considéré non pas comme bon a priori, mais du moins comme intéressant. Si Marine Le Pen était victorieuse (ce qui, malheureusement, est improbable), elle ferait un trou dans le mur, et de là il naîtrait peut-être quelque chose. Dorato écrit lui-même que « toute proposition politique qui mette en question les dogmes du néolibéralisme et du capitalisme globalisé est meilleur que la direction politique monstrueuse prise par les classes dominantes depuis une vingtaine d’années ». Par ces lignes, Dorato n’a-t-il pas trouvé tout seul la bonne réponse ?

    4. Venons-en à « l’anti-islamisme ». Sur ce point, mes remarques seront nécessairement pauvres et boiteuses, vu mon ignorance fondamentale de la question. Sur le monde arabe et musulman, mes principales lectures ont été les œuvres de Maxime Rodinson, sur la question du rapport entre l’Islam et le capitalisme, et Giancarlo Paciello sur la question palestinienne. Récemment, un gros livre d’Eugène Rogan, Les arabes, traduit en italien en 2012, m’a beaucoup appris. Les remarques que je vais faire sont d’un dilettante, et politiquement incorrectes. Si j’écris des sottises, ce n’est pas grave. Que celui qui les trouvera me corrige. La seule chose qui soit insensée est de s’autocensurer par peur de violer le politiquement correct. Par là, on est perdant sans même avoir joué.

    5. Commençons par une évidence historique, qu’il n’est cependant jamais mauvais de rappeler: avant que les musulmans n’«envahis-sent » l’Europe, par émigration massive, c’est l’Europe qui a « envahi » le monde arabe et musulman, du Maroc à L’Irak et jusqu’à l’Afghanistan, et c’est l’entreprise politique sioniste qui a chassé de la Palestine ses habitants arabes, tant musulmans que chrétiens. Le monde arabe a dû s’engager dans des guerres de libération particulièrement difficiles et sanglantes. Mais il serait insensé de prétendre culpabiliser les peuples français, anglais, et italien. Si on le veut, on peut fort bien utiliser encore la catégorie, toujours nouvelle,  d’«impérialisme ». Cette catégorie est le seul antidote contre le racisme ethnique ou le fondamentalisme religieux; et l’abandon qui s’est fait en Europe de ce concept, depuis une trentaine d’années, a entraîné bien des conséquences regrettables.

    6. L’assimilation de Nasser à un « chef fasciste » a été opérée par la propagande sioniste, et puis ç’a été la même chose avec Saddam Hussein, Kadhafi, et Assad. On sait que, depuis 1967, l’Etat sioniste d’Israël a politiquement, et militairement décidé d’annexer toute la ville de Jérusalem et des tranches de la Cisjordanie rebaptisée Judée et Samarie. Mais à mon avis (et qu’un expert, me corrige, s’il le veut) le véritable « anti-islamisme » a été postérieur à l’effondrement endogène de la vieille bicoque communiste ; il est une suite de 1989 et de la théorie impérialiste du « choc des civilisations », qui, selon la version de Bush, oppose l’Occident et deux cultures (5) qui lui sont « incompatibles »: l’Islam et la Chine.
      Vous rappelez-vous Oriana Fallaci ? Si elle avait osé écrire sur les juifs un quart de ce qu’elle a écrit sur les arabes, elle aurait été arrêtée pour « incitation à la haine raciale », au lieu d’avoir l’honneur des colonnes du « Corriere della Sera » (6). Et puis tout à coup, à partir environ de 2005, les musulmans sont redevenus « bons » ; comme déjà un peu auparavant, sporadiquement, dans les affaires du Kosovo et de Sarajevo. Qu’est-il donc arrivé qui a soudain produit cette volte-face déconcertante ? Elle est à mon avis la clef de la question, et je vais me permettre de faire à ce sujet une hypothèse un peu artisanale. 

