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maurice allais

  • L'envers du moderne...

    Les éditions du CNRS viennent de publier L'envers du moderne - Conversations avec Julien Charnay, un ouvrage de Philippe d'Iribarne. Sociologue et anthropologue, directeur de recherche au CNRS, Philippe d'Iribarne, qui a aussi été, un temps, un collaborateur de Maurice Allais, s'est spécialisé dans l'étude des différences culturelles nationales et est l'auteur de plusieurs essais important comme  La logique de l’honneur (Seuil, 1989), L’étrangeté française (Seuil, 2005) et Penser la diversité du monde (Seuil, 2008).

     

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    "Le projet moderne de refondation de la société hante notre existence d’homme et de citoyen. Dans l’univers du travail comme dans les débats sur la construction européenne et l’immigration, ou s’agissant du regard que nous portons sur les pauvres, notre horizon demeure l’avènement d’une humanité régénérée par la raison, libérée des préjugés ancestraux et du poids des cultures. Mais jusqu’à quel point le projet moderne reste-t-il un repère pour l’humanité ?

    N’est-il pas gagné parfois par la démesure dont les Grecs pensaient qu’elle attire le châtiment des dieux ? Le projet moderne comporte un envers, une face sombre qu’il s’agit d’explorer.

    Dans ces entretiens avec Julien Charnay, Philippe d’Iribarne offre une profonde réflexion sur nos difficultés à penser les hommes comme des êtres de chair, soumis aux contingences du monde, irréductibles les uns aux autres. L’auteur revient sur son itinéraire intellectuel et la genèse de ses travaux visant à déconstruire tout ce qui se présente comme « moderne », à l’appui de sa théorie de la culture qui nous éclaire sur la permanence, au fil des siècles, de mythes, de peurs et de désirs de salut largement inconscients au sein de chaque pays. Un livre qui fera date, fruit de trente années de recherches menées aux quatre coins du globe, des États-Unis à la Chine en passant évidemment par la France, dont l’« étrangeté » ne cesse de nous interroger."

     

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  • Pour que vive la France !...

    Publié aux éditions Grancher, Pour que vive la France nous livre la vision du monde qui sous-tend le programme présidentiel de Marine Le Pen. C'est bien fait, et il est intéressant de trouver au fil des pages des citations de Christopher Lasch, de Serge Halimi, de Maurice Allais, de Jean-Claude Michéa ou de Marie-France Garaud...

     

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    "Je ferai donc ici une analyse du projet mondialiste, du rôle joué dans sa réalisation par nos élites politiques, médiatiques et financières, de la guerre qu'elles mènent au peuple, à la République et à la Nation, et de la violence contre la démocratie à laquelle elles sont résolues pour se maintenir en place.
    Qui parle et pourquoi ? D'où parlent-ils, de quels intérêts dépendent-ils ? Qui dirige vraiment la France, et avec quels objectifs ? Démonter les rouages d'une machine à broyer les peuples, c'est le premier pas nécessaire d'un vrai changement et, j'ose le dire, d'une révolution, de la vraie révolution pacifique et démocratique que notre pays est en droit d'attendre".

     

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  • Leur grande trouille !...

    Les éditions Les Liens qui Libèrent viennent de publier Leur grande trouille - Journal intime de mes pulsions protectionnistes, un essai de François Ruffin. François Ruffin est journaliste et est, notamment, l'auteur d'une enquête sur le Centre de formation des journalistes de Paris, intitulée Les petits soldats du journalisme (Les arènes, 2003). Dans ce livre, on croisera les idées des économistes Jean-Luc Gréau, Maurice Allais Frédéric Lordon, Jacques Sapir et Emmanuel Todd, notamment, qui viennent alimenter la réflexion de l'auteur autour de l'"hypothèse interdite"...

     

