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alain de benoist - Page 42

  • Un conflit d'ordre religieux et métaphysique...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire, dans lequel il évoque le conflit israélo-palestinien... Philosophe et essayiste, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Ce que penser veut dire (Rocher, 2017) et L'écriture runique et les origines de l'écriture (Yoran, 2017).

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    Alain de Benoist : « Pourquoi le conflit israélo-palestinien est d’ordre religieux et métaphysique… »

    Israël fête, cette année, son soixante-dixième anniversaire. Certains, à droite, y voient une extension de l’Occident en Orient. D’autres, à gauche, un État colonial. Les Israéliens paraissent eux-mêmes divisés sur la question, tiraillés qu’ils sont entre socialisme d’origine et fièvre mystico-religieuse. Que reste-t-il, aujourd’hui, des idéaux sionistes ?

    L’idéal sioniste se solde à la fois par un succès et un échec. Le succès porte un nom : c’est l’État d’Israël, dont la naissance en 1948, dans les conditions que l’on sait, montre bien qu’une idée qui n’a longtemps été qu’une abstraction (ou un rêve) peut parfois se réaliser dans les faits. C’est d’autant plus remarquable qu’à l’époque où Theodor Herzl écrivait son État des Juifs (1896), le sionisme était loin de faire l’unanimité dans les milieux juifs religieux. Ce succès comporte, d’ailleurs, un autre volet : l’extraordinaire renaissance de l’hébreu parlé, grâce notamment aux efforts d’Eliézer Ben-Yehoudah.

    L’échec tient au fait que l’idéologie sioniste s’était fondée, au départ, sur la conviction que seule la création d’un État juif permettrait au peuple juif de disposer d’un lieu sûr après des siècles de tribulations et de persécutions, alors que l’on constate aujourd’hui qu’Israël est peut-être le pays où les Juifs sont le moins en sécurité ! À cela s’ajoute que le vieux principe « une terre sans peuple pour un peuple sans terre » était d’un parfait irénisme : la Palestine n’a évidemment jamais été une « terre sans peuple ».

    Le conflit israélo-palestinien dure depuis le début de l’État d’Israël. Comment pensez-vous qu’il pourrait prendre fin ?

    Israël ne veut pas d’un État binational, car il sait bien qu’à court terme, pour de simples raisons démographiques, cet État cesserait d’être un État juif. Mais il ne veut pas, non plus, d’une solution à deux États, estimant qu’un État palestinien constituerait pour lui une menace. Toutes les options paraissent donc bouchées.

    Je crois que c’est au politologue Quentin Skinner que l’on avait demandé un jour qui avait raison, selon lui, les Israéliens ou les Palestiniens. Il avait répondu que les uns comme les autres avaient raison, et que c’est pour cela que ce conflit ne prendrait jamais fin. C’est aussi mon avis, mais pour une raison différente : plus qu’un conflit politique, stratégique, territorial ou démographique, le conflit israélo-palestinien est d’abord un conflit religieux et métaphysique. Les conflits métaphysiques ne sont pas négociables. Ils ne peuvent faire l’objet d’un compromis, parce que le Bien ne peut pas faire de compromis avec le Mal. Quand les deux parties se regardent mutuellement, non pas seulement comme des ennemis, mais comme des incarnations du Mal, la guerre devient inexpiable. Elle ne prend fin qu’avec la disparition de l’un des belligérants.

    Les dernières manifestations palestiniennes dans la bande de Gaza se sont soldées par plus d’une centaine de morts et un millier de blessés. Israël affirme que le Hamas pousse lui-même en avant les manifestants, en particulier les enfants, pour qu’il y ait parmi eux le plus de victimes possible afin de s’attirer la sympathie de l’opinion internationale. Qu’en pensez-vous ?

    Dans ce cas, il y aurait une excellente façon de déjouer ce cynique calcul : ce serait de ne tirer sur personne ! Au demeurant, le raisonnement selon lequel l’armée israélienne sert la cause palestinienne quand elle tue des Palestiniens ne me paraît pas conduire bien loin… Pour ma part, je m’en tiens aux définitions courantes. Quand une armée régulière tire à balles réelles sur des manifestants seulement équipés de pierres, de bâtons, de cocktails Molotov et de cerfs-volants, cela s’appelle un massacre.

    Quant à la décision de Donald Trump de transférer l’ambassade de son pays de Tel Aviv à Jérusalem, dont la portée symbolique est évidente, rappelons qu’elle a été prise en violation de la résolution adoptée le 29 novembre 1947 par l’Assemblée plénière de l’ONU qui plaçait Jérusalem sous un régime spécial international (raison pour laquelle les ambassades étrangères se sont installées à Tel Aviv).

