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états-unis - Page 14

  • Et le virus américain ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Hervé Juvin, cueilli sur son site personnel et consacré aux origines du coronavirus.

    Économiste de formation et député européen, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Il a également publié un manifeste intitulé France, le moment politique (Rocher, 2018).

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    Laboratoire P4 de Wuhan

     

    Et le virus américain ?

    Les informations contradictoires qui nous viennent du Kazakhstan mélangent allègrement revanche du clan Nazarbaiev, complot d’un escroc qui aurait détourné 3 milliards de dollars et bénéficié de l’aide du MI6, et conjuration de la CIA, d’Endowment for democracy, de la Rand Corporation et des habituels suspects des « révolutions orange »…

    La guerre bactériologique

    Au moment où l’ordre règne à Astana et s’en vont les Spetsnaz de la 3è brigade, une information suscite encore le trouble ; qu’est-il advenu du laboratoire de recherche biologique financé par les États-Unis au Kazakhstan, et qui aurait pu subir les conséquences des troubles récents quand les chercheurs s’en sont enfuis précipitamment ? Si certains s’en inquiètent, c’est qu’ils ont de quoi s’inquiéter. Tout laisse en effet penser que, selon une pratique dont l’ampleur apparaît seulement, les États-Unis font réaliser et financent dans des pays lointains, à l’abri des regards, des expérimentations impossibles à conduire sur leur sol ou sur celui d’alliés plus regardants, ou plus méfiants — dans probablement pas moins de 40 sites dans le monde.

    La Russie n’a pas tardé à dénoncer des essais de guerre biologique ciblant les particularités génétiques des différentes populations russes et aussi chinoises — chacun pouvant vérifier à cette occasion que l’affirmation ; « les hommes sont tous les mêmes » est biologiquement aussi fausse  que celle qui prétendait définir des races différentes. La science décidément sert à tout, et souvent au pire.

    Et si le virus de la pandémie qui fait trembler l’Occident, promet aux participants des Jeux olympiques d’hiver l’enfermement dans des « bulles sanitaires » et referme les villes chinoises était américain ?

    Et si c’étaient les expériences américaines visant à développer des armes biologiques de destruction massive loin des regards et hors de tout contrôle des autorités scientifiques qui étaient responsables de la pandémie qui paralyse nos économies, renverse toutes les prétentions libérales, et révèle la face d’ombre des démocraties saisies de la peur de mourir ?

    Les auditions du Docteur Anthony Fauci, officiellement directeur du National Institute of Allergy and Infectious Diseases (NIAID), prétendu spécialiste des pandémies et conseiller successif des Présidents Trump et Biden, sont à cet égard du plus grand intérêt. Interrogé sous serment par le sénateur Roger Marshall, comme il l’a été par Ron Paul, lors d’échanges tendus, le Docteur Fauci paraît avoir ouvertement et délibérément menti sur ses revenus et son patrimoine, malgré… 2500 pages de documents communiqués à ce sujet par ses avocats ! Peu importe.

    Le point décisif est que le Comité de Surveillance de la Chambre des Représentants (House oversight comittee) a rendu public plusieurs mails indiquant que le docteur Fauci était au courant depuis le début que le COVID19 était issu d’une fuite de laboratoire, et que ce virus avait été volontairement manipulé afin d’obtenir le fameux “gain de fonction” le rendant plus virulent que le virus naturel, sans doute issu de chauves-souris. Le biologiste chinois dirigeant ces manipulations aurait été spécialement formé dans une Univerité américaine, et son unité de recherche aurait reçu quelques 189 millions de dollars pour stimuler ses recherches. Et le docteur Fauci a tout fait pour que la vérité ne sorte pas.

    Le point décisif est la mise en évidence des financements apportés par le NIAID dont Fauci est directeur, et deux autres organisations américaines, le NIH et Ecohealth Alliance, au fameux laboratoire de Wuhan d’où le virus serait issu (Tyler Durden, sur le site Zerohedge, a publié le détail de ces investigations le 12 janvier 2022).

    Pas par hasard ! Alors qu’un moratorium international aurait été décidé sur les recherches de “gain de fonction” des virus du SARS-COVID, les unes destinées à préparer des vaccins ou des traitements efficaces, les autres destinées à préparer des virus tueurs pour des opérations de guerre biologique ciblant des populations génétiquement distinctes, ou des territoires entiers, les unes et les autres jugées trop dangereuses pour être poursuivies, le financement du laboratoire de Wuhan aurait permis à Ecohealth Alliance de contourner le moratorium. Selon la logique même de la globalisation, les capitaux américains auraient permis à une unité de recherche américaine de faire en Chine au secret de Wuhan ce qu’elle ne pouvait pas faire aux États-Unis, en Europe, ou ailleurs.

    Le biais individuel

    A ce niveau d’interrogation, la pente est aisée. Dénoncer Fauci et ses complices, accuser la cupidité de chercheurs cherchant la fortune au risque de la santé humaine et de pandémies ravageuses… Certes. Tout le système tend à imputer d’écrasantes responsabilités aux individus, pour mieux s’immuniser lui-même contre les critiques. Désignons au plus vite des coupables, pour que rien ne change et que tout continue comme avant ! Les bûchers des sorcières ont servi la cause de la science. Les écologistes sont experts d’une manipulation qui rend chacun coupable d’un bain trop chaud ou d’une entrecôte, mais n’interroge jamais les fondements du libre-échange, des mouvements de population et de la sanctuarisation du capital, et ignore les règles comptables et l’emprise du droit de propriété qui vident de leur portée toutes les dispositions écologiques — hormis celles qui culpabilisent les individus !

