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Entretiens - Page 26

  • Le coup d’État feutré des juges...

    Le 8 septembre, dans Ligne droite, la matinale de Radio Courtoisie, François Bousquet recevait Frédéric Rouvillois à l'occasion de la sortie de son essai intitulé  Le gouvernement des juges - Histoire d'un mythe politique (Desclée de Brouwer, 2023).

    Professeur de droit public à l’université Paris-Descartes, Frédéric Rouvillois est l'auteur de plusieurs ouvrages d'histoire des idées comme Histoire de la politesse (2006), Histoire du snobisme (2008),  tous deux disponibles en format de poche dans la collection Champs Flammarion, L’invention du progrès (CNRS éditions, 2010), Être (ou ne pas être) républicain (Cerf, 2015) ou Liquidation - Emmanuel Macron et le saint-simonisme (Cerf, 2020).

    Il a également dirigé avec Olivier Dard et Christophe Boutin, le Dictionnaire du conservatisme (Cerf, 2017), le Dictionnaire des populismes (Cerf, 2019) et le Dictionnaire du progressisme (Cerf, 2022).

    Enfin, il a publié récemment un roman, Les fidèles (Pierre-Guillaume de Roux, 2020) et quatre polars, Un mauvais maître (La Nouvelle Librairie, 2020), Le Doigt de Dieu (La Nouvelle Librairie, 2021), Tout le pays est rouge (La Nouvelle Librairie, 2022) et La constante de Théodore (La Nouvelle Librairie, 2023), avec les mêmes enquêteurs.

     

                                            

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  • Guerre économique : la France peut-elle y survivre ?...

    Pour son émission sur TV Libertés, Chocs  du monde, Edouard Chanot reçoit Christian Harbulot pour évoquer avec lui la guerre économique que subit la France et qui tue les entreprises françaises.

    Introducteur en France, au début des années 90, de l'intelligence économique et fondateur de l’École de Guerre Économique, Christian Harbulot a notamment  publié Fabricants d'intox (Lemieux, 2016) et Le nationalisme économique américain (VA Press, 2017).

     

                                                 

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  • Georges Sorel contre la bourgeoisie décadente...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Rodolphe Cart à Eurolibertés, dans lequel il évoque la figure de l'auteur de Réflexions sur la violence à l'occasion de la sortie de son essai Georges Sorel - Le révolutionnaire conservateur (La Nouvelle Librairie, 2023).

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    Entretien avec Rodolphe Cart à propos de l’écrivain révolutionnaire conservateur Georges Sorel

    Les opinions politiques de Georges Sorel ont évolué au fil du temps. Quelles sont les grandes étapes de ce processus ? Lors de son rapprochement avec les nationalistes, qui a-t-il fréquenté dans cette mouvance ?

    Tout d’abord, en bon disciple de Proudhon, Sorel est un conservateur en matière de mœurs – notamment concernant ses positions sur le mariage ou sur le rôle de la femme et du père au sein de la famille. En revanche, Sorel est un auteur à phases ; c’est-à-dire qu’il va évoluer sur certaines de ses positions tout au long de sa carrière de penseur politique. Comme le disait très bien Michael Freund – un des premiers biographes –, le Normand fut à tour de rôle marxiste (1893-1897), révisionniste (1898-1901), syndicaliste révolutionnaire (1898-1911), nationaliste (1911-1913) et même bolcheviste (1917-1922). Concernant son lien avec le nationalisme, même s’il a quelques échanges avec Charles Maurras, c’est surtout Georges Valois qui représentera ce « pont » entre Sorel et le mouvement monarchiste. En même temps, grâce à la revue L’Humanité Nouvelle, les deux Georges, Georges Valois, le militant, et Georges Sorel, le penseur syndicaliste, étaient en contact depuis 1898.

    Qu’est-ce que le syndicalisme-révolutionnaire théorisé par Georges Sorel ?

    Faisons simple : Sorel va se poser exactement contre la ligne de Jean Jaurès. Cette ligne jaurésienne consistait à rattacher le socialisme à la République, au parlementarisme et aux Lumières. Comme l’a très bien montré Jean-Claude Michéa, cette jonction se réalisa partiellement lors de l’Affaire Dreyfus. Bref, pour en revenir au syndicalisme révolutionnaire, Sorel plaide pour la scission, puis la sécession, et enfin l’autonomie des classes prolétaires contre l’ensemble des institutions « bourgeoises ». Sorel, en un sens, va donc encore plus loin que la simple lutte des classes marxiste.

