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rené chiche

  • Sécessions adolescentes : les nouveaux mutins de Panurge...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Paul-Élie Aengler cueilli sur le site de la revue Éléments et consacré aux sécessions adolescentes au sein du système éducatif de l'archipel français...

     

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    Sécessions adolescentes. Les nouveaux mutins de Panurge

    S’il est un lieu où chacun peut observer les nombreuses et diverses sécessions qui traversent la France, c’est bien l’école. Tout professeur en a conscience : l’école n’est plus le moule civique et culturel qui « fabriquait » des Français. Bien au contraire, c’est désormais à l’institution scolaire et au savoir académique de s’adapter à « l’archipel français », pour reprendre l’expression de Jérôme Fourquet.

    Dans toutes les salles de classe, les nouveaux clivages culturels et ethniques apparaissent aujourd’hui de manière évidente. Certes, cela fait longtemps que les sociologues analysent les différentes tribus adolescentes qui peuplent depuis Mai 68 les cours de récréations des collèges et des lycées : « gothiques », « geeks », « racailles », « rockeurs », autant d’affiliations possibles pour adolescents en quête d’une identité à la fois grégaire et rebelle. Ces clans formaient jadis un ensemble de contre-cultures opposées à la culture officielle condamnée depuis Bourdieu comme « bourgeoise » par toute une partie du corps enseignant lui-même. Pourtant, la situation actuelle offre aux yeux du professeur attentif quelques traits inédits.

    Cultures et contre-cultures scolaires

    C’est la culture classique qui n’existe plus, du moins en tant que culture de référence, que ce soit parmi les élèves ou dans le contenu des enseignements. À l’exception de quelques grands lycées de centres-villes, la plupart des élèves n’ont pas la moindre idée de son importance. Leur propre civilisation leur est désormais essentiellement étrangère, puisqu’elle est assimilée à une simple collection de vieilleries dénuées de sens : à quoi bon Molière ou Descartes alors que leur compréhension nécessite un effort que la tyrannie de l’immédiateté a aboli ? Tout converge vers une simplification de la langue. Ce phénomène explique l’effondrement de la maîtrise de la langue française, mère de toutes les sécessions scolaires. À cet égard, on peut se reporter au précieux réquisitoire du professeur René Chiche dans La désinstruction nationale (2019, Ovadia). Celui-ci a le courage de parler de « quasi-illettrisme » pour désigner cette implosion de la langue commune constatée lors de la correction de centaines de copies du baccalauréat « écrites en un charabia qui emprunte vaguement au français comme à une langue étrangère ».

    Quant aux professeurs, soit ils ne connaissent plus cette culture de référence, soit ils en ont honte ou sont forcés de s’avouer vaincus par l’esprit du temps : l’autocensure et la simplification du savoir triomphent, fût-ce au prix d’un énième renoncement. Certes, il y a encore quelques chaînes de transmission qui fonctionnent, quelques élèves attentifs à ce legs du passé, mais ces élèves ne font que survivre dans un univers désormais hostile à l’idée d’une hiérarchie culturelle. C’est la grande bascule : l’ancienne culture de référence est devenue une contre-culture minoritaire à l’école, un des nombreux ilots de l’archipel scolaire – et ce parmi les élèves et les professeurs. Voilà la première condition de la sécession, lorsque la norme devient l’exception et l’exception la norme.

    Parmi toutes ces contre-cultures qui se font face, n’y en-a-t-il aucune qui ne tende alors à dominer les autres ? Il serait naïf de ne pas le croire, car la nature a horreur du vide. Dans la plupart des établissements, l’évolution démographique a tranché : c’est désormais l’Islam, même mal connu et parce que mal connu, ainsi que la culture rap qui dominent les mentalités. Concernant l’Islam, la plupart des élèves accordent à la religion musulmane le prestige que la catholique assumait jadis : dans les cours de biologie et de philosophie, la nouvelle norme du sacré est bien islamique. Combien de professeurs ont-ils affronté l’incrédulité généralisée concernant l’évolutionnisme ? Et parce qu’authentiquement sacrée aux yeux de la plupart des élèves, musulmans ou non, c’est une norme avec laquelle il faut nécessairement composer, en tant qu’élève dans la cour de récréation et en tant que professeur dans la salle de classe.

