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  • Les grandes tendances géopolitiques du moment... (1)

    Dans cet entretien, mis en ligne sur Realpolitik.tvAymeric Chauprade, interrogé par Xavier Moreau, revient sur les grandes tendances géopolitiques du moment et se penche sur la place de la France dans le monde.

     


    Aymeric Chauprade : les grandes tendances... par realpolitiktv

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  • Guerre au Mali : quelques éléments de réflexion...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue intéressant de Jean-Paul Baquiast, cueilli sur son site Europe solidaire et consacré à la guerre menée par notre pays au Mali... 

     

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    Quelques éléments pour comprendre la guerre au Mali et ses suites

    Dans la tornade d'évènements et de commentaires sur ce sujet, il est difficile de garder la tête claire. Quitte à simplifier, voici cependant quelques réflexions

    1. La France est peu aimée, sinon détestée, par les Etats-Unis et les Européens. On lui reproche dans le désordre un reste d'orgueil gaulois, sa réticence à ne pas se fondre entièrement dans l'atlantisme ambiant, ses anciens succès technologique, sa volonté de conserver un minimum de forces armées efficaces, ce qui reste de ses liens y compris humains avec le Maghreb et l'Afrique. Les « alliés » de la France, sans torpiller ouvertement son intervention au Mali, ne feront sans doute pas grand chose pour l'aider. Ils se réjouiront au contraire de la voir le cas échéant s'enliser. Ils seront les premiers à lui reprocher d'avoir mis en place un prétendu « nouvel Afghanistan ».

    2. Les Etats-Unis ont conduit depuis quelques années une entreprise discrète mais solidement dotée de moyens financiers et techniques pour s'imposer comme autorité capable d'exploiter les innombrables réserves minières et stratégiques dont dispose le Mali, divers autres Etats voisins et le Sahel en général. La preuve en est le rôle croissant de l'AFRICOM, directement soutenue par Barack Obama. L'objectif à terme est d'empêcher la Chine de mettre la main sur ces réserves. Les prétentions des Européens et notamment des Français à ce sujet seront évidemment présentées comme du néo-colonialisme. Par contre, selon les bonnes habitudes du « néo-colonialisme américain», toutes les manœuvres, allant de la corruption à la menace, pour s'imposer auprès des populations autochtones et éliminer l'influence française, seront mises en oeuvre.

    3. Une offensive de plus en plus générale de mouvements politico-religieux arabes voulant imposer la domination par une charria radicale est en train de se développer. Le Sahel n'y a pas échappé, non plus que des Etats comme le Nigéria avec le mouvement Boko Aram. Les principales moteurs en sont les Etats pétroliers du Moyen-Orient, notamment Arabie Saoudite et Qatar. Ils financent avec les dollars que leur procure l'appétit inextinguible de pétrole des Occidentaux le développement d'une prétendue guerre sainte, à base de wahabbisme et de charia, dans tout le Sahel mais aussi en Europe. Ceci leur permettra d'étendre leur pouvoir politique dans tout le Moyen-Orient et la Méditerranée, face notamment à la Russie et à l'Iran chiite. L'Europe a le grand tort de ne pas s'opposer systématiquement à ces tentatives, en acceptant de se faire acheter par les capitaux pétroliers.

