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walter benjamin

  • Le temps des magiciens...

    Les éditions Albin Michel viennent de publier un essai de Wolfram Eilenberger intitulé Le temps des magiciens. Journaliste, Wolfram Eilenberger est rédacteur en chef de Philosophie Magazine en Allemagne.

     

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    " 1919. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, un élan de créativité sans précédent se produit dans l'histoire de la philosophie. Les ouvrages majeurs de Ludwig Wittgenstein, Martin Heidegger, Ernst Cassirer et Walter Benjamin, marquent un tournant de la pensée occidentale qui va façonner la philosophie moderne. Critique de la technologie, crise de la démocratie, repli identitaire, développement durable : pour comprendre et interpréter les grandes questions contemporaines, il faut revenir sur les traces de ces quatre grands penseurs. De l'Autriche à la Forêt-noire en passant par Paris et Berlin, entre biographie et analyse philosophique, Wolfram Eilenberger, qui a été longtemps rédacteur en chef de Philosophie Magazine en Allemagne, retrace de manière très vivante les chemins de réflexion de ces quatre philosophes essentiels. "

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  • Ecrire contre la modernité...

    Pierre Le Vigan présente son nouveau livre Ecrire contre la modernité, publié aux éditions La Barque d'Or. Il propose dans cet ouvrage une réflexion sur des auteurs "contre-modernes", de Montaigne à Michéa en Passant par Nietzsche, Charles Péguy, Walter Benjamin, André Gorz ou Françoise Dastur...

    Le livre peut être commandé à l'adresse suivante, pour la somme de 18 euros 50, port compris :

    Editions La Barque d'Or

    35 avenue Ferdinand Buisson

    75016  Paris

     

     

     

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  • La ville, aujourd'hui...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien avec Pierre Le Vigan sur le thème de la ville. Spécialiste des questions d'urbanisme, Pierre Le Vigan collabore régulièrement à la revue Eléments et est l'auteur de plusieurs ouvrages dont Inventaire de la modernité, avant liquidation (Avatar éditions, 2007) et Le Front du Cachalot (Dualpha, 2009).


     

     

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    La ville, aujourd'hui...

    Qu’est-ce que la ville moderne selon vous ?

    La ville moderne est un espace urbain marquée par la volonté de rendre rentables tous les espaces de la ville. De ce fait, elle fonctionne sur le mode de la relégation. Il y a assignation à résidence dans des lieux déqualifiés.

     

    La critique de la production et de la reproduction de l'espace urbain est une constante dans vos écrits. Comment percevez-vous l'urbanisme actuel?

     

    Au plan mondial il y a le risque d’une « bidonvillisation » du monde, avec quelques zones hyperprotégées et privatisées pour l’hyperclasse et ses satellites. Au plan français ce qui se dessine c’est l’acceptation de quartiers ghettos, sacrifiés à l’impératif de compétitivité des métropoles et sous-traités aux petits délinquants et aux gros dealers, avec un encadrement culturel de base délégué à l’Islam. C’est le principe de l’instrumentalisation des religions et de la pseudo « insuffisance » de la laïcité – comme s’il n’y avait pas une morale laïque ! Bref on tourne le dos à la République qui veut le droit pour tous et partout chez lui. Il faut viser à une certaine égalité urbaine c'est-à-dire à la qualité urbaine de tous les lieux, même si bien entendu la Courneuve ne sera jamais le Champ de Mars.

    Donc il faut désenclaver la banlieue, la densifier et en contrepartie en diminuer l’étendue. Par plus de densité urbaine il faut transformer la banlieue en ville. Avec plus de 2 fois la superficie de Paris (236 km2 contre 105) la Seine Saint Denis n’a que 1,5 million d’habitants. Avec le double d’habitants, la densité resterait inférieure à Paris, pourtant beaucoup plus agréable.

     

    Comment a évolué l’urbanisme en France ?

    On construit peu en France depuis 1975, moment de la fin du grand boom de la construction de logements, et notamment de logements sociaux. Il y a eu abandon du gigantisme, c’est le bon coté, et nombre de « programmes » de construction, qui concernent 100 logements, ou le double, sont bien conçus, ou en tout cas rarement catastrophiques. On ne peut que s’en réjouir. Ceci dit, boucher des « dents creuses », par exemple une parcelle vide, c’est bien, mais repenser la ville, c’est autre chose.