    Sur le Coran, ma mère !

    Le cours de philosophie sur la religion se résume souvent à un défi insurmontable. Impossible de rester dans le cadre théologique chrétien, pourtant parfaitement acclimaté à la rationalité grecque, puisque ces références sembleraient exclure les élèves de confession musulmane et que tous les élèves, non-musulmans compris, trouveraient à y redire. Impossible également de discuter des dogmes et textes musulmans, puisque le professeur oserait s’immiscer dans la sphère du sacré partagée par la plupart des élèves : la nouvelle bigoterie est d’origine coranique mais intériorisée par tous. Les « wallah » et « sur le Coran » constituent d’ailleurs la trame de fond des récréations comme des interclasses. Plus étonnant, les enseignants découvrent à quel point certains élèves chrétiens en minorité revendiquent avec fierté la pratique du carême, copiant inconsciemment celle d’un ramadan devenu prépondérant dans de nombreux établissements. C’est donc la déférence vis-à-vis de l’Islam qui sert de référence commune de remplacement.

    Concernant la culture rap, qu’il est désormais absurde de qualifier de « contre » culture, son hégémonie est incontestable, y compris dans les lycées plus bourgeois où le survêtement et le rap ont depuis quelques années écrasé la concurrence. Les paroles et l’imaginaire de ce genre musical lui octroient désormais le monopole de la subversion, de la véhémence et de la virilité. La victoire est donc revenue à la tribu la plus agressive. Mais dans les lycées périphériques, exhiber cette obédience n’est pas seulement un signe de bon goût adolescent, c’est surtout un moyen d’intégration, voire de survie sociale. Pour les garçons, adopter les codes sociaux du groupe dominant laisse espérer une immunité contre le harcèlement. Les filles elles-mêmes ne s’y trompent pas : adopter les codes de la « rue » est un mécanisme de défense fort efficace pour se faire respecter.

    La colonie de nos colonies

    Évidemment, cette nouvelle culture dominante à mi-chemin entre la Mecque et les États-Unis a un même terreau : l’immigration massive des dernières décennies. « La Grèce conquise a conquis son farouche vainqueur », disait Horace (Épîtres, II) : par l’un de ces retournements dialectiques dont l’histoire a le secret, les descendants des populations anciennement colonisées imposent désormais consciemment et inconsciemment leur spiritualité et leur esthétique aux autochtones qui se doivent de faire allégeance. Le nomadisme identitaire a remplacé la culture sédentaire anciennement majoritaire, puisqu’il est désormais honteux de ne pas avoir d’origines : quand on est un « petit Blanc », on en vient à déterrer des aïeuls italiens ou polonais pour cultiver son extraterritorialité.

    Ainsi, à l’école, les minorités devenues majoritaires sont maintenant capables de tyranniser la majorité devenue minoritaire. Cette matrice sécessionniste à laquelle tout le monde semble se résigner a de nombreuses répercussions, y compris pour les rares familles qui semblent encore y échapper : contournement de la carte scolaire, établissements privés, cours particuliers. C’est alors le tribalisme multilatéral qui surgit pour compenser la désaffiliation culturelle, ainsi que le notait déjà Michel Maffesoli dans Le temps des tribus (1988) : « Le tribalisme rappelle l’importance du sentiment d’appartenance à un lieu, à un groupe, comme fondement essentiel de toute vie sociale. » Et dans les lycées lambda, les tribus adolescentes sont en passe d’être submergées par la plus prosélyte et la plus féconde d’entre elles. Au monde de Michel Maffesoli, répond ainsi celui de Philippe Muray, matons et mutins de Panurge.

    L’école et le monde de demain ne seront pas le paradis de l’intersectionnalité mais l’enfer de l’incommensurabilité : un espace conflictuel sans culture véritable, c’est-à-dire sans commune mesure capable de transcender les tribus particulières.

    Paul-Élie Aengler (Site de la revue Éléments, 11 octobre 2022)

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  • La désinstruction nationale: non-assistance à une jeunesse en danger !...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par René Chiche à Figaro Vox à l'occasion de la sortie de son essai La désinstruction nationale (Ovadia, 2019). Professeur agrégé de philosophie,  René Chiche enseigne en lycée depuis trente ans.

