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de gaulle - Page 15

  • A l'épreuve du temps...

    Les éditions Perrin viennent de rééditer les souvenirs de Jacques Benoist-Méchin, intitulés A l'épreuve du temps. Il faut espérer que cette réédition incitera ses lecteurs à (re)découvrir l'oeuvre historique de ce superbe écrivain : les grandes fresques comme Histoire de l'armée allemande et Soixante jours qui ébranlèrent l'Occident ou les biographies comme Mustapha Kémal, Ibn Séoud, Lawrence d'Arabie et l'inoubliable Frédéric de Hohenstaufen ("Jamais plus l'Aigle de Souabe ne tracerait ses orbes dans le ciel."...).

     

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    "Intellectuel, homme politique, écrivain et historien, Jacques Benoist-Méchin (1901-1983) est l’une des figures les plus énigmatiques du XXe siècle. Cet ouvrage, enrichi d’une présentation inédite d’Eric Roussel, réunit pour la première fois les trois volumes de ses Mémoires.

    « Peu d’itinéraires, écrit Eric Roussel dans sa préface, auront été, au XXe siècle, aussi complexes et a priori inexplicables que celui de Jacques Benoist-Méchin. En 1922, quand jeune homme ivre de poésie, de musique et de littérature, il rendait visite à Marcel Proust au Ritz, il eût été difficile d’imaginer que tout en poursuivant une oeuvre historique il se ferait successivement l’apôtre d’une collaboration à outrance avec l’Allemagne pendant la guerre, puis l’avocat enthousiaste d’un rapprochement entre l’Europe et le monde musulman. Le mystère semble d’autant plus entier que, même aux pires moments de son errance, Benoist- Méchin se distingua toujours par une certaine dignité. »

    Les souvenirs qu’a rédigés Benoist-Méchin sous le titre A l’épreuve du temps, publiés après sa mort en 1983, fournissent pour une part la clé de l’énigme d’une personnalité aux dons exceptionnels. Enfant unique et choyé, mais hanté par un frère mort-né, il cède au vertige de son époque. En 1936, les jeux Olympiques de Berlin marquent le début de sa fascination pour le national-socialisme, au point que cinq ans plus tard il est, auprès de Pierre Laval, secrétaire d’Etat chargé des rapports franco-allemands. Condamnéà mort en 1947, il est gracié et libéré en 1954. Il entame alors une nouvelle carrière d’historien, avec des biographies très remarquées de Lawrence d’Arabie, Cléopâtre, Alexandre le Grand, Frédéric de Hohenstaufen... et d’expert du monde arabe, qu’il parcourt en tous sens, chargé souvent de missions officieuses par le gouvernement français. En 1959, il publiera d’ailleurs un ouvrage au titre prémonitoire : Un printemps arabe. Benoist-Méchin est l’un de ces personnages de l’Histoire qui suscitent les controverses les plus passionnées. Mais la valeur de ses souvenirs, d’une écriture magistrale et plus captivants que maints romans, est incontestable, et capitale pour la compréhension du siècle des totalitarismes.

    Eric Roussel, qui a rencontré Benoist-Méchin à plusieurs reprises, a préfacé et annoté cette nouvelle édition de A l’épreuve du temps. Il est lui-même l’auteur de biographies de Georges Pompidou, Jean Monnet, Pierre Mendès France, Charles de Gaulle et Pierre Brossolette."

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  • L'imprévu, la Chine et l'occasion favorable...

    Nous reproduisons ci-dessous l'éditorial de Dominique Venner publié dans le dernier numéro la Nouvelle Revue d'Histoire, actuellement en kiosque, et consacré à l'imprévu dans l'histoire.

     

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    L'imprévu, la Chine et l'occasion favorable

    L’actualité offre parfois des exemples saisissants d’imprévu. Au printemps dernier, chacun a été frappé par le choc des images montrant l’un des puissants de ce monde, visage défait, menottes aux mains, déchu de façon soudaine de son statut d’impunité. Par médias interposés, les spectateurs ont senti qu’ils assistaient à beaucoup plus qu’un fait divers. En une seconde, l’un des princes de l’époque, par la révélation imprévue d’une sordide incartade, se trouvait précipité à terre, et avec lui les espérances d’une coterie arrogante.

