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natalité

  • L’hiver démographique est-il inéluctable ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Ferdinand Sudres, cueilli sur le site de la revue Éléments et consacré à l'hiver démographique dans lequel est entré l'Europe...

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    L’hiver démographique est-il inéluctable ?

    Lors de sa conférence de presse fleuve du 11 janvier 2024, le président de la République a évoqué la nécessité d’un « réarmement démographique » du pays. Ces termes n’ont pas manqué de provoquer une petite polémique dans le landerneau parisien : les féministes accusant le chef de l’État de vouloir imposer aux corps des femmes des choix politiques et la droite rappelant à bon droit qu’Emmanuel Macron avait participé au gouvernement durant lequel la courbe démographique française avait entamé une descente vertigineuse.

    En 2023, l’Insee nous apprenait que la France avait enregistré son plus bas taux de natalité depuis 1946 avec moins de 700 000 naissances et un taux de natalité s’établissant à 1,6 enfant par femmes. Alors que la France disposait encore d’une natalité dynamique par rapport au reste de l’Europe, elle semble rentrer dans un hiver démographique de long terme, c’est-à-dire une baisse concomitante de ses naissances associée à un vieillissement de plus en plus important de sa population.

    Cet hiver démographique, phénomène bien connu en Italie ou au Japon, constitue en réalité un phénomène mondial qu’il appartient à tout acteur de la Cité d’appréhender. Si le défi écologique ou climatique est toujours en première ligne des préoccupations et de l’intérêt médiatique, le défi démographique, plus obscur, invisible par définition, constitue en réalité la plus grande menace pour l’équilibre de nos sociétés reposant largement sur une utilisation extensive du capital humain.

    Il nous faut ainsi établir les données du problème et identifier les causes aussi subjectives que matérielles qui concourent à ce vieillissement accéléré de l’ensemble de la population du globe et singulièrement de la population européenne. La démographie et le maintien d’une population active ne sont pas qu’une lubie économiste ou le dernier avatar d’une pensée chrétienne accrochée à la procréation. cette problématique doit être saisie comme centrale, car elle conditionne le futur et la stabilité socio-économique de nos pays et particulièrement du continent européen.

    L’hiver démographique arrive

    L’Europe et les pays fortement développés comme le Japon ou la Corée du Sud connaissent depuis la fin des années 1990 des niveaux démographiques alarmants. Pour la Corée du Sud, le point de non-retour semble déjà passé. Avec en moyenne 0,7 enfant par femme, il est désormais admis que la Corée du Sud perdra la moitié de sa population active d’ici 2050 et passera en dessous de 35 millions d’habitants d’ici la fin du siècle. Le Japon et l’Italie sont d’ores et déjà les pays les plus vieux du monde et leur atonie économique structurelle repose en partie sur cette situation démographique désastreuse.

    Néanmoins, si la situation alarmante des pays européens et des pays d’Asie du Sud-Est est déjà largement connue, on observe une baisse structurelle du taux de natalité dans la quasi-totalité des pays du monde et un vieillissement de certaines sociétés moins riches et moins développées. À ce titre, l’Amérique du Sud, connaissant désormais un taux faible de natalité, enregistre un vieillissement accéléré de sa population. Alors que les États-Unis d’Amérique avaient mis cinquante ans pour voir la part de leur population âgée de plus de 60 ans passer de 10 à 20 %, des pays comme le Pérou, la Colombie ou le Venezuela mettront moins de trente ans à passer cette limite déterminante avec un système de protection sociale moins performant, toutes proportions gardées, que le système américain.

    En Afrique, dont l’augmentation démographique est à juste titre une source d’inquiétude, particulièrement pour le Vieux Continent, on observe que nombre de pays africains connaissent une baisse démographique tendancielle de leur taux de natalité, malgré une démographie encore galopante en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale. L’augmentation de la population mondiale résidera pour le siècle en cours essentiellement en Afrique qui conserve encore un taux de natalité important, à l’inverse du reste de la planète. Les pays du Maghreb ont d’ores et déjà terminé leur transition démographique et la natalité des grandes métropoles africaines est passée sous la barre du taux de renouvellement des générations.

    Dans le monde entier, depuis la Covid-19, les pays qui observent une augmentation de leur démographie se comptent sur les doigts d’une main. Seules la Mauritanie, l’Afghanistan et Israël affichent encore des taux de natalité croissants alors que la plupart des pays sont non seulement passés sous le seuil de renouvellement des générations, mais subissent également une baisse continue de leur taux de natalité.

    Selon l’ONU, le taux de natalité mondial s’établirait en 2023 à 2,2 enfants par femme. S’il est encore supérieur au seuil de renouvellement des générations, porté en partie par le déploiement de la démographie africaine, l’espèce humaine semble sur la voie d’une baisse structurelle de sa natalité. Les transitions démographiques rapides et désormais le vieillissement accéléré de la population constituent des phénomènes de plus en plus structurels non seulement en Europe où près de 30 % de la population aura plus de 60 ans en 2040, mais également dans d’autres parties du monde comme l’Amérique latine ou l’Asie du Sud-Est. Pour l’Empire du milieu, les effets de long terme de la politique de l’enfant unique, conjugués à une urbanisation et à un développement rapide, ont amené le pays à un taux de natalité à un enfant par femme, entraînant un vieillissement accéléré de la population chinoise réduisant ses chances d’hégémonie et de domination à long terme. Avant d’être riches, les Chinois seront vieux.

    Zeitgeist nullipare

    Le sujet de la démographie est un sujet complexe. Il se situe à l’intersection du privé et du public. Il concerne l’espace privé, ce que font les gens dans leur chambre à coucher, ou ailleurs, ce qui ne devrait pas normalement relever de l’examen de l’État ou des décideurs publics, mais il concerne surtout le collectif et le destin tout entier de la Cité. Si faire un enfant est une question intime, la natalité est une cause collective.