    4. Ce serait une erreur pour les Européens, et la France en particulier, d'exagérer l'importance des mouvements se rattachant a Al Qaida, quand sous l'impulsion d' « émirs » fanatiques, ils prétendent pouvoir porter des coups fatals aux Européens. Néanmoins, dans des sociétés fragiles comme les nôtres, ils peuvent créer de nombreux troubles. Les nouveaux combattants apparaissent aujourd'hui plus déterminés que jamais, plus que jamais prêts à tuer et à mourir, comme le souligne le juge Trévidic dans son dernier livre (Les sept piliers de la déraison JC. Lattes). Il faut donc les combattre de façon déterminée, d'abord sur notre sol, mais aussi en Afrique, s'ils essayent comme ils le prétendent d'y instituer un khalifat à visée continentale. N'oublions pas que la France compte plus de 60.000 expatriés dans ces pays. Aucune bonne conscience ne saurait se permettre de demander leur abandon face aux attentats et agressions. Il en est de même des pays européens méditerranéens.  L'Europe devrait donc consacrer à ce combat, comme la France s'est enfin décidé à le faire, non seulement des moyens militaires mais des moyens de police et de sécurité. Il ne faudra pas hésiter à renforcer les moyens d'écoute, notamment sur le web. Les bonnes âmes s'en offusquent, mais dans de nombreux secteurs nous sommes en guerre. Il faut s'en persuader. Dans tous ces cas,  la coopération entre Européens s'impose afin que cette démarche soit efficace, face à des adversaires pouvant être multiformes,  fanatisés comme il a été dit et capables à tous moments d'initiatives déstabilisantes. Il faut éviter cependant de donner l'impression de former une coalition de « croisés » faisant la guerre à l'islam, piège dans lequel les djihadistes voudraient entraîner l'Europe. L'islam est majoritaire en Afrique, il est très présent en Europe. S'il ne contrevient pas aux lois et usages en vigueur, il doit être accepté au même titre que les autres religions.

    Dans cette lutte contre le djihadisme, poussés par les intérêts américains, les Européens et plus particulièrement les Français ont eu le plus grand tort d'abattre Khadaffi en Libye et de chercher à faire de même avec Bachar al Assad en Syrie. L'un et l'autre ont longtemps réussi à contenir des mouvements islamistes qui se déchainent dorénavant, en profitant des armes et avantages consentis par l'Occident. La Russie s'est montrée beaucoup plus avisée. Concernant la Syrie, il serait encore temps de revenir à plus de prudence. Par ailleurs, en ce qui concerne le « printemps arabe » en Tunisie et en Egypte, l'Europe devrait sans attendre se désolidariser de gouvernements dits islamistes modérés qui oppriment de plus en plus les oppositions démocratiques et les femmes.

    Concernant enfin le djihad au Sahel, les Européens et plus particulièrement la France devraient prendre garde à ne pas confondre des mouvements islamistes radicaux, se réclamant tel l'AQMI d'El Quaida, avec les représentants de communautés touaregs berbères souhaitant accéder à une indépendance qu'elles avaient perdue depuis longtemps.

    5. La CEDEAO, soutenue par l'ONU et bien évidemment par la France, souhaite actuellement mettre en place une coalition de moyens militaires et civils visant à lutter contre les groupes combattants islamistes. Il faut y arriver mais ce sera difficile, pour de multiples raisons tenant notamment aux divergences entre Etats et à leur impréparation. Mais il faut voir plus loin. Les Européens devraient se persuader que s'ils n'offrent pas à ces Etats des projets de développement économique et social, à partir notamment d'investissements productifs qu'ils devront aider sans perspectives de profit, cette stabilisation de la région ne se produira pas. Les pays européens seront les premiers à en souffrir. On peut craindre cependant que cette perspective d'une coopération à long terme France-Afrique et Europe-Afrique, constamment évoquée dans les discours, ne reste un voeu pieux – à moins que l'aggravation de la crise actuelle n'oblige les diverses parties à s'entendre de façon constructive. La France dans ce domaine, par sa bonne connaissance de la région, et par les bons contacts qu'elle y a conservés, aurait un rôle essentiel à jouer – tout néo-colonalisme mis à part. La France, par ses universités, pourraient rendre de grands services en offrant des soutiens aux universitaires et scientifiques africains souhaitant accéder à la formation et à la recherche. Des projets d'écoles doctorales ont été abandonnés face aux menaces islamistes. Ils devront être repris.

    6. Dans son combat actuel pour la reconstruction du Mali et la lutte contre le djihadisme, la France doit impérativement se trouver des alliés proches. A cet égard, l'Algérie a montré une très grande ouverture, à la suite de l'engagement français au Mali. Ce devrait être une occasion pour que la coopération entre les deux pays trouve enfin la dimension politique qu'elle n'avait pas encore pleinement. Les obstacles restent nombreux, notamment dans les esprits des populations. Mais les retombées réciproques en seraient si grandes qu'lle ne devraient plus être différés. Certaines voix  prétendent qu'il existerait une connivence entre l'Algérie et les Etats-Unis pour accepter un certain degré de terrorisme au Sahel, dont profiteraient les faucons dans les deux pays. Disons simplement qu'un approfondissement de la coopération entre l'Algérie et la France pourrait compenser de façon constructive l'influence souvent irresponsable et en tous cas totalement égoïste des Américains en Afrique. 

