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de gaulle - Page 13

  • Les leçons amères à tirer de l'affaire Prism...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue intéressant de Christian Harbulot , cueilli sur Infoguerre et consacré à l'affaire Prism. Le comportement méprisable du gouvernement français avec l'avion du président bolivien Evo Morales, qui était susceptible de transporter le transfuge Edward Snowden, vient malheureusement confirmer toute la pertinence de son analyse...

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    Les leçons amères à tirer de l'affaire Prism

    La divulgation du système d’espionnage américain par l’ex consultant de la NSA Edward Snowden ouvre une brèche beaucoup plus importante que l’affaire Wikileaks dans le système de croyance édifié par les Etats-Unis aux lendemains de la seconde guerre mondiale.  L’affaire Prism a fait voler en éclats les fondements mêmes du credo sur la démocratie. On pourrait la résumer en trois actes d’accusation : violation de secrets d’Etats étrangers, accès illimité aux informations économiques de pays concurrents, lecture potentielle des données personnelles des citoyens du monde sur les réseaux sociaux.

     

    Les preuves fournies par le citoyen américain Edward Snowden remettent en cause le discours que les Etats-Unis affichent depuis leur création sur la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes. Si l’affaire Wikileaks a fait de la diplomatie américaine une référence mondiale qui faisait passer au second plan les autres discours diplomatiques, l’affaire Prism ramène les Etats-Unis à la case départ de la Real Politik. Suite à ces révélations, la démocratie américaine ne peut plus prétendre être un modèle pour les autres peuples du monde car elle fait le contraire de ce qu’elle dit, ne serait-ce qu’en ne respectant pas le secret de correspondance qui fut une des libertés élémentaires arrachées aux régimes absolutistes ou totalitaires.
    Cette situation nouvelle a déjà des conséquences spectaculaires. Elle mine la légitimité populaire des élites politiques des démocraties occidentales qui s’étaient habituées silencieusement depuis des décennies à assumer le poids et le prix de la surveillance américaine de leur comportement. Il n’est pas étonnant que les premières réactions politiques de rejet de l’attitude américaine viennent d’Allemagne par la voix du gouvernement fédéral. A cette posture diplomatique s’ajoute la publication par le magazine Der Spiegel de nouveaux éléments sur le ciblage par l’espionnage américain de l’Union Européenne mais aussi de la France. Contrairement à la France, l’Allemagne a une stratégie de puissance qui lui permet aujourd’hui de s’affirmer de manière beaucoup plus mature sur la scène internationale. L’absence de réaction de l’Elysée au début de l’affaire et le motus bouche cousue de la classe politique, de gauche comme de droite pendant la première période de la crise, en dit long sur notre attentisme à l’égard des Etats-Unis d’Amérique.
    L’affaire Prism a pris tout ce petit monde à contrepied. La France a du mal à se penser en dehors de son statut de petite moyenne puissance aux marges de l’empire dominant, position parfois ô combien inconfortable comme le démontre l’affaire Prism. Le fait que nous soyons incapables d’élever la voix aux côtés de l’Allemagne, « redimensionne » la valeur de nos attributs de puissance militaire et diplomatique. Sans armes nucléaires, sans fauteuil au conseil de Sécurité de l’ONU, l’Allemagne fait mieux que nous. Puissance bridée depuis 1945, elle a renversé son statut de vaincu en statut de puissance assistée (économiquement et militairement) au cours de la guerre froide pour maintenir l’équilibre des forces entre l’Est et l’Ouest. La chute du Mur et la réunification lui ont donné un nouvel élan au sein de la dynamique européenne. Berlin, contrairement à Paris, sait jouer le double jeu. Plus proche des Etats-Unis par le lien transatlantique hérité de la guerre froide, sa voix porte d’autant plus fort lorsqu’elle est la première à demander des comptes aux Etats-Unis.
    L’absence de réaction française jusqu’à l’intervention officielle de Laurent Fabius ce dimanche est l’instrument de mesure parfait de notre véritable place dans le concert des nations. Contrairement à Berlin, Paris semblait attendre patiemment la fin de cette tempête informationnelle. Mais les dernières révélations sur l’espionnage de l’Union Européenne et même de la France ont brisé le mur du silence, du moins à gauche car la droite a encore du mal à se faire entendre sur ce dossier. Les images d’un Barack Obama qui essaie de substituer à l’image dégradante de son empire, celle du premier Président noir des Etats-Unis en voyage en Afrique du Sud, ne suffisent plus à masquer ce scandale à rebondissement. Certes, on peut toujours rêver dans l’hexagone en se demandant qui osera revenir un jour sur ce statut instable de vassal de l’empire, jamais assumé devant l’électorat. Le seul dirigeant politique français à s’être démarqué de cette dépendance à l’égard des Etats-Unis fut le général de Gaulle. Et il n’est pas inutile de rappeler qu’il était à l’époque très isolé dans son propre camp sur ce dossier majeur.