    Chacun pouvait en tirer la conclusion que l’inattendu est roi, non seulement en petite politique, mais aussi en histoire. Soudain, le dérisoire humain triomphait de la puissance. Mais en d’autres occasions, la puissance agissante sait trouver des instruments pour faire choir un obstacle condensé en une personne, comme le montrent les révolutions colorées de notre époque.

    Nous le savons, l’histoire est le lieu de l’inattendu. La guerre en offre de brutales démonstrations. Il est assez surprenant qu’en Europe une réflexion sérieuse sur le sujet ait dû attendre les lendemains de l’aventure napoléonienne. Clausewitz fit alors le constat que l’Europe avait échoué à penser la guerre. Paradoxalement, disait-il, si elle a échoué de la sorte, c’est qu’elle a toujours voulu prévoir la guerre et la modéliser. Elle a voulu la penser en référence à un « modèle » qui ne se rencontre jamais dans la réalité. Le propre de la guerre, dit-il, c’est que sa réalité ne coïncide jamais avec le « modèle » (1). On l’a souvent dit pour l’armée française, mais cela vaudrait pour d’autres. En 1914, elle préparait la guerre de 1870 et, en 1940, celle de 1914… Les Américains n’ont pas agi autrement. Ils voulurent en Irak et en Afghanistan éviter les erreurs de leur guerre du Vietnam, ce fut pour y retomber d’une autre façon.

    Finalement, qu’attend-on du grand stratège politique ou militaire, sinon « le coup de génie » qui consiste à laisser de côté toutes les modélisations, saisir au vol les « facteur porteurs », se fier à son flair et à sa perspicacité, ce que les Anciens appelaient la Mètis, dont Ulysse, dans l’Odyssée est l’incarnation même.

    À la différence des Européens, les Chinois anciens avaient développé une vraie pensée de la guerre à l’époque des Royaumes combattants, aux Ve et IVe siècles avant notre ère. La Chine était alors divisée en principautés rivales qui se faisaient une guerre continuelle pour restaurer à leur profit l’unité de l’Empire. C’est alors qu’ont été écrits les traités de Sun Zi et de quelques autres, dont on ne trouve pas l’équivalent en Europe, sinon dans la patience et de la ruse d’Ulysse révélées par l’Odyssée. Ulysse n’a pas modélisé à l’avance un plan de survie ou de victoire. Mais, avec un talent inné, il observe la situation, voit comment elle évolue et sait en tirer profit, réagissant alors comme la foudre (pour aveugler le cyclope Polyphène ou pour neutraliser la magicienne Circé), mais parfois aussi en s’armant de patience (« patience, mon cœur »), durant sa longue captivité chez Calypso ou encore dans la préparation de sa vengeance après son retour à Ithaque.

    Détecter les facteurs « porteurs », cela signifie être capable d’attendre l’occasion, le retour de la « fortune ». Comme au bridge ou au poker, il y a des moments où il faut « laisser passer », faute de « jeu ». Dans l’Odyssée, cette notion stratégique est constamment présente. Ulysse ne cesse de patienter dans l’attente du moment propice. Alors, il fonce comme l’éclair (la liquidation des « prétendants »). La notion même de la Mètis (ruse) disparut cependant de la pensée grecque et même de la langue à l’époque classique quand s’imposa le raisonnement philosophique (Platon). La notion des essences platoniciennes, en disqualifiant la méthode empirique au profit d’une construction abstraite, instaura pour longtemps l’ère de la modélisation. Celle-ci fit la force mais aussi la faiblesse de l’Europe.

    Que faire quand la « fortune » se dérobe, quand le facteur « porteur » est absent ? On peut, bien entendu, de façon très européenne, se jeter quand même dans une action inutile mais héroïque. En fait, il y a des moments où il faut savoir se retirer en soi en attendant que la situation change. Et elle change toujours. C’est ce que fit par exemple un stratège politique appelé De Gaulle. Pendant sa « traversée du désert », faute de « jeu » au sens chinois du mot, il écrivit ses Mémoires de guerre. C’était une façon d’attendre et de préparer l’avenir.