    7. Sur le plan militaire, comme nous l'avions indiqué dans des articles précédents, la France vient de montrer qu'elle était seule capable de mobiliser en quelques heures une force de projection, aussi modeste soit-elle. La machine gouvernementale, chef de l'Etat et ministre de la défense, s'est à cette occasion révélée aussi efficace qu'il était possible. Les Français de gauche comme de droite doivent en tirer la conclusion que la restriction des dépenses militaires entreprise sous prétexte de rigueur serait à terme suicidaire. Il faut au contraire renforcer les moyens en hommes, matériels et technologies avancées dont disposent la défense et la sécurité intérieure, en dehors de toutes préoccupations d'équilibre budgétaire.

    8. Ces évènements ont également montré que le concept de défense européenne, dans l'état actuel des esprits en Europe, demeure un rêve hors de portée. Les Européens sont donc condamnés, hors de l'appel à l'Amérique via l'Otan coûtant toujours plus cher en perte d'indépendance qu'il ne rapporte, à se priver de toute défense – ou demander l'aide de la France. Nous formons le vœu pour notre part que, dans le cadre d'une marche au fédéralisme qui semble inévitable, ce concept de défense européenne reprenne rapidement vie, ne fut-ce que dans les termes a minima proposés par l'ex premier ministre belge Verhofstadt dans Médiapart.

     

    Jean Paul Baquiast (Europe solidaire, 19 janvier 2013)

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  • L'opération Serval ou l'échec de la dissuasion...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue du colonel Michel Goya, cueilli sur son blog La voie de l'épée, dans lequel il montre finement que ce sont les mauvais choix politiques faits hier qui contraignent aujourd'hui notre pays à intervenir directement.

    Auteur de plusieurs essais sur la guerre et la chose militaire comme Res militaris - De l'emploi des forces armées au XXIème siècle (Economica, 2010), Michel goya est aussi membre du comité de rédaction de l'excellent bimestriel Guerre & Histoire.

     

     

