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1984 - Page 2

  • Orwell ou le pouvoir de la vérité...

    Les éditions Agone publient cette semaine un essai de James Conant consacré à l'auteur de 1984 et intitulé Orwell ou le pouvoir de la vérité. Diplomé de Harvard, James Conant enseigne la philosophie à l'université de Chicago.

     

     

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    "Pour Orwell, « le concept de vérité objective est celui de quelque chose qui existe en dehors de nous, quelque chose qui est à découvrir et non qu’on peut fabriquer selon les besoins du moment ». Le plus effrayant dans le totalitarisme n’est pas qu’il commette des « atrocités » mais qu’il s’attaque à ce concept. Pourtant, cette perspective d’un monde d’où l’idée de vérité objective aurait disparu n’effraie guère la plupart des intellectuels de gauche. Qu’ils se réclament de Rorty le « libéral » ou de Foucault le « subversif », ils y travaillent activement en proclamant que ces idées sont dépassées, dogmatiques et finalement réactionnaires.
    Cet essai montre que « préservation de la liberté et préservation de la vérité représentent une seule et indivisible tâche, commune à la littérature et à la politique ». Celle-ci ne présuppose aucun postulat métaphysique mais seulement la reconnaissance du rôle fondamental que joue dans nos vies le concept commun et ordinaire de « vérité ».
    De tels débats ne sont pas « purement philosophiques ». O’Brien, le dirigeant politique qui torture méthodiquement le héros de 1984, n’est pas un colonel parachutiste mais un philosophe cultivé, ironiste et courtois, professant qu’il n’y a pas de réalité objective et que « tout est construit »."

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  • Né en 1984...

    Les éditions Le retour aux sources viennent de publier Né en 1984 - Abécédaire pour une jeunesse déracinée, un essai d'Adrien Abauzit. Avocat, Adrien Abauzit dénonce dans ce livre le totalitarisme de marché qui règne autour de nous...

     

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    "1984…Dans son célèbre roman, Georges Orwell décortique une certaine version du cauchemar totalitaire.

    Nos démocraties contemporaines constituent apparemment l’exact opposé de la dictature orwellienne. Mais peut-être n’est-ce là que la surface trompeuse d’une eau pure, sous laquelle gît une boue infâme.

    Et si au contraire, nos sociétés ne se distinguaient des totalitarismes passés que par la perfection méthodologique de l’oppression ?

    La perfection de ce système d’oppression, c’est son ignorance par lui-même. Dans la logique du despotisme, l’ignorance, c’est la force. Donc ignorer qu’on a intériorisé cette maxime, c’est l’avoir poussé à ses plus extrêmes implications. Là réside la supériorité du totalitarisme de marché : pas ou peu de violences sur les corps, mais une insidieuse violence faite aux esprits. La quantité de violence n’a jamais été aussi grande, mais elle reste invisible.

    C’est la plus grande mystification de l’histoire : l’Occident prétendument démocratique est devenu une dictature parfaite, le premier totalitarisme viable.

    Un totalitarisme où le bon sens est considéré comme subversif, où l’évidence est déclarée extrémiste. Un totalitarisme où le Bien est le Mal et le Mal est le Bien, où l’annexe devient le principal et le principal devient l’annexe, où la vacuité triomphe pendant que l’intelligence est traquée.

    Un totalitarisme où, enfin, l’esprit public est constamment égaré, détourné des vraies questions et plongé dans les fausses. Un totalitarisme où les citoyens sont écrasés par le mal identifié par Simone Weil derrière le totalitarisme : le déracinement."

     

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  • Le concombre victime des cornichons médiatiques ?...

    La "crise du concombre tueur" qui a secoué l'Europe au cours de ces derniers jours a inspiré ce petit texte mordant, publié sur Polémia, à Michel Geoffroy.

     

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    Le concombre victime des cornichons médiatiques

    Les anciens se souviendront sans doute que le sinistre Furax, héros de l’émission radiophonique et burlesque « Signé Furax » diffusée dans les années 1960, avait inventé le gruyère qui tue. Mais en 2011 la réalité médiatique dépasse désormais la fiction. En effet, les médias viennent d’inventer le concombre qui empoisonne.

    L’affaire du concombre espagnol tueur d’Allemands est exemplaire, en effet, à plus d’un titre.