    Bien sûr, le maintien en fonction du Docteur Fauci est un mystère ; sera un jour éclairé, comme le sera le suicide en prison de Jeffrey Epstein ? La question évitée est simple ; qu’est-ce qui a permis que dans ce laboratoire de Wuhan, ait lieu l’insertion dans un virus de chauve-souris ou son équivalent, exactement au même moment, de 4 acides aminés et de 12 nucléotides, seule capable de déclencher le gain de fonction recherché — rendre le virus beaucoup plus rapidement transmissible à l’homme (selon un échange de mails entre Mike Farzann découvreur du porteur du SARS, et le chercheur Bob Garry) ?

    Elle est rendue plus simple encore par les multiples pressions, intimidations et opérations de désinformation qui ont pendant plusieurs mois interdit à tout chercheur de faire part de ses doutes sur l’origine naturelle du virus ; du Lancet au Nature Médicine, des dizaines d’articles ont été retirés de la publication, pendant que d’autres sans comité de lecture ni sources scientifiques, interdisant d’évoquer une fuite de laboratoire, notamment ceux de Peter Daszak, étaient publiés sans recul, sans contradiction, ou simplement débat.

    Voilà qui dépasse de loin la culpabilité d’un homme ou de quelques complices. Le système des publications scientifiques, ces fameuses revues à comité de lecture, a failli. L’intérêt a fait loi ; les financements des Big Pharma sont si confortables ! Le système de financement de la recherche a lui aussi failli. Comment admettre que des capitaux privés puissent financer en Chine des recherches interdites aux USA et en Europe parce que trop dangereuses ? Et comment ces capitaux pouvaient-ils espérer tirer bénéfice d’opérations interdites, potentiellement criminelles, voire génocidaires ?

    Et, à la fin, comment tolérer que la santé humaine, et plus encore la peur de la mort, puissent constituer des sources de revenus pour les entreprises des “Big Pharma” qui jouent de la vie comme de la mort, et savent faire payer ce qu’il faut pour accorder à ceux qui ont peur de mourir “encore une minute, Monsieur le bourreau” ?

    Un fait aurait du alerter les oreilles fines ; la rapidité avec laquelle l’accusation américaine désignant la Chine comme responsable du “virus chinois” s’est dissipée. Pas par hasard, ni par générosité face à l’ennemi désigné. Faut-il en conclure que l’administration américaine si bien renseignée était au courant de la compromission de capitaux américains, de chercheurs américains et d’entreprises américaines dans le chaudron des sorcières de Wuhan ? Faut-il en déduire que beaucoup ont su, qui ont jugé plus prudent de se taire, et de ne pas poursuivre des accusations qui à tout moment pouvaient se retourner contre leurs accusateurs ?     

    La question reste ouverte. En l’état actuel des auditions au Sénat et à la Chambre des Représentants, beaucoup incite à conclure que le virus de Wuhan est un virus financé, développé, préparé par les chercheurs américains. Beaucoup d’éléments incitent donc à affirmer que le virus qui ravage le monde est un virus américain, le fruit empoisonné du vertige technologique, de l’appât du gain et de la fuite en avant d’une recherche que plus personne ne contrôle vraiment.

    A ce stade, une question demeure. Que faisaient à l’inauguration de laboratoire de Wuhan l’ancien Premier ministre français M. Cazeneuve, et le mari de la ministre de la Santé, M. Buzyn ? Aux côtés de l’éminent Docteur Fauci, du tourisme sans doute. Il est vrai que Wu Han étant l’un des sites de repos hivernal du Président Mao, c’est là que l’on déguste le meilleur gras de porc de toute la Chine. Et cela vaut bien un voyage chez les sorciers du vivant.

    Hervé Juvin (Site officiel d'Hervé Juvin, 14 janvier 2022)

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  • Tour d'horizon... (216)

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    Au sommaire cette semaine :

    - sur son site, l’École de guerre économique publie un rapport d'alerte consacré à la manière dont les États-Unis ont affaibli la France sur le plan économique, depuis la fin de la seconde guerre mondiale. 

    Comment les États-Unis contribuent-ils à affaiblir l'économie française ?

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     - sur le site de la Fondation Identité et Démocratie, Xavier Raufer publie un rapport d'alerte sur l'entrée de l'Amérique dans une phase de bas-empire...

    États-Unis : la perspective du bas-empire

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     - sur le site de Theatrum Belli, le général Vincent Desportes en appelle à une forte évolution de notre modèle pour l’adapter à la réalité géopolitique actuelle.

    Reconstruire la défense opérationnelle du territoire pour crédibiliser la dissuasion

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  • Requiem pour le monde occidental...

    Les éditions Eyrolles viennent de rééditer au format poche, dans une version actualisée, un essai de Pascal Boniface intitulé Requiem pour le monde occidental - Etats-Unis/Europe : partenaires ou vassaux ?, publié initialement en 2019. Directeur-fondateur de l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), Pascal Boniface est l'auteur de nombreux ouvrages consacrés aux relations internationales et à la géopolitique.

     

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    " Durant la guerre froide, le bloc occidental, opposé au bloc communiste dont il craignait l'expansionnisme asservissant, était une entité géopolitique cohérente qui menait un combat justifié pour préserver sa liberté.

    Mais aujourd'hui, le concept de monde occidental est-il encore pertinent ? Continuons-nous à être guidés par les mêmes valeurs que les États-Unis ? L'OTAN a-t-elle pour objectif de nous préserver contre la menace ou de l'entretenir artificiellement, afin de maintenir l'Europe dans un état de dépendance à l'égard de Washington ? Par leur comportement hégémonique, les États-Unis ne sont-ils pas autant source d'insécurité que de sécurité ?