    Dans le monde occidental, cette baisse brusque de la natalité depuis la Covid-19 tient d’abord à une cause générationnelle. La génération dite Z (née entre 1997 et 2004) arrive peu à peu à l’âge de procréation. Génération socialisée par les écrans, déstructurée par le confinement, inquiète des évolutions du monde et d’un futur incertain, marquée par une solitude grandissante et une difficulté à s’engager, voire tout simplement à procréer, elle s’affirme comme une génération fortement nullipare (autrement dit : qui n’a jamais porté d’enfant ni accouché), où le projet d’enfant vient contrecarrer les aspirations individuelles. Dans un sondage récent paru dans Libération, l’IFOP estimait qu’un quart des jeunes Français de moins de 24 ans n’avaient pas pratiqué d’activités sexuelles dans les douze derniers mois, un chiffre record par rapport à la précédente enquête publiée en 2006. Par ailleurs, s’il y a une quinzaine d’années, la maternité était encore l’idéal de la quasi-totalité des Françaises (98 % en 2006), elle n’est plus aujourd’hui un rêve pour toutes : 13 % des Françaises âgées de 15 ans et plus (+11 points depuis 2006) expriment leur préférence pour une vie sans enfant, et leur nombre est trois fois plus élevé chez les femmes sans enfant en âge et en capacité de procréer (31 %). À l’inverse, la « famille nombreuse » (3 enfants et plus), qui était un idéal de vie pour près d’une femme sur deux il y a encore une quinzaine d’années (49 % en 2006), n’attire aujourd’hui plus qu’une Française sur trois (32 %).

    Le développement des réseaux sociaux explique en partie ce phénomène de non-natalité. Selon une étude récente de la Fondation de France, près de 25 % des jeunes Français sont en état de solitude aggravée, n’ayant plus ou peu d’interactions sociales avec autrui.Cette solitude moderne, paradoxale,car inscrite dans une absence de relation humaine réelle mais dans une surmobilisation et un surinvestissement de relations numériques éphémères, participe à un grand mouvement nullipare de la société.

    Parallèlement, la figure de la maternité et de l’enfant disparaît peu à peu de l’environnement des sociétés. Les grands ensembles urbains où vivent la majorité de la population sont de plus en plus rétifs à la présence des enfants. Les parcs, aires de jeux, ou autres infrastructures publiques dédiées à la présence enfantine, sont de moins en moins construits ou déployés.

    L’individu contre la famille

    Par ailleurs, les lieux de sociabilité et de rencontre, ferments de la civilisation européenne, comme les bars ou les cafés, tendent peu à peu à disparaître. Les boîtes de nuit, symbole de la jeunesse et de la sociabilité des années 1980 et 1990, subissent une désaffection profonde de la génération Z et ferment les unes après les autres.Selon le sociologue Jérôme Fourquet, un phénomène puissant de repli sur l’espace intime et l’intérieur irrigue désormais toute la société et particulièrement les plus jeunes. Cette civilisation du plaid, inquiète et adepte de safe space, souvent solitaire, semble devenir de plus en plus incapable de se projeter dans un avenir commun et particulièrement de troquer sa liberté de monade solitaire contre la charge de la parentalité.

    La baisse de la natalité en France et en Europe réside également dans la dégradation des conditions matérielles d’existence des jeunes. Le marché du logement, par exemple, constitue le frein le plus évident à la fondation d’une famille. L’exiguïté des lieux d’habitation comme l’instabilité structurelle dans leur occupation par l’impossibilité récente d’accès à la propriété découragent les couples à fonder une famille.

    De plus, l’évolution de la politique nataliste a eu un effet catastrophique sur la démographie française. Alors que le pays se félicitait d’associer un haut niveau d’accès à l’emploi pour les femmes et une natalité relativement dynamique, les réformes des allocations familiales, particulièrement sous le quinquennat Hollande, ont participé à enrayer ce qui était encore un atout déterminant de la France dans le concert européen. La fin de l’universalité des allocations familiales a entraîné une diminution de la natalité des couples de classes moyennes supérieures ou de la petite bourgeoisie. Si on ne fait jamais un enfant pour les aides, la perspective d’un soutien financier de l’État rassure quant à la possibilité de la conception d’un deuxième ou d’un troisième enfant. Des études ont ainsi exposé le lien mécanique entre la fin de l’universalité des allocations familiales, au mépris de la tradition historique de la gauche républicaine en faveur de toutes les familles, et le début de l’hiver démographique français.

    Par ailleurs, l’instabilité des économies occidentales, tertiarisées et flexibles, contribue à dissuader tout projet d’enfants. L’Italie constitue à ce titre un pays malheureusement exemplaire dans ce phénomène. Depuis 2000, la croissance italienne est nulle et son industrie est à la peine. Le baby-boom italien, situé dans les années 30 et non la fin des années 40, a pour conséquence tardive une impossibilité pour beaucoup de jeunes Italiens d’avoir accès à un emploi stable en dépit d’un haut niveau de formation universitaire. Le vieillissement de la société italienne a entraîné une sclérose tant du marché locatif que des possibilités professionnelles. Ainsi en 2023, 21 % des jeunes Italiens étaient au chômage contre 17,4 % des jeunes Français. Le marché locatif italien empêche également les jeunes de quitter le foyer familial. L’Italie affiche ainsi le triste record de 42 % de jeunes de 25 ans vivant encore chez leurs parents. Malgré les promesses du nouveau gouvernement de Giorgia Meloni, la natalité italienne ne repart toujours pas, lestée d’une situation économique, locative et sociétale particulièrement problématique et d’un manque criant d’infrastructures publiques pouvant concilier l’accueil d’un enfant et le maintien d’une vie professionnelle pour les parents, en particulier pour les mères.

    Des enfants de plus en plus tard

    Enfin, la baisse de la natalité trouve aussi sa cause dans la progression vertigineuse de l’infertilité des couples. Celle-ci s’explique par deux facteurs. En premier lieu, les femmes ont en moyenne leur(s) enfant(s) de plus en plus tardivement. En France, l’âge du premier enfant s’établit à 28 ans contre 22 ans en 1960 selon l’INSEE. Ce décalage constant de l’âge de conception de l’enfant repose dans une inadéquation entre l’âge de fertilité le plus élevé et l’entrée dans la vie professionnelle.

    En effet, les femmes sont les plus fertiles entre 20 et 30 ans, au moment de leur entrée dans le monde professionnel et où le besoin de faire ses preuves et d’être productif est le plus fort. Ainsi, et en notant un manque tangible d’éducation sexuelle du public féminin à ce sujet, l’âge du premier enfant se décale de plus en plus vers la trentaine au moment où les grossesses deviennent de plus en plus difficiles et où la femme comme l’enfant courent un risque accru.