    Dominique Venner (Nouvelle Revue d'Histoire n°56, septembre-octobre 2011)

    Notes :

    1.François Jullien, Conférence sur l’efficacité, Paris, PUF, 2005.

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  • De Gaulle et l'Allemagne...

    Nous reproduisons ci-dessous un texte d'Alain de Benoist, publié en janvier 1979 dans le Figaro magazine et consacré au général De Gaulle et à sa politique à l'égard de l'Allemagne.

     

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    EUROPE : DE GAULLE ET L’ALLEMAGNE

     

    « Non à l'Europe allemande ! » : c'est le thème de la campagne anti-européenne que mène actuellement le parti communiste, suivi par un certain nombre de membres du RPR. Le PC dénonce l’« Europe allemande » comme Drumont dénonçait la « France juive ». Et certains ne se cachent pas de vouloir « casser du Boche ». Les partis chauvins rêvent visiblement d'une Allemagne affaiblie, comme le fut l'Allemagne de Weimar après le Diktat de Versailles – dont Hitler sut si bien tirer parti. Mais l’étonnant, dans cette affaire, est que ces adversaires d'une prétendue « Europe allemande » n'hésitent pas à se réclamer de l'exemple du général de Gaulle, auquel ils prêtent d'emblée des sentiments anti-allemands et anti-européens.

    Or, en ce domaine, comme en bien d'autres, les vues du Général n'ont pratiquement jamais changé. De Gaulle a toujours considéré que le but à atteindre était l'« unité de l'Europe », que celle-ci résulterait de l’« association organisée de ses peuples, depuis l'Islande jusqu'à Istamboul et de Gibraltar à l'Oural », et qu'une telle association aurait pour épine dorsale l'alliance privilégiée de la France et de l'Allemagne.

    Dès avril-mai 1945, voyageant outre-Rhin, le Général constate la tragédie allemande, la famine, le désespoir, les destructions massives. « Je sentais, dira-t-il, se serrer mon cœur d'Européen, je sentais s'atténuer dans mon esprit la méfiance et la rigueur. Même, je croyais apercevoir des possibilités d'entente que le passé n'avait jamais offertes ». Quatre ans plus tard, il proclame : « La raison exige qu'il y ait un jour moyen d'établir entre le peuple allemand et le peuple français une entente pratique et directe ».

    Il s'y emploiera dès son retour au pouvoir. A l’issue de ses entretiens avec Adenauer, les 14 et 15 septembre 1958, à Colombey-les-deux-Eglises, il déclare : « Ce doit être fini à jamais de l'hostilité d'autrefois […] Nous avons la conviction qu'une coopération étroite entre la République fédérale d'Allemagne et la République française est le fondement de toute œuvre constructive en Europe ». L'année suivante, le 25 mars 1959, il répète : « La haine ne doit plus exister entre les deux peuples. Mieux même, elle doit faire place à l'amitié ». Et de rappeler que la réunification de l'Allemagne – « destin normal du peuple allemand » – est la condition même de la réunification de l'Europe entière.

    En butte à l'hostilité de certains de ses partenaires, qui ne comprennent pas sa position réservée à l'endroit de l'Angleterre, de Gaulle décide d'aller de l'avant et de « donner l'exemple », en proposant à Adenauer la constitution d'une Europe autonome à direction franco-allemande. Ce sera, déclare-t-il le 31 mai 1960, le socle de « cette Europe d'Occident, qui fut jadis le rêve des sages et l'ambition des puissants »… Dès le mois de juillet, les troupes françaises et allemandes défilent de concert au camp de Mourmelon.