    Georges Sorel est avant tout connu pour son ouvrage Réflexion sur la violence paru en 1908. Quel est le contenu de ce livre et pourquoi Georges Sorel est-il favorable à l’utilisation de la violence dans le domaine politique ?

    On ne peut comprendre le rôle qu’entend donner Sorel au concept de violence, si on ne garde pas en tête cet idéal de sécession vis-à-vis du système bourgeois, parlementaire et démocratique. La violence est le point nodal pour qu’émerge ce conflit – on se souvient que Sorel est un lecteur de Karl Marx (lutte des classes) –, car elle représente le phénomène qui permettra aux ouvriers d’entrer dans une pratique journalière du combat contre leurs « oppresseurs ». Pour Sorel, il faut constamment qu’une tension anime le corps social ouvrier pour empêcher l’évanescence de la conflictualité. Toutefois, Sorel distingue nettement la violence de la sauvagerie. Dans le premier cas, la violence possède une idée directrice qui permet aux acteurs d’avoir un but précis à accomplir, et une réflexion sur les moyens pour arriver à leur fin ; dans l’autre, on ne dépasse pas les bas sentiments de la débauche, du pogrom et de la violence aveugle des foules (Gustave Le Bon). Le constat de Sorel est donc clair : oui à la violence, mais seulement à la condition qu’elle soit au service d’un objectif plus haut d’émancipation politique et sociale.

    Le rejet par Georges Sorel de la démocratie parlementaire libérale bourgeoise trouve-t-il ses racines dans le marxisme ? Quelle est la position de Georges Sorel par rapport à ce dernier ? Quelle est la différence entre le socialisme de Georges Sorel et celui de Karl Marx ?

    La découverte de Marx est une révélation pour Sorel. Pour lui, le marxisme demeura longtemps l’unique réponse à l’avènement de la société industrielle et capitaliste, aux transformations sociales sans précédent qui s’annonçaient. Seule la doctrine de Marx pouvait mettre en place l’apparition d’une philosophie nouvelle, d’un droit audacieux et d’une morale inédite. Sorel a même pu dire qu’il voyait dans le marxisme la « plus grande innovation dans la philosophie depuis plusieurs siècles ».

    Pourtant, peu à peu, Sorel va se faire plus critique – notamment après la lecture d’auteurs comme Henri Bergson ou le philosophe italien Giambattista Vico. Comme le rappelle Pierre Andreu – un commentateur de Sorel –, l’auteur des Illusions du Progrès commence, à partir de 1897, à remettre en doute l’enseignement marxiste sur différents points comme la « négligence des facteurs moraux », la « confiance exagérée accordée à la science », l’« interprétation insuffisante ou erronée de l’évolution sociale et du mouvement ouvrier ». En 1898, Sorel n’hésite pas à écrire que Marx a laissé une « œuvre géniale » mais « inachevée ». Sorel devient alors, en préférant les thèses fédéralistes de Proudhon, un antiétatiste rabique contre les positions de Marx – rappelons que ce dernier prévoyait de passer par un État communiste avant son abolition. Aussi, contre la thèse de l’abolition des classes de l’auteur du Manifeste du parti communiste, Sorel ne pense pas que les classes sociales s’effaceront ; au contraire, il pense même que cette opposition tendra toujours plus à différencier les classes, à les séparer.

    Georges Sorel est le fondateur, dans le domaine politique, de la notion de mythe. Qu’en est-il ? La « grève générale » est-elle, pour Sorel, le principal mythe ?

    L’un des objectifs de la pensée sorélienne est de mettre les acteurs sociaux en mouvement. Lorsque Sorel dénonce le parlementarisme, les compromissions de la gauche socialiste et de la démocratie républicaine, il ne le fait jamais de manière gratuite mais toujours dans le but que cette dénonciation trouve un écho dans le corps social prolétarien. Or, Sorel se rend compte que tous les mouvements de masse de l’histoire des sociétés humaines n’ont été possibles que lorsque les individus étaient plongés, et cela avant même la mise en action, dans un univers mental qui les poussait à prendre telle ou telle décision. Ce rôle du mythe consiste à propager des images mobilisatrices dans des groupes humains, pour ensuite les faire réagir lors des évènements.