    De plus, on observe également l’augmentation de l’infertilité masculine. La qualité du sperme de l’homme occidental n’a cessé de régresser. Selon Santé publique France en 2018, les études ont confirmé une altération globale de la santé reproductive masculine en France, depuis les années 1970, avec une baisse significative et continue de 32,2 % de la concentration spermatique entre 1989 et 2005. Les principales causes de cette crise sanitaire demeurent dans l’exposition constante des populations occidentales et européennes aux perturbateurs endocriniens. Malgré un plan de recensement et de lutte contre ces substances lancées par la Commission européenne et le gouvernement français en 2021, comme la mobilisation de parlementaires nationaux sur ce sujet, les populations européennes demeurent fortement exposées à ces substances issues de l’industrie chimique ou de traitements médicaux qui affectent fortement la capacité reproductive des couples. Ainsi, les troubles de l’infertilité concernent près de 3 millions de couples en France réduisant d’autant plus les capacités démographiques des populations.

    L’immigration, pharmakon contre la dépopulation

    Face à cet effondrement de la démographie européenne, certains, comme l’inénarrable démographe Hervé Le Bras ou une partie de la gauche, voudraient recourir à une immigration plus importante, capable d’apporter les forces vives et les naissances qui manquent désormais à un continent vieillissant.

    Il va sans dire que ce remède contre la dépopulation qui vient serait pire que le mal. Néanmoins il nous faut expliquer pourquoi l’immigration ne saurait en rien le moyen de régler le vieillissement démographique accéléré de nos sociétés.

    La dépopulation demeure encore un risque peu identifié, voire hypothétique pour beaucoup ; pourtant, les premiers effets de ce vieillissement démographique se font d’ores et déjà sentir par la dégradation des systèmes de soins aux populations reposant largement sur un capital humain à haute valeur ajoutée. Si les Français sont légitimement inquiets de la crise de l’hôpital public et de la disparition progressive dans de larges territoires de médecins généralistes ou spécialistes, peu identifient cette question comme le prolégomène de la crise démographique. En effet, le débat public circonscrit la cause de cette crise aux effets désastreux de l’application du numerus clausus lors des précédentes décennies. Il nous faut convenir que cette limite bureaucratique au nombre de médecins a fortement dégradé l’offre médicale. Néanmoins, de nombreux pays comme l’Allemagne ou le Canada n’ayant pas mis en place de tels mécanismes subissent également une baisse de la démographie médicale et un manque de bras et de médecins dans leurs hôpitaux. La cause ne résulte pas d’une décision bureaucratique, mais bel et bien des premiers effets de cette crise démographique et de la difficulté de trouver soit dans la population autochtone soit même parmi les populations immigrées des personnes disposant des qualités requises pour effectuer ses tâches.

    L’immigration ne sera pas ainsi la solution pour repeupler nos campagnes de médecins ou pour raccourcir les délais d’attente dans les urgences. En effet, l’immigration hautement qualifiée sera, dans les années à venir, une ressource rare et chère. Non seulement nous ne pouvons ni moralement ni politiquement vider les pays en développement de leur force vive, dont leurs médecins et leurs ingénieurs, mais, bientôt, beaucoup de pays pourvoyeurs d’immigration hautement qualifiée comme l’Asie ou l’Amérique seront dans l’incapacité de répondre à leurs propres besoins en raison du vieillissement démographique. Récemment, la Turquie a annoncé sa volonté de faciliter l’entrée de médecins d’origine d’Afrique noire pour pallier elle aussi au vieillissement accéléré de sa population et à un manque de personnels de santé.

    Par ailleurs, une immigration massive ne peut pas régler le problème structurel de la baisse de la natalité. On l’observe particulièrement en Amérique du Nord où le Canada comme les États-Unis subissent depuis de nombreuses années une immigration massive largement encouragée par les gouvernements libéraux et démocrates au pouvoir à Washington DC et à Ottawa. Au Canada par exemple, malgré l’entrée de près de 500 000 personnes par an depuis le début de l’ère Trudeau, la démographie canadienne a elle aussi atteint un stade critique, en dépit de l’apport de nombreux immigrés, avec 1,4 enfant par femme. De plus, comme l’a montré le même Hervé Le Bras, dans Le destin des immigrés, si les immigrés sont beaucoup plus féconds à leur arrivée sur le sol de leur pays d’accueil, dès la deuxième génération le taux de natalité s’adapte globalement à celui du pays d’accueil. Recourir à l’immigration serait donc, face au problème de la natalité, reculer pour mieux sauter… dans le vide.

    Enfin, face à ce vieillissement accéléré de la population et un risque d’hiver démographique en France et en Europe, miser sur l’immigration c’est réduire la stabilité ethnoculturelle des différents pays et ainsi saper un esprit communautaire, voire un simple esprit de redistribution entre tous les citoyens. La dépopulation et le vieillissement poseront à l’avenir des problèmes de grande ampleur, mêlant une charge de plus en plus intense sur les dépenses publiques et privées pour prendre en charge une population sénescente mais aussi altérant l’affectio societatis des collectivités par la rareté croissante d’un capital humain de haute qualité. Devant le vieillissement de la population, il faut ainsi rappeler que le maintien d’une unité ethnoculturelle est un préalable vital pour garantir la stabilité de nos pays.

    Aux bébés citoyens ?

    Retour au 11 janvier 2024. La gauche a fait feu de tout bois contre l’expression du président de la République de « réarmement démographique ». Si ce terme semble le concept central d’une simple opération de communication présidentielle forgée par un cabinet de conseils américain, il ne permet en rien d’appréhender le problème de l’hiver démographique et encore moins d’y apporter une solution.

    Il existe une constante dans l’étude des politiques de natalité : toute politique coercitive ou d’imposition morale faite aux femmes de faire des enfants, émanant d’une entité politique, est toujours une politique sans effet. Le moindre manuel scolaire publié sous la Troisième République alertait chérubins (et parents) de ce manque croissant d’enfants qui mettait à mal la capacité de défense et de prospérité du pays, particulièrement dans l’entre-deux-guerres, où une Allemagne revancharde accumulait les performances démographiques face à une France saignée à blanc et qui avait connu une transition démographique rapide sans commune mesure avec le reste de l’Europe. Les exhortations natalistes de tel ou tel gouvernement n’y ont rien fait.