    Cet ouvrage salutaire appelle à revisiter les liens transatlantiques, historiquement dépassés, mais savamment entretenus par suivisme et par aveuglement. Après les outrances de Trump, Biden, en se retirant d'Afghanistan sans prévenir ou en cassant le contrat des sous-marins australiens obtenu par la France, a montré qu'il ne considérait pas les alliés comme de vrais partenaires. Les

    Européens vont-ils se réveiller ou vont-ils demeurer dans un état de somnambulisme stratégique ? "

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  • Europe, Ukraine, Biélorussie, Caucase, Moyen-Orient : la France hors-jeu...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Caroline Galactéros, cueilli sur Geopragma et consacré à la médiocrité de la politique étrangère française.

    Docteur en science politique, Caroline Galactéros est l'auteur de  Manières du monde, manières de guerre (Nuvis, 2013) et de Vers un nouveau Yalta (Sigest, 2019). Elle a créé en 2017, avec Hervé Juvin, entre autres, Geopragma qui veut être un pôle français de géopolitique réaliste.

     

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    Europe, Ukraine, Biélorussie, Caucase, Moyen-Orient : la France hors-jeu

    A quelques semaines de l’inauguration de la présidence française de l’Union européenne, force est de constater que notre politique étrangère est plus mal en point que jamais. C’est le résultat d’une posture entêtée de déni du réel, d’une persistance suicidaire dans une vision vassalisée et dogmatique des nouveaux équilibres du monde, et d’une réduction de l’activité diplomatique à de la gestion d’image. Nous pratiquons une diplomatie purement virtuelle, d’une insigne faiblesse, qui s’imagine que la parole vaut action, et se réduit en conséquence à des déclarations, discours et conversations téléphoniques dont le seul résultat est de nous rassurer -bien à tort- sans jamais modifier utilement les rapports de force. Aucune vision, aucune ambition, aucun projet, aucun plan d’action. Pas d’anticipation. Aucune intelligence du monde, encore moins des hommes qui le dirigent. On se contente de réagir, de manière purement verbale, aux évènements qui nous surprennent, nous contournent et nous dépassent invariablement. Pour masquer cette impuissance consentie, on exploite à fond le leurre européen, autour d’une sémantique ronflante sur la « souveraineté stratégique européenne », comme si celle-ci avait une quelconque chance d’advenir. La dernière trouvaille est celle d’une « boussole stratégique européenne » dont on se gargarise, faisant mine de croire que la mise en place d’une force de… 5000 hommes en 2025 manifesterait l’autonomie militaire des Européens ! L’éléphant accouche d’une souris : 5000 hommes pouvant être projetés contre… les « ennemis » russe, chinois et même turc ; les deux premiers étant – comme par hasard – les ennemis identifiés par Washington pour justifier les futurs déploiements de l’OTAN. Quant à la Turquie, on sait bien que l’Amérique lui laissera toujours les coudées franches, surtout contre les faibles Européens puisque l’armée turque – 2ème de l’OTAN – demeure indispensable sur « le flanc sud » pour contrer la Russie… Bref, on nage en pleine utopie. La « boussole », ce nouveau hochet, nous est autorisé pour complaire à la France qui prétend sérieusement retrouver son leadership sur l’Europe… un leadership dont personne ne veut. Mais Washington ne voit aucun risque à laisser les Français jouer un peu avec leur rêve de souveraineté même pas nationale, dans une cour d’école hostile remplie de leurs chevaux de Troie, du moment qu’ils n’ouvrent pas les yeux sur une carte du monde ni ne sont prêts à se souvenir de ce que signifie véritablement l’expression « intérêts nationaux ».

    La triste vérité est que nous avons renoncé à toute volonté de recouvrer notre indépendance, ne serait-ce que de jugement, et tout autant à être utiles au monde. Nous cherchons juste à faire semblant de compter, sans risquer un pas hors du parc d’enfants sages où nous barbotons pathétiquement. Il est certain que réfléchir par et pour soi-même et se faire respecter est beaucoup plus difficile que de gesticuler sans jamais sortir de l’alignement. Mais se mentir ne peut marcher éternellement. Ce sont les autres qui nous le rappellent cruellement. Qui n’avance pas recule. Nous sommes immobiles et nos rodomontades narcissiques et enfantines ne trompent plus personne. On ne nous craint pas le moins du monde et on ne nous respecte pas davantage. Pendant ce temps, les puissances assumées, que nous croyons gêner en les stigmatisant comme i-libérales ou populistes, avancent leurs pions.

    La Russie fait désormais reconnaitre sans équivoque ses lignes rouges en Ukraine en déployant des troupes à sa frontière. Elle regarde avec amusement la crise entre l’UE et la Biélorussie par Pologne interposée. Le chantage aux migrants du président Loukachenko n’est qu’une réponse du berger à la bergère après les ingérences politiques européennes et les tentatives de déstabilisation américaines lors du récent scrutin présidentiel. Dans le Caucase, Moscou a aussi clairement démontré son influence et son utilité. Seule la présence militaire russe en interposition a empêché l’Azerbaïdjan de poursuivre sa dernière incursion en territoire arménien et l’a contraint à geler ses positions dans le Haut Karabakh. La France, pourtant co-présidente du Groupe de Minsk, n’a une fois encore rien vu venir et ne sert pour l’heure à rien sur ce front-là non plus. Pourtant, le sud Caucase est une zone de déstabilisation importante, où se mesurent les ambitions américaine et russe mais aussi, turque, azérie, iranienne et israélienne. Chacun y a son agenda et les enjeux économiques, mais aussi énergétiques et sécuritaires, y sont considérables.  Les dossiers syrien et libyen sont aussi en train de bouger sensiblement, et là aussi ce sont la Turquie et la Russie qui mènent désormais la danse. La Syrie a survécu au dépècement programmé et la Libye, stupidement écartelée par nos soins, doit, elle aussi, résister à la fois aux ambitions d’Ankara – qui se conjuguent avec la promotion d’un islamisme violent – et à celles de Moscou, qui cherche à imposer une alternative. Dans ces deux États, nos postures prétendument démocratiques, qui visaient surtout à déboulonner des autocrates dérangeants pour les intérêts occidentaux, n’ont abouti qu’à nous compromettre gravement en soutien à des islamistes radicaux, et certainement jamais à favoriser la moindre évolution démocratique. Par charité, je ne parlerai pas de notre égarement au Yémen. Ni de l’Iran que nous sommes incapables d’aider à sortir de sa diabolisation de plus en plus contreproductive.