    En France, dans certains milieux conservateurs, il est souvent dit que ce qui se passe là-bas « ne nous regarde pas ». Beaucoup de gens de droite se disent aussi solidaires des Israéliens au seul motif que ceux-ci font face à des Arabes. Politique à courte vue ?

    Quand on montre la Lune, il y a toujours des idiots qui regardent le doigt ! Il y a aussi des gens qui préfèrent regarder « On n’est pas couché » plutôt que de s’intéresser à ce qui se passe à l’étranger. Je crois vain d’essayer de leur faire comprendre que ce qui se passe en Palestine n’est qu’une pièce sur l’échiquier proche-oriental, et que ce qui se passe sur cet échiquier nous concerne directement, ne serait-ce que parce que cela conditionne le maintien de la paix ou le déclenchement de la guerre dans le monde. À l’époque de la mondialisation, les conséquences des grands événements ne s’arrêtent pas plus aux frontières que les perturbations climatiques ou les nuages de Tchernobyl. Quant à ceux qui adorent voir tirer du Palestinien en Israël parce qu’ils aimeraient bien voir quelque chose de semblable se dérouler dans les banlieues, on ne peut que leur conseiller d’aller vivre quelque temps dans les territoires occupés. Ils constateront que les deux situations n’ont rien de comparable, que les « occupants » ne sont pas les mêmes et qu’il n’est pas très logique de déplorer « le Grand Remplacement » en France tout en soutenant, dans les territoires, le Grand Remplacement des Palestiniens (qui sont chez eux aussi) par des colons israéliens.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 16 juin 2018)

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  • Emmanuel Macron, le contre-populiste...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire, dans lequel il évoque la politique d'Emmanuel Macron... Philosophe et essayiste, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Ce que penser veut dire (Rocher, 2017) et L'écriture runique et les origines de l'écriture (Yoran, 2017).

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    Alain de Benoist : « Contrairement aux apparences, Emmanuel Macron est un contre-populiste ! »

    Voilà un an qu’Emmanuel Macron, le Président que personne n’avait vu venir, est à l’Élysée. Que sait-on, maintenant, sur lui ? Peut-on dresser un premier bilan de son action ?

    Macron a eu beaucoup de chance. Mais il faut reconnaître qu’il a su forcer la chance. Il a parfaitement mesuré l’envie de « dégagisme », de renouvellement, mais aussi de « verticalité », qui montait dans l’opinion depuis des années. Instruit par l’expérience de ses prédécesseurs, dont il ne veut pas répéter les fautes, il a parfaitement compris que les vieux partis institutionnels ont fait leur temps et que le clivage droite-gauche ne veut plus dire grand-chose dès lors qu’il ne renvoie plus qu’à une « alternance unique ». C’est ce qui lui a permis de réussir là où Giscard et Rocard avaient échoué : regrouper au « centre » les libéraux de gauche et de droite acquis à la mondialisation.

    Sur le plan de la personnalité, Macron est un libéral autoritaire, absolument pas un moraliste « humaniste » (il est aussi dénué de scrupules que Sarkozy, et s’il a fait appel à Jean-Michel Blanquer, c’est avant tout pour adapter l’école aux exigences de l’entreprise). « Agnostique » sur les problèmes de société, c’est un homme qui n’a pas d’amis mais seulement des conseillers techniques, qui a réussi à faire de ses ministres des employés et de sa majorité parlementaire une armée de zombies, simple reflet de son électorat. Le « macronisme », c’est Macron et rien d’autre.

    Sa façon de gouverner est typique du style managérial : apparaître sympathique, ouvert et détendu, aller « au contact », favoriser par principe le « dialogue » et la « délibération », mais sans jamais dévier d’un pouce de ce qu’il a décidé par avance. En d’autres termes, parler avec tout le monde mais n’écouter personne. Main de fer et sourire commercial. C’est ainsi qu’il est arrivé à faire passer sa loi de « moralisation de la vie politique », puis la réforme du Code du travail, puis celle de la SNCF, en attendant celles de l’audiovisuel public, des retraites et de la fiscalité.

    À sa manière, n’est-il pas, lui aussi, un populiste ?

    Je le définirais plutôt comme un contre-populiste. Il a opéré pour la classe dominante le regroupement que les populistes tentent de réaliser à la base. Dans son vocabulaire, le clivage principal est désormais celui qui oppose les « progressistes » aux « conservateurs ». Les premiers sont tout simplement les libéraux, les seconds ceux qui restent attachés à des valeurs ou des principes que l’individualisme moderne n’a pas encore liquidés.