    Pour en revenir sur le mythe de la grève générale, Sorel mesure, à son époque, que le développement des syndicats les oppose directement, et de manière de plus en plus violente, au cadre de la IIIe République. Tous les « ingrédients » d’une révolte sont présents : une violence qui s’accentue, deux camps qui s’opposent et une fracture qui ne cesse de s’agrandir. En clair, il ne manque plus qu’une idée directrice pour ce conflit désormais inévitable. Pour Sorel, c’est le concept de grève générale insurrectionnelle qui devait être capable d’élaborer le paradigme dans lequel le mouvement ouvrier français doit pouvoir se projeter.

    Sorel a influencé, tant Maurice Barrès et Charles Péguy, que Lénine, Antonio Gramsci et Benito Mussolini. L’Italie fasciste et l’Union soviétique ont proposé d’entretenir sa tombe. Comment expliquer une telle situation, qui voit un théoricien influer sur les tenants d’opinions si différentes ?

    Effectivement, l’attrait des régimes de Mussolini et de Lénine pour Sorel a largement contribué à constituer cette « légende noire ». Après, cet amalgame entre ces régimes et la doctrine sorélienne est largement grossi, voire faux. Comme nous l’avons vu précédemment, Sorel a évolué tout au long de sa vie sur certaines de ces positions. Il n’existe pas de « sorélisme » à proprement parler, sauf quelques grands concepts (le mythe, l’antiparlementarisme, l’antidémocratisme, la violence émancipatrice et héroïque) qui, eux, ont pu être repris par les intellectuels de ces mouvements – et souvent de manière abusive.

    Il est vrai que Sorel, en 1922, a défendu Lénine contre les politiciens « démocrates » ; car, pour lui, le Russe incarnait « le marxisme en action, le marxisme vivant, ressuscité de la décomposition du socialisme parlementaire ». Tandis que les hommes politiques européens représentent l’effacement du sublime et la haine pour les « hommes supérieurs », Lénine se présentait comme la figure qui les ramenait à leur médiocrité, leur bassesse. La reconnaissance entre les deux hommes n’est pas pour autant réciproque, puisque l’auteur de Que faire ? décrit Sorel comme un « esprit brouillon ».

    Concernant Mussolini, la relation est différente. En 1922, Mussolini déclare au journal espagnol ABC : « Pour moi, l’essentiel était : agir. Mais je répète que c’est à Georges Sorel que je dois le plus. C’est ce maître du syndicalisme qui, par ses rudes théories sur la tactique révolutionnaire, a contribué le plus à former la discipline, l’énergie et la puissance des cohortes fascistes. » En règle générale, on peut même dire que c’est en Italie, et même avant la France, que les thèses soréliennes vont être le plus reprises. Déjà bien imprégné de nietzschéisme, tout le mouvement syndicaliste et révolutionnaire italien va s’abreuver de l’éloge de la violence et de la guerre de Sorel.

    En quoi Georges Sorel était-il un révolutionnaire conservateur, en l’occurrence un opposant aux idées des Lumières qui ne désire cependant pas restaurer le monde d’avant, mais seulement trouver dans celui-ci des éléments afin d’instaurer un autre futur.

    La question morale est sans nul doute l’un des rares fils rouges de la pensée sorélienne. Il fut constamment le sujet d’une angoisse profonde quant à l’avenir de son pays, et même du continent européen. Pour lui, la classe dirigeante bourgeoise et républicaine a échoué dans son rôle d’élite, et c’est pour cela qu’il attaque sans cesse l’idéologie du progrès, les idées des Lumières ou la vulgate sur la tolérance et le bien-être, qui ne sont rien moins que la bien-pensance d’avant. Sorel croit donc en l’imminence d’une révolution prolétarienne qui renversera cet ordre décadent.