    Les faits sont têtus. Les peuples résilients, les cultures historiques aussi bien que les équilibres communautaires et confessionnels, ne cessent de nous rappeler leur irréductibilité à la seule logique démocratique telle que nous l’envisageons tantôt ingénument, tantôt cyniquement. Il est clair que l’ethnocentrisme occidental a, depuis plus de 25 ans, fait des ravages humains et qu’il ne suffit pas de pérorer sur le « devoir d’ingérence » et les dictateurs infréquentables pour se donner bonne conscience ni surtout pour contribuer à l’apaisement de la violence du monde.

    Plus personne ne supporte les leçons de morale ni l’interventionnisme éruptif (mais très sélectif) de l’Occident. Au lieu de confondre mouvement désordonné et progrès humain, il faudrait sans doute se souvenir que le multilatéralisme de la Guerre froide comme la Charte des Nations Unies, sur laquelle nous nous sommes assis depuis 30 ans, avaient quelques vertus. Et la non-ingérence politique ou militaire dans les affaires intérieures des États aussi. Il faut y revenir. Il faut que la France ouvre les yeux sur la décrépitude avancée de son influence mondiale, sur sa crédibilité enfuie, avant de reconstruire une doctrine internationale adaptée à ses intérêts comme à sa nature de puissance d’équilibre. Il faut qu’elle réapprenne à respecter les États par principe, au lieu de lancer des anathèmes stériles contre des régimes au nom des droits des individus. Ces derniers n’en sortent jamais gagnants. La ficelle est bien trop grosse. Le retour admis et négocié par les États-Unis du peuple afghan dans les ténèbres de l’ordre taliban démontre, si besoin était, combien les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent. Nous pouvons être bien plus utiles à nous-mêmes et meilleurs aux peuples par une approche pragmatique des rapports de force et des ressorts profonds de la conflictualité dynamique du monde qui n’est jamais que son état permanent.

    Caroline Galactéros (Geopragma, 22 novembre 2021)

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  • L’e-Euro : outil de souveraineté européenne ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Philippe Henon et Michel Makinsky cueilli sur Geopragma et consacré à la stratégie européenne concernant la création d'une crypto-monnaie...

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    L’e-Euro : outil de souveraineté européenne

    Faut-il le rappeler, la monnaie est un instrument souverain émis par une autorité monétaire disposant, dans le meilleur des cas, d’une indépendance lui permettant de gérer la valeur de cette monnaie loin des contingences du politique. Cette souveraineté monétaire ne se limite pas au seul droit d’émettre, mais s’étend au droit de réglementer c’est-à-dire, entre autres, d’en contrôler la masse en circulation, sa valeur et d’avoir un droit de regard sur certains champs de son utilisation s’agissant notamment des flux externes pour lesquels des contreparties étrangères se voient dès lors opposer des lois monétaires nationales.

    Toutes les monnaies ne se valent pas si l’on peut dire. En effet, en dépit d’un déficit public américain qui atteint les 12% du PIB et d’une dette publique abyssale qui frôle les 29 trillions de dollars[1] (environ 125% du PIB), le dollar bénéficie de la puissance économique mais aussi militaire des États-Unis. La devise américaine est une valeur refuge. En période d’incertitude, les investisseurs se désengagent des régions à risques pour placer leur argent sur les marchés financiers américains réputés sans risques. En captant une part non négligeable de l’épargne mondiale, les États-Unis peuvent ainsi financer leurs déficits budgétaire et commercial. Pour le moment en tout cas.

    Grâce à cette profondeur de liquidités, le dollar devient également un enjeu d’influence politique fort : étalon mondial, monnaie d’échange sur les marchés internationaux, destination d’investissement des réserves de banques centrales… Il constitue une arme diplomatique de première envergure s’agissant notamment des politiques d’embargos et après tout, rappelons qu’il s’agit d’un instrument souverain.

    Cependant, depuis les années 2000, les monnaies occidentales reculent dans les réserves de change des banques centrales hormis l’Euro qui fluctue de manière constante autour des 20% de parts de marché après avoir atteint un pic historique en 2009 à 28% avant la crise des dettes souveraines de 2011. Le FMI indique que ce repli est encore plus marqué pour le dollar qui atteint son niveau le plus faible depuis 25 ans, « tombant » à un niveau néanmoins toujours plus que respectable de 59%[2] contre 71% en 1999… L’Euro ne semble malheureusement pas profiter du recul du dollar, en raison sans doute de la politique monétaire mise en œuvre et des incertitudes tant économiques que politiques.  