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    «La désinstruction nationale: une non-assistance à une jeunesse en danger»

    FIGAROVOX.- Qu’est-ce que la désinstruction nationale que vous dénoncez dans votre ouvrage?

    René CHICHE.- Il fut un temps, pas très lointain d’ailleurs, où l’on quittait l’école en sachant convenablement lire et écrire, c’est-à-dire où l’école instruisait. On entre aujourd’hui à l’université en sachant à peine lire et en ne sachant pas du tout écrire. C’est un fait. Et cela est proprement stupéfiant. Comment peut-on tolérer que des générations entières passent une quinzaine d’années sur les bancs de l’école et parviennent jusqu’aux portes du supérieur en maniant leur propre langue comme s’il s’agissait d’une langue étrangère? Ce n’est d’ailleurs même pas assez dire pour qualifier le charabia dans lequel sont écrites la plupart des copies que je lis. Il y a toujours eu un petit nombre de très mauvaises copies comme de très bonnes mais désormais les copies indigentes à tout point de vue constituent la grande majorité des copies, au point qu’on juge bonnes des copies qui étaient hier seulement médiocres.

    Pour qu’on comprenne bien que je ne suis pas en train de hurler à la catastrophe à cause de quelques fautes d’orthographe ou de quelques perles qu’il est si facile d’exhiber mais dont on ne peut en réalité tirer aucune conclusion, j’ai pris la peine de donner un échantillon représentatif de ces copies dans le premier chapitre, lui-même intitulé «bac à l’oréat» parce que c’est ainsi que je l’ai vu écrit une fois sur l’en-tête d’une copie d’examen. J’aurais pu en remplir dix volumes. Ceux qui liront cet échantillon comprendront alors immédiatement ce qu’est la «désinstruction»: lorsque l’institution censée prendre soin de l’esprit des jeunes gens les laisse dans un tel état de quasi-illettrisme tout en leur promettant «la réussite» matin, midi et soir, je crois que ce néologisme n’est même pas assez fort pour décrire ce qui est de la non-assistance à jeunesse en danger, affamée de lettres et de culture que l’école renonce à transmettre parce qu’un grand nombre des acteurs considère que ce sont des vieilleries inutiles. L’école n’instruit plus et laisse l’esprit en jachère.

    Le problème, ou plutôt le scandale, est qu’on a interdit de dévoiler la réalité aussi bien que l’ampleur de cette désinstruction. Tous ceux qui osent soulever un coin du voile se font immédiatement rappeler à l’ordre par quelque colonel de pensée veillant à l’orthodoxie en la matière. «Les jeunes de maintenant savent d’autres choses», dit-on. Ils ont «d’autres compétences». Ah bon? Parce que la dextérité dans la manipulation du clavier virtuel serait une «compétence»? L’aptitude à baragouiner la langue de Shakespeare compenserait l’incapacité à manier passablement celle de Molière? Bien sûr que non! Ce sont des fadaises, et j’ai écrit ce petit livre pour qu’on cesse une bonne fois de nous les servir et qu’on ait enfin le courage de regarder la réalité en face. La langue est l’instrument de toute connaissance, y compris et surtout l’instrument de la connaissance de soi. On ne peut rien savoir vraiment quand le moyen de la compréhension n’est pas maîtrisé. À défaut de savoir, on apprend par cœur des cours auxquels on ne comprend strictement rien, comme je le relate par des anecdotes dont j’aurais pu là encore remplir plusieurs volumes. Or, entre croire et savoir, il faut choisir.

    Quand penser devient de plus en plus difficile pour les élèves (par manque de mots, de concepts), quelles sont les conséquences à venir pour ces futurs citoyens?

    Penser n’est pas difficile pour les élèves, penser est interdit. Vous savez, penser est difficile et le demeure, même pour des penseurs professionnels! Car «penser, c’est dire non!»: non à la première idée qui se présente, non à la facilité, non à l’habitude et ainsi de suite. Il ne s’agit donc pas que penser devienne facile. Il est si facile de se contenter d’à-peu-près. Or savoir à peu près lire, c’est en réalité ne pas savoir lire. Et ainsi du reste: penser approximativement, c’est adhérer à un discours et réagir à des mots comme un taureau devant le chiffon rouge.