    Le pire, pour lui, étant sûrement la trahison des élites socialistes envers le peuple – sur ce thème, il écrira un texte ravageur, en 1909, intitulé La révolution dreyfusienne. Cette compromission de la social-démocratie représentait, à ses yeux, une faute d’ordre moral. C’est pour cela qu’il opposa constamment le prolétariat industriel – associée aux valeurs positives d’héroïsme, de conservatisme et de puissance – à la bourgeoisie corrompue et décadente. C’est en s’appuyant sur Proudhon, Renan et Nietzsche, qu’il trouvera une partie de ses arguments pour attaquer la « décadence de la bourgeoisie ».

    Rodolphe Cart, propos recueillis par Lionel Baland (Eurolibertés, 24 juillet 2023)

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  • Union européenne : en route vers la censure ?...

    Le 4 septembre 2023, Nicolas Vidal recevait Claude Chollet, fondateur de l’OJIM, sur Putsch, pour évoquer avec lui le "Digital Services Act" (ou DSA), entré en vigueur ce 25 août au sein de l'Union européenne, qui est une nouvelle offensive pour limiter la liberté d'expression et contenir les pensées qui iraient à l'encontre de la doxa officielle.

     

                                             

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  • Putsch au Niger : une menace pour la France et l'Europe ?...

    Pour son émission sur TV Libertés, Chocs  du monde, Edouard Chanot reçoit Nicolas Normand pour évoquer avec lui le putsch au Niger et ses conséquences potentielles pour notre pays et l'Europe.

    Normalien, ingénieur agronome et énarque, ancien diplomate, Nicolas Normand a été en ambassadeur de France au Mali, au Congo, au Sénégal et en Gambie. Il  a également été directeur-adjoint de l'Institut des hautes études de défense nationale.

     

                                            

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  • «Narcissisme idéologique et mysticisme illuminé»: les logiques à l’œuvre derrière l’écriture inclusive...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par le linguiste Jean Szlamowicz au Figaro Vox, à l'occasion de la sortie de son essai , Le sexe et la langue (Intervalles, 2023), dans lequel il évoque la question de l'écriture inclusive.

     

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    «Narcissisme idéologique et mysticisme illuminé»: les logiques à l’œuvre derrière l’écriture inclusive

    LE FIGARO. - L’écriture inclusive s’est largement répandue dans notre société, on peut la lire à l’université, sur de nombreux panneaux publicitaires... Comment expliquer son succès?

    Jean SZLAMOWICZ. - L'écriture inclusive n'existe que par la bonne volonté de certains décideurs convaincus qu'il faut adopter cette mode pour ne pas être ringardisé. Elle n'est pas une pratique spontanée des locuteurs. D'ailleurs, même ceux qui la pratiquent le font avec une grande incohérence. On la trouve essentiellement dans certains milieux sociaux qui s'imaginent être «progressistes»: c'est avant tout une image de soi que l'on propage avec l'écriture inclusive. Ce narcissisme idéologique consiste à montrer que l'on est une bonne personne et que l'on est au courant des dernières tendances du conformisme idéologique. La pression militante que chacun exerce sur les autres est le moteur de ce panurgisme politique.

    Peut-on «rééduquer» une société par le biais de la langue?

    C'est précisément sur ce point que l'écriture inclusive se révèle comme un mysticisme illuminé: peut-on sérieusement croire que le social est contenu dans la grammaire? Il est impensable d'imaginer que, mécaniquement, l'orthographe contribue aux progrès sociaux. Le monde ne dépend pas de la grammaire et les langues ne sont pas des objets dont on pourrait améliorer la conception: la recherche de «la langue parfaite» qui apporterait la rédemption au monde est une utopie relevant du fétichisme et de la sorcellerie!

    Réformer le monde en ajoutant des petits «–e» pour symboliser le féminin est une farce. C'est un pur marketing politique, une exhibition vertuiste et une contrainte idéologique. Et puis, à partir de quels critères déciderait-on de cette «rééducation»? Cela suppose une élite éclairée qui se sent suffisamment arrogante pour définir ce que le peuple doit penser, ce qui est la définition d'un totalitarisme. Et, franchement, si ces savants sont assez stupides pour imaginer que le genre des mots conditionne la structure de la société, il ne faut leur accorder aucun crédit car leur magistère moral est fondé sur des interprétations farfelues! Personne ne devrait se sentir obligé d'adopter de telles élucubrations.

    En 2021, le dictionnaire «Le Robert» a ajouté le pronom «iel». L'institutionnalisation de l'écriture inclusive est-elle inéluctable?