    L’emballement médiatique à l’œuvre

    Exemplaire d’abord des mécanismes de l’emballement médiatique. Ce sont toujours les mêmes : l’orchestration « d’informations » sur un mode accusatoire mais qui ne sont pas bien vérifiées, et qui va crescendo, car aucun média ne veut être en reste dans la course à l’audimat. Alors on en rajoute dans la simplification. On l’a vu dans l’affaire des prétendus espions chinois de Renault, dans celle de l’ophtalmo « raciste » ou dans la présentation de la catastrophe nucléaire imminente de Fukushima. A chaque fois ce qui compte c’est le sensationnel de la révélation médiatique du Mal. Pas la vérité de faits établis. Et le Mal a toujours un responsable, un coupable potentiel que l’on va, vite, jeter en pâture aux lecteurs et aux spectateurs, pour renouveler l’intérêt. Un coupable, cela rassure. Pas question donc de donner la parole à la défense. Encore moins à ceux qui doutent.

    Dans cette affaire rien n’arrête le torrent médiatique. Car il va à la vitesse de la lumière. Il emporte les responsables politiques allemands, puis la Commission européenne à la suite des autorités sanitaires de Hambourg. En Europe on s’inquiète. Dans nos marchés on boude les légumes, d’autant qu’ils ont déjà pu subir le passage du nuage radioactif de Fukushima, n’est-ce pas ? Les Russes menacent de fermer leurs importations de légumes en provenance d’Europe de l’Ouest.

    Personne parmi le courageux Establishment politique occidental ne veut courir le risque, en effet, d’être accusé un jour – par les médias et donc par un juge – de ne pas mettre en œuvre le fameux principe de précaution. On voulait nous vacciner contre une épidémie de grippe imaginaire. On nous protégera donc du terrible concombre et de sa « bactérie tueuse ». Pour notre bien.

    Déni de cohérence ensuite

    Mais, une semaine après, on ne sait toujours pas ce qui s’est passé ni qui a empoisonné qui. Il paraît maintenant que l’on suspecterait des… germes de soja produits en Basse-Saxe. Bravo à « la société de l’information » !

    Les Espagnols sont à juste titre furieux : les conséquences économiques de cet embargo de fait seront lourdes pour leur pays déjà en situation extrêmement difficile. Il paraît qu’ils vont porter plainte à Bruxelles. Mais l’indifférence à l’égard des conséquences est la marque du système médiatique : il ne vit que dans l’instant. Il ne cherche qu’à capter notre attention pour diffuser les bons messages publicitaires, pas à générer notre réflexion ni à augmenter notre savoir.

    Le principe de l’information contemporaine reste « Circulez, il n’y a rien à voir ! »

    Curieusement, parmi ces « experts » médiatiques qui nous expliquent en permanence les bienfaits de la suppression des frontières et du commerce, de préférence mondial, aucun ne relève que le fait d’importer des concombres dans des pays tempérés qui pourraient très bien en produire (les concombres cela pousse partout, même en Russie) n’est peut-être pas un optimum social ni même économique. Ces mêmes médias nous expliquaient aussi, pour justifier leur discours cosmopolite, que « les frontières n’arrêtent pas les épidémies ». Pas de chance : le premier réflexe des autorités – d’abord allemandes – dans ce genre de situation est justement de rétablir des frontières sanitaires. Pour un tout petit concombre, au surplus. Ainsi les frontières cela marcherait aussi ? Et cela pourrait nous protéger ? Diable !

    La mise en scène du Mal

    Ce petit concombre révèle enfin que nos sociétés occidentales ne peuvent plus se passer de la mise en scène du Mal. N’importe lequel, pourvu qu’il fasse peur. Guerres (si possible loin), catastrophes (si possible avec beaucoup de morts), accidents (nucléaires, bien sûr), crimes (si possible odieux ou contre l’humanité), idées politiquement incorrectes (surtout si elles renvoient aux « heures sombres de notre histoire »), violences (si possibles urbaines) : tout est bon.

    L’orchestration du Mal a, en effet, une fonction politique bien précise dans un système qui repose sur l’idée que s’il est imparfait, d’autres seraient bien pires encore. G. Orwell, dans son roman 1984, montrait que dans cet univers totalitaire les citoyens étaient régulièrement invités à célébrer « le quart d’heure de la haine » : celui où ils étaient conviés à voir le visage de leur ennemi, le visage du mal. Pour mieux aimer leur triste présent.