    Christian Harbulot (Infoguerre, 1er juillet 2013)
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  • De Gaulle, Jean Monnet, l'Europe et l' Allemagne...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un extrait de l'émission Ce soir ou jamais du 10 mai 2013, animée par Frédéric Taddeï au cours de laquelle Marie-France Garaud intervient sur la question européenne et sur l'Allemagne et rappelle quelques vérités sur Jean Monnet, l'agent américain...

     

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  • "Moi, Dominique de Roux, déjà pendu à Nuremberg"...

    Nous vous signalons la réédition dans la collection de poche Tempus des éditions Perrin de la biographie de Dominique de Roux signé par Jean-Luc Barré. Historien et directeur de l'excellente collection Bouquins, Jean-Luc Barré est notamment l'auteur d'une étude sur Charles De Gaulle intitulée Devenir De Gaulle (Perrin, 2003).

     

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    " Homme de tous les extrêmes, Dominique de Roux fut l'un des acteurs les plus subversifs de la littérature contemporaine, mêlant engagements publics et activités occultes, pour la défense de l' «esprit vivant » contre la « lettre morte ». Fondateur en 1961 des Cahiers de l'Herne, il travaille à faire connaitre des écrivains proscrits ou ignorés, de Céline à Gombrowicz. Hanté par le déclin de l'Occident, il soutient, au nom de l' « Internationale gaulliste », la révolution portugaise de 1974 et la guérilla angolaise de Jonas Savimbi.
    S'appuyant sur correspondances et journaux intimes inédits, l'auteur révèle un écrivain majeur et un témoin singulier de son époque, au souffle prophétique."

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  • Le fatalisme, jusqu'où ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un bon point de vue de Bertrand Renouvin, cueilli sur son blog et consacré à la présidence de François Hollande. Une analyse que le (modeste) sursaut dans l'affaire malienne ne remet pas fondamentalement en cause...

     

     

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    Le fatalisme, jusqu'où ?

    L’optimisme et le pessimisme sont des humeurs individuelles qui ne devraient pas affecter le jugement et la volonté politiques. Variables selon les jours et les saisons, l’état de santé et les heures de sommeil, ces états d’âme sont d’ordinaire dominés chez les politiques – pas seulement chez eux – par l’ambition, les convictions, les projets, en somme par des espérances ou une espérance.

    Répondant à « l’appel, impératif, mais muet, de la France», Charles de Gaulle fit renaître l’espoir de la nation parce que lui-même ne cessa d’espérer dans les moments qui incitaient au pessimisme le plus noir. Cette espérance tenait au caractère de l’homme et à ses certitudes de politique et de stratège, mais plus encore : « Pas un illustre capitaine qui n’eût le goût et le sentiment du patrimoine et de l’esprit humain. Au fond des victoires d’Alexandre, on retrouve toujours Aristote… » écrivait-il dans Le fil de l’épée.

    Tout homme d’Etat, aujourd’hui, devrait se souvenir avec Charles de Gaulle que «la véritable école du commandement est celle de la culture générale » et que le salut public exige la rectitude des convictions. Hélas, c’est le contraire que nous constatons. La culture générale s’est perdue dans les faux-semblants de la communication et il est recommandé, pour réussir, de répudier les idées non conformes.

    François Hollande aurait pu rompre avec le prétendu réalisme des aventuriers politiques. Certains discours, de belle allure, le donnaient à penser. L’espoir était ténu. Il s’est amenuisé lorsqu’Eric Dupin nous expliqua, en juin, que le président de la République n’avait aucune vision de l’avenir et qu’il agirait selon les rapports de force (1). Les observations de notre invité, point hostile à François Hollande qu’il connaît depuis fort longtemps, sont maintenant prolongées dans un article qui précise le portrait (2). A l’inverse de la célèbre formule de Gramsci, François Hollande aurait « l’optimisme de l’intelligence et le pessimisme de la volonté ».