    L’objectif qu’il s’est fixé est simple : réformer la France pour l’adapter aux exigences de la modernité libérale. Et pour ce faire, parier sur les ambitions et les initiatives individuelles des « premiers de cordée » plutôt que sur les énergies et les passions collectives. Cette volonté d’être en phase avec l’idéologie dominante est le cœur même de sa doctrine. « L’article un du macronisme, c’est l’européisme », constatait récemment Marcel Gauchet. L’idée sous-jacente est celle énoncée jadis par Margaret Thatcher : « Il n’y a pas d’alternative. »

    Comme l’a écrit Paul Thibaud, « Macron considère la France de l’extérieur, à partir de l’universalisme direct où il s’est établi. » Il reconnaît, certes, à l’appartenance nationale une valeur sentimentale, mais la réduit à sa capacité d’adaptation au milieu ambiant. La France n’est pas, pour lui, le support d’une identité commune, mais une quasi-entreprise (une « start-up ») qui doit avant tout se tourner vers l’avenir et à laquelle il faut donner toutes ses chances de réussir, fût-ce au détriment des perdants, étant entendu que sa capacité à réussir implique son alignement sur les critères de Maastricht, ce qui ne peut qu’aboutir à toujours plus de précarité, de dévaluation salariale, de difficulté à vivre pour cette partie grandissante de la population qui n’appartient pas aux secteurs compétitifs insérés dans la mondialisation. D’où sa réputation justifiée de « Président des riches » – mais sans doute faudrait-il plutôt dire de « Président des gagnants ». Les nouvelles fractures politico-sociales ne peuvent donc que s’aggraver.

    Quelles sont les chances de l’opposition ?

    Déjà assuré d’une majorité aux ordres, Macron n’a de surcroît aucune opposition crédible face à lui, ce qui est à peu près inédit dans notre histoire. Il gouverne de manière d’autant plus autoritaire qu’il manœuvre dans un champ de ruines. À gauche, le Parti socialiste ne parvient toujours pas à se relever, tandis que La France insoumise se divise de plus en plus entre les lignes d’Alexis Corbière et de Clémentine Autain ; c’est-à-dire entre partisans d’une forme de populisme inspirée de Podemos, qui veulent « fédérer le peuple », et ceux qui veulent surtout ne pas se couper des « forces de gauche ». Mélenchon fait partie des premiers, mais il ne peut aller jusqu’au bout de sa démarche, car cela l’obligerait à un changement de cap radical à propos de l’immigration.

    À droite, la concurrence des appareils de partis ruine toute tentative d’union. Certes, la porosité est plus grande à la base, mais cela reste limité au plan local. À l’échelon national, il manque une figure charismatique nouvelle, susceptible de rallier aussi bien les classes moyennes que les classes populaires, rôle que ne peuvent tenir, pour des raisons différentes, ni Marine Le Pen ni Nicolas Dupont-Aignan ni Laurent Wauquiez. Sans une telle figure, tous les efforts de la « droite hors les murs » resteront vains. Il manque aussi, et peut-être surtout, l’aggiornamento doctrinal qui permettrait à cette droite de congédier une fois pour toutes la tentation libérale qui, de pair avec l’opportunisme, pousse tant de Républicains à rejoindre les rangs macroniens au motif qu’après tout, Macron réalise ce qu’ils voulaient faire eux-mêmes depuis longtemps.

    Certains espèrent que, lorsque le macronisme aura commencé à décliner, le vieux paysage politique bipolaire va renaître de ses cendres après lui. Je ne le crois pas un instant. L’élection de Macron a engagé un processus de recomposition générale sur lequel on n’est pas près de revenir. C’est en cela que réside son caractère historique.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Gauthier, 15 juin 2018)

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  • Nouvelle économie ?...

    Le numéro 48 de la revue Krisis, dirigée par Alain de Benoist, avec pour rédacteur en chef Thibaut Isabel, vient de paraître. Cette nouvelle livraison est consacrée à la nouvelle économie du monde numérisé et robotisé qui vient...

    Vous pouvez commander ce nouveau numéro sur le site de la revue Krisis ou sur le site de la revue Eléments.

    Bonne lecture !