     

    Qu’est ce qui oppose la ville traditionnelle à la ville moderne ?

     

    La ville traditionnelle est constituée plus ou moins en forme de labyrinthe, avec une multiplicité des modes de transports sur une même voie : piétons, chevaux, diligences… Le principe moderne est de scinder les choses en créant des autoroutes, ou des périphériques exclusivement pour les voitures. Ces voies de communication coupent la ville en morceaux.

     

    En quoi « la banlieue » est-elle « contre les hommes » comme vous l’avez écrit ?

    La banlieue telle qu’elle est devenue est gigantesque et étouffe la ville. Il y a beaucoup plus de citadins qui vivent en banlieue qu’en ville. Historiquement, les villes ont toujours eu des faubourgs, souvent au-delà des remparts. Ces faubourgs sont devenus des banlieues à partir de la fin du XIXe siècle. Au XXe siècle les banlieues se sont développées de manière monstrueuse. Les banlieues ont concentré les nuisances et les populations les plus laborieuses. Les banlieues résidentielles, au sens de banlieues bourgeoises ont toujours été une minorité. La banlieue a souffert des grandes voies routières et de la déshumanisation avec les grands ensembles, vastes zones d’habitat sans entreprises à coté - elles étaient reléguées dans les zones industrielles - et sans histoire. Des villes trop neuves, sans racines.

     

    Vous avez dit du bien des conceptions de Roland Castro. Sur quels aspects précisément le soutenez vous ?

    Roland Castro, qui est un architecte parfois bien inspiré et aussi un agitateur d’idées un peu protéiforme, a eu (et a toujours) le mérite, même s’il n’a pas été le seul, de faire une critique radicale du fonctionnalisme en architecture. Et comme il ne passe pas inaperçu, on a tendance à lui attribuer cette critique bien venue. Bien entendu les gens qui critiquent l’idéologie de Le Corbusier et de la Charte d’Athènes ont raison. A la suite de Castro, je plaide pour mailler le territoire, par exemple utiliser la route des forts en Ile de France, utiliser les fleuves, marquer le territoire de signes forts, qui n’ont pas besoin d’être des tours.

    Ceci clarifié, il y a tout un courant « traditionaliste » en urbanisme qui a fait cette critique bien avant Roland Castro. De fait, l’idéologie de l’urbanisme après guerre – celle qui a été dominante - est fausse : Non, il ne faut pas couper l’homme en tranches : travail, loisir, repos. Non, il ne faut pas raser le centre de Paris, non il ne faut pas construire la même chose partout, comme si l’homme était partout le même. Bien sûr entre ce qu’a vraiment dit et écrit le Corbusier et ce qu’on en a retenu il y a un décalage. On a retenu le plus simple et à quelques nuances près cela convenait aussi bien à la droite modernisatrice et industrialiste qu’à la gauche communisante, « progressiste », et d’ailleurs carrément stalinienne à une époque, gauche elle aussi rationalisatrice et modernisatrice à sa façon. On a voulu faire du logement un objet formaté et reproductible facilement partout et pour tous, à l’instar de l’œuvre d’art qu’analysait Walter Benjamin dés les années 30.

     

    Les lotissements, les zones pavillonnaires et autres néo-villages ne sont-ils pas nés d’une vision exclusivement utilitariste et financière ? En quoi abolissent-ils toutes notions de géographie et de territoire ?

    Les lotissements sont une réponse à un besoin naturel d’avoir un « bout de terrain » à soi. N’oublions pas que nombre de Français sont des descendants de ruraux, qui étaient encore la majorité dans les années 40. Bien sûr si les promoteurs en font c’est qu’ils y gagnent de l’argent et pourquoi pas si cela reste raisonnable et compatible avec de la qualité ? L’ennui c’est que les lotissements sont mal faits, très consommateurs d’espace, affreusement uniformes, incompatibles avec des transports en commun, générateur de trajets interminables en voitures, celles-ci de plus en plus nombreuses sur des routes et autoroutes, de ce fait de plus en plus embouteillées. Mais ce sont avant tout les maires qui décident d’ouvrir tel terrain à la construction. Ce sont eux, les élus, les premiers responsables, avec ceux qui les ont élus, nous tous ! Je ne pense donc pas que le lotissement soit le bon modèle urbain. Je pense que ce phénomène doit être non pas supprimé – on peut les améliorer au demeurant – mais en tout cas restreint. Ce ne sont pas les « pavillons » - qui doivent être développés pour « produire de la ville ».