    Cela signifie que nous sommes dirigés selon des humeurs. Eric Dupin décrit un homme d’une « sérénité à toute épreuve » et protégé par son humour, ce qui pourrait être positif. Cependant, « intimement persuadé que tout finira par s’améliorer en un juste retour des choses, il se garde de chercher à forcer le destin. Cet optimiste congénital laisse le volontarisme aux visionnaires naïfs et aux décideurs aventureux ». Pire : il s’est fabriqué une « philosophie benoîtement cyclique » qui procède de sa belle humeur et la conforte. D’où ses déclarations sur la fin de la crise de la zone euro et le retour de la croissance en 2013. D’où un « réalisme » tissé de concessions majeures aux banquiers, aux patrons, à la chancelière allemande - à tous ceux qui montrent ou montreront les dents. « Au final, l’optimisme bonhomme de Hollande fait le lit d’un fatalisme arrangeant » conclut Eric Dupin qui nous permet de comprendre ce qui nous arrive.

    Cela ne nous rendra pas compréhensifs ! Avec François Hollande, nous sommes à l’opposé des chefs d’Etat et de gouvernement qui ont constitué notre pays, des premiers rois de France à Charles de Gaulle. Tous avaient la volonté de ne pas consentir aux rapports de force existants – ce qui leur permettait d’en créer de nouveaux, qui confortaient le projet commun. Tous refusaient les fausses figures de la fatalité. En ce début de siècle nous sommes passés de l’activisme de Nicolas Sarkozy - qui masquait la soumission aux financiers, l’alignement sur l’Allemagne et le retour dans l’OTAN - au fatalisme de François Hollande qui se contente d’entériner les mêmes dépendances. Nous sommes seuls, face à un président et un gouvernement qui ne veulent pas utiliser les pouvoirs considérables qu’ils détiennent selon la Constitution. Si rien ne s’arrange dans la crise de l’ultralibéralisme, nous irons vers une violence que François Hollande prévoit mais que nulle bonne étoile ne peut arrêter… De quels malheurs la France devrait-elle être frappée pour que le président de la République prenne les décisions salutaires ?

    Bertrand Renouvin  (Le blog de Bertrand renouvin, 13 janvier 2013)


    Notes :

    (1) Sa conférence aux « Mercredis de la NAR » a été publiée sous forme d’entretien dans « Royaliste », n° 1018, 17-30 septembre 2012. Cf. Eric Dupin, La victoire empoisonnée, Seuil, 2012.

    (2) Cf. Slate.fr : http://www.slate.fr/story/66543/hollande-optimisme-pessimisme-volontarisme-strategie

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  • Poutine et la place de la Russie...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Claude Bourrinet, cueilli sur Voxnr et consacré à l'importance du rôle que la Russie de Poutine joue comme môle de résistance face à la puissance américaine...

     

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    Poutine et la place de la Russie

    La fin du monde n’a pas eu lieu.

    Quoiqu’il ne faille pas exclure, qu’à terme, ne se produise la fin d’un monde, celui, américano-centré, unilatéral et formidablement dangereux pour la paix, que l’on voudrait, ici, en Occident, voir s’installer durablement.

    Pourquoi pas pour mille ans !

    La récente conférence de presse de Vladimir Poutine, s’adressant durant quatre heures trente à plus de mille journalistes de toutes nations, le jeudi 20 décembre, a rappelé cette vérité qui dérange : la Russie est toujours là. Mieux : elle incarne, par sa volonté de ne pas se plier à l’hégémonie étatsunienne, la perspective d’un monde multipolaire, pluri-civilisationnel, pour l’avènement duquel d’autres nations luttent, celles notamment représentées par le BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, République Sud-africaine), mais aussi l’ALBA, en Amérique latine, ce qui démontre, à l’encontre de ce que la presse mainstreams prétend, que les Russes sont loin d’être « isolés ».

    C’est une rengaine qui révèle, chez les journalistes liés à l’Otan, une réelle absence d’imagination. Il est vrai qu’en général, l’activité propagandiste ne demande comme aptitude que celle qui consiste à se répéter pour faire pénétrer dans le cerveau assoupi des masses des « vérités » infaillibles. Encore que l’imagination soit un ingrédient indispensable pour donner du sel aux scénarios susceptibles de remplacer la réalité. Il est vrai que le matraquage manichéen a réussi avec l’Irak, la Serbie, la Libye, et que la légende d’une démocratie militante et internationaliste éradiquant le Mal dictatorial de la planète a plutôt bien marché ; ce qui révèle, pour ceux qui croient encore aux lendemains qui chantent, combien les peuples occidentaux ont vendu leur liberté pour un plat de lentilles, qui s'avèrent, par ces temps de crise, plutôt passablement avariés. Et pour le coup, ils ont abandonné aussi leur droit d’aînesse.