    Le 2 juillet 1962, le général de Gaulle tire un trait sur un passé où les responsabilités furent partagées : « L'Allemagne et la France, en cherchant à s'imposer réciproquement leur domination pour l'étendre ensuite à leurs voisins, poursuivaient chacune pour son compte le vieux rêve de l'unité qui, depuis quelque vingt siècles, hante les âmes sur notre continent ». La même tendance qui opposait hier les deux pays, ajoute-t-il, pourrait demain les associer.

    Au mois de septembre de la même année, l'Allemagne, unanime, fait au Général un accueil triomphal. Le 4, saluant les élèves-officiers de l'école de guerre de Hambourg, de Gaulle leur déclare que la coopération franco-allemande constituera « la base d'une Europe dont la prospérité, la puissance, le prestige égaleront ceux de qui que ce soit ». Le 9, à Ludwigsburg, il s'adresse à la jeunesse : « Je vous félicite d'être de jeunes Allemands, c'est-à-dire les enfants d'un grand peuple. Oui ! d'un grand peuple ! qui parfois, au cours de son histoire, a commis de grandes fautes et causé de grands malheurs condamnables et condamnés. Mais qui, d'autre part, répandit de par le monde des vagues fécondes de pensée, de science, d'art, de philosophie, enrichit l'univers des produits innombrables de son invention, de sa technique et de son travail, déployant dans les œuvres de la paix et dans les épreuves de la guerre des trésors de courage, de discipline, d'organisation. Sachez que le peuple français n'hésite pas à le reconnaître, lui qui sait ce que c'est qu'entreprendre, faire effort, donner et souffrir ». « La base sur laquelle peut et doit se construire l'union de l'Europe, répète-t-il, le plus solide atout de la liberté du monde, c'est l'estime, la confiance, l'amitié mutuelle du peuple français et du peuple allemand ».

    Le 18, parlant au nom de la France, de Gaulle propose au gouvernement de Bonn la création d'une étroite union politique, culturelle et militaire. « Il y a une solidarité entre l'Allemagne et la France, déclare-t-il à cette occasion. De cette solidarité dépend la sécurité immédiate des deux peuples. Il n'y a qu'à regarder la carte pour en être convaincu. De cette solidarité dépend tout espoir d'unir l'Europe dans le domaine politique et dans le domaine de la défense, comme dans le domaine économique. De cette solidarité dépend, par conséquent, le destin de l'Europe tout entière depuis l'Atlantique jusqu'à l'Oural ».

    Dès lors, la voie était tracée. Elle aboutit à la signature, le 22 janvier 1963 à l'Elysée, du traité franco-allemand d'amitié et de coopération, qui allait servir de cadre aux relations entre les deux pays. Viendront ensuite l'Office franco-allemand pour la jeunesse, le Comité franco-allemand de coopération économique et industrielle, les jumelages de villes, les premiers « sommets » franco-allemand, etc.

    Reçu par le chancelier Ehrard, le 11 juin 1965, le général de Gaulle déclare : « Nous entreprenons, vous et nous, la construction de l'Europe occidentale. Ah, quelle cathédrale ! Eh bien, cette cathédrale, elle a une fondation et une fondation nécessaire, c'est la réconciliation de l'Allemagne et de la France. Elle a des piliers ou elle aura des piliers, et ces piliers, c'est la Communauté économique européenne qui doit les constituer. Et puis, quand ce sera fait, il y aura à placer les arceaux et le toit, c'est-à-dire la coopération politique. Et qui sait, quand nous aurons abouti, peut-être aurons-nous pris goût à bâtir de tels monuments, et peut-être voudrons-nous alors, et pourrons-nous alors, construire une cathédrale encore plus grande et encore plus belle, je veux dire l'union de l'Europe tout entière ! »

    Le général de Gaulle voulait l'Europe. Mais pas n'importe laquelle. Il s'agit, disait-il, de réunir tous les États européens afin d'en faire « l'une des trois puissances planétaires et, s'il le faut, un jour, l'arbitre entre les camps soviétique et anglo-saxon ». Dans cette perspective, pensait-il, la seule façon de prémunir les Allemands contre l’obédience « atlantiste » consiste, d'abord à leur offrir une « alternative » – l'alliance avec la France – et, ensuite, à faire d'eux des partenaires à part entière : « Pour faire l'Europe, il faut ancrer l'Allemagne. Elle est la base de l'Europe. Sinon, l'Europe partira à la dérive ». Comment s’étonner en effet qu’une Allemagne que l’on mettrait « à l’index » aille chercher ailleurs les garanties de son existence et de sa sécurité ?