     

    Peut-on définir une mode architecturale dans nos villes modernes ?

    Il y a une mode qui est le kitsch, le néo-classique ou encore le néo village que vous avez évoqué. Il y a des pastiches du modernisme de le Corbusier. Il y a toutes les modes possibles et imaginables, et ce n’est pas fini.

     

    Quelle est la place de l’art dans la ville moderne ?

    A notre époque, l’art est utilisé comme parodie. L’art dans la ville fonctionne sur le mode d’un système de renvoi d’ascenseur entre pseudo-artistes et vrais carriéristes. Il y a eu jusqu’à la Révolution française, et un peu après, une tradition d’art populaire, répandu dans le peuple et pratiqué par le peuple. Cela a disparu avec la modernité. L’art est devenu une marchandise. Walter Benjamin a écrit des pages très pertinentes là-dessus.

     

    Paradoxalement, le temps des mégalopoles n’est-il pas celui de la fin des villes ?

    C’est la question. La distinction entre urbain et non urbain devient floue. Les villes deviennent immenses, elles se « banlieueisent ». La campagne est mitée par un habitat pavillonnaire en rupture complète avec les modes de constructions locaux, qui étaient basés sur les matériaux disponibles sur place, sur la connaissance de la géographie, sur les usages locaux.

    Les mégapoles sont souvent basées aussi sur l’immigration de masse et le déracinement, de gens des campagnes ou bien de gens originaires de pays étrangers. Ce n’est pas viable pour le lien social donc pour la ville si ces immigrés sont plus qu’une petite minorité voire s’ils sont – comme c’est le cas en France – la majorité dans certains quartiers. Les traditions de l’habitat sont différentes et l’intégration, alors, ne se fait pas, ou se fait mal, dans le domaine de la culture de l’habitat comme dans les autres domaines culturels. C’est en somme très simple : pour qu’une greffe se produise et réussisse, il faut que le tronc soit fort.

    En matière d’habitat, il y a tout un travail d’éducation qui a pu se faire entre compatriotes, basé sur des non dits, sur des choses qui se sont transmises de génération en génération, des « habitus » (Bourdieu) mais cela sous entend une certaine permanence des gens sur un certain territoire, et une transmission des cultures de « la maison ».

     

    En critiquant les mégapoles soutenez vous que nos villes sont trop grandes ?

    Oui. L’optimum serait de réduire la taille de toutes les villes à la fois trop peuplées et trop étendues. Vaste programme. Paris compte 12 millions d’habitants, je parle bien sûr de l’agglomération au sens large, dont un peu plus de 2 millions sont à Paris intra muros, expression malheureusement très exacte puisque Paris est enserré par le périphérique, construction très dommageable qui était déjà envisagée par les technocrates de Vichy. Je crois à la nécessité de développer avant tout les villes moyennes, de 50 000 à 400 000 habitants, et de mener une certaine décroissance ailleurs. La problématique de l’aménagement du territoire devrait redevenir centrale. On l’a complètement oubliée au profit du mythe des mégapoles « compétitives » ce qui veut dire en clair des villes invivables sauf pour l’hyperclasse mondialisée. Il faut sortir d’une vision des villes totalement dominée par l’impératif économique, en outre un impératif économique dans le cadre d’échanges mondiaux « libérés » c'est-à-dire dérégulés. Dans le domaine des choses très critiquables, n’oublions pas que le rapport Attali pour « libérer la croissance » proposait de réduire les contrôles, les enquêtes préalables, les consultations de façon à « mettre le turbo » en matière de grands projets urbains et en conséquence de super profits immobiliers.

     

    Que pensez vous du mot d’ordre : « ras le bol du béton » ?

    Le béton peut être très beau, notamment le béton brut, par exemple dans le « nouveau forum » des Halles, celui de Paul Chemetov, un de mes architectes préférés (longtemps communiste). Le moins écologique des matériaux de construction c’est l’acier, qui s’accompagne souvent du verre.

     

    Quel avenir souhaitez vous pour les centre-villes ?