    Une chansonnette qui a les faveurs des salles de rédaction, en ce moment, est que la Russie serait sur le point d’abandonner « le régime de Bachar al Assad » (dixit). On s’appuie, pour étayer ce qui ressemble furieusement à des lubies arrosées d’après dîner (du Siècle ou du crif, comme vous voulez), sur de soi-disant déclarations, d’un sous-ministre ou d’un ambassadeur russes, voire de Poutine lui-même.

    En vérité, la position russe n’a jamais changé : la Russie n’appuie pas un homme, mais un Etat légitime, la nature du régime et la composition du gouvernement syrien doivent résulter du choix du peuple syrien lui-même, une conférence de conciliation doit avoir lieu, et les forces étrangères n’ont pas à intervenir dans le conflit. Rien de nouveau sous le soleil, donc !

    Contre toute évidence, nos braves Tintins de comptoirs (désirant sans doute redonner de l'espoir à des « rebelles » singulièrement étrillés) entonnent le refrain bien appris de l’armée syrienne qui perd du terrain, du régime qui s’effrite, avant de s’effondrer, de l’isolement de ses partisans, de son encerclement etc. Que les « rebelles », dont la majorité sont des membres d’Al-Qaeda, des salafistes takfriristes, des frères musulmans, des Talibans, des Tchétchènes, des Turcs, Irakiens, Libyens, Tunisiens, Marocains, des Yéménites djihadistes, qui n’ont rien à voir avec les Syriens de souche, et qui sont payés par le Qatar, soutenus pas les USA, Israël, l’Angleterre et la France, pays qui prétendent, par ailleurs, combattre le fléau islamiste, soient exterminés par la valeureuse armée républicaine syrienne, cela semble leur échapper. Ils en restent à une explication fort simple, digne d’une cour de récréation de collège : Bachar étant un méchant, les Russes, ayant une propension à la méchanceté, comme chacun sait, sont naturellement portés à lui porter leur aide. Mais, surtout, la Russie s’accrocherait à la base de Tartous, afin de maintenir sa présence en Méditerranée orientale, mais serait bien obligée de tenir compte du rapport de force défavorable. 

    Autrement dit, la presse raisonne comme si elle jouait aux dames avec un damier singulièrement étriqué, alors qu'il s’agit d’un jeu d’échecs à l’échelle asiatique, voire mondiale. Quand le sage montre la lune, dit un proverbe chinois, l’idiot regarde le doigt.

    Au lieu de prendre des vessies pour des lanternes, la presse collaboratrice devrait plutôt abandonner ses vains espoirs. D’abord parce que le « régime » syrien tient, tout simplement pour des raisons faciles à comprendre : si les fanatiques islamistes l’emportent, ce sera un génocide, les minorités ethniques et confessionnelles seront exterminées, les femmes retourneront en esclavage, et une chape de plomb s’abattra sur un pays encore indépendant et libre. D’autre part, la Russie possède largement de quoi tenir tête aux puissances militaires locales et internationales, qui se mêlent de semer la zizanie dans cette région. Non, l’ours n’est pas affaibli !

    Surtout, il est évident que si la Russie laisse le terrain à l’Occident, c’en est fini de ses rêves d’indépendance, et même de sa volonté de survie. L'ours joue ici sa peau, et il est prématuré de vouloir d’ores et déjà la vendre !

    Pourquoi ? Il n’est qu’à regarder une carte pour comprendre. Qui contrôle cette région, où aboutissent, aboutiront, des terminaux gaziers et pétroliers, lesquels sont vitaux pour des pays comme l’Iran, partant la Chine, ceux d’Asie centrale, la Russie même, qui aurait voix au chapitre en Europe occidentale, région maritime où baignent des Etats déstabilisés ou stratégiquement essentiels, parfois surarmés, où l’on a trouvé des réserves immenses de gaz, cette énergie du XXIe siècle, qui la contrôle, donc, contrôle l’avenir. La Russie sait aussi que, comme dans un jeu de dominos, perdre la partie ici entraînerait un déplacement du conflit tout près de ses frontières, dans cette Asie centrale où s’agitent déjà des intégristes musulmans. Qui occupe l'Eurasie tient les rênes de la planète.