    7. Dans son roman Kim, Rudyard Kipling parle du « grand jeu », en Afghanistan, entre l’empire britannique victorien et la Russie des tsars. Puisqu’il faut entreprendre un rapide examen de la connexion entre le fondamentalisme sunnite armé (appelé improprement Islam politique), l’occidentalisme impérialiste américain, et la stratégie sioniste, commençons donc par le « grand jeu » en Afghanistan dans la décennie 1980-1990. Après l’intervention soviétique en Afghanistan, l’alliance stratégique entre les services secrets des USA, les monarchies des pétrodollars, et l’armée pakistanaise entra en action. Dans le cadre de cette alliance, les musulmans devinrent « bons » : voir Ken Follet, Les lions du Panshir, dédié à Massoud en 1986, ou le film de Stallone Rambo III.
        Mais ils ne furent « bons » que pendant un temps limité. Il y eut ensuite l’incident de parcours d’Al-Qaïda avec Ben Laden, jusqu’au  11 septembre 2001. Les musulmans devinrent « mauvais » à partir de l’invasion de l’Afghanistan des Talibans, jusqu’à l’attaque de l’Irak en 2003. Cette agression fut si contraire au droit international, si injuste et si éhontée, qu’elle a nécessité toute une couverture symbolique-médiatique « humanitaire » ( les peuples contre un féroce dictateur moustachu, puis pendu), associée cependant à un radical « anti-islamisme » ( ici encore, à la manière de Fallaci). Il y a même eu des sots d’«extrême gauche» qui dans leur quête tourmentée d’un sujet révolutionnaire de substitution à la décevante classe ouvrière salariée et prolétaire (ou aux invisibles « multitudes »), se sont figurés qu’ils l’avaient trouvé chez les barbus de l’Islam politique armé.
       Brève saison d’erreur. Al-Qaida s’est avéré un sanguinaire mais provisoire « incident de parcours » : si l’on eût bien analysé le rapport entre l’Islam et le capitalisme étudié par Rodinson, et quelques autres, on eût compris que l’islamisme fondamentaliste est tout aussi homogène au capitalisme globalisé que l’a été le protestantisme étudié par Weber, avec un élément plus important et plus institutionnel d’assistance sociale obligatoire organisée, mais sur une base purement privée et « tribale ». Au lieu que le nationalisme panarabe anti-impérialiste lui est au contraire incompatible : il suffit de considérer la férocité avec laquelle l’impérialisme américain, européen et sioniste l’a détruit, comme en Irak, en 2003, en Libye, en 2011, et s’évertue en ce moment à continuer en Syrie. Le cas de l’Iran, nation perse et chiite, doit être considéré séparément. 

    8. C’est pourquoi nous nous trouvons devant un paradoxe, qui, comme tous les paradoxes, paraîtra moins « kafkaïen » dès qu’on l’aura interprété selon sa rationalité secrète, apparemment irrationnelle. D’une part, le fondamentalisme sunnite, avec sa violence et son intolérance, paraît être le milieu culturel le plus insupportable à notre société dont la matrice est occidentale (européenne) et  chrétienne avec la modulation des Lumières (et ses nuances de gauche, du centre ou de droite n’importent pas ici). D’autre part, le fondamentalisme sunnite, après l’incident de parcours limité Al-Qaida Ben Laden, paraît l’instrument idéal pour normaliser politiquement et militairement les vestiges d’indépendance dans le monde arabe et musulman, entre les mains d’une alliance où l’Arabie saoudite, le Qatar et l’Europe sont subordonnés aux USA.

    9. Dans un pays comme la France, ce paradoxe provoque une espèce de schizophrénie et de paranoïa tout à fait particulière, étant donné la présence de millions de musulmans sur son territoire, dont une part de fondamentalistes sunnites et salafistes, qui n’est pas majoritaire, mais visible et tapageuse. Avec tous ses défauts, la France a été dans l’histoire un pays capable d’assimiler des vagues de millions d’immigrés portugais, espagnols, polonais, italiens, arméniens, et même de l’Afrique noire. Cela avait donné cette civilisation populaire que l’on peut trouver par exemple dans des romans comme ceux de Simenon sur le commissaire Maigret. La seule composante ethnique qui se révèle inassimilable, et qui proclame qu’elle refuse l’assimilation, est celle qui se réfère au fondamentalisme sunnite.
       En ce qui me concerne, cela ne me rend pas anti-musulman. Au contraire, et je serais favorable à bien des idées de Tariq Ramadan, si la nouvelle de son recrutement par l’Université du Qatar et la « Qatar Foundation » ne m’inspirait quelque prudence … . Mais si je ne peux partager un certain « anti-islamisme » (7) français, j’en suis  d’autant moins scandalisé que je tiens compte de ce caractère inassimilable.
       Au moment même où j’écris, je ne sais pas encore qui sortira  vainqueur des élections présidentielles en France ; mais je vois un grand paradoxe dans la manière sont Sarkozy, d’un côté, cajole électoralement l’« anti-islamisme » (8), tandis que, de l’autre côté, (en Libye, en Syrie, etc.), il est le principal allié de l’Islam politique,  lequel s’est désormais complètement aligné sur l’émir du Qatar, les USA, l’Arabie saoudite : voyez la propagande cynique de la publicité faite par les médias occidentaux au prétendu « printemps arabe ». L’Occident arme politiquement les mêmes forces qui ont atrocement lynché Kadhafi, font exploser des voitures piégées au milieu de la population civile de Damas, et massacrent des enfants juifs français à Toulouse. Recadrer ainsi le problème, ce n’est pas justifier certaines pointes « anti-islamiques » de Madame Le Pen (9) ; mais c’est comprendre pour le moins, que ces pointes sont un problème mineur.
       Le problème majeur, c’est que l’Occident impérialiste a décidé, pour de sordides intérêts néo-colonialistes, de soutenir l’Islam politique « modéré » : si modéré, que marchent derrière lui les assassins salafistes qui sont au service de l’Arabie saoudite, du Qatar, et des USA.