    Il a fallu attendre le déploiement d’une politique familiale, dès 1942, sous le régime de Vichy, puis poursuivie par le Conseil national de la Résistance, le tout mêlé à un optimisme renouvelé des populations au sortir de la guerre, pour donner lieu au baby-boom. La politique nataliste doit ainsi reposer sur une volonté de l’État d’aider les couples à avoir des enfants et sur une politique réelle, appuyée sur des mécanismes financiers et administratifs qualitatifs, et non des injonctions moralisatrices ou patriotiques. À ce sujet, la Pologne comme la Hongrie donnent des exemples de mesures fiscales réelles pour soutenir et améliorer des taux de natalité très bas.

    Si la gauche veut réduire le problème de la natalité à une problématique purement individuelle et intime, elle en oublie que tout système socialisé repose sur une natalité dynamique. En effet la puissante armature sociale de l’État français, qui représente près de 700 milliards d’euros, est exclusivement financée par les prélèvements obligatoires des actifs et leur renouvellement.

    Le dernier mouvement social portant sur l’augmentation de l’âge à la retraite a démontré l’absolue irresponsabilité de la gauche Nupes au sujet de la natalité, s’enfermant dans des positionnements impolitiques et des postures morales, fortement éloignés des causes réelles de cette dégradation de la protection sociale pour les Français.

    Selon l’expression lumineuse de feu Patrick Buisson, cette réforme des retraites c’est le paiement des enfants que nous n’avons pas eus. Le système redistributif français ne peut reposer que sur une natalité dynamique et c’est cet impensé fondamental tant de nos gouvernants que d’une large partie du personnel politique, à l’exception notable du Rassemblement national et de Reconquête !, qui génèrent les drames sociaux actuels et futurs que vivront nos compatriotes. Sans une remontée de la démographie non pas à des niveaux délirants mais bien à un niveau moyen de 1,8 ou de 1,9 enfant par femme, la stabilité de notre système social est pour ainsi dire condamné.

    Quelles solutions reste-t-il alors pour le personnel politique ?

    L’hiver démographique menace. Néanmoins, une fois les données établies et les défis analysés, des solutions demeurent pour améliorer le taux de natalité marginale des Français.

    En premier lieu, le rétablissement d’une politique inconditionnelle d’allocations familiales universelles est un préalable obligatoire. Si, comme on l’a dit, l’argent public n’enfante pas, il permet en revanche d’augmenter la natalité marginale. Or, c’est bien ces quelques points supplémentaires qui permettront de sauver notre ordre social et préserver l’intégrité de notre pays.

    Par ailleurs, une réflexion d’ensemble doit être menée quant à la préparation de l’accueil et du suivi de l’enfant. Ainsi, la persistance de violences obstétricales terrifiantes sur certaines jeunes mères, mises en lumière par des collectifs féministes, participe malheureusement au grand dégoût de l’enfantement pour une large partie des jeunes femmes françaises. L’État doit ainsi reconstruire un cadre protecteur et accueillant pour les familles françaises en garantissant un suivi et une qualité de services dans tout le parcours de l’enfantement.

    À ce sujet, le manque de plus en plus criant de place en crèche constitue un jalon fondamental des politiques natalistes. Il conviendrait de mettre sur pied un plan de grande ampleur, centré sur les collectivités territoriales, à commencer par les municipalités, de façon à exiger des administrations publiques comme des acteurs du secteur privé qu’ils mettent en place des crèches professionnelles et de façon à ce qu’un véritable service public de la petite enfance décentralisé puisse voir le jour soit au niveau des communes soit au niveau des départements dans les zones rurales. Ainsi, un tel mouvement ne pourra être entrepris que par la revalorisation des métiers touchant à la petite enfance et à ses rémunérations.

    Par ailleurs, un grand plan de lutte contre l’infertilité passant par le recensement des perturbateurs endocriniens (et des entreprises fabricant les produits incriminés), couplé au développement de pratique médicalisée pour aider à l’enfance (que ce soit la FIV, soit la fécondation in vitro, sinon la PMA), pourrait contribuer à permettre à des couples ayant un désir d’enfant tardif, c’est-à-dire à plus de 30 ans, de l’obtenir. Il conviendrait de s’inspirer des pays nordiques, le Danemark en tête, qui ont été très tôt sensibilisés à la problématique de l’infertilité masculine et ont développé depuis de nombreuses années des dispositifs sociaux d’évaluation de la fertilité chez les jeunes et des soutiens financiers aux couples infertiles ou éprouvant des difficultés à enfanter pour répondre à leur désir d’enfants.

    Enfin, c’est bien un discours de réenchantement démographique qu’il faudra construire. L’image culturelle et médiatique de la maternité et de la paternité doit être revalorisée comme un moment de joie et d’accomplissement personnel, mais aussi comme une modalité réelle de réussite de l’individu, à l’heure où des vies professionnelles hachées et souvent dépourvues de sens réduisent l’homme au simple rang de producteur ou d’exécutant. L’éducation sexuelle doit aussi être renforcée, entre autres pour alerter les jeunes filles sur les risques d’une grossesse tardive et sur la réalité de la ménopause.

    La prise en charge politique réelle du problème démographique ne doit pas se fourvoyer dans un choix binaire : le déploiement d’un discours coercitif, voire patriotique, qui rebute les couples, ou la seule mise en valeur du choix individuel qui est à terme aussi dangereux et profondément impolitique. À cet égard, on ne peut que se lamenter du temps perdu dans de vains débats sur la natalité. La France, par son histoire, a été un pays où la politisation de cette question et le déploiement concomitant de mesures financières ou administratives réelles avaient su concilier une pleine liberté accordée aux couples et un État protecteur de l’enfance.

    Remarquons, au passage, que le tournant néolibéral a contribué à sortir de l’agenda public la question de la procréation, au moment même où les évolutions sociétales et migratoires rendaient ce sujet absolument central.

    L’hiver démographique n’est pas encore une fatalité pour la France ni même pour l’Europe. Si des causes structurelles et collectives concourent à cet esprit nullipare, le citoyen comme les pouvoirs publics doivent se mobiliser face à ce défi et promouvoir des réponses politiques visant à reconstruire un État protecteur des familles et des enfants, gages de notre avenir collectif.