    Il faut qu’il soient l’objet d’une reconquête sociale par les couches populaires, il faut sortir de la muséification des centres-villes, de la piétonisation excessive, il faut retrouver quelque chose dont on ne parle jamais, obsédés que sont les politiques par la « mixité sociale » - ce qui veut dire mettre quelques pauvres dans les quartiers « aisés » – à savoir retrouver la mixité habitat-activités, la mixité entre petites entreprises de proximité et logements. C’est cela qui est nécessaire. Pour cela, il faut tendre à sortir de la « boboisation » des villes, de leur tertiairisation excessive, du confinement des entreprises, notamment industrielles, dans des zones d’activité. C’est aussi d’ailleurs un enjeu national et européen qui m’est cher : il faut ré-industrialisation notre continent, renouer avec une culture industrielle, remettre de l’industrie dans chaque département, dans chaque région, et donc dans chaque ville. C’est comme cela que l’on sortira vraiment des délocalisations. Cela implique une certaine visibilité des industries, alors que la tendance est de les cacher. La France est un pays de très longue tradition industrielle, il y avait déjà une métallurgie chez les Gaulois, il faut assumer ce bel héritage et ne pas devenir un simple pays du tourisme, ce qui n’est pas très glorieux, et ce qui veut dire un pays « au riche passé »… mais sans avenir.

     

    Et quels sont les priorités en général pour les villes ?

    Il faut développer les transports en commun dans les centre villes comme dans les banlieues : les tramways surtout, mais aussi les métros aériens (les métros souterrains sont sinistres à haute dose), il faut une visibilité des transports en commun. Il faut rechercher de la beauté dans ce domaine. Il faut une « démocratie du beau », démocratiser le beau, le rendre accessible au peuple. « Il faut des monuments aux cités de l'homme, autrement où serait la différence entre la ville et la fourmilière ? » disait Victor Hugo. Pour moi la bonne démocratie ce doit être cela, tirer le peuple vers le haut, avoir un certain niveau d’exigence pour le peuple mais aussi d’exigences demandées au peuple.

     

    Existe t-il des projets alternatifs visant à dépasser « l'inhumanité » des grands ensembles urbains?

    Les éco-quartiers sont tout à fait intéressants. Les rues-villages peuvent être assez denses et donc viables, on peut construire un continu des immeubles de 6 ou 8 étages qui sont beaucoup plus dense que les grands ensembles et bien plus agréables. Même un urbanisme d’immeubles de 3 ou 4 étages (pas besoin d’ascenseur jusqu’à 4 étages) peut être plus dense par logements et nombre d’habitants à l’hectare que la plupart des grands ensembles. Le point principal est qu’il ne peut y avoir aucun urbanisme de qualité sans densité. En contrepartie la création ou la préservation de grands parcs est bien sûr nécessaire.

     

    S’il faut construire, comment construire autre chose que des grands ensembles ?

    Il faut construire un habitat dense du type haussmannien, alors que les grands ensembles sont très peu denses, insuffisamment denses. Exemple de quartier néo-haussmannien assez réussi : le quartier Montgolfier à Saint-Maurice dans le Val de Marne. On peut bien sûr ricaner du « néo » dans l’architecture mise en oeuvre. Mais la ville n’est pas un fétiche d’architecte, pas plus qu’une femme n’est une couverture de catalogue. La ville est là pour se donner à vivre. Revenons sur la question de la densité. La densité des grands ensembles (et en prenant vraiment les plus denses) est de 50 à 100 logements à l’hectare, la densité des vieux centres-villes est de 150 à 200 logements à l’hectare, donc plus élévée, avec une correction, les logements sont souvent plus petits en centres-villes que dans les grands ensembles. Cela a une conséquence : la densité moyenne d’une ville constituée essentiellement de grands ensembles comme la Courneuve est de 5000 habitants au km 2, soit 50 habitants par hectare. La densité du 18e arrondissement de Paris est de 32 000 habitants au km2 soit 320 par hectare. Six fois plus. La densité n’est donc pas synonyme de quartier difficile, sacrifié, bien au contraire. La densité permet la qualité de la ville : transports, commerces, vie sociale et culturelle. Celle-ci n’est guère possible sans densité.

    La densité est une chance, elle est la condition de transports en commun développés et elle ne passe nullement par des tours mais par des immeubles dont le gabarit peut aller de 4 étages à 8 étages, qui peuvent avoir des terrasses, comporter des terrasses en gradins à la Henri Sauvage, etc.