    Traduit de l’italien par Yves Branca*.

     


    Notes du traducteur

    * Avertissement : Le texte de cet article comporte des différences de détail avec le texte italien envoyé par l’auteur à quelques correspondants français qui lisent sa langue. Les notes qui suivent rendent compte de la plupart de ces modifications.
       Pour le reste, Costanzo Preve m’a honoré de sa confiance pour adapter encore mieux cet article à la conjoncture française, et à la sensibilité française dans cette conjoncture; rien n’a été modifié sans lui en référer.

    1. En français dans le texte.

    2. Il n’y a ici aucune allusion ni à l’empire colonial français, ni à l’idéologie impériale européenne moderne, mais au souverainisme du Front National, qui est aujourd’hui l’héritier de l’ancienne politique naturelle capétienne rénovée par de Gaulle: le mot « imperiale » reste  plus proche en italien de son étymologie latine : l’imperium est le commandement, le pouvoir, l’autorité, et donc la souveraineté.
       Sur l’idée « impériale » française, Rodolphe Badinand est lumineux dans son chapitre « Quand la France prétendait à l’Empire » de son essai Requiem pour la Contre-Révolution, Alexipharmaque, 2008.

    3. « Islamisme », chez les italiens qui comme Preve écrivent le mieux leur langue, est seulement un doublet du mot « Islam », comme on le trouve encore en français dans le Littré ou chez Ernest Renan : « Le religion de Mahomet », et «  l’ensemble des pays qui suivent cette religion ». Le mot « islamiste » (islamista) n’existe pas encore en bon italien. 
       L’Italien distingue plus rigoureusement « Islam », « Islam politique » (moderne), et intégrisme ou fondamentalisme islamique. Il n’emploie pas « islamisme » dans ces dernières significations.
       On doit donc bien entendre que le terme d’« anti-islamisme » désigne seulement ici une hostilité à l’Islam (une « islamophobie », dans l’actuel jargon de la manie « polémique »), prêtée à Marine Le Pen par les interlocuteurs italiens de Preve, auxquels il répond ici. C’est pourquoi j’ai mis ce terme entre guillemets.
     