    C’est pourquoi le Système médiatique produit en permanence des images du Mal, réel ou supposé. Fabriqué au besoin. Car la peur engendre la soumission vis-à-vis du pouvoir, vis-à-vis du Système et de ceux qui l’incarnent.

    Exit Ben Laden. Voici maintenant le terrible concombre espagnol qui va tous nous empoisonner. Et ce légume inquiétant n’aurait-il pas déjà contaminé aussi nos salades, nos tomates, nos villes et nos campagnes ? Ah ces satanés Espagnols !

    C’est qu’à l’ère des cornichons* médiatiques, les concombres sont rois.

     

    Michel Geoffroy (Polémia, 7 juin 2011)

    (*) Petit concombre cueilli avant maturité et utilisé comme condiment.

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  • Qui sera le prochain Goldstein ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un excellent article de Jérôme Leroy, cueilli sur Causeur, à propos de l'élimination de Ben Laden. Il faut relire Orwell !...

     

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    Ben Laden : qui sera le prochain Goldstein ?

    Dans 1984 de George Orwell, qui reste décidément le livre essentiel pour comprendre notre modernité, l’archétype du traître, le génie du mal, le grain de sable dans les rouages de l’Angsoc de Big Brother s’appelle Goldstein. Il a été l’un des principaux compagnons de Big Brother dans la conduite de la Révolution avant de se retourner contre lui et de lui livrer une guerre sans pitié, menant des opérations de déstabilisation depuis l’étranger, organisant des attentats au cœur de Londres et exhortant les citoyens pourtant si heureux d’Oceania à la révolte.

    Le lecteur se demande d’ailleurs si Goldstein, tout comme Big Brother, existe vraiment en tant que personne ou si c’est l’incarnation fictive de celui qu’il faut détester collectivement pour assurer la cohésion aléatoire d’une société elle-même minée par des contradictions intenables. Autrement dit Orwell montre, à travers ce personnage de Goldstein, opposant à la fois radical et complètement instrumentalisé par le pouvoir, la façon dont nos sociétés savent intégrer leur part de négatif pour continuer à avancer dans la bonne conscience la plus totale.

    La Minute de la Haine

    Dans 1984, Goldstein est la vedette d’une cérémonie bien particulière qui est la Minute de la Haine. Chaque jour, chaque citoyen sur son lieu de travail est prié de se rendre dans une salle de projection où il va exprimer en groupe sa détestation absolue de la figure honnie en hurlant des slogans haineux et en crachant sur l’écran. Cette Minute de la Haine est d’ailleurs un moyen pour la Police de la Pensée de détecter ceux qui ne communient pas suffisamment dans la détestation de ce qu’il faut détester.

    Goldstein est aussi un opposant très utile parce que sa haine du système de Big Brother est telle, ses propos et ses actes tellement effroyables, qu’il rend impossible toute critique car critiquer reviendrait à adhérer à ses
    thèses monstrueuses.
    Ces dernières années, nous avons connu de nombreux Goldstein

    En France, Goldstein s’est longtemps appelé Jean-Marie Le Pen. Jean-Marie Le Pen avait été inventé par Mitterrand puis entretenu par le discours sécuritaire de la droite pour empêcher de penser toute alternative crédible à l’ensemble RPR-UDF puis UMP ou au Parti Socialiste. Ce dispositif a permis d’éliminer tous ceux qui pouvaient incarner le « troisième homme ». On faisait monter en puissance Goldstein dans les sondages et c’est ainsi que Chevènement ou Bayrou perdaient tout espoir d’incarner une alternative crédible. Le Pen, Goldstein, même combat. Quand, au soir du 21 avril 2002, le scénario a failli déraper et que Goldstein s’est retrouvé au second tour, on a, comme dans le roman d’Orwell d’ailleurs, transformé la Minute de la Haine en Semaine de la Haine et ce fut la fameuse « quinzaine antifasciste » qui vit l’électeur de gauche se précipiter vers les urnes pour faire barrage à la Bête Immonde.