    Ferdinand Sudres (Site de la revue Éléments, 28 février 2024)

     

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  • Plus d'immigration contre la baisse de la population : le fatalisme aveugle de l'Institut Montaigne...

    Nous reproduisons ci-dessous une tribune de l'Observatoire de l'immigration et de la démographie consacrée aux positions favorables à l'immigration prises par l'Institut Montaigne au prétexte de la baisse de la natalité en France...

     

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    Plus d'immigration contre la baisse de la population : le fatalisme aveugle de l'Institut Montaigne

    Le lundi 28 août, l’Institut Montaigne publiait une note intitulée « Démographie en France : conséquences pour l'action publique de demain », signée par le politologue Bruno Tertrais.

    Partant du constat selon lequel notre pays s’installe dans une phase durable de vieillissement en ce début de XXIe siècle, le think tank y défend un postulat destiné à trouver des oreilles attentives (car déjà convaincues) dans certains médias comme dans la sphère politique : « La France s'apprête à connaître un déclin de sa population que seule l'immigration pourrait combler à court et moyen termes », en particulier pour le renouvellement de la force de travail dans de nombreux secteurs.

    Ce diagnostic fataliste semble n’admettre aucune alternative. Pourtant, nombreux sont les faits objectifs à notre disposition pour venir contredire la pertinence d’un recours soutenu à l’immigration comme palliatif à la réduction projetée de la population active. La reconstruction de politiques familiales ambitieuses, notamment, donnerait à notre pays les moyens d’une relance efficace de sa natalité, tout en préservant sa cohésion sociale et culturelle.

    État des lieux : des constats connus mais euphémisés

    Les observations démographiques sur lesquelles l’Institut Montaigne fonde sa réflexion sont certes admises de longue date : « La France est entrée dans une phase de ralentissement démographique », avec une « situation devenue préoccupante depuis le début des années 2000 » par le ralentissement de notre natalité. En effet, le solde naturel (constitué de la différence entre les naissances vivantes et les décès survenus sur le sol national) s’est établi difficilement à + 56 000 personnes pour l’année 2022, soit un résultat quasiment nul. Le nombre de naissances enregistrées l’année dernière est au plus bas depuis 1946. Cet affaissement de la fécondité se poursuit en 2023, avec un nombre de naissances inférieur de 7 % au premier semestre par rapport à la même période en 2022. Notre pays semble être entré dans « l’hiver démographique européen », concept forgé par le professeur Gérard-François Dumont (démographe et membre du conseil d’orientation de notre Observatoire de l'immigration et de la démographie). Comme d’autres nations du Vieux Continent, il est probable que la France aura bientôt besoin de « plus de cercueils que de berceaux », avec un solde naturel prêt à basculer en négatif.

    Dans l’analyse de ce phénomène, l’Institut Montaigne insiste cependant trop peu sur l’une de ses dimensions essentielles : les dynamiques contraires de natalité entre Français et étrangers sur notre territoire. En vingt ans, entre 2001 et 2021, le nombre de naissances issues de deux parents étrangers a augmenté de 45,3% ; dans le même temps, le nombre de naissances issues de deux parents français diminuait de 17,5%. En 2021, près d’un tiers des enfants nés en France (31,4%) avaient un, au moins, de leur parent né à l’étranger. Parmi ceux-ci, 9 naissances sur 10 d’enfants dont les deux parents étaient nés à l’étranger concernaient des parents nés hors de l’Union européenne. De telles données illustrent toute la part que les phénomènes migratoires prennent déjà dans la croissance naturelle de la population de la France.

    Bruno Tertrais ne nie cependant pas le basculement quantitatif généré par l’accélération de l’immigration au cours des dernières décennies : « Il n’y a jamais eu autant d’étrangers en France depuis le Second Empire. La France comptait environ 1 % d’étrangers sur son sol en 1851. Cette proportion dépasse aujourd’hui le maximum enregistré en 1931 (7 %) pour atteindre 7,7 % en 2021, soit 5,3 millions de personnes ». Il convient toutefois de souligner que 4 millions de personnes ont acquis la nationalité française depuis 1982, dont 2 millions depuis 2005 – ce qui fait « fondre » mécaniquement le nombre et la part des étrangers recensés dans les statistiques.

    L’Institut Montaigne reconnaît que l’octroi de premiers titres de séjour est déjà « en augmentation constante depuis trente ans ». Néanmoins, il doit être relevé que la présidence d’Emmanuel Macron marque une accélération notable dans cette direction. En 2022, 316 175 primo-titres de séjour ont été accordés à des immigrés extra-européens (hors UE / Suisse / Royaume-Uni) en métropole. Il s’agit là d’un record absolu, ce volume n’inclut d'ailleurs pas les déplacés d’Ukraine – lesquels disposent d’un statut européen de « protégés temporaires ».

    Le nombre de premiers titres délivrés durant l’année 2022 a été supérieur de 153% à celui accordé durant l’an 1999, sous le gouvernement de Lionel Jospin. 1,6 million de premiers titres de séjour ont été accordés au total depuis 2017 à des immigrés extra-européens, soit en moyenne 267 000 par an sous la présidence d’Emmanuel Macron, contre 189 000 durant le mandat de Nicolas Sarkozy (+ 41%) et 217 000 pendant celui de François Hollande (+ 23%).

    Certains de ces titres peuvent certes concerner des séjours temporaires – en particulier pour les étudiants. Au-delà de la question de l’effectivité des études poursuivies et des abus associés, l’Insee nous apprend toutefois que pour 1 immigré quittant le territoire national, ce sont plus de 4 immigrés qui s’y installent en moyenne sur la période 2006-2021 (1 pour 5 en 2021).

    Sur le plan qualitatif, Bruno Tertrais relève à juste titre « une évolution significative de la composition de l’immigration : entre le milieu des années 1970 et aujourd’hui, les proportions d’immigrés venant d’Europe et du reste du monde se sont inversées ». Près de la moitié des immigrés résidant en France sont aujourd’hui d’origine africaine (environ 30 % du Maghreb).