    C’est croire, et non penser. On n’apprend à penser qu’en grande compagnie. Alors oui, on doit s’inquiéter des conséquences politiques de la désinstruction, parce qu’en République, l’école est d’abord instituée non pour procurer un métier ou je ne sais quel savoir-faire mais pour qu’il y ait des citoyens dignes de ce nom, capables de juger et de critiquer. Oui, il faut s’inquiéter de ce que deviendront des élèves qui n’ont presque rien lu, qui ne connaissent Montesquieu ou Montaigne que de nom, à qui l’on apprend, en croyant bien faire, à décrypter les «fake news» pendant des heures où l’on renonce à leur apprendre les subtilités de leur propre langue. Il faut s’inquiéter du devenir de ceux que l’on a privés d’heures de français au cours desquelles ils auraient acquis la maîtrise de la langue en puisant à la source et que l’on préfère faire débattre de tout et de rien sous couvert d’un prétendu «enseignement moral et civique» qui est une forme de dressage, quand on ne va pas jusqu’à faire commenter des «tweets» en classe!

    Mais la formation du citoyen n’est pas seulement intellectuelle, elle est aussi morale, et de ce point de vue encore, l’école renonce. Presque personne n’ose déplaire. Il faut non seulement aimer mais faire aimer la difficulté si l’on veut penser et se tenir debout, puisque c’est la difficulté surmontée qui fait progresser. Mais on fait tout le contraire: on cherche à intéresser au lieu d’instruire et l’on traite l’élève en consommateur, allant jusqu’à dévoyer la pédagogie pour la mettre au service de la paresse et de la désinstruction. Songez par exemple que le Code de l’éducation lui-même a banni le mot «instruction» de la loi et que la noble tâche de l’école n’est plus d’instruire, comme le voulait Condorcet, mais de garantir (oui, garantir!) la «réussite»! La belle affaire! On réclamera bientôt la réussite par pétition!

    D’ailleurs on le fait déjà. On oublie toutefois que la réussite présuppose le travail, l’effort et même l’échec, duquel on apprend à se relever par persévérance, et c’est cela qui est formateur. Les professeurs sont aux premières loges de ce triste spectacle et ne cessent de dénoncer et déplorer ce fonctionnement absurde auquel tous cependant consentent ou se résignent. Un élève qui a des difficultés passera tout de même dans la classe supérieure, où ses difficultés grossiront et ainsi de suite jusqu’à ce qu’elles deviennent des lacunes qui paraîtront insurmontables. On ne lui fera pas trop remontrance, de peur de le traumatiser. Il parviendra jusqu’en Terminale en ne sachant pas écrire. Il se trouve enfin des gens, même parmi les professeurs, ceux que j’appelle les militants de la désinstruction, pour justifier ce passage automatique d’un niveau à l’autre. Ils ont d’ailleurs supprimé la notion même de niveau et l’ont fait remplacer par celle de «cycle» en prétextant qu’il fallait respecter les «rythmes» d’apprentissage: voilà, entre autres choses, comment des élèves arrivent jusqu’au baccalauréat non seulement en ne sachant pas s’exprimer avec clarté mais en n’ayant parfois jamais travaillé.

    Face aux «pédagogistes», existe-t-il encore des enseignants fidèles à un enseignement classique, historiquement républicain?

    On ne devrait pas qualifier de «pédagogistes» ceux qui s’emploient à détourner la pédagogie de sa vocation, qui n’est pas de s’adapter mais bien d’élever. Il y a en effet une poignée de militants de la désinstruction, y compris dans le corps enseignant, mais ce qui est en cause, c’est le fonctionnement de l’institution plutôt que le rôle et la responsabilité de tel ou tel. Les «pédagogistes» sont avant tout des carriéristes. Quand on aime son métier, on le fait et on ne passe pas son temps à en parler. L’artiste puissant, dit Alain, ne parle guère.