    Les investisseurs pourraient-ils se détourner du dollar ? La People’s Bank of China[3] pourrait-elle amplifier la vente des titres américains qu’elle détient ? Ce n’est pas certain : la prudence inspire Pékin qui ne souhaite pas nécessairement susciter une baisse significative de la valeur du dollar qui pourrait à certains égards lui être préjudiciable. Il reste néanmoins que la Chine dispose ici d’un levier parmi d’autres. La transition énergétique signe-t-elle la fin du pétrole, marché historiquement en dollars ? Sans céder à la tentation vaine des scénarios apocalyptiques inopérants, une diminution progressive (et relative selon les zones géographiques) du rôle du pétrole dans le ‘mix’ énergétique peut affecter cette devise au fur et à mesure de la régression programmée des énergies fossiles. L’évolution de la dette publique américaine et les évolutions géopolitiques obligent les banquiers centraux à peser tous les scenarii

    Sans lien de causalité, dans le contexte de cette érosion possible des monnaies de référence, d’autres systèmes ont émergé ; initialement sur des bases libertaires, ils ont désormais la capacité de devenir systémiques et de concurrencer les monnaies de banques centrales. La valorisation mondiale des crypto-actifs fait l’objet de diverses estimations fluctuantes autour des 2,5 trillions de dollars. Face à ce succès grandissant, les banques centrales ont été obligées de se positionner pour protéger leur monopole de création monétaire. Elles ont ainsi été forcées à envisager, pour rester concurrentielles, d’une part de se doter elles-mêmes de monnaies digitales dont la valeur serait adossée à la monnaie de référence, d’autre part d’envisager une réglementation adaptée pour maîtriser ce nouvel écosystème sans pour autant étouffer l’innovation.

    En effet, si les citoyens et leurs entreprises réalisaient à l’avenir l’essentiel de leurs transactions sur des systèmes privés en se passant de la monnaie officielle, comme l’Euro ou le dollar, le risque de déstabilisation serait considérable pour le système financier. Le cas Libra de Facebook en est d’ailleurs l’illustration. Compte-tenu de la taille du réseau de Facebook (près de 3 milliards d’utilisateurs), ce cryptoactif assis sur un panier de devises (stablecoin) dont Facebook souhaitait faire une monnaie d’échange entre ses utilisateurs constituait un risque pour les monnaies internationales. La FED a rapidement repris en main le sujet… La BCE a marqué son opposition à la circulation d’un Diem en Euros (le remplaçant édulcoré de Libra). La FED et la BCE ont raison.

    La Chine, et c’est une première au monde, vient d’interdire l’utilisation des crypto-monnaies sur son propre territoire et expérimente sa propre monnaie digitale de banque centrale. Son projet s’inscrit dans une double volonté de contrôle des géants de l’Internet en interne et de promotion du Yuan sur la scène internationale.

    Autre exemple, en Iran, alors que des milliers de ‘fermes’ illicites sont utilisées par de nombreux opérateurs (autant pour des transactions commerciales extérieures que comme outil de spéculation, mais aussi pour des activités de marché noir au profit de structures hors contrôle), le think tank de la présidence de la République a élaboré sous le mandat du précédent chef de l’Etat (H.Rohani) une feuille de route pour une monnaie digitale. La Banque Centrale d’Iran (BCI), à l’image de sa consoeur chinoise, se prépare à réguler l’ensemble de ce domaine (bitcoin et monnaie virtuelle assise sur la devise nationale). L’approche iranienne s’inspire de celle de Pékin. Notons que la technologie utilisée en Iran provient sans doute de Chine (la ‘ferme’ sinistrée il y a quelques temps en Iran était opérée par des chinois…). La BCI a déjà accordé plusieurs licences à des opérateurs dont un important acteur turc ; elle entend réserver cet usage à des exportations licites. Le Parlement se prépare également à légiférer. Parallèlement, les autorités procèdent à des fermetures massives d’installations illicites, mais semblent impuissantes à les éliminer pour reprendre le contrôle de cette situation car celles-ci disposent de puissants appuis haut placés dans le régime. La constitution d’un e-toman ou e-rial répond à un objectif prioritaire pour la République Islamique : contourner les sanctions américaines, et éviter le dollar, afin de permettre aux exportations iraniennes de pouvoir être payées plutôt que de recourir aux seuls mécanismes de barter en marchandises[4]. L’Iran a cruellement besoin d’argent et le recours à une monnaie digitale serait une arme efficace pour contribuer à desserrer l’étau américain. Pareillement, l’émergence d’un e-Yuan est pour la Chine un outil pour parer les sanctions et pressions américaines et échapper au carcan du dollar[5].

    Soyons prudents : ne cédons pas aux sirènes alarmistes. Pékin ne vise pas la marginalisation du dollar dans les transactions internationales, pas plus que Téhéran (en dépit de discours martiaux). Mais cet outil est un moyen de protection. Ajoutons que Moscou, plus discrètement, travaille aussi sur ces orientations.

    Dans le contexte du renforcement croissant des liens entre ces 3 acteurs, le recours à des devises digitales assises sur des monnaies nationales est une tendance non seulement macro économique mais également géopolitique si ces partenaires en arrivent à coordonner leurs actions.

    Les défis et obstacles à franchir sont encore nombreux. Par nature, en quelque sorte, la monnaie digitale est vue (non sans raison) avec suspicion par toutes les autorités et organes de régulation traquant l’argent sale, le financement du terrorisme, les activités illicites. Les monnaies digitales vont a priori directement à l’encontre de l’orientation générale d’une transparence et d’une traçabilité accrues suscitée par les révélations de dissimulations ou d’optimisations fiscales abusives (cf les Pandora Papers). Le Gafi vient d’actualiser ses lignes directrices[6] sur les fournisseurs d’actifs virtuels. De son côté, le Trésor américain  a perçu l’émergence des monnaies virtuelles et a publié en octobre 2021 de nouvelles « Lignes Directrices de conformité aux sanctions pour l’Industrie des monnaies virtuelles ». L’administration américaine s’emploie ainsi à affiner son arsenal réglementaire, et le cas échéant, de sanctions.