    Bilan économique de l'immigration : l'Institut Montaigne bat en retraite

    Ayant admis que l’immigration en France a d’ores et déjà atteint une ampleur inédite, l’Institut Montaigne s’intéresse ensuite à l’impact des flux migratoires sur la richesse nationale, les comptes publics, l’emploi et les salaires. Une remarque saute alors aux yeux du lecteur : même un laboratoire d’idées tel que celui-ci, historiquement favorable à l’ouverture migratoire et culturelle, initiateur de la Charte de la Diversité à destination des entreprises et importateur majeur du concept de discrimination positive dans notre pays, n’est plus en mesure de soutenir l’idée selon laquelle l’immigration bénéficie à l’économie française.

    Pour ce qui est de la richesse nationale, tout en mentionnant un « impact économique relativement marginal de l’immigration sur l’économie », Bruno Tertrais avance le constat d’un « effet positif moins sensible que dans certains autres pays développés du fait de la structure de notre immigration – souvent peu qualifiée et avec un taux de chômage important ». Il est vrai que 37,2% des immigrés vivant en France en 2021 et ayant terminé leurs études initiales n’avaient aucun diplôme ou seulement un équivalent brevet / CEP selon l’INSEE. Ce taux de non-diplômés était 2,5 fois supérieur à celui des personnes sans ascendance migratoire. Il était de 42,2% parmi les immigrés originaires du Maghreb, 51,4% parmi ceux d’Afrique sahélienne et 61,7% chez les immigrés originaires de Turquie.

    Les constats dressés apparaissent donc justes, mais devraient conduire à une lecture hélas plus sévère que celle d’un « effet positif moins sensible ». Prenons l’exemple des immigrés algériens, les plus nombreux parmi l’ensemble des origines migratoires recensées en France :

    - 41,6% des Algériens de plus de 15 ans vivant en France étaient chômeurs ou inactifs (ni en emploi, ni en études, ni en retraite) en 2017 selon les données INSEE analysées par le ministère de l’Intérieur, soit un taux trois fois plus élevé que celui des Français (14,1%) ;

    - Seuls 30,6% de ces mêmes Algériens étaient en emploi, contre 49,7% des ressortissants français – soit un taux d’emploi inférieur de près de 20 points.

    - La moitié (49%) des ménages d’origine algérienne vivait en HLM en 2018, soit presque quatre fois plus que les ménages non-immigrés (13%).

    Ce faisant les Algériens sont structurellement sous-contributeurs à la richesse nationale en moyenne, et surconsommateurs de différents dispositifs de solidarité collective en vigueur dans notre société.

    Cela se retrouve nécessairement dans l’impact de l’immigration sur les finances publiques, dont l’Institut Montaigne avance désormais qu’il est « légèrement négatif », s’appuyant sur des travaux publiés par le CEPII (service rattaché au Premier Ministre) en 2018 et par l’OCDE en 2021. Il importe toutefois de remarquer que les résultats repris dans la note de Bruno Tertrais (un coût net de -0,2 à -0,5% du PIB pour le CEPII), ne correspondent pas aux scénarios les plus complets présentés dans cette étude. En effet, lorsque la « deuxième génération » – celles des descendants directs de parents immigrés – est prise en compte dans les estimations réalisées par ces mêmes institutions, il est évalué que l’immigration représente un coût net situé entre 1,41% (OCDE) et 1,64% de PIB (CEPII sur la dernière année évaluée), soit entre 35 et 40 milliards d’euros par an.

    Malgré le fardeau financier conséquent que représentent de telles sommes (trois fois supérieures par exemple aux gains attendus de la dernière réforme des retraites), soulignons que les approches méthodologiques de ces études conduisent souvent à le sous-estimer encore, par exemple dans la façon dont l’OCDE ventile le coût de certains bien publics (comme la police ou la justice) entre natifs et immigrés – qui tend à majorer artificiellement la contribution de ces derniers.

    Pour ce qui est de l’emploi et des salaires, l’Institut Montaigne affirme que « les synthèses internationales montrent un très faible impact de l’immigration sur le marché du travail ». Or l’étude académique la plus récente sur le cas français, publiée en 2021 par l’OFCE-Sciences Po, bat clairement en brèche ce constat en établissant qu’une augmentation de 1% du nombre de travailleurs liée à l’immigration fait baisser de presque 1% en moyenne le salaire des ouvriers « natifs » non-qualifiés. Elle pèse aussi à la baisse dans une moindre mesure sur le salaire des techniciens et employés, ainsi que celui des ouvriers qualifiés, et ne bénéficie qu’aux seuls managers – aux emplois peu concurrencés.

    Face au fatalisme migratoire, l'alternative des politiques familiales

    Devant des faits aussi clairement établis et malgré les euphémisations relevées, il aurait pu apparaître cohérent que l’Institut Montaigne se prononce en faveur d’une approche plus prudente des flux migratoires que celle pratiquée aujourd’hui. Or il n’en est rien, puisque Bruno Tertrais affirme dans sa note : « comme pour la plupart des autres États européens, la croissance de la population française se poursuivra désormais essentiellement via l’immigration ». Le message sous-tendu est que cette accélération de l’immigration comme palliatif au vieillissement démographique constitue une voie sans alternative pour renouveler la force de travail dans notre pays, quels que puissent être ses effets induits – en particulier ses bénéfices économiques incertains. L’hypothèse d’une relance de la natalité est écartée comme peu réaliste : « La chute de l’excédent naturel est inévitable. »

    À rebours d’un tel fatalisme, une autre option existe pourtant, que notre pays a déjà expérimentée favorablement par le passé : la mise en œuvre de politiques familiales ambitieuses visant à faire remonter le taux de fécondité en France au-delà du seuil de renouvellement des générations (2,05 enfants par femme). Notre pays a été à l’avant-garde en Europe sur ce sujet : prenant la suite des caisses de compensation mises en œuvre par des entreprises, l’État a posé les bases des politiques familiales dès les années 1930, avec un premier Code de la famille adopté par la Chambre issue du Front populaire, puis en 1945 avec l’instauration du quotient familial.

    Cette avance française en la matière a suscité l’intérêt de nombreuses nations européennes pendant des décennies, dont les gouvernements envoyaient des délégations d’étude pour comprendre comment la natalité française se maintenait globalement au-dessus de la moyenne européenne après les Trente Glorieuses. Le consensus transpartisan autour de ces questions a été mis en cause pour la première fois dans les années 1990, lorsque le gouvernement de la gauche plurielle envisagea de renoncer à l’universalité des allocations familiales. Ce fut alors le Parti communiste qui obtint la suppression de cette mesure, au nom de ce qui était perçu comme un élément essentiel du contrat social entre les Français.