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    L'opération Serval ou l'échec de la dissuasion
    Avant d’évoquer les perspectives de l’engagement militaire au Mali, il n’est pas inutile de revenir sur le passé récent et de mettre l’accent sur une évidence : si les djihadistes ont lancé une offensive vers le Sud du Mali, c’est qu’ils n’ont pas été dissuadés de le faire.
    La dissuasion repose sur toujours sur une capacité de destruction multipliée par une probabilité d’emploi. La capacité de frappe rapide de la France, à partir des bases au Tchad ou au Burkina Faso, voire même depuis la métropole, était évidemment connue de tous. Cette capacité n’était peut-être pas très importante en volume si on la compare aux campagnes aériennes menées par les Etats-Unis, avec ou sans l’OTAN, ou Israël depuis 1999 mais elle était suffisante pour faire face à la plupart des adversaires sur le sol africain, d’autant plus qu’elle combinait la puissance des avions avec la permanence et la souplesse des hélicoptères.
    La faiblesse se trouvait donc dans la probabilité d’emploi. Plusieurs éléments psychologiques et politiques peuvent l’expliquer. En premier lieu, la force de frappe (la projection de puissance en terme moderne) reste une menace virtuelle et lointaine. La perception de l’ennemi potentiel n’est pas la même lorsqu’il a en face de lui des soldats, incarnation de la volonté politique et de la prise de risques. C’est le même principe qui présidait à la présence d’un corps de bataille français en Allemagne dont l’action était le moyen d’éviter le choix entre la reddition et la montée immédiate aux extrêmes mais aussi la justification par le sacrifice de cette montée éventuelle. La prise de risques de quelques-uns contribuait ainsi à éviter la mort de tous. Concrètement, il est probable qu’à la manière de l’opération Manta au Tchad en 1983 ou de l’opération Noroit au Rwanda en 1990, la présence d’un groupement tactique dans le Mali vert aurait sans doute suffit à dissuader toute offensive sérieuse en attendant la lente montée en puissance de la MISMA*.
    Car, et c’est là un autre principe de la dissuasion, la mise en place d’un dispositif de forces qui risque de faire basculer les rapports de force est évidemment une source de tension et une incitation pour le futur perdant à agir avant l’achèvement du processus. Un principe stratégique élémentaire consiste donc à protéger le futur par des mesures de précaution immédiate. En France, la force dotée de missiles balistiques nucléaires, longue à mettre en place, a ainsi été couverte par la mise en place rapide des Mirage IV. Une offensive du Nord pour s’emparer de Bamako ou au moins d’y provoquer une déstabilisation politique avant la mise en place de la MISMA en septembre 2013 (soit, avec EUFOR Tchad, une des générations de forces les moins dynamiques de l’Histoire) était donc non seulement possible mais même hautement probable. Il était stratégiquement élémentaire de la couvrir et on revient encore à l’intérêt qu’il y aurait eu à déployer une force terrestre en bouclier. Or, cette hypothèse (pourtant préparée par nos états-majors) n’a jamais été évoquée.
    Cet oubli peut-être le résultat d’une sous-estimation de l’ennemi mais on peut y voir aussi le résultat contradictoire de la mise en œuvre du processus de création de la force africaine. En d’autres termes, la mise en place d’un bouclier français aurait peut-être eu comme effet de ralentir encore la réunion déjà difficile d’alliés africains et européens peu motivés, se reposant dès lors sur les Français pour remplir la mission. Entre le lâche (et silencieux) soulagement chez certains et l’accusation (ouverte) d’ingérence chez d’autres (ou parfois les mêmes), la position française, qui aurait été qualifiée d’enlisement au bout de quelques heures, n’aurait certes pas été facile. Au bilan, on a offert à Ansar dine et AQMI, non seulement une raison d’agir mais aussi l’opportunité de la faire pendant plusieurs mois.
    Il est vrai enfin que les déclarations du Président de la république, répétant qu’il n’y aurait ni troupes au sol françaises, ni frappes aériennes au Mali, ne pouvaient que conforter nos actuels adversaires dans leur volonté d’agir. Dans la Ve république, pour paraphraser François Mitterand, « la dissuasion, c’est le Président de la République ». Sa capacité discrétionnaire à employer la force armée en fait évidemment le paramètre premier de sa probabilité d’emploi. Il est donc observé et écouté par ceux qui pourraient subir la foudre française. A l’instar des Soviétiques et des Nord-Coréens méjugeant la personnalité du Président Harry Truman et déclenchant la guerre de Corée, les organisations rebelles au Mali ont sans doute sous-estimé la capacité de réaction (ou volatilité, c’est selon) de l’exécutif français et ils sont en train de le payer.
    En conclusion, cette offensive rebelle, sinon cette guerre de toute façon inévitable, aurait pu être évitée par l’organisation d’une dissuasion adaptée. Cela n’a pas été le cas mais c’est peut-être mieux ainsi. Ce raid de quelques dizaines de kilomètres d’une poignée d’hommes montés sur pick-up est, peut-être et il faut l’espérer, le point de bascule qui va permettre d’inverser la spirale d’inefficience dans laquelle nous étions engagés depuis vingt ans. 
    Michel Goya (La voie de l'épée, 19 janvier 2013)
    *Mission internationale de soutien au Mali
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  • Communication de guerre sur le Mali...

    Nous reproduisons ci-dessous une excellente analyse de François-Bernard Huyghe, cueilli sur son site Huyghe.fr et consacré à la communication du chef de l'état et du gouvernement français à propos de la guerre au Mali...