    De plus, la concurrence avec les crypto-actifs reste un combat intense à mener pour les banques centrales comme en témoigne François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France en janvier 2020 : « La monnaie, ça ne peut pas être privé. La monnaie c’est un bien public de souveraineté. C’est une réflexion que nous commençons, parce qu’elle pose énormément de questions. » Puis en juillet 2021, « sur l’Euro numérique nous devons être prêts à agir aussi rapidement que nécessaire sans quoi nous risquerions une érosion de notre souveraineté monétaire, ce que nous ne pouvons tolérer. »  

    La France et l’Europe auraient grand tort néanmoins de ne pas tirer parti de ce nouveau champ des possibles encore insoupçonné. La Présidence Européenne française en 2022 est l’occasion de développer ce leadership. Une monnaie a besoin d’être gérée pour assurer sa valeur, ce que les crypto-actifs n’assurent pas. Des opérateurs régulés telles que les banques ou établissements de paiement sont essentiels pour intermédier la distribution de cette monnaie numérique auprès des citoyens avec un taux de confiance sur la solvabilité de ces intermédiaires et sur la sécurité des transactions.

    En Europe, les pays adoptent une position judicieuse mais sans doute conservatrice. Ils ont signé en janvier 2019 l’accord « Joint statement on stablecoins[7] » déclarant en substance qu’aucun stablecoin ne devrait porter atteinte à la stabilité financière, à la sécurité et à l’efficacité des systèmes de paiement, à la concurrence loyale ainsi qu’à la souveraineté monétaire existant dans l’Union européenne. La Banque de France expérimente néanmoins depuis l’an dernier l’utilisation d’un Euro numérique pour les échanges interbancaires. En parallèle, elle participe aux réflexions de la BCE sur un usage plus large de la monnaie. L’émission d’un E-Euro numérique permettrait de combiner les qualités de la monnaie centrale en termes de confiance et de liquidité avec les facilités d’usage d’une monnaie digitale.

    Au-delà de l’optimisation exceptionnelle apportée par une monnaie digitale (quelques secondes de délai pour une monnaie digitale contre 3 à 5 jours pour un virement hors Union Européenne actuellement, un coût de quelques centimes contre parfois plusieurs dizaines d’Euros…), les infrastructures de paiement actuelles sont composées de multiples strates qui se sont accumulées au cours du temps et constituent autant de portes pour accéder aux informations et identifier les transactions. Il faut ici rappeler que Swift Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication, dont le siège social est en Belgique à La Hulpe près de Bruxelles, fonctionne sous la forme d’une coopérative et que la part d’actionnariat dépend de la proportion d’utilisation des messages swifts… autant dire qu’avec 40,4% des paiements internationaux réalisés en dollars, certaines influences y sont plus marquées que d’autres, comme en témoigne d’ailleurs l’Accord Swift[8] signé en 2010. Il s’avère que les Etats-Unis ont abusé, si ce n’est détourné les dispositions de l’Accord supposé contribuer à la lutte contre le terrorisme international, en se servant de l’accès aux informations sur des transactions licites opérées par des entreprises étrangères avec l’Iran pour exercer des moyens de pression, et le cas échéant recueillir des éléments permettant de prononcer des sanctions extraterritoriales à leur encontre. De ce point de vue, il serait indispensable que l’Union Européenne exige d’insérer dans cet accord une disposition interdisant aux administrations et juridictions américaines d’utiliser Swift pour contraindre, voire poursuivre et sanctionner des entreprises ou banques européennes.

    De plus, sur un plan très technique, un e-Euro est concrètement un objet fait de lignes de code informatique auquel il est désormais possible d’ajouter des propriétés additionnelles opérables dans le monde des paiements… identité du détenteur, conversion possible ou non dans une devise – dans certaines transactions il y a en effet un risque de conversion intermédiaire utilisant notamment le dollar et donc d’enclenchement du fameux US Nexus (88% des transactions de change impliquent le dollar, il y a donc plus de liquidités sur ces paires de devises).

    20% de part de marché pour l’Euro sur les paiements internationaux est bien médiocre eu égard au marché et à l’importance stratégique qui devrait revenir à la zone Euro. La France doit prendre le leadership sur la monnaie numérique et augmenter la part de marché de l’Euro dans les transactions internationales. Est-il encore acceptable que des places de marché internationales (métaux, matières premières, pétrole) n’utilisent que le dollar pour les cotations et les transactions ? Est-ce normal que des biens fabriqués en Europe tels des Airbus soient encore vendus uniquement en dollars ?

    Détrôner le roi dollar ne serait ni simple ni souhaitable. Il s’agit d’instaurer un nouvel équilibre, incluant le respect des partenaires et de leur souveraineté et de mettre aussi un terme à un mode de concurrence déloyale. La transition monétaire nécessite un temps long et être le premier en la matière donne des privilèges incommensurables. Il ne s’agit plus dès lors d’incantations mais de rapports de force géopolitiques à mettre en œuvre pour faire progresser l’Euro.

    Il se trouve que les circonstances présentes confortent l’urgence d’un renforcement de celui-ci. La Commission européenne, après avoir conclu le 31 août 2021 son bilan de l’application du règlement de blocage 2271/96 destiné à protéger les opérateurs européens contre les sanctions et menaces de sanctions extraterritoriales américaines (sur des transactions jugées licites en Europe), a lancé une consultation, notamment auprès des organisations nationales représentant les entreprises, sur les amendements et modifications utiles pour accroître l’efficacité de ce règlement. Or, cette dernière est en quelque sorte minée ab initio par une disposition (article 5 alinéa 2) qui permet aux entreprises européennes dont les intérêts seraient menacés par des législations extraterritoriales, de solliciter de la Commission européenne une dispense de se soumettre au règlement qui leur impose de ne pas se conformer aux dites législations extraterritoriales. Il suffit donc de demander à être exclu du règlement de blocage pour en être exonéré… (et donc se soumettre de son plein gré à l’extraterritorialité américane)!