    C’est pourquoi il est réjouissant de voir revenir, sur le théâtre international des nations, une Russie forte, fière et digne. La conférence de presse du président Poutine nous rappelle, nous, Français, celles du général de Gaulle, qui soutenait que la place de la France devait être au premier rang. La noblesse de notre histoire ne laissait pas d’autre alternative. C’était compter sans la trahison de nos « élites », qu’il pressentait néanmoins, lesquelles ont vendu notre indépendance, celle de l’Europe aussi, à ceux que Mitterrand, qui les avait portant bien installé dans notre culture, considéraient comme nos pires ennemis, les Etats-Unis d’Amérique.

    Claude Bourrinet (Voxnr, 21 décembre 2012)

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  • Armée française : la ruine en héritage ?...

     

    Nous reproduisons ci-dessous un pont de vue de Georges-Henri Bricet des Vallons, cueilli sur Polémia et consacré à l'état catastrophique de l'armée française. Chercheur en sciences politiques, spécialisé dans les questions stratégiques, Georges-Henri Bricet des Vallons est l'auteur d'un essai intitulé Irak, terre mercenaire (Favre, 2009) et a dirigé un ouvrage collectif intitulé Faut-il brûler la contre-insurrection (Choiseul, 2010). 

     

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    Armée française : la ruine en héritage ?

    L’Afghanistan a-t-il été le chant du cygne de l’ère des opérations extérieures de l’armée française ? A prendre au mot le concept de « betteravisation » qui fait florès dans nos états-majors (entendre retour au pays et fin de l’époque expéditionnaire), tout connaisseur de la chose militaire est porté à le croire. Coupes continues des crédits, purge massive des effectifs, cession gratuite du patrimoine immobilier, des milliers de militaires qui ne sont plus payés depuis des mois... La situation de la Défense est entrée dans une phase critique qui pourrait déboucher sur une crise sociale, capacitaire, et des vocations sans précédent historique. L’institution militaire sera vraisemblablement la principale victime de la politique ultra-récessive poursuivie par le gouvernement Ayrault, qui, en cela, ne fait que parachever les décisions prises sous le mandat de Nicolas Sarkozy. L’armée de terre sera la plus touchée, mais la Marine et l’armée de l’air auront aussi leurs lots.

    L’affaire Louvois

    Le volet le plus sensible politiquement et médiatiquement est d’abord celui des soldes non versées, lié aux dysfonctionnements chroniques qui affectent le logiciel bien mal nommé Louvois, du nom de l’énergique ministre de la guerre de Louis XIV. Problème récemment qualifié d’« invraisemblable » par le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, lui-même. Dans la continuité de la politique de rationalisation budgétaire actée par la Révision générale des politiques publiques (RGPP), le ministère de la Défense a décidé la mise en place de plusieurs systèmes d’information de « ressources humaines » (SIRH). Dans l’armée de terre, ce système d’information a été baptisé Concerto. Louvois (Logiciel unique à vocation interarmées de soldes) est la déclinaison du volet « salaires » de l’ensemble des SIRH des armées (Rhapsodie pour la Marine, Orchestra pour l’Armée de l’Air, Agorha pour la Gendarmerie). Problème : ce logiciel vendu à prix d’or et dont la maîtrise d'œuvre et la maintenance sont assurées par l’entre- prise Steria, ne fonctionne pas. Depuis le raccordement de Louvois à Concerto et le basculement unilatéral de la gestion des soldes en octobre 2011, les ratés du système perdurent et se multiplient : frais de déménagement non remboursés, indemnités de campagne non perçues, soldes non versées, ou versées avec six mois ou un an de délai, ou alors versées de manière aberrante (seul un cinquième du salaire est perçu), autant d’accrocs dus à la pléiade de bugs qui affectent Louvois. La conséquence directe est une précarisation radicale des familles : une manifestation de femmes de militaires a eu lieu l’année dernière, première du genre, mais le mouvement a vite été étouffé par les pressions exercées sur leurs maris. Résultat : certains militaires, qui attendent le versement de leurs soldes, sont ruinés, interdits bancaires et sont obligés d’emprunter pour rembourser des crédits déjà contractés alors même qu’ils ne sont plus payés ! Dans les cas les plus extrêmes, leurs femmes divorcent pour acquérir un statut de femme seule et toucher des allocations. L’affaire des soldes pourrait, à condition de se cantonner à une lecture de surface, ne relever que d’un simple bug. En réalité, le problème pourrait aller bien au-delà du raté informatique et concerner aussi la trésorerie de l’Etat. Les capacités d’emprunt auprès des marchés s’épuisant avec la crise, la priorité va au paiement des salaires des institutions syndiquées et dotées d’une forte capacité de nuisance médiatique (Education nationale), à l’inverse exact des militaires. Officiellement 10 000 dossiers sont en attente de traitement dans l’armée de terre (chiffre reconnu par le ministère). En réalité l’ensemble de la chaîne des soldes (troupe, sous-officiers et officiers) est impactée (120.000 bulletins de soldes touchés) et le chiffre réel pourrait atteindre 30 % des effectifs totaux. Pire, ces ratés touchent en majorité des militaires qui sont sur le point de partir en opérations ou qui en reviennent (60 % des dossiers). Là encore, impossible de faire la lumière sur le nombre exact de militaires touchés puisque le ministère n’en a aucune idée précise et vient de lancer un appel aux parlementaires pour faire remonter les doléances. Le ministre Le Drian a parfaitement conscience du scandale même s’il feint de le découvrir avec sa prise de fonction, puisqu’il était chargé des questions de défense auprès de François Hollande pendant la campagne présidentielle. Si Bercy ne freinait pas, le ministère aurait évidemment débloqué des fonds spéciaux pour gérer l’urgence, ce qu’il commence à faire. L’annonce récente d’un plan d’urgence et la mise en place d’un numéro vert suffiront-elles ? Les services concernés sont déjà débordés par le flot des plaintes et, faute de compétence technique, n’ont d’autre choix que d’intimer la patience.