    trouille, françois ruffin, protectionnisme,

    "Depuis dix ans, François Ruffin visite des usines, voit des ouvriers manifester, désespérer, et avec, toujours, au bout, la défaite. «Ça lasserait le plus vaillant des soldats, écrit-il, tant de défaites accumulées. Ça m’a lassé. Le dégoût est monté lentement, comme une marée. Mais là, avec les Parisot, il s’est installé, définitif. Il faut préparer la contre-offensive…» Quelle est leur grande trouille ? Leur peur bleue ? Il suffit de peu d’analyse. A chaque intervention du MEDEF, la même rengaine : «Nous attendons des responsables politiques qu’ils écartent toute mesure protectionniste» ; «nous sommes convaincus que nos économies retrouveront le chemin de la croissance à condition que les pays écartent les mesures protectionnistes »… Tous copains sur un thème, patrons européens, américains, canadiens, japonais repoussent ce spectre par un «refus commun de toute forme de protectionnisme». Vivement l’avenir ! A condition qu’il ressemble au présent… Plus absurde encore, cette lutte est fondamentale «pour nos économies mais aussi nos démocraties.» Car taxer les importations, c’est bien connu, voilà le prélude du fascisme… Voilà leur talon d’Achille. Contre leur libre-échange, des barrières douanières. Des taxes aux frontières. Des quotas d’importation. La grosse artillerie. C’est notre dernière arme. Les seules batteries qui les feront reculer. Sans quoi, tel un hamster dans sa cage, nous serons condamnés à faire tourner notre roue, plus vite, toujours plus vite, parce que le hamster allemand, le hamster roumain, le hamster chinois, pédale bien plus vite – ou pour moins cher. Dans cette course mortifère le «travail» est réduit à un coût – qu'il faut sans cesse baisser. La Sécurité sociale, les retraites décentes, le salaire minimum deviennent des boulets qui nous ralentissent. Les normes écologiques sont des «entraves» pour nos entreprises. A partir de reportages, de rencontres avec syndicalistes, patrons, économistes, douaniers, ce livre explore brillamment cette «hypothèse interdite»."

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  • Des intellectuels en révolte contre le système ?

    Nous reproduisons ci-dessous un texte d'Andrea Massari, cueilli sur le site de Polémia, dans lequel il dresse un panorama des intellectuels en révolte contre le système. Les tireurs sont en position... Feu sur le quartier général !

     

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    La révolte des intellectuels contre le système

    La dissidence des intellectuels a précédé la chute de l’Union soviétique. La révolte des intellectuels contemporains pourrait bien annoncer la chute de l’empire cosmopolite. Certes, les oligarques du Système sont puissants : ils possèdent l’argent et contrôlent les médias classiques. Mais le pouvoir de ces oligarques est triplement menacé : par la révolte populiste, par la révolte numérique mais aussi par la révolte des intellectuels. Philosophes, anthropologues, économistes, géopoliticiens, géographes et sociologues sont de plus en plus nombreux à contester le désordre établi. A l’écart d’une actualité hollywoodienne, Andrea Massari nous propose de prendre un peu de hauteur… Explications.

    Les philosophes à la quête du sens

    Dans les années 1950, la majorité des philosophes étaient marxistes ; ils sont devenus droits-de-l’hommistes dans les années 1970/1980. Aujourd’hui, beaucoup de philosophes sont des critiques acerbes de la modernité et portent souvent la parole d’un retour à la tradition. C’est le cas de Jean-François Mattéi, auteur de La Barbarie intérieure et du Procès de l’Europe. C’est le cas de Philippe Nemo, auteur de La Régression intellectuelle de la France. Chantal Delsol dénonce, elle, L’Age du renoncement. Et avec une grande rage littéraire l’écrivain Richard Millet dénonce La Fatigue du sens et l’horizontalité du monde. Un pamphlet philosophique éloigné de toute bien-pensance et frappé du sceau de la radicalité.

    Le grand retour des frontières

    Dans la novlangue contemporaine le mot frontières était devenu tabou : on n’en parlait pas, si ce n’est pour les… supprimer. Régis Debray a brisé le tabou en publiant un Eloge des frontières. L’éloge des frontières, c’est aussi le fil rouge du livre fulgurant d’Hervé Juvin : Le Renversement du monde. L’économiste et anthropologue rejoint ainsi le philosophe. L’un et l’autre chez Gallimard.

    La réhabilitation du protectionnisme

    Face à la grande menace industrielle, le vieux gaulliste Jean-Marcel Jeanneney avait publié, en 1978, Pour un nouveau protectionnisme. En forme de chant de cygne car depuis la fin des années 1970, c’est le libre-échange qui donne le tempo. Parvenant même à faire censurer le Prix Nobel Maurice Allais. Cette époque de censure est révolue : des économistes osent aujourd’hui s’afficher protectionnistes : Jacques Sapir et Jean-Luc Gréau ont rejoint Gérard Dussouy, théoricien de la mondialité, et Alain Chauvet (Un autre monde : Protectionnisme contre prédation).

    Sociologues et géographes portent un regard critique sur l’immigration

    Le géographe Christophe Guilluy a jeté un pavé dans la mare avec ses Fractures françaises. Il y montre l’ampleur des fractures ethniques. Fractures ethniques qui ne sont pas forcément sociales : car on est plus riche (monétairement parlant, en tout cas) en Seine-Saint–Denis que dans la Creuse. De son côté, Malika Sorel tient Le langage de vérité [sur] Immigration, Intégration. Dans les mêmes perspectives que Michèle Tribalat (de l’INED) dans Les Yeux grands fermés (L’Immigration en France) ou Hugues Lagrange dans Le déni des cultures.