     

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    Communication de guerre sur le Mali

    Dans toute communication de guerre, les constantes tiennent à la nature même d'un conflit où il faut parler de l'ennemi et de la mort.
    De l'ennemi parce que les idées d'État et de souveraineté présupposent la distinction entre l'ennemi contre lequel il faut mobiliser la violence suprême et le rival contre qui on ne recourt pas aux armes ou  le criminel (acteur "privé" soumis à une répression légitime et limitée par la loi interne).
    De la mort, parce que, même si certains ont développé des fantasmes sur des guerres "zéro mort", une guerre qui ne se traduirait pas par des pertes de vies humaines, resterait une manœuvre militaire, une gesticulation ou une menace.

    Il faut donc dire qui l'on affronte, au nom de quoi, quelles sont les pertes et pour quel résultat. Ne serait-ce que pour faire comprendre à sa population les raisons qu'ont ses soldats de tuer ou de mourir en son nom.
    De ce point de vue, la guerre du Mali a encouragé un discours dont les mâles accents font contraste avec la communication antérieure du gouvernement Ayrault (mais beaucoup moins avec les discours tenus par des gouvernements socialistes au moment du conflit du Kosovo ou de l'intervention française en Afghanistan, pour ceux qui ont un peu de mémoire).

    D'abord qui combattons nous ? D'un ministre à l'autre, les "éléments de langage" ont peu varié.
    Pour Jean-Yves Le Drian "Il faut éradiquer le terrorisme où qu'il se trouve" et c'est "contre le terrorisme" que la France est en guerre. Des mauvais esprit ont fait remarquer que cette formule de "guerre au terrorisme" était celle que l'on avait reprochée à G.W. Bush (qui pensait aussi qu'il fallait l'éradiquer partout dans le monde et qu'en le faisant les États-Unis poursuivaient un but universel et non des intérêts particuliers). Depuis, le vocabulaire a un peu évolué. Il n'est plus question que de combattre des "terroristes", des groupes terroristes", des "éléments terroristes" (F. Hollande), des "criminels et terroristes" (L. Fabius). Donc des gens caractérisés par une idéologie et des objectifs politiques et non une méthode de lutte (selon une phrase célèbre : on fait pas plus la guerre au terrorisme qu'on ne la faisait à la BlitzKrieg au début de la seconde guerre mondiale).

    L'emploi du mot "terroristes" a deux avantages :

    - Il désigne des adversaires par la nature odieuse et criminelle de leur activité (ennemis du genre humain), plutôt que par leur stratégie politique (cela souléverait quelques questions délicates comme leurs liens avec des indépendantistes touaregs ou la nature légale et démocratiques des autorités de Bamalo). Qui ne serait d'accord pour combattre des terroristes L'argument qu'il pourraient créer un État terroriste et déstabiliser le monde entier s'ils s'emparaient de tout le pays a été évoqué en des termes rappelant la justification de l'intervention contre l'Afghanistan en octobre 2001. De fait, personne n'a envie de voir des coupeurs de mains s'installer à Bamako, mais à partir du moment où vous descendez conquérir un pays avec des colonnes lourdement armées, où vous entrez dans des villes pour y imposer votre loi et votre autorité, etc, vous vous conduisez comme une rébellion, une armée de guerre civile ou de guérilla, et plus comme des terroristes qui lancent des bombes et es communiqués avant de se cacher.

    - Le mot terroriste évite d'employer "islamiste" et de prêter le flanc à l'accusation d'islamophobie, ou d'amalgame entre l'islam et ceux qui tuent en son nom. Les rares occurrences des expressions "groupes islamistes et criminels" ou "jihadistes" ont fait place dans le discours officiel au mantra : nous repoussons le péril terroriste.

    - Cela va de pair avec la volonté ostensible de rappeler que nous ne sommes pas seuls, que nous sommes tout au plus l'avant-garde ou les plus réactifs d'un mouvement international. On redit que l'on verra de plus en plus intervenir l'armée malienne (que nous ne faisons que seconder), des troupes africaines de la Misma et si possible d'autres nations tout aussi soucieuses que nous de l'application de la résolution de l'Onu. Elles ne vont pas manquer de nous aider, même si elles n'envoient pas forcément de troupes combattantes. Ce discours à la fois modeste et légaliste transparaît dans le moindre communiqué de l'état-major qui ne cesse de reprendre ces éléments (nous agissons en appui, en coopération, dans le cadre..). Surtout, la communication est très largement remontée au ministère et à l'Élysée - l'état-major étant préposé au factuel minimal - et les politiques répètent sans se lasser ces éléments propres à renforcer l'unanimité des partis et à repousser le moindre soupçon de retour à la FranceAfrique honnie. Au risque que cette communication minimale sur les engagements ouvre le champ à d'autres sources d'information et à des légendes comme celle de nos troupes "combattant au corps à corps" les terribles terroristes (pourquoi pas les chargeant à la baïonnette ?).