    Sur le fond, une autre hypothèse – conditionnelle – pourrait être émise : les ratés de Louvois pourraient relever d’une stratégie mise en place par les grandes entreprises de conseil qui ont vendu ces logiciels de gestion intégrée pour démontrer au gouvernement l’incapacité des services de l’Etat à faire fonctionner des systèmes aussi complexes et obtenir une externalisation totale de leur gestion (Louvois est géré en interne par les services de ressources humaines du ministère qui sont épaulés par des équipes de Steria). Paradoxe ? L’Etat envisagerait de confier la totalité de la gestion du parc informatique du ministère à Steria. Aucune sanction financière n’a pour l’heure été prise contre l’entreprise, ce qui ne laisse pas d’interroger, tout comme l’absence de réactivité du contrôle général des armées, pourtant censé superviser et auditer ce type de dossier. Dans un contexte aussi opaque, il est de toute façon impossible de détailler avec exactitude les responsabilités de chacun. Seule une commission d’enquête parlementaire serait en mesure de le faire. On notera que seul l’ex-chef d’état-major de l’armée de l’air, le général Paloméros, constatant ces défaillances à répétition, a eu le courage de refuser le passage à Louvois. Il est depuis parti servir au sein de l’OTAN comme commandant suprême allié à Norfolk.

    Le dépérissement des PME de Défense

    La situation financière critique du ministère de la Défense recoupe également le problème des délais de paiement (9 à 18 mois en moyenne) aux PME de Défense (qui ont souvent pour seule clientèle l’Etat). La conséquence est que les PME n’ont pas les fonds de roulement nécessaires pour survivre à de tels délais et que la crise faisant, les banques ne prêtent plus. A cela il faut ajouter la perspective d’une contraction inéluctable des commandes de l’Etat liée aux coupes budgétaires dans les équipements. 211 millions d’euros avaient déjà été annulés sur la mission Défense 2011 pour rembourser une partie des 460 millions d’euros dus à Taïwan dans l’affaire des frégates après le rendu de l’arbitrage international. Pour le budget 2013, plus de 1,8 milliard pourraient être annulés ou décalés sur un total de 5,5 milliards. Il est à craindre que le tissu industriel des PME de Défense, déjà précarisé et très faiblement soutenu par l’Etat (à l’inverse de la politique pratiquée en Allemagne), risque à court terme la mort clinique. L’autre incidence de cette rétractation budgétaire est que l’effort de recherche et développement de programmes indispensables à notre autonomie stratégique, comme celui d’une capacité « drone », va être dramatiquement entravé, entraînant l’achat sur étagères de Reaper américains.