    Cette idée et cette conviction, constamment réaffirmées par le général de Gaulle, beaucoup de gaullistes semblent aujourd'hui l'avoir oubliée. C'est en revanche Michel Poniatowski, dans L'avenir n'est écrit nulle part (Albin Michel, 1978), qui souligne : « Il est contradictoire de faire reproche à l'Allemagne de s'en remettre aux Etats-Unis des moyens d'assurer sa sécurité et, en même temps, de prétendre l'empêcher d'acquérir ou de participer aux moyens d'une défense autonome ». Loin d’être conforme à la pensée du Général, la campagne anti-allemande qui se développe aujourd'hui remet en question tout un acquis de l'héritage gaullien.

    Alain de Benoist (Le Figaro magazine, 6 janvier 1979)

     

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  • L'imagination au pouvoir ?...

    Nous vous signalons la parution au mois de juin dernier d'une bande-dessinée assez savoureuse, publiée au éditions Delcourt dans la collection Jour J et intitulée L'imagination au pouvoir ? Les auteurs, Duval, Pécau et Mr Fab, ont imaginé un polar politique dans une France uchronique où mai 68 a dégénéré en guerre civile. Un ancien de l'OAS, un peu rude mais sympathique, qui a été trahi par des jeunes loups de la droite gaulliste, revient après quelques années d'absence et arpente un Paris reconstruit dans une architecture psychédélique pour régler quelques comptes... On croise au fil des pages François Mitterrand, Jacques Chirac, Daniel Cohn-Bendit, Serge July, Bob Woodward, Brigitte Bardot et d'autres... Ceux qui connaissent l'histoire politique des années 70 apprécieront les clins d'oeil !... 

     

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    Mai 68. La chienlit est partout. Craignant de se retrouver dans une situation pire qu’en Mai 40, le Général De Gaulle décide de faire convoyer le plus discrètement possible pendant les « évènements » 200 millions de francs vers le château de Vincennes pour parer à une aggravation de la situation... Mais celle-ci dérape plus vite que prévu : De Gaulle meurt dans un crash d’hélicoptère en allant voir le général Massu et les 200 millions disparaissent dans un casse mené de main de maître. Des manifestations populaires on passe rapidement à une révolution parisienne puis à une guerre civile : Massu envoie les chars et l’armée nettoyer Paris. Dans la tourmente, l’un des braqueurs est laissé pour mort avant de réapparaitre cinq ans plus tard et de réclamer sa part du gâteau à ces anciens collègues. Oui mais voilà, ceux-ci gravitent désormais au plus haut de l’Etat et ne sont pas particulièrement ravis de le revoir… Savoureuse « re »lecture de la scène politique française post-68, ce Jour J est, à mes yeux, le meilleur du lot : Graphismes sublimes et sublimés par Mr Fab, polar bourré de références à peine voilées sur les mœurs de nos princes, et réflexion lucide et désabusée sur le pouvoir et ce qu’on est prêt à faire pour l’obtenir ou le garder. Une œuvre forte, cynique, aboutie et menée à 100 à l’heure.

    Bernard Campeis (Actusf, juin 2011)

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  • Retour sur la guerre d'Algérie...

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    Le numéro d'avril 2011 de la revue Le spectacle du monde est en kiosque. 

    Le dossier est consacré à la fin de l'Algérie française. On pourra y lire , notamment, un article d'Eric Branca ("De Gaulle et l'Algérie"), de Claude Jacquemart ("Avril 1961 : la révolte éphémère") et de Roland Hureaux ("France-Algérie : violence et passion") ainsi qu'un entretien avec Hélie de Saint-Marc.