    Un dictionnaire n'est pas une institution, justement, mais un éditeur privé. Or, il y a là un paradoxe: celui de l'adoption d'initiatives militantes, comme l'écriture inclusive ou le marquage des identités sexuelles, dans des cadres institutionnels, par exemple l'Éducation nationale. La laïcité, c'est avant tout la recherche d'une neutralité, par opposition à l'affichage d'une opinion, qu'elle soit religieuse, politique, sexuelle, etc. L'écriture inclusive pose une question de fond: si on l'accepte, alors cela signifie qu'il n'y a plus de référence commune.

    Chacun peut alors introduire sa préférence comme norme et imposer sa pratique au nom de la cause qu'il défend. C'est introduire une forme de séparatisme dans les usages collectifs, ce que l'institution ne peut accepter sans faire exploser ses propres cadres. Par ailleurs, l'écriture inclusive signale une opinion idéologique, ce qui est discriminatoire —qu'on songe au signalement politique que cela représente sur une copie d'examen. La conventionalité et l'arbitraire de l'orthographe protègent justement des interprétations idéologiques sauvages et de l'interventionnisme militant.

    Les féministes affirment que la règle grammaticale du masculin qui l'emporte sur le féminin est sexiste. La langue française est-elle par essence sexiste?

    Une langue ne possède pas d'intention et n'impose pas de contenus idéologiques. C'est un anthropomorphisme simpliste de penser ainsi. L'interprétation de la règle que vous mentionnez fait semblant de confondre les signes linguistiques et les personnes pour faire comme si «le masculin» et «le féminin» des mots décrétaient une inégalité entre les individus: il ne s'agit que de l'accord de types de mots, ce qui est sans rapport avec le sexe des gens! Et la formulation d'une règle n'est pas la langue elle-même.

    Vous écrivez qu'il ne faut pas «confondre le genre des mots et le sexe des gens». Qu'est-ce que le genre des mots?

    La notion de genre est très confuse. C'est un anglicisme qui recouvre des significations différentes: pour les gens, on parle normalement de sexe, et pour les mots, la linguistique parle de classe nominale. Cela décrit des phénomènes d'accord et de catégorisations sémantiques qui ne recouvrent pas forcément le sexe: une vedette peut être un homme ou une femme… Il y a des langues avec une dizaine de classes nominales, d'autres avec trois, ou deux, etc. Et que penser des langues sans genre comme le persan ou le finnois, le turc ou le vietnamien? Leurs locuteurs auraient-ils du mal à distinguer les femmes des hommes?

    Les fonctionnements grammaticaux ne sont pas superposables aux propriétés présumées des choses ou des êtres, sinon cela supposerait que leur identité intrinsèque devrait être marquée par leur forme, ce qui est une pensée magique. L'inclusivisme décrète que l'on devrait aligner les formes grammaticales sur l'identité sexuelle, mais les langues ne fonctionnent pas ainsi. C'est pareil pour le pluriel: on renvoie à une pluralité de personnes, il s'accorde pourtant au singulier et personne n'en tire une interprétation psycho-idéologique. De la même manière que le nombre grammatical n'est pas le nombre mathématique, le «genre» grammatical n'est pas le genre sexuel.

    Vous parlez de «féminisme dévoyé». En quoi l'écriture inclusive trahit-elle la cause des femmes?

    On ne peut pas fonder la défense d'une cause sur le mensonge, l'intimidation et la manipulation sans l'abîmer. Inventer un complot masculiniste pour expliquer le «masculin» du pronom dans il fait beau, imaginer qu'il existerait un privilège grammatical qui serait une injustice, exiger une représentativité sociopolitique de la morphosyntaxe, ce sont des démarches délirantes. De fait, l'égalité entre les personnes se joue ailleurs que dans la grammaire. Or, le militantisme orthographique se moque complètement des situations d'oppression réelles que vivent les femmes qui doivent subir excision, mariage forcé, pression morale du rigorisme religieux ou violences claniques. Cela signifie que cet inclusivisme n'est rien d'autre qu'une hypocrisie et un faire-valoir social pour une classe privilégiée et donneuse de leçons.

    Jean Szlamowicz, propos recueillis par Emile Douysset (Figaro Vox, 1er septembre 2023)

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