    En ce qui concerne l’avenir des barres et tours des grands ensembles, des destructions sont nécessaires mais il faut surtout ajouter de la ville à la non ville qu’est le grand ensemble. Ainsi on fera de la ville. Avec un mélange d’accession à la propriété et de locatif.

    Je suis pour des immeubles « simples à vivre » : jusqu’à 4 étages, on peut ne pas mettre d’ascenseurs, (c’est pour cela qu’à Berlin ex-Est il y a plein d’immeubles de 4 étages maximum !). Bien sûr on peut aussi avoir des immeubles jusqu’à 7 étages voire un maximum de 10. Ceci permet déjà de varier à l’infini les formes urbaines, les façades, etc. Prenons le jeu d’échec, il y a un nombre limité de pions, n’est ce pas ? il y a pourtant une quasi infinité de combinaisons. La ville c’est pareil, il faut un règlement contraignant en matière de volumétrie et d’occupation du sol, de distance entre les immeubles, etc, et ensuite laisser une liberté aux architectes, pour les façades, pour les formes, pour les conceptions intérieures. Par ailleurs je ne suis pas contre le moderne y compris la juxtaposition du moderne et de l’ancien. L’hôtel de ville moderne de Saint-Denis à coté de la basilique, cela passe bien.

     

    Voulez vous nous citer quelques exemples de constructions que vous trouvez réussies ?

    Un exemple de ce j’aime : le musée du quai Branly de Jean Nouvel, les immeubles de Portzamparc rue des Hautes Formes à Paris 13e, les « tours Castro » d’Oullins, tours en fait pas plus hautes que l’église d’à coté (10 étages – ce qui me parait un maximum admissible). Je n’aime pas : la Bourse du travail de Castro à Saint-Denis, l’Opéra Bastille de Carlos Ott, la BNF (grande bibliothèque) de Dominique Perrault.

     

     

    Rendre la ville « vivable » passe par la défense des quartiers populaires face à la spéculation immobilière, l'abandon des pouvoirs publics et l'insécurité. Cela implique une reprise en mains par les populations de leur vie quotidienne et par des liens sociaux forts. Qu'en pensez-vous ?

    Pour l’insécurité, s’il n’y a pas de solution miracle, il me semble qu’une sorte de garde nationale, ancrée dans le peuple serait nécessaire, une sorte de garde civique, en complément de la police. Dans divers quartiers la reprise en main des questions urbaines par les habitants, avec un encadrement de terrain, et une formation, serait nécessaire. Des associations pourraient promouvoir de l’auto-construction, de l’auto-réhabilitation. Nous serions loin des « rénovations » décidés d’en haut.

    Un urbanisme vernaculaire pourrait naitre, en respectant bien sur des plans directeurs communaux et inter-communaux quant aux voiries, aux hauteurs, aux volumes. Mais il faut du jeu, de la souplesse. Comme dans le montage d’une serrure sur une porte, un serrurier vous dira qu’il faut toujours un peu de jeu. En urbanisme c’est pareil, il faut toujours un peu d’espace d’appropriation, un peu d’espace libre, en friche, tout ne doit pas être défini strictement. Il faut un cadre mais pas un carcan. Il faut des marges de manœuvre. A Paris et dans les grandes villes, plus rien n’est autorisé, tout est vidéo surveillé et pourtant il y a beaucoup plus d’insécurité que dans les années 60, où il y avait beaucoup plus de libertés dans les villes. Il ne faut pas vouloir tout contrôler en matière d’usage des espaces publics. Il faut « un peu de jeu », un peu de marge d’ajustement. Il y aurait des erreurs sans doute, mais l’urbanisme administré et celui des groupes de promoteurs privés comporte lui aussi bien des erreurs, et des injustices flagrantes. Prenez La Défense ou encore Issy les Moulineaux, est-ce une grande réussite ? certainement pas à mon avis.

     

    Pierre Le Vigan

     

    Quelques extraits de cet entretien sont parus dans Réfléchir et Agir, n° 36, automne 2010, dossier « Ralentir la ville », et pour d’autres extraits dans Rebellion n° 44, septembre-octobre 2010, dossier « Ni bidonvillisation ni ville-bidon ».

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