    Le « dépyramidage » et le gel des avancements

    Autre dossier brûlant : le gel de 30 % des avancements. Matignon a enjoint début septembre, via une lettre de cadrage, le ministère de la Défense d’impulser une politique de dépyramidage brutale de la structure de ses effectifs et pour ce faire de réduire du tiers les volumes d’avancement de ses personnels militaires sur les trois prochaines années. C’est l’autre bombe à retardement avec l’affaire des soldes : plus de perspective d’avancement au grade, plus d’augmentation salariale pour un tiers des militaires. Du jamais vu. Une politique de dépyramidage courageuse consisterait à acter une loi de dégagement de cadres (trop de colonels et de généraux en proportion par rapport aux officiers subalternes, sous-officiers et troupe) et à ponctionner dans les avantages du régime spécial de la 2e section (5.500 généraux en retraite dite « active », soit l’équivalent d’une brigade de réserve, pour seulement 95 rappels annuels). Le ministère ne s’y risquera sans doute pas car, contrairement à un sergent ou à un lieutenant, les généraux ont un poids politique (en interne) et une telle option susciterait des mouvements de solidarité redoutables dans un milieu pourtant sociologiquement marqué par l’individualisme.

    Au final, on ne peut que constater avec dépit l’inefficacité totale de la politique de rationalisation engagée avec la RGPP de 2008. Au lieu de baisser comme prévu, la masse salariale de la Défense a augmenté : à mesure que le ministère ponctionnait dans les effectifs opérationnels, il a embauché des hauts fonctionnaires civils (+1 438 depuis 2008) comme le rapportait la Cour des comptes en juillet dernier.

    Le bradage du patrimoine immobilier

    Il faut également ajouter à ce triste constat le dossier du patrimoine immobilier de la Défense. Le gouvernement envisage en effet d’offrir sur un plateau les emprises parisiennes du ministère à la Mairie de Paris via une cession gratuite ou une décote de 100 % (en partie déjà opérée sur le budget 2013) pour y construire des logiciels sociaux et complaire aux demandes de Bertrand Delanoë. Ces recettes extrabudgétaires liées à la vente de l’immobilier (rue Saint-Dominique et autres emprises dans le cadre du transfert vers Balard), qui représenteraient entre 350 et 400 millions d’euros, étaient pourtant censées compenser les coupes dans les crédits d’équipement.

    L’empilement des réformes non menées à terme et celles à venir

    A ce contexte déjà tendu, il faut ajouter les problèmes liés à l’empilement des réformes depuis 2008. Une réduction de 55.000 personnels de la Défense avait déjà été actée par le Livre blanc passé. La Défense supportera ainsi 60 % des réductions de postes dans la fonction publique pour l’exercice 2013 : 7.234 supprimés sur les 12.298 au total. De surcroît, la refonte de la carte régimentaire (dissolution de dizaines de régiments, parfois décidée en fonction de calculs purement politiciens) qui a abouti à la création des Bases de défense, censées centraliser au niveau régional la gestion logistique et financière des emprises, et qui a été menée en fonction de postulats purement technocratiques, a abouti à créer des usines à gaz et à promouvoir un chaos gestionnaire. Les BdD ne fonctionnent pas et il est également prévu de réduire leur nombre initialement prévu (90).

    Sur les difficultés non digérées des réformes passées vont enfin se greffer celles des réformes à venir et qui seront entérinées par le Livre blanc à paraître en février prochain. Si pour l’heure, ces perspectives ne relèvent que des secrets d’alcôve qui agitent les couloirs de la Commission du Livre blanc, elles semblent déjà quasi actées : le gouvernement projetterait de supprimer une annuité budgétaire complète sur la période 2014-2020, c’est-à-dire pas moins de 30 à 40 milliards sur les 220 milliards prévus sur la période par le Livre blanc (1) précédent. Une purge budgétaire qui serait corrélée à un projet de réduction de 30.000 postes opérationnels dans les armées (la quasi-totalité dans l’armée de terre, 3.000 dans la Marine et 2.000 dans l’armée de l’air) (2). Ce qui porterait les effectifs terrestres d’ici peu à un volume équivalent à celui de l’armée de terre britannique (80.000 hommes). Jamais l’armée française n’aura connu un volume de forces aussi faible dans son histoire depuis la Révolution.