    Le grand retour de la géopolitique

    Chaque année le festival de géopolitique de Grenoble, organisé par Pascal Gauchon et Jean-Marc Huissoud, marque le retour des intellectuels vers les préoccupations de puissance : Aymeric Chauprade, auteur de Chronique du choc des civilisations, peut y croiser Pascal Boniface, auteur de Atlas du monde global et pourfendeur des Intellectuels faussaires. Hors champ, on ne saurait oublier le général Desportes, ancien directeur de l’Ecole de guerre et critique des guerres américaines. Ni Alain Soral, qui ne veut pas seulement Comprendre l’empire mais le combattre. Ni Christian Harbulot, théoricien de la guerre économique. Ni François-Bernard Huyghe, lumineux médiologue.

    Le dévoilement de l’art « contemporain »

    L’art « contemporain » a plus… d’un siècle. Il est plus que… centenaire ! Il est né dans les années 1890 et trône dans les musées depuis l’Urinoir de Duchamp en 1917 ! Mais les critiques de l’art « contemporain » sont de plus en plus nombreuses et acerbes. Jean-Philippe Domecq annonce que « l’art du contemporain est terminé ». Ces Artistes sans art sont aussi critiqués par Jean Clair, académicien et ancien directeur du Musée Picasso, dans L’hiver de la culture et Dialogue avec les morts. Sans oublier les charges argumentées d’Aude de Kerros (L’art caché), de Christine Sourgins (Les mirages de l’art contemporain), de Jean-Louis Harouel (La grande falsification de l’art contemporain) ou d’Alain Paucard (Manuel de résistance à l’art contemporain).

    La dénonciation des oligarchies

    Il y a dix ans, les « oligarques » désignaient des dirigeants russes plus ou moins mafieux qui s’enrichissaient sur les ruines de l’ex-Union soviétique. Aujourd’hui, la critique des oligarchies a franchi le mur de l’ex-« rideau de fer ». Apôtre de la démocratie directe, Yvan Blot publie L’Oligarchie au pouvoir. Il se trouve en compagnie d’Alain Cotta dénonçant Le Règne des oligarchies et d’Hervé Kempf qui publie, au Seuil, L’Oligarchie, ça suffit, vive la démocratie. Et le libéral Vincent Bénard, directeur de l’Institut Hayek, dénonce les « oligarchismes ». Un point de vue que reprend d’une autre manière, l’anthropologue Paul Jorion dans Le Capitalisme à l’agonie. Ainsi cinq auteurs, partant de cinq points de vue différents, convergent dans la même critique. A la place des oligarques on s’inquiéterait !

    Les neurosciences contre la télévision et les pédagogies nouvelles

    Des milliers d’études scientifiques ont établi la malfaisance de la télévision sur la santé (obésité, maladies cardio-vasculaires) et le développement intellectuel en particulier des jeunes enfants. Avec TV lobotomie Michel Desmurget en fait un point sans concession, frappant au cœur l’instrument central de contrôle des esprits.

    Les neurosciences offrent aussi des arguments décisifs contre les pédagogies dites « nouvelles » dont les ravages dans l’éducation sont constamment dénoncés, notamment par Laurent Lafforgue, médaille Fields.

    Un bouillonnement fécond

    Ce qui est frappant dans ce nouveau paysage intellectuel, c’est la diversité de ceux qui le composent. Il y a les établis et les marginaux : ceux qui ont pignon sur rue chez Gallimard et au Seuil, et ceux qui publient leurs livres à la limite de l’autoédition. Qu’importe, les uns et les autres rencontrent le succès grâce à Amazon notamment.

    Il y a ceux qui viennent des rives de la gauche et du marxisme et ceux qui s’assument réactionnaires. Il y a des libéraux lucides et des lecteurs de Krisis. Il y a des catholiques, des laïcs et des panthéistes. Il y a ceux qui sortent de trente ans de bien-pensance et ceux qui luttent depuis trente ans contre la bien-pensance. Il y a aussi tous ceux qui viennent de nulle part mais qui respectent les faits.

    Le pouvoir des oligarques et l’ordre politiquement correct (mondialiste, « antiraciste », libre-échangiste, en rupture avec les traditions) sont placés sous un triple feu : les mouvements populistes, la blogosphère dissidente et les intellectuels en rupture. Gageons que les événements qui viennent les feront converger !

    Andrea Massari (Polémia, 5 juillet 2011)

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  • Maurice Allais et le partage des surplus

    La revue Eléments dans son numéro de mai 2000 consacrait son dossier aux métamorphoses du capitalisme et de ses contestations. Celui-ci présentait, notamment, douze auteurs pour repenser le capitalisme, parmi lesquels Maurice Allais. Nous reproduisons ici l'article que lui consacrait Tino de Bran, intitulé "Maurice Allais et le partage des surplus".