    Toujours à titre d’illustration et, en raison des contraintes pesant sur elles, très peu d’entreprises ont avoué à la Commission avoir renoncé à commercer avec l’Iran à cause des menaces ou risques de sanctions américaines et déposé une requête de dispense de conformité. Si les autorités européennes avaient interrogé les nombreuses sociétés qui ont interrompu leurs opérations avec l’Iran, celles-ci auraient répondu avoir simplement changé leur politique commerciale devant un marché moins… attractif. Il nous semble peu probable que modifier le règlement puisse résoudre cette impasse et protéger les Européens des futurs rapports de force à venir et ce, quels qu’en soient les pays d’origine. De toute façon il conviendrait de demander la suppression de l’article 5 alinéa 2 du règlement. Ce dernier conserve une valeur de simple message politique sans grande portée pratique. Une exception naîtra-t-elle de la première action contentieuse introduite en Allemagne où il a été invoqué ?[9].

    Nous notons au passage que le risque de menaces (comme de parades) attachées aux sanctions extraterritoriales (ou non) est bien loin de se limiter aux Etats-Unis. La Chine, en particulier, a prononcé le 22 mars 2021 des sanctions (qui ne sont pas extraterritoriales) retirant à un certain nombre de personnalités et d’organisations l’accès au territoire chinois, mais aussi (ce qui est moins connu) interdisant aux entreprises qui leur sont liées de mener des transactions avec la Chine. Il est intéressant de noter aussi que d’une part, le 9 janvier 2021, le ministère chinois du commerce (Mofcom) a publié un décret (Executive Order) bloquant les législations extraterritoriales étrangères. Puis, le 10 juin 2021, Pékin a adopté une législation anti-sanctions, qui prévoit de sanctionner toute entité qui d’une façon ou d’une autre participera à des mesures hostiles à la sécurité de la Chine. La panoplie des représailles (non précisées) est sans doute vaste[10]. On comprend tout de suite que ce dispositif ne peut être assimilé au règlement communautaire européen, tout simplement parce que la puissance et la détermination politique de la Chine ne sont pas vraiment comparables à celles de l’Union Européenne qui serait bien en peine d’infliger des ‘punitions’ du même ordre.

    Si la territorialité des sanctions possibles est manifeste, en revanche, comme le soulignent certains experts, le flou règne quant à ce qui pourrait affecter citoyens et entreprises hors du champ des juridictions chinoises

    Enfin, en matière d’imperium juridique, l’implication spectaculaire de la Chine dans l’élaboration des normes internationales reflète une volonté d’y imprimer sa marque en profitant de rapports de forces qui lui sont favorables. Ainsi, à l’occasion de la mise en place accélérée des projets liés aux Routes de la Soie, Pékin organise et impose un système de normes[11] et règles qui risque de bouleverser l’ordre international. Une forme nouvelle et subtile d’extraterritorialité[12] à la chinoise qui ne dit pas son nom n’est pas loin.  

    D’autres pistes de défense des intérêts européens (représailles commerciales, sanctions contre les intérêts des Etats, formes diverses de protection(nisme ?) seront certainement évoquées ici ou là. Nous doutons de leur efficacité réelle tant qu’elles ne seront pas assorties de l’insertion au sein de tout accord commercial avec les pays concernés (les négociations transatlantiques pourraient ne pas être un cas unique) d’un ‘chapitre bloquant’ reprenant les conditions indispensables à la liberté et la sécurité des transactions européennes avec des tiers, sous peine d’un refus de l’Union Européenne de signer un tel accord. Il nous semble que l’Euro digital pourrait apporter une contribution plus pragmatique et plus constructive (pour l’ensemble des parties).

    In fine, l’Euro aura été pensé comme un moyen de cohésion et de commerce. Il serait grand temps d’ambitionner d’en faire un instrument de puissance et de souveraineté. Le dollar apparaît de plus en plus contesté sur le fond par des monnaies émergentes et l’Euro reste second de loin. Nous avons ainsi une longueur d’avance sur les autres monnaies et notamment sur le Yuan chinois dont la convertibilité est par ailleurs encore très limitée. En tous les cas, il n’est pas encore près de devenir une monnaie de réserve… Mais l’outil digital chinois, que nous évoquions plus haut, pourrait changer la donne… Pékin ne veut assurément pas la marginalisation du dollar, contraire à ses propres intérêts, mais veut mettre un terme à l’utilisation de cette devise par Washington à des fins autres que celles d’un outil commun de transactions. La Chine n’accepte plus (elle semble faire des émules) que le dollar serve d’outil coercitif d’alignement politique et de moyen d’éliminer ou de neutraliser des concurrents sur de nombreux marchés.

    Il faut saisir rapidement l’opportunité qu’elle soit technique ou géopolitique. Sous réserve d’une profondeur de liquidité suffisante et d’une innovation dont nous avons parfois encore le secret, un E-Euro activement soutenu par la France pourra se placer comme réponse à l’ascension des cryptomonnaies, promouvoir un leadership européen et assurer une meilleure immunité face aux outils de la coercition économique qui deviendraient juridiquement et opérationnellement inopérants.

    Notre dernière doléance : pour un Euro renforcé, il faut désormais également que certains Etats se décident à une trajectoire budgétaire acceptable sans quoi l’Euro finira par ressembler à une pyramide de Ponzi dans laquelle les problèmes des uns sont reportés sur l’Union sans jamais être réglés. Le délai d’écroulement de cette pyramide avant l’heure de vérité est-il vraiment trop éloigné pour être d’importance à nos politiques?