    Autre élément de la communication officielle : le ton ferme voire martial interdit de faire l'impasse sur les pertes de cette guerre. Des gens vont mourir, on assume. Contrairement à la stratégie de relative discrétion sur nos soldats tombés en Afghanistan, l'enterrement du lieutenant Damien Boiteux, notre premier mort au Mali tombé le 11 janvier, a donné lieu à une importante cérémonie. C'est très heureux pour le proches du lieutenant, qui est effectivement mort pour son pays et mérite énormément de respect, mais c'est aussi un signal politique. Au moment où François Hollande tente de faire passer une image de décision et d'autorité, il n'est plus question que le président normal devenu chef de guerre refuse d'assumer la dimension tragique du rôle. Plus questions d'euphémismes et de délicatesses, plus de mines pincées. Ce changement de tonalité (F. Hollande parlant de "détruire les terroristes" lors de sa visite aux Émirats Unis) appelle des termes que l'on croyait plus réservés à G.W. Bush ou à Poutine qu'à des socialistes. Cet effet de contraste ou de contradiction est un prix modeste à payer si l'affaire ne dure pas trop longtemps et si elle confirme l'idée de cette mue présidentielle. Ce sont deux points que nous pourrons bientôt vérifier.

     En attendant, cette rhétorique martiale contraste avec une certaine modestie dans la façon officielle  de parler des événements de Somalie ou d'Algérie
     Entre une opération militaire qui a échoué et une prise d'otages qui a tout pour inquiéter l'opinion, il y a moins matière pour une mise en majesté du chef de l'État ou pour l'autosatisfaction. L'Etat algérien a choisi la démonstration de force sans phrases, afin de décourager ceux qui auraient le moindre espoir de le faire céder, et sans souci des réactions des capitales étrangères. Du coup Paris, tenu pour quantité négligeable n'ose pas protester aussi fermement que le Japon quelques semaines après le voyage du chef de l'État sur place, sensé avoir réconciliés les eux rivés de la Méditerranée.
    Le discours du chef de guerre est un exercice difficile dont on mesurera le vrai résultat dans quelques semaines.

    François-Bernard Huyghe (Huyghe.fr, 19 janvier 2013)

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  • Tartarin de Brégançon !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue décapant de Michel Geoffroy, cueilli sur Polémia et consacré à l'engagement militaire de la France au Mali décidé par François Hollande...

     

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    Tartarin de Brégançon

    Dans son film satirique Des hommes d’influence, Barry Levinson met en scène un président impopulaire qui lance son pays dans une guerre montée de toutes pièces – qui ressemble fort à celle du Kossovo – pour essayer de regagner les faveurs de l’opinion en vue des prochaines élections. 
    Dans le film, le président est américain. Mais en France la réalité dépasse la fiction cinématographique !

    Francois Hollande est enfin populaire !

    Voilà en effet François Hollande, le plus impopulaire des présidents de la Ve République, saisi à son tour par la fureur guerrière : les opérations au Mali contre les « islamistes » ont opportunément été déclenchées au moment où près de 1 million de personnes descendaient dans la rue contre le mariage des homosexuels. Un pur hasard évidemment.

    Et puis les médias s’empressent de nous dire que depuis cette initiative, François Hollande deviendrait très populaire… à Bamako (par exemple LeMonde.fr du 15 novembre 2013), et qu’il va rebondir bientôt. Il paraît même qu’une majorité de nos concitoyens approuveraient cette intervention militaire. En particulier à Montreuil, où il y a beaucoup de… Maliens.