     

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    " D’après un rapport mené par un cabinet de stratégie allemand, 42% des emplois français actuels seront très probablement automatisés à moyen ou long terme. Chacun doit mesurer l’ampleur d’une telle prévision: les répercussions immédiates d’un choc d’automatisation aussi considérable risquent d’être ressenties non seulement dans l’économie, mais dans la société tout entière. Le monde ne sera plus le même dans cinquante ans, en bien comme en mal. Les discours qui nous paraissent aujourd’hui alarmistes deviendront peut-être demain dramatiquement réalistes; et les utopies naïves prendront des allures d’urgence et de nécessité. Comment les systèmes d’aide sociale auxquels la France est habituée se maintiendront-ils dans une société où le chômage de masse prendra de telles proportions? A contrario, imagine-t-on qu’un régime économique aussi inégalitaire puisse tenir sur la durée? Lorsque des robots et des algorithmes assumeront la majeure partie du labeur autrefois pris en charge par des travailleurs humains, le travail perdra lui-même le caractère de fatalité qu’il avait revêtu jusqu’à lors. Un monde sans travail, ou qui impliquerait tout du moins une part de travail réduite, semble donc désormais possible. Cela pose une multitude de questions. Qui continuera de travailler? Comment subviendra-t-on aux besoins de tous les autres? Une société peut-elle survivre si le chômage touche l’essentiel de sa population, alors que la quantité de richesses produites n’a jamais été aussi grande? "


    Sommaire :

    Éditorial

    Entretien avec Bernard Stiegler / Un monde en pleine mutation.

    Sylvain Fuchs / Les mirages de la finance: une utopie contemporaine.

    David D. Clark / Un autre Internet est-il possible?

    Cornelius Castoriadis / Document: L’individualisme néolibéral  et la montée de l’insignifiance (1996).

    Débat entre Denis Collin et Pierre-Yves Gomez / L’économie  du XXIe siècle à la lumière de Karl Marx.

    Thomas Guénolé / Peut-on sortir de la mondialisation?

    Thomas Hennetier / Aux sources de l’économie globale: la conquête européenne du «nouveau monde».

    Jérôme Maucourant / Karl Polanyi contre la société de marché.

    Olivier Rey / Ivan Illich et le désastre croissantiste.

    Arnaud Diemer / Repenser le travail.

    Frédéric Dufoing / Vers une économie écologiste.

    Marc de Basquiat / Le revenu d’existence.

    Karl Polanyi / Le texte: Le marché autorégulateur et les marchandises fictives (1944).

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  • Maurras sous l’œil des experts...

    Dans ce nouveau numéro de l'émission de TV Libertés, « Les idées à l’endroit », Alain de Benoist reçoit  Olivier Dard, Frédéric Rouvillois, Gérard Leclerc et Aristide Leucate pour évoquer la pensée et l’œuvre de Charles Maurras, écrivain, poète, journaliste et théoricien politique, principal animateur de l'Action française.

     

                                         

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  • Italie : le coup de tonnerre !...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire, dans lequel il évoque l'arrivée au pouvoir en Italie de la coalition populiste... Philosophe et essayiste, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Ce que penser veut dire (Rocher, 2017) et L'écriture runique et les origines de l'écriture (Yoran, 2017).

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    Alain de Benoist : « Le principal ennemi du nouveau gouvernement italien ? Les marchés financiers et les technocrates européens ! »

    Avec la constitution, en Italie, d’un nouveau gouvernement reposant sur l’alliance de la Ligue et du Mouvement 5 étoiles, respectivement représentés par Matteo Salvini et Luigi Di Maio, tous deux nommés vice-Premiers ministres, assistons-nous à un nouvel épisode de ce « moment populiste » dont vous dessiniez les contours dans l’un de vos récents essais ?

    Malgré la tentative de coup d’État légal du président Mattarella qui, s’arrogeant des droits que la Constitution italienne ne lui accorde pas, et avant de se raviser devant le tollé soulevé par son attitude, a tenté le 27 mai de mettre son veto à la constitution de ce nouveau gouvernement pour complaire à la Commission de Bruxelles et aux marchés financiers, les représentants de la Lega et du Mouvement 5 étoiles sont arrivés au pouvoir. Les sondages montrent qu’ils ont l’appui d’une nette majorité du peuple italien, auquel ils affirment vouloir « redonner la parole » tout en rompant dans pratiquement tous les domaines (immigration, austérité, revenu de citoyenneté, système fiscal, etc.) avec la vulgate dominante. Il est évident que l’élection d’une majorité souverainiste et « anti-système » en Italie, pays fondateur du Marché commun et troisième économie de l’actuelle Union européenne, est un véritable coup de tonnerre. C’est, en effet, ce type d’événement que laissait prévoir mon livre Le Moment populiste.