    Les années 2010 ont hélas marqué une remise en cause effective et durable. En 2014, le gouvernement de François Hollande fit adopter pour de bon Parlement la suppression de cette universalité des allocations familiales, réduisant la politique familiale à une simple logique de politique sociale – alors que leurs objectifs ont toujours différé sensiblement. Outre cette décision à fortes conséquences, les « coups de rabot » se sont multipliés simultanément : diminution du complément du mode de garde (CMG) destiné aux parents employant une nourrice ou une assistante maternelle, report de deux ans de la majoration des allocations familiales, multiples abaissements du plafond du quotient familial générant une hausse notable de la fiscalité pour les familles… Les résultats de cette approche sont aujourd’hui frappants: le solde naturel de notre pays (différence entre les naissances vivantes et les décès sur le territoire) a été divisé par cinq entre 2006 et 2022.

    Pourtant, à rebours de l’attention démesurée accordée au phénomène des no kids, le désir d’enfants des Français se situe bien au-delà du taux de fécondité constaté de 1,8 enfant par femme. Selon les différentes enquêtes menées à ce sujet (par LES Eurobaromètres et le Réseau national des Observatoires des familles), le nombre idéal d’enfants souhaités par nos compatriotes se situe entre 2,3 et 2,7.

    Il importe donc de concevoir la politique familiale pour ce qu’elle est vraiment : non pas un dirigisme rétrograde qui prétendrait imposer aux femmes de procréer à tout prix, mais une politique de liberté dont l’objectif est d’établir les conditions permettant aux Français des deux sexes d’avoir les enfants qu’ils souhaitent avoir. Le devoir des décideurs politiques consiste à poser les bases de ce printemps démographique français. Face au déclin redouté de notre population, le recours toujours accru à une immigration dont l’impact négatif sur les performances économiques et la cohésion sociale est désormais solidement établi n’a donc rien d’inéluctable – au contraire des conclusions apparentes de l’Institut Montaigne.

    Observatoire de l'immigration et de la démographie (Observatoire de l'immigration et de la démographie, 22 novembre 2023)

     

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  • Aux origines du Grand remplacement...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné en mai dernier par Patrick Buisson à Livre Noir dans lequel il évoque l'impact qu'ont eu sur les révolutions sexuelles et féministes des années 70 sur notre société.

    Politologue et historien, Patrick Buisson est notamment l'auteur d'une étude historique originale et éclairante, 1940-1945, années érotiques (Albin Michel, 2008), d'un essai politique important, La cause du peuple (Perrin, 2016) et dernièrement de La fin d'un monde (Albin Michel, 2021) et Décadanse (Albin Michel, 2023), les deux volets d'une œuvre dans laquelle il revient sur les cinquante années qui ont vu  la France subir un changement socio-anthropologique majeur.

     

                                                   

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  • Démographie, immigration, grand Remplacement, … Rendez-vous en 2100 !

    Nous reproduisons ci-dessous un texte  cueilli sur le site de Dextra consacré à la question démographique...

     

    Enfants européens.jpg

    Démographie, immigration, grand Remplacement,… Rendez-vous en 2100 !

    Le 15 novembre dernier naissait le 8 milliardième être humain. Pour rappel, nous étions 1 milliard en 1800, 2 milliards en 1927, 3 milliards en 1960, 4 milliards en 1974, 5 milliards en 1987, 6 milliards en 1999 et 7 milliards en 2011. Tout semble indiquer que nous courons vers la surpopulation ! Et pourtant, dans la dernière édition de World Prospect de juillet 2022, les Nations Unies ont estimé, avec une probabilité de 95%, qu’en 2100 la population mondiale ne se situerait qu’entre 8,9 et 12,4 milliards.

    Le taux de croissance démographique mondiale a atteint son sommet en 1965 (2%), il a diminué de moitié depuis et pourrait même devenir négatif dès 2100. A partir de cette date la population mondiale commencerait à baisser.

    Que se passe-t-il ? Il se passe que toutes les peuplades de la Terre sont en train d’opérer leur transition démographique : la limitation volontaire des naissances. Toutes ? Oui toutes ! Déjà plus des deux tiers de l’humanité vivent aujourd’hui dans un pays où le taux de fécondité est inférieur au seuil de renouvellement (2,1 enfants par femme).

    La première surprise est venue de l’Amérique Latine, de l’Asie, du Moyen-Orient et du Maghreb où le taux de fécondité a baissé bien plus vite que prévu (à l’exception d’un épisodique rebond dans les pays ayant participé au « Printemps arabe »).

    L’autre surprise est venue de l’Afrique intertropicale où la baisse de fécondité est réelle mais plus lente que prévue. Ce retard s’explique par un taux d’urbanisation de la population plus faible qu’ailleurs dans le monde et un moindre accès aux moyens techniques de contraception. Mais même au fin fond de la brousse les mentalités sont en train de changer.

    Cette chute brutale de la fécondité des pays du Sud est accélérée par les moyens techniques de notre époque, et le mode de vie qui va avec, et est donc beaucoup plus rapide, même en Afrique intertropicale, que celle observée en Europe et en Amérique du Nord au XIXème et XXème siècle.

    Les projections démographiques sont toujours incertaines car elles ne peuvent anticiper les imprévus de l’Histoire : la Peste Noire, l’extermination des indiens d’Amérique, les deux Guerres Mondiales, le baby-boom, la politique de l’enfant unique en Chine, l’effondrement de l’URSS, la politique nataliste de la Hongrie, les catastrophes naturelles, la production massive d’enfants par utérus artificiel, … La seule affirmation qu’il soit possible de faire est que, si aucun imprévu ne vient perturber significativement la dynamique en cours, les dés sont jetés et nous savons à quoi ressemblera la population mondiale en 2100 :

    Ainsi, jusqu’en 2100, la population mondiale va continuer d’augmenter à cause de l’inertie démographique : beaucoup d’adultes en âge d’avoir des enfants sont nés lorsque la fécondité était encore forte, ce qui entraîne un nombre élevé de naissances. Parallèlement, les personnes âgées ou très âgées sont peu nombreuses à l’échelle mondiale et le nombre de décès est faible. La démographie mondiale est comme une bicyclette ayant bénéficié d’un formidable élan et qui, bien que pédalant de moins en moins vite, accélère encore pour quelques temps grâce à son impulsion initiale avant de finalement ralentir.