       4. Le communisme critiqué et redéfini par Preve est désigné par le terme italien de « comunitarismo », qui, littéralement, devrait se traduire par « communautarisme », et que j’ai provisoirement traduit ainsi, avec note explicative, et quelquefois guillemets, ou italiques ; car on connaît la connotation de ce terme en Français, qui dépend de la situation même de la France, à laquelle Preve fait allusion à la fin du présent article.
       Preve a bien précisé, au début d’une Autoprésentation de 2007, que « Monsieur Costanzo Preve a été longtemps un ‘intellectuel’ [qui se voulut engagé, puis organique] (…), mais aujourd’hui il ne l’est plus. Et de plus, il demande à être jugé, non plus sur la base d’illusoires appartenances à un groupe, mais sur celle, exclusivement, de ses acquis théoriques ».
        Entre ces « acquis théoriques », le concept (au sens hégelien du terme) de communauté est absolument central; et ce que Preve appelle communautarisme est non seulement la théorie de la communauté sociale et nationale, mais encore la communauté comme concept. Mais disons d’abord ce que n’est pas le communautarisme, dans cette perspective.
        Bien que Preve fasse très clairement raison des formes de communautarisme à rejeter, et des acceptions du terme à réfuter, il importe tout particulièrement de préciser en France, nation formée autour d’un Etat que les rois appelaient déjà, à la romaine, République (respublica), qu’il ne s’agit pas le moins du monde de « l’utilisation du communautarisme ethnique (ou religieux, ou tribal postmoderne, ou tout cela ensemble) , pour ruiner aujourd’hui la souveraineté des états nationaux » (écrit Preve dans son Elogio del comunitarismo Eloge du « communautarisme »). Preve y comprend le fameux multiculturalisme « emballage pittoresque de la totale américanisation du monde ». La crise de l’Etat-nation selon le modèle français, qui paraît aujourd’hui m’être plus « producteur de socialité », comme l’écrit Alain de Benoist, a fait en France de communautarisme un terme  effrayant, mais il n’y a pas de fumée sans feu, et la réalité qui lui correspond est en effet « effrayante ».
       En Italie, c’est une autre acception du terme qui produit des « réactions pavloviennes », comme le dit Preve, qui affectent le mot « communautarisme » d’une connotation « d’extrême droite » se rapportant  principalement au fascisme, au nazisme, aux prétendues « métaphysiques » contre-révolutionnaires et traditionalistes (Chamberlain, Guénon, Evola) qui assez confusément s’y sont mêlées. Pour élégantes qu’elles puissent être, comme chez Evola, ces « métaphysiques » ont en commun d’être des reconstructions qui mythifient d’anciennes formes d’autorité par nostalgie d’une communauté hiérarchique « naturelle », en remontant toujours plus « haut », de l’ « Idée impériale gibeline » jusqu’à l’âge d’or de la «Tradition primordiale », en passant par les Hyperboréens, ou les Mages d’Orient, ou le Chakravartin… . Les formes d’autorité politique qui en sont issues dans l’Europe du XXe siècle n’ont vu le jour que par la vertu d’un organicisme plus ou moins teinté de naturalisme romantique, mais qui ne pouvait échapper au modèle rigoureusement matérialiste et individualiste du Leviathan de Hobbes, et a produit des régimes à Parti unique « interprète des secrets de l’histoire », comme l’écrit Preve, sous un Conducteur suprême. Le collectivisme issu du marxisme a pris une forme analogue (du « petit père des peuples » au « conducator »), moins par la séculari-sation d’idéaux religieux, que par un déjettement théorique scientiste et positiviste, qui est en soi d’essence religieuse : « Le communisme historique du XXe siècle (1917-1991) et en particulier sa première période stalinienne furent en tout point et intégralement des phénomènes religieux » (C.Preve, Histoire critique du marxisme, IV,10); et Preve a merveilleusement cerné la parenté secrète de l’organicisme social réactionnaire et du collectivisme stalinien : « Le matérialisme dialectique est une variante positiviste tardive d’un code conceptuel primitif, fondé sur l’indistinction et la fusion du macrocosme naturel et du microcosme social ».
       Mercantilisme ultra-libéral « multiculturel » d’aujourd’hui, organicisme social ou collectivisme d’hier: Preve en traite comme de « pathologies du communautarisme », dont le diagnostic conduit négativement à la définition même de ce dernier, puisque toutes nient en pratique, ou en théorie, « la constitution irréversible, et historiquement positive, de l’individu moderne responsable de choix éthiques, esthétiques, et politiques ».
       Pour Costanzo Preve, la « communauté » est la société même, et le «communautarisme », la communauté pour-soi, et/ou sa théorie, laquelle est une correction des idées marxiennes et marxistes de communisme. Cette correction s’opère par une critique  du « matérialisme dialectique », auquel il tente de substituer un idéalisme méthodologique qui implique un retour, qui est un recours, à la philosophie grecque antique et à Aristote : « Comme on le voit, il n’est pas possible même en grec moderne de différencier sémantiquement la ‘société’ de la ‘communauté’ (respectivement: koinotita, koinonia). Cela ne doit pas nous surprendre, puisque la vie sociale des Grecs était la vie communautaire de la polis, et le mot qu’utilise Aristote pour définir l’homme, politikon zoon (animal politique) pourrait être traduit sans forcer par ‘animal social’ ou ‘animal communautaire’(…). Il est bon d’avoir clairement à l’esprit cette origine sémantique et de ne pas penser que le débat commença avec la distinction de Tönnies entre ‘société’ (Gesellschaft) et ‘communauté’ (Gemeinschaft) – a écrit Preve» dans un article que j’ai traduit pour la revue Krisis (C. Preve, Communautarisme et communisme, in Krisis, Gauche/droite ?, n° 32, 2009.

     5 : Le mot italien Civilta traduit indifféremment « culture » au sens allemand ou spenglerien de Kultur (intériorité spirituelle d’une grande nation à son apogée), et « civilisation » (les formes plus extérieures de la vie civile).

    6 : Quotidien milanais qui est l’équivalent italien du journal Le Monde, et autrefois du Temps. 

    7, 8, 9. Voir la note 3.

     

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