    Cela dit, il suffit d’examiner dans le détail la composition du nouveau gouvernement italien pour constater que ce n’est pas, à proprement parler, un gouvernement populiste. Ce qu’on peut dire, en revanche, c’est qu’il s’en rapproche. Giuseppe Conte, le nouveau président du Conseil, n’a en tout cas pas éludé la question : « Si populisme, a-t-il dit, signifie être capable d’écouter les besoins des personnes, alors nous le revendiquons ! »

    Quelles sont les chances de ce gouvernement « anti-système » de parvenir à mettre en œuvre avec succès sa politique ?

    Les obstacles seront évidemment nombreux, soit qu’ils viennent de l’inexpérience relative des nouveaux gouvernants, soit qu’ils tiennent à l’irréalisme de certaines de leurs propositions, soit encore qu’ils résultent de rivalités ou de divergences de vues entre la Ligue et le mouvement 5 étoiles qui, pour être l’un et l’autre opposés au « système », ne sont néanmoins pas d’accord sur tout et s’adressent aussi à des électorats socialement et géographiquement différents (la Ligue étant surtout implantée dans le nord et 5 étoiles dans le sud).

    Mais le principal danger viendra, bien sûr, des marchés financiers et des technocrates de l’Union européenne qui, comme cela s’est déjà passé en Grèce, feront tout ce qui est en leur pouvoir pour faire capoter le programme de ce nouveau gouvernement. On se souvient de la petite phrase de l’Allemand Günther Oettinger, commissaire européen au Budget, assurant que « les marchés financiers vont apprendre aux Italiens comment voter ». Et aussi de l’article du Financial Times qualifiant Salvini et Di Maio et, avec eux, leurs 17 millions d’électeurs de « barbares » (Salvini répliquant aussitôt : « Nous préférons être des barbares que des domestiques. »). On voit mal, dans ces conditions, les instances européennes accepter l’annulation de tout ou partie de la dette publique italienne, comme le réclame le nouveau gouvernement…

    Reste, aussi, à dissiper quelques équivoques. Le nouveau gouvernement affirme, ainsi, que la Russie est « à percevoir, non pas comme une menace, mais comme un partenaire ». Mais comment pourra-t-il combattre les sanctions prises contre la Russie alors qu’il a aussi confirmé son « appartenance à l’Alliance atlantique, avec les États-Unis comme allié privilégié ». Le nouveau gouvernement va-t-il, par exemple, refuser les nouvelles bombes atomiques B61-12 que les États-Unis se préparent à déployer en Italie contre la Russie ?

    Cet événement est, en tout cas, une pierre de gros calibre jetée dans le jardin d’Emmanuel Macron. Et à l’échelle de l’Europe ?

    C’est en effet une très mauvaise nouvelle pour Emmanuel Macron, qui a tout misé depuis son élection sur une relance de la construction européenne. Or, l’Union européenne est, aujourd’hui, prise dans une véritable dynamique de désintégration. L’Italie se dote d’un gouvernement à l’exact opposé de toutes les orientations macroniennes au moment même où, en Allemagne, l’ère Merkel est en passe de s’achever, où l’Espagne, qui vient elle aussi de changer de gouvernement, continue à se débattre dans le psychodrame catalan, où le populisme gronde en Autriche, en Slovénie, au Danemark et ailleurs, où la Grande-Bretagne n’en finit pas de négocier les conditions de son Brexit et où le groupe de Visegrád a quasiment fait sécession par hostilité aux diktats européens en matière migratoire.

    Cette érosion des partis institutionnels au profit des mouvements « populistes » est le résultat de trente ans de frontières ouvertes, de délocalisations et de déclin des classes moyennes. Marcel Gauchet écrivait récemment que « le clivage actuel est celui de la France sans avenir contre la France pour laquelle l’avenir n’est pas un problème ». Ce diagnostic peut se transposer aisément à toute l’Europe, au point que l’on peut se demander si les prochaines élections européennes ne révéleront pas une quasi-majorité d’eurosceptiques. Ce serait alors le début de la fin.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 9 juin 2018)

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  • Julien Freund et l’essence du politique...

    Dans ce nouveau numéro de l'émission de TV Libertés, « Les idées à l’endroit », Alain de Benoist reçoit  Rémi Soulier, essayiste, et Patrick Tacussel, sociologue, pour évoquer la pensée et l’œuvre du philosophe politique Julien Freund, auteur, notamment, de L'essence du politique, et principal introducteur de Carl Schmitt en France.

     

                                      

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