    A cette époque, l’Océanie comptera 0,7% de la population mondiale, l’Amérique du Nord 4%, l’Europe un peu plus de 5%, l’Amérique du Sud 6%, l’Afrique 38% et l’Asie 46%.

    L’ensemble des peuples du monde devrait avoir un taux de fécondité convergent à 1,85 enfant par femme en moyenne. De sorte que, personne n’ayant plus de surplus démographique, nous pouvons imaginer que les phénomènes migratoires (hors catastrophes naturelles, climatiques, guerres, …) devraient être fortement réduit, voir inexistant.

    De même, les phénomènes de remplacement et d’hybridation de certaines populations (notamment les européens vivant dans des pays multi-ethniques) pourraient se figer à un certain stade et ne plus progresser, ou à la marge.

    Les communautés maintenant un fort taux de natalité, pour des raisons culturelles et/ou religieuses, pourraient, et ce très rapidement, devenir surreprésentées dans les pays où elles se trouvent. Des exemples actuels existent déjà avec les juifs orthodoxes en Israël ou les amish dans certaines régions des Etats-Unis et d’Amérique Latine.

    L’inquiétude principale réside dans le vieillissement extrêmement rapide des pays du Sud où la transition démographique est beaucoup plus resserrée dans le temps. En France, la fécondité a mis 150 ans pour passer de 5 à 2,5 enfants par femme. Le même phénomène a pris 18 ans en Chine et a eu lieu dans les années 1972 à 1990, avec des moyens de contraceptions plus rudimentaires que ceux actuels.

    Beaucoup des pays du Sud ont vu leur solidarité traditionnelle se dissoudre dans le mode de vie moderne sans qu’un système de solidarité intergénérationnel ne viennent prendre le relais.

    La perspective de la fin de notre siècle peut nous paraître lointaine. Nous en sommes pourtant déjà au quart et les enfants naissants actuellement ont toutes les chances de la voir. 2100, c’est demain.

    Il y aurait énormément de conclusions politiques à tirer de ces perspectives. Nous n’en retiendrons qu’une seule : les pays qui souhaitent conserver leur identité ont raison de se « préserver » même si ce choix politique présente un désavantage concurrentiel momentané (Japon, Europe de l’Est, …) car à long terme les pays aux politiques immigrationnistes (Europe de l’Ouest, Etats-Unis, …) n’auront plus les avantages d’une main d’œuvre bon marché mais n’auront plus que les désavantages d’une société multi-ethniques.

    Et pour les communautés souhaitant conserver leur identité et qui sont piégées dans ces pays multi-ethniques, la conclusion est la même : faire preuve de patience et maintenir une fécondité plus forte que les autres. Les dynamiques qui nous défavorisent actuellement ne dureront pas toujours.

    Dextra (Dextra, 3 janvier 2023)

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  • Immigration, idéologie et souci de la vérité...

    Les éditions L'Artilleur viennent de publier un essai de Michèle Tribalat intitulé Immigration, idéologie et souci de la vérité

    Ancienne directrice de recherche à l’INED (Institut national des études démographiques), Michèle Tribalat a été membre du Haut Conseil à l’Intégration et a publié plusieurs livres remarqués dont Les Yeux grands fermés (Denoël, 2009) et Assimilation : la fin du modèle français (Toucan, 2013).

     

     

    Tribalat_Immigration, idéologie et souci de la vérité.jpg

    " Décoder les décodeurs en matière d’immigration.
    Dans cet ouvrage, la démographe Michèle Tribalat, spécialiste de la question migratoire, s’est saisie de quelques   exemples de «  décodages  » de la presse nationale, pour montrer l’hémiplégie du décodage.
    Sur le terrain de la démographie et des migrations, pour être du bon côté, il faut se garder d’être nataliste tout en rassurant les Français sur les performances exceptionnelles de la France par rapport à l’Europe en matière de fécondité. Fécondité qui ne doit pas grand-chose à l’immigration. Immigration qui est à la fois une chance et une fatalité, qu’il faut toujours minorer, relativiser ou naturaliser et qui amène des musulmans, en grand nombre lorsqu’on cherche à implanter l’idée que c’est irréversible, mais en moins grand nombre lorsqu’on cherche à relativiser le djihadisme. Il faut s’élever, par tous moyens, contre l’idée de Grand Remplacement, dévoiler l’imposture, quitte à faire dire à son inventeur ce qu’il n’a pas dit. La mauvaise foi n’est pas interdite.
    L’auteur tente de décoder ce que les décodeurs n’ont pas vu, pas voulu voir ou mal vu sur des sujets sur lesquels ils exercent pourtant une intense vigilance. "

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  • L’étrange suicide de l’Europe...

    Les éditions du Toucan viennent de publier un essai de Douglas Murray intitulé L'étrange suicide de l'Europe, qui a eu un fort retentissement au Royaume-Uni lors de sa sortie. Diplômé d’Oxford et Eton, il est journaliste au Wall Street Journal, au Guardian et au Spectator.

     

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    " L’étrange suicide de l’Europe est l’histoire d'un continent et d'une culture pris en flagrant délit de suicide. Baisse des taux de natalité, immigration massive, méfiance et haine de soi  se sont conjuguées pour rendre les Européens  de l’ouest incapables de résister aux changements globaux qu’ils ont subis, le plus souvent sans avoir été consultés.

    Ce livre n'est pas seulement une analyse des réalités démographiques et politiques, c’est surtout un extraordinaire reportage au long cours à travers le continent entier, sur les lieux où les migrants arrivent et sur ceux où ils aboutissent, au contact des personnes qui les accueillent, dans des endroits qui ne pourront pas les accepter.

    Appuyé sur des recherches et des pièces nombreuses, il montre l’échec tragique et patent du multiculturalisme, de Lampedusa à Malmö. L’auteur a passé du temps à Berlin, à Paris, à Rome, en Scandinavie, dans les îles italiennes et les Balkans, en Grèce, pour comprendre et prendre du recul.

    Douglas Murray termine par deux visions de l'Europe à moyen terme, qui dressent deux  tableaux possibles du continent d’ici 2040. "

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