    Un format d’armée mexicaine

    Aucune des lois de programmation militaire décidées par les gouvernements de droite et de gauche, et qui sont pourtant censées fixer le cap stratégique des armées et sanctuariser les investissements budgétaires, si cruciaux pour maintenir un modèle d’armée cohérent, n’ont été respectées depuis la professionnalisation de 1996. L’horizon d’un tel processus est clair : un effondrement radical des moyens humains et matériels (3) de nos forces, un format d’armée mexicaine (l’armée de terre compte actuellement 173 généraux en 1re section pour un effectif de moins de 110-120 000 hommes, là où le Marines Corps n’en recense que 81 pour un effectif quasi double de 220 000) avec une haute hiérarchie civile et militaire à peu près épargnée en raison de considérations politiques (puisque c’est elle qui exécute les réformes), un taux de disponibilité des matériels extrêmement faible, des forces incapables de se projeter hors des frontières et des programmes militaires vitaux qui ne pourront être pleinement financés (drones, renouvellement véhicules terrestres, développement d’une capacité de cyber-défense).

    Le décrochage géostratégique de la France

    La parade, qui consiste à tout miser sur un modèle d’intervention indirecte (formation à l’arrière de forces étrangères avec l’appui de notre aviation et de petits contingents de forces spéciales, comme ce qui est prévu au Mali et ce qui a été fait en Libye) et le renseignement, ne suffira pas à empêcher le décrochage brutal de notre influence géostratégique. Il se pourrait surtout que le Livre blanc acte définitivement l’idée de smart défense (*) et de mutualisation des capacités nucléaires avec l’Angleterre (qui en tirera tous les bénéfices), achevant de décapiter ce qui restait de souveraineté stratégique à la France après la réintégration dans l’OTAN. La route du désastre est donc parfaitement balisée.

    Comment expliquer cette pression extrême sur le budget de la Défense ? Très simplement par le fait que l’armée est la seule institution publique à ne pouvoir compter sur un contrepouvoir syndical et que le politique se sent, en conséquence, autorisé à toutes les oukases. On pense notamment au scandale de la campagne double refusée jusqu’en 2011 aux militaires ayant servi en Afghanistan (4).

    Voilà plus de soixante ans, le général De Gaulle avertissait déjà dans un discours fameux : « La Défense ? C’est la première raison d’être de l’Etat. Il ne peut y manquer sans se détruire lui-même ! » Il semble que cette phase d’autodestruction soit désormais irrémédiablement engagée. Si le politique choisit la facilité et s’entête dans ce processus de désossage budgétaire de notre puissance militaire, et si le haut commandement n’y trouve rien à redire, il ne restera bientôt à nos forces, en lieu de drapeau et de fierté, que l’héritage de la ruine. On pourra alors graver au frontispice des régiments les mots de Shelley flétrissant l’orgueil du roi Ozymandias : « Rien à part cela ne reste. Autour des décombres / De ce colossal naufrage, s’étendent dans le lointain / Les sables solitaires et plats, vides jusqu’à l’horizon. »

    Georges-Henri Bricet Desvallons  (Polémia, 3 novembre 2012)

    Notes de l'auteur :

    1. Le Livre blanc 2008 tablait sur une enveloppe budgétaire de 377 milliards d’euros d’investissement sur la période    2009-2020, avec une progression nette du budget entre 2015 et 2020 (160 milliards ayant été virtuellement consommés sur la tranche 2009-2013).
    2.  Ces 30.000 postes ne pourraient représenter qu’une première tranche et suivis de 30.000 autres sur les dix prochaines années, ce qui rapporterait le volume des forces terrestres à un seuil critique de 60.000 hommes.
    3.  Pour 2013, les programmes touchés sont les suivants : le camion blindé PPT, l’Arme individuelle du futur (remplaçant du Famas), le VLTP (successeur de la P4), le programme-cadre Scorpion de modernisation des forces terrestres et des GTIA.
    4.   Le ministère de la Défense précédent ayant en effet refusé de qualifier l’engagement en Afghanistan de « guerre » jusqu’en 2011, les militaires partis en Opex n’ont pu prétendre aux bénéfices du dispositif de la campagne double. Parmi les régimes d’opérations qui ouvrent un droit à une bonification des cotisations de retraite, on distingue communément la campagne double (6 mois de service valent 18 mois au titre de la pension) de la campagne simple (6 mois valent 12 mois) et de la demi-campagne (6 mois valent 9 mois). Ce n’est ni le lieu ni la durée de l’engagement qui détermine le régime de campagne mais sa « nature ».
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