    Dans un chapitre intitulé «Les boutons de manchettes», j’explique et décris assez crûment la façon dont le professeur que vous qualifiez de «classique», c’est-à-dire «à l’ancienne» (manière de parler à la fois révélatrice et dramatique), est aujourd’hui menacé par ceux qui étaient auparavant chargés de le protéger, chefs d’établissement aussi bien qu’inspecteurs. Il faut aller sur le terrain pour observer comment les choses se passent. Les chefs d’établissement sont poussés à se prendre pour des «managers» et, pour se faire bien voir de leur propre hiérarchie, ont tendance à inciter les professeurs à faire de même. On voit ainsi proliférer une nouvelle espèce d’enseignants prompts à faire des «projets», à faire parler d’eux, à faire les intéressants. La plupart du temps, ces «projets» sont affligeants. Mais, voyez-vous, un professeur qui fait simplement son travail, qui ne fait pas de bruit, qui ne cherche pas à faire parler de lui dans le journal de la commune, est considéré par sa hiérarchie comme un mauvais professeur, voire un encombrant que l’on attend de pouvoir remplacer par un enseignant (j’emploie ce mot à dessein pour le distinguer de celui de professeur) docile, recruté par contrat, taillable et corvéable à merci.

    On parle désormais de «l’équipe» pédagogique comme de «la communauté éducative»! Il y a cependant toujours des professeurs, de vrais hussards noirs, et en réalité ils le sont encore presque tous, et cela en vertu de leur mode de recrutement. Car un professeur est avant tout un intellectuel. C’est sans doute la raison profonde pour laquelle, si on veut en finir avec les hussards et les remplacer par des animateurs ou de simples assistants dans le face-à-face entre l’élève et l’écran auquel certains voudraient que ressemble dorénavant l’enseignement, on cherchera d’abord à réformer le mode de recrutement et le concours, qui fait encore la part belle à la maîtrise d’un champ disciplinaire. L’autorité morale du professeur a pour fondement son autorité intellectuelle. Et depuis toujours ceux qui font profession de penser ont pour ennemis jurés, à leur corps défendant, tous ceux qui mettent l’administration des choses au-dessus du gouvernement des hommes et du soin que l’on doit à l’esprit.

    René Chiche, propos recueillis par Marguerite Richelme (Figaro Vox, 10 janvier 2020)

     

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  • La désinstruction nationale...

    Les éditions Ovadia viennent de publier dans leur collection Temps présents, dirigée par Baptiste Rappin, un essai de René Chiche intitulé La désinstruction nationale. Professeur agrégé de philosophie,  René Chiche enseigne en lycée depuis trente ans.

     

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    " Professeur, j'hérite en Terminale d'élèves qui ne maîtrisent pas l'accord du participe passé, peinent à déchiffrer une phrase complexe et manient leur propre langue comme s'il s'agissait d'une langue étrangère, usant du ''donc'' et du ''parce que'' à la façon d'un joueur cherchant à deviner les numéros gagnants d'une loterie. En lisant leurs copies, j'ai trop souvent l'impression de me trouver devant des enfants malnutris, voire dénutris, à qui il faut d'abord donner une bouillie protéinée parce qu'ils ne sont pas en état d'avaler une nourriture plus consistante. Combien sont-ils en ce cas ? Beaucoup trop. Une grande partie de mes élèves obtiennent leur baccalauréat alors qu'ils sont dans un état de quasi-illettrisme. Si l'on quittait jadis l'école primaire en sachant lire et écrire, on entre aujourd'hui à l'Université en éprouvant les plus grandes difficultés pour lire et en ne sachant plus du tout écrire. De cette catastrophe, tous sont complices : ministres de passage qui ne rendent jamais compte de leurs méfaits, chroniqueurs hors-sol qui les encensent du haut de leur ignorance, intellectuels qui ont abandonné la cause de l'école pour de vains mais plus juteux bavardages, professeurs, aussi, qui distribuent sans conviction, uniquement pour qu'on leur ''fiche la paix'' des notes auxquelles nul ne croit. La société tout entière semble indifférente au préjudice subi par d'innombrables jeunes gens qu'elle consent à voir priver de lettres et d'instruction pourvu qu'on les gratifie de diplômes en chocolat après leur avoir promis la ''réussite'' depuis le berceau. Le mensonge sur cette situation ne peut plus durer. J'ai donc décidé de révéler au public l'ampleur alarmante de la désinstruction nationale, d'en fournir des preuves et en indiquer les causes, dans la conviction qu'il nous est encore possible de nous relever collectivement de ce désastre. "

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