    Mais de qui se moque-t-on ?

    C’est une intervention ? Non : une gesticulation

    Sur le fond il faut sans aucun doute combattre l’islamisme. Mais encore faudrait-il le combattre aussi à Londres, à Madrid, à Toulouse, à Marseille ou en Seine-St Denis. On ne peut pas dire que les initiatives des socialistes aillent dans ce sens.

    Et puis cette intervention au Mali ne s’attaque pas aux racines de l’islamisme ni à ses soutiens réels au Pakistan ou dans les pétro-monarchies, par exemple, que l’on ne cesse au contraire de courtiser. Sans parler de l’effet des révolutions arabes sur la promotion d’un islam radical. Il faut redouter malheureusement que cette intervention militaire ne soit qu’une tartarinade de peu d’effet durable.

    En outre, les gesticulations militaires françaises au quatre coins du monde masquent le piètre état réel des forces armées françaises et la nullité de la prétendue défense européenne.

    La France fait croire qu’elle joue encore dans la cour des grands, alors qu’elle engage en réalité une très grande part de ses maigres ressources militaires dans des opérations à l’utilité stratégique douteuse, voire, dans le cas du Kossovo, à la nocivité certaine. Nos avions de transport sont à bout de souffle. En Afghanistan, au début, nos militaires achetaient des téléphones portables pour communiquer : plus efficaces que les moyens militaires ! Et les opérations aériennes en Libye ont vite épuisé notre stock de missiles. Sans parler du choc auquel sont confrontés nos matériels et nos soldats, propulsés dans une vraie guerre face à de vrais combattants : dur apprentissage, comme en attestent, hélas, le nombre de nos morts.

    Mais en réalité tout cela importe peu aux politiciens.

    Honni soit qui Mali pense !

    Comme disait Tocqueville dans une formule célèbre, « Les démocraties ne règlent guère les questions du dehors que pour les raisons du dedans. »

    En France les mauvaises nouvelles s’accumulent et l’image du gouvernement et du président socialistes ne cesse de se dégrader. Elle atteint un niveau de défiance inégalé sous la Ve République. Le projet de mariage homosexuel a en outre dressé la France réelle contre l’oligarchie. Et ce n’est pas fini car la crise économique continue et plus rien ne marche vraiment dans notre pays.

    Ces opérations viennent à point nommé pour détourner l’attention sur une réalité française peu brillante et pour faire croire aux Français qu’ils ont encore un chef d’Etat. 
    Comme dans le film de Barry Levinson, nos stratèges en communication ont sans doute pensé qu’en faisant voler une fois encore nos Mirages et nos Rafales, nos gouvernants auraient quelque répit bienvenu. 
    Certains rêvent même d’une union nationale autour de Flanby, devenu dieu de la guerre. Il suffit de voir les premières pages du Monde, de Libération ou du Parisien, ou d’écouter la télévision ces derniers jours, pour comprendre quel jeu cynique certains jouent.

    Mais ils prennent leurs désirs pour des réalités. Le Mali passera comme le reste : mais le chômage, les petits boulots précaires, les impôts, la délinquance, l’immigration, les initiatives « sociétales » farfelues de nos édiles ne passeront pas mieux.

    Le Monde écrit : « L’offensive française sauve un pouvoir en pleine déroute » (leMonde.fr du 15 janvier 2013), mais, hélas, pas au second degré : le journal évoque le Mali, pas le gouvernement français…

    Michel Geoffroy (Polémia, 17 janvier 2013)

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  • Tour d'horizon... (40)

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    Au sommaire cette semaine :

    - sur Le Monde et sur Secret défense, Rémy Ourdan et Jean-Dominique Merchet rendent un bel hommage à Yves Debay, lansquenet et reporter de guerre, bien connu des amateurs de la chose militaire...

    Yves Debai, fou de guerre et aventurier iconoclaste

    La mort d'Yves Debai, reporter de guerre

     

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    - sur Marianne, Marc Crapez, chercheur en sciences politiques, exprime ses réserves sur l'intervention française au Mali

    Intervention au Mali, quel contrecoup ?

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