    Hors dossier, on pourra lire deux articles sur la situation en Afrique du Nord par Pascal Meynadier ("Libye, Khadafi otage des tribus") et par Bruno Rivière ("Derrière Khadafi, la Lybie éternelle"), un entretien avec le géopoliticien François Thual et des articles sur les Hussards, sur Cioran et sur Fabrice Luchini. Et on retrouvera, bien sûr,  les chroniques de Patrice de Plunkett et d'Eric Zemmour.

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  • Régis Debray : "Il faut toujours une verticalité..."

    Nous reproduisons ci-dessous certains propos de Régis Debray, tenus dans le cadre d'un échange organisé par le quotidien Le Monde, avec Olivier Py et Denis Podalydès, à propos de la représentation et de la figuration du pouvoir aujourd'hui. Le texte de ce débat a été publié dans le numéro daté du 5 mars 2011.

     

     

     

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    Sur Sarkozy et la représentation de la fonction présidentielle :

    "Les mots-clés sont lâchés : vitesse, corps-à-corps, court-circuit. Avec l'enfant de la télé, l'ancien blouson doré de Neuilly, la société du spectacle a cédé la place à la société du contact. Plus de formes ni de protocole. Nous avons un pouvoir qui tutoie, et qu'on tutoie. "Casse-toi, pauvre con !" On est passé de la queue-de-pie au tee-shirt. Il faut que le chef soit tout le monde. Marketing oblige. Il faut qu'il soit en prise directe avec l'émotion du jour. On surfe, on virevolte, on bouge avec tout ce qui bouge. C'est l'Etat-Kodak, clic-clac. Une suite d'instantanés.

    D'où l'inconstance des positions, et l'inconsistance des personnages. Le plan de vol, c'est le bulletin météo. Ça change tous les jours. C'est la fin de ce que l'historien Ernst Kantorowicz appelait "les deux corps du roi". Le corps physique, éphémère. Et ce que ce corps incarne, un principe immuable. En voyant de Gaulle, on voyait la France au travers, en voyant Gambetta, j'imagine qu'on voyait la République. En voyant Sarkozy, on ne voit plus que lui, et c'est le drame. La télévision empêche de voir double, me direz-vous. Soit. Mais la mystique manque. Il y a trop de corps.

    C'est la rançon du direct, du live. Le tout à l'image, c'est le tout à l'ego. Avec la séquence des présidents depuis cinquante ans, vous voyez le lent déclin du symbole et l'avènement de la trace. Prenons 1958, de Gaulle, grand écrivain et mémorialiste ; Pompidou, prof de lettres ; Giscard rêvant à Maupassant ; Mitterrand grand liseur, encre bleue, et belle plume ; Chirac se tourne vers les arts premiers, mais donne encore du maître à l'écrivain ; Sarkozy embrasse Johnny Hallyday."

     

    Sur la désacralisation de la fonction présidentielle :

    "Nos présidents vivent dans une "extimité" permanente : leur intimité ne cesse d'être mise en scène. Le dédoublement entre la personne et la fonction était l'essence même du sacré politique. La personne est plus petite que la fonction, le "moi je" s'efface devant le "il" ou le "nous". Charles disparaît sous de Gaulle. On n'en parle pas.

    Nous n'avons plus une scène de théâtre où l'on joue en différé, mais un studio de télévision où l'on passe en direct. L'Elysée est un plateau de télé-réalité et l'on a vu cette chose extraordinaire dans Paris Match, montrant Nicolas Sarkozy, dans le fauteuil du général de Gaulle, la main sur la cuisse de sa femme assise sur ses genoux. Plus de hiatus entre la chambre à coucher et le bureau présidentiel, entre l'intime et l'officiel. Loft Story ou love Story ?"

     

    " La technologie commande, oui, nous sommes d'accord. Peinture, photographie, cinéma, télévision et Internet changent la focale et le tempo du pouvoir. Mais tout de même, être à la tête d'un pays, maîtriser des situations, c'est savoir se mettre hors-jeu, au-dessus. La maîtrise n'allait jamais sans distance. Sans un certain laconisme, voire une certaine capacité d'absence. Le chef est calme, voire indifférent, comme Mitterrand. Les compagnons de captivité du capitaine de Gaulle disaient qu'ils ne l'avaient jamais vu sous la douche !