    Sur le plan international, les Goldstein furent légion, notamment lors de la guerre en Yougoslavie. On se souvient évidemment de Karadzic et de Mladic (ce dernier court toujours mais n’intéresse plus grand monde, dirait-on) chez les Serbes de Bosnie. Leurs exactions avérées rendaient absolument impossible toute réflexion sur les vraies raisons de l’explosion de la Yougoslavie ou sur les horreurs commis par d’autres, comme les Croates quand ils chassèrent les Serbes de Krajina. De même, au moment de la guerre du Kosovo, l’intervention de l’Otan fut en partie motivée par l’épuration ethnique privée que menait le Goldstein du moment, Arkan, un super-méchant que l’on aurait pu croire sorti d’un SAS avec sa femme chanteuse et les supporters de son club de foot transformés en Tigres noirs avec fusils d’assaut et gros 4X4.

    Une des caractéristiques de Goldstein est qu’il connaît une mort violente ou suspecte. Arkan est mort assassiné devant un grand hôtel tandis que Milosevic lui-même, président de la Yougoslavie avec lequel on négociait avant qu’il ne devienne un criminel de guerre, est mort en prison à la Haye, d’une crise d’hypertension. Dommage pour la fin d’un procès pourtant bien intéressant.

    Que dire aussi d’un Goldstein particulièrement réussi, Saddam Hussein, qui après avoir été traité, pendant la guerre Iran/Irak des années 1980 comme la pointe avancée de la lutte de l’Occident contre l’obscurantisme chiite, a fini vingt ans plus tard pendu par les mêmes chiites dans une exécution complaisamment filmée.

    Tuer un ennemi est une victoire, pas une fête

    Ben Laden fut évidemment le Goldstein le plus réussi des dernières décennies. Depuis 1998, date à laquelle il fit exploser deux ambassades américaines en Afrique de l’Est, et encore plus depuis le 11 Septembre, il était devenu l’ennemi absolu. Il y avait de quoi, direz-vous et vous aurez raison. En même temps avec un ennemi tel que lui, il devenait absolument impossible de penser les rapports entre le Nord et le Sud, l’Occident et le monde arabo-musulman, Israël et la Palestine autrement qu’en termes de choc des civilisations, ce qui arrangeait bien les idéologues néoconservateurs du temps de Bush.

    Le « Printemps arabe » a changé la donne, et c’est tant mieux. Ben Laden est mort et c’est tant mieux aussi. Même si on aurait préféré pour lui le sort d’Eichmann et un procès exemplaire qui aurait dissipé les fantasmes que ne manqueront pas d’entretenir les conditions rocambolesques de sa mort et de la cérémonie funèbre et maritime qui s’en est ensuivie. Même si on aurait préféré, également, ne pas voir les scènes de liesse dans la rue américaine qui ne sont jamais que le reflet symétrique des scènes de liesse qui eurent lieu dans certains pays arabes après le 11 septembre. Je ne sache pas qu’on ait dansé dans les rues de Tel-Aviv ou de Haïfa après la pendaison d’Eichmann.
    Tuer un ennemi est une victoire, pas une fête.

    En ce qui concerne Ben Laden, et c’est là aussi une des caractéristiques du Goldstein d’Orwell, on lui accorde d’autant plus d’importance qu’il a de moins en moins de puissance. On a peut-être tué un symbole mais certainement pas un chef de guerre enfermé dans un QG et donnant ses ordres à ses troupes à travers une chaine de commandement clairement définie. Penser que la mort de Ben Laden signe l’acte de décès d’Al Qaïda, c’est un peu comme croire que tuer le clown Ronald Mc Donald entrainerait la fermeture de tous les fast-foods de la marque à travers le monde.

    Celui que les Américains avaient équipé en missiles Stinger contre les Soviétiques, celui dont la famille entretenait de cordiales relations d’affaires avec la famille Bush, était devenu le Génie du Mal officiel. Il n’est plus là. Un seul Goldstein vous manque et tout est dépeuplé.

    La succession est donc ouverte au bal des Affreux. De l’Iran à la Corée du Nord, les prétendants ne manquent pas. Et comme nous avons a terriblement besoin d’eux pour éviter de nous regarder en face, on ne devrait plus tarder à connaître le nom du successeur.

    Jérôme Leroy (Causeur, 5 mai 2011)


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