    Philippe Henon et Michel Makinsky (Geopragma, 8 novembre 2021)

     

    Notes :

    [1]   Données US Treasury « Total Public Debt outstanding »au 28/10/2021

    [2]   Enquête du FMI sur la composition en monnaies des réserves de change officielles (COFER) du 5 mai 2021

    [3]   Banque Centrale Chinoise

    [4] Voir Michel Makinsky, « L’Iran : enjeu nucléaire, élections présidentielles et relations extérieures », Institut d’Études de Géopolitique Appliquée, Juin 2021.

    [5]  Selon une analyse de la Deutsche Bank, le Yuan digital a pour vocation d’accélérer les transactions intérieures et à l’extérieur, de renforcer le Yuan face aux autres devises : Deutsche Bank, Digital Yuan : what is it and how does  it work ?, 14 juillet 2021. Sur la dimension géopolitique de cet outil, notamment à l’égard des sanctions américaines, voir : Evan Freidin, China’s digital currency takes shape, The Interpreter, Lowy Institute, 8 septembre 2021.Voir aussi : Le Digital Yuan: remise en question chinoise de l’ordre monétaire mondial ?  Ecole de Guerre Economique, 4 juin 2021 et : China’s Digital Yuan: An Alternative to the Dollar-Dominated Financial System – Carnegie India – Carnegie Endowment for International Peace, 31 août 2021.

    [6]   https://www.fatf-gafi.org/publications/fatfrecommendations/documents/guidance-rba-virtual-assets-2021.html

    [7]   https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2019/12/05/joint-statement-by-the-council-and-the-commission-on-stablecoins/#

    [8]   L’accord Swift est un traité international entré en vigueur le 1er août 2010 entre l’Union européenne et les États-Unis. Il donne aux autorités américaines l’accès aux données bancaires européennes stockées sur le réseau de la Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication (SWIFT), dans le but de lutter contre le terrorisme, sous certaines conditions de protection de la vie privée des citoyens.

    [9]   Une question préjudicielle a été posée à la Cour Européenne de Justice (CJUE) par une Cour d’appel allemande dans l’affaire Bank Melli Iran c/ Telekom Deutschland Gmbh qui avait suspendu ses services à cette banque au motif qu’elle était sur la liste des entités sanctionnées par les Etats-Unis.La juridiction allemande a demandé à la CJUE si le Règlement de Blocage pouvait faire obstacle à cette suspension. Le 12 mai 2021 l’avocat général a rendu son opinion indiquant que le Reglement (art. 5§1) pouvait être invoqué pour s’opposer à l’interruption des services. Au passage il critique l’obligation de solliciter une dispense pour s’exonérer du respect du Règlement. La décision de la CJUE est attendue avec intérêt. Environ 80% des décisions suivent les conclusions de l’avocat général. Voir : https://lupicinio.com/en/the-advocate-general-delivers-his-opinion-on-the-interpretation-of-the-european-unions-blocking-statute-bank-melli-iran-v-telekom-deutschland/.

    [10] Voir : Alan Hervé « Œil pour œil, dent pour dent » ou quand la Chine adopte une législation en réponse aux sanctions internationales, Le Club des Juristes, 30 juin 2021.

    [11] La France peut-elle contribuer au réveil européen dans un XXIème siècle chinois ? Rapport d’information N°846 de Mme Gisèle Jourda, MM. Pascal Allizard, Edouard Courtial, André Gattolin et Jean-Noël Guerini, Sénat, 22 septembre 2021.

    [12] Certains experts chinois énoncent qu’il est pertinent pour Pékin de développer un corpus juridique à caractère explicitement extraterritorial  :Zhengsing Huo,Man Yp,Extraterritoriality of Chinese Law : Myths, Reality and the Future, The Chinese Journal of Comparative Law,12 mai 2021 : https://academic.oup.com/cjcl/advance-article-abstract/doi/10.1093/ cjcl/cxab004/ 6274891?redirectedFrom=fulltext .

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  • Histoire de grand-remplacés...

    Les éditions Albin Michel viennent de rééditer une étude historique de Robert M. Utley et de Wilcomb E. Washburn intitulée Guerres indiennes - Du Mayflower à Wounded Knee (1620-1890). Les deux auteurs sont des historiens américains spécialistes de l'histoire de l'Ouest américain.

     

    Utley_Washburn_Guerres indiennes.jpg

    " La conquête et la colonisation du continent nord-américain par les puissances européennes puis par les Américains furent marquées par une longue série de conflits avec les nations indiennes qui peuplaient déjà l’ensemble du territoire bien avant l’arrivée de l’homme blanc. De cadeaux de pacotille en négociations truquées, de promesses jamais respectées en traités violés, de déportations massives en attributions de réserves misérables, c’est par la guerre que les Blancs ont imposé leur vision du Nouveau Monde au nom de la « civilisation » et de la « vraie religion ».
    Depuis l’arrivée du Mayflower en 1620 jusqu’au massacre de Wounded Knee en 1890 où s’achève la conquête, Robert Marshall Utley et Wilcomb E. Washburn, spécialistes de la question indienne, retracent les trois cents ans de la dramatique résistance indienne à l’avancée inexorable des colons, sur tout le territoire américain. Des Cherokees, Iroquois, Séminoles, Cheyennes, Apaches, Sioux et des autres tribus, ils font revivre les figures légendaires, Sitting Bull, Géronimo, Cochise, ou moins connues mais tout aussi déterminantes, comme Pontiac, Tecumseh, Black Hawk ou Chef Joseph… "

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