    Il y avait chez de Gaulle un art de la dissimulation et de la disparition, et donc de l'apparition au bon moment. Aujourd'hui, le frère a remplacé le père et l'on gouverne par la proximité. Par sauts et gambades. En sautillant, en s'agitant. Résultat : du pouvoir, oui, mais sans autorité. Le dernier seul vrai pouvoir d'un président, où il ne fait pas semblant, est celui de nommer. La Cour est donc fascinée, terrorisée et obséquieuse - la danse devant le buffet a un arbitre suprême, qui peut vous nommer ou non à la tête d'un ministère, d'une entreprise publique, d'une ambassade. L'intimidation est là. Mais elle concerne 2 000 personnes. Les autres, nous tous, on s'en fout et on a bien raison."

     

    " On est passé de l'Etat éducateur à l'Etat séducteur. Aujourd'hui, un homme d'Etat n'est plus celui qui élève, c'est celui qui cajole. Il n'exalte pas, il accompagne. Denis Podalydès évoque bien le rajeunissement du pouvoir ; il y a un côté adolescent chez Sarkozy, sans doute sympathique parce que pulsionnel. C'est l'indice d'un nouveau monde. Inutile de raisonner à partir du Napoléon en César ou du de Gaulle en général. Ils parlaient derrière une table, assis. Sarko est debout derrière un pupitre.

    C'est le modèle Maison blanche. Sarkozy est obsédé par les Etats-Unis. Il veut faire américain, ou moderne, comme il dit. On aura donc à Versailles le discours de l'Union où le président s'adresse au Congrès réuni. C'est encore du vu à la télé. La France colonisée n'arrive plus à produire ses propres normes de représentation, étant entendu que les jeunes leaders socialistes ne sont pas moins aliénés que les autres."

     

    Pouvoir, autorité et verticalité :

    "Le chef révolutionnaire tient son pouvoir des armes. Il a côtoyé la mort. Ce qui l'autorise ensuite, pense-t-il, à la donner. La guerre ne pousse pas à la démocratie. Fidel Castro et le Che, ce sont d'abord des ducs, des condottiere, des conspirateurs en uniforme. Avec eux, on est ramené aux sources archaïques du pouvoir, qui ont leur vérité. Mitterrand aussi a fait l'expérience de la guerre, ce qui l'a changé."

    "Pour qu'une parole soit performative dans le tohu-bohu, elle doit se faire rare, et peser. Le comble de l'autorité, c'est le laconisme. Le Che, puisqu'on en parlait, était remarquablement silencieux. Un distant qui en imposait par sa distance. Il en était conscient et disait qu'il faisait de vice vertu. "Je suis timide et asthmatique. Je n'ai aucun don de communication, aucun don "de gente"", disait-il. De cette faiblesse, il a bien fallu faire une force. Et cette introversion lui donnait un ascendant sur la troupe. C'était assez insolite en contexte latino. Argentin, très européen, le Che gardait une culture littéraire, avec Neruda dans son sac à dos, quand Fidel Castro était l'oralité en geste."

    "Heureusement qu'il y a des invariants, mais aujourd'hui, l'ascendant symbolique s'est évanoui, le respect devient impossible. On ne peut que saluer des performances d'acteur ou de bateleur. On remplace le relief par le réseau et on met tout à plat. Mais il faut toujours une verticalité, sinon l'horizontal se fragmente, s'atomise. Et vous n'avez plus un collectif, une société, une nation, mais un puzzle d'intérêts et de clientèles où chacun est étranger à son voisin. L'écroulement symbolique, c'est le chacun pour soi et personne pour tous. C'est seulement ce qui nous dépasse qui nous rassemble. Là où rien ne dépasse, rien ne rassemble. Et la vraie tragédie, c'est que le pouvoir est devenu une comédie."

    Régis Debray (propos recueillis par Nicolas Truong, Le Monde, 5 mars 2011)

     

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