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    Maurice Allais et le partage des surplus

    Les contributions de Maurice Allais à la science économique, qui lui ont valu le Prix Nobel en 1988, sont majeures dans quatre vastes domaines: la théorie de l'efficacité maximale, la théorie des choix aléatoires, la théorie de la monnaie, du crédit et de la dynamique monétaire, la théorie des probabilités et l'analyse des séries temporelles. Nous signalerons ici deux domaines particulièrement innovants et d'une grande importance pour le bien-être économique des sociétés: la théorie des surplus et l'analyse monétaire. L'hypothèse du modèle de Walras, l'existence à tout moment d'un système unique de prix pour tous les opérateurs, doit être rejetée. Les hypothèses de continuité, de dérivabilité et de convexité des fonctions utilisées sont totalement irréalistes. A la place, M. Allais met en avant la recherche décentralisée des surplus distribuables. Dans une économie de marchés, tout opérateur cherche à trouver un ou plusieurs agents disposés à entrer dans un échange dégageant un surplus répartissable. L'équilibre d'une économie de marchés est la situation dans laquelle il est impossible de réaliser un surplus. L'état d'efficacité maximale est celui où un indice de préférence peut-être considéré comme maximal.

    Dans un échange pur, le surplus du vendeur résulte de l'écart entre le prix de vente et la valeur subjective du bien s'il ne le vendait pas. Pour l'acheteur, le surplus provient de la différence entre la valeur attribuée au bien achetée et le prix auquel il est effectivement payé. Le surplus global de l'échange est partagé entre tous.

    Le modèle d'une économie de marchés est général. Il inclut tous les cas, depuis la concurrence parfaite jusqu'au monopole et aux coalitions. En mettant l'accent sur la réalisation des surplus, il est essentiellement dynamique. Il considère à la fois les enchaînements de causalité et l'interdépendance au voisinage de la situation d'équilibre qui en résulte.

    Le système financier actuel est générateur de déséquilibres et donne naissance à une spéculation effrénée. Selon Maurice Allais, toutes les grandes crises des XVIIIe, XIXe et XXe siècles ont résulté du développement excessif des promesses de payer et de leur monétisation. Tant pour la France que pour la Grande-Bretagne et les USA, le XIXe siècle ne montre aucune corrélation significative entre l'expansion de longue durée de la production et les mouvements de longue durée des prix.

    « La croissance du monde occidental au XIXe siècle, sans précédent jusque-là, a été favorisée par l'existence de fait d'une monnaie commune puisque les principales monnaies étaient rattachées directement ou indirectement à l'or et qu'elles ont conservé des parités fixes ». La création monétaire doit être limitée à la monnaie de base (monnaie de la Banque centrale européenne). Il ne faut pas l'autoriser par des mécanismes bancaires. La Communauté européenne seule bénéficierait des gains attachés à cette création. Toutes les banques étrangères devraient respecter les dispositions légales de réserve, non seulement pour leurs dépôts en euros, mais également pour tous les dépôts stipulés en devises. Une telle réforme rendrait à l'autorité politique le privilège exclusif de la création monétaire et permettrait son contrôle par le Parlement et l'opinion.

    L'objectif d'une société d'hommes libres est de réaliser une totale liberté des mouvements de marchandises, des services, des capitaux et des personnes à l'intérieur d'un espace de civilisation. Le seul principe sur lequel des pays différents peuvent se mettre d'accord relativement aux échanges de leurs produits, c'est la fourniture de la meilleure qualité au meilleur prix. Dans tous les cas litigieux ou difficiles, la référence aux règles du jeu d'une économie de marchés doit s'imposer, car ces règles permettent de satisfaire au mieux et d'une manière équitable les besoins existants avec les ressources limitées qui sont disponibles. Pour réduire les inégalités, il convient d'utiliser la meilleure fiscalité possible, qui est l'impôt sur le capital, et de généraliser l'indexation des créances et dettes. L'indexation assure l'honnêteté dans l'exécution des contrats et préserve l'efficacité de l'économie et l'équité de la répartition des revenus.

     

    Tino de Bran (Eléments n°98, mai 2000)

     

    Pour aller plus loin: L'inflation française et la croissance. Mythologies et réalité, AL EPS. 1974 ; La théorie générale des surplus, PUG, Grenoble 1989; L'Europe face à son avenir. Que faire?, Laffont, 1991 ; Combats pour l'Europe, 1992-1994, Clément Juglar, 1994; Traité d'économie pure, Clément Juglar, 1994; Économie et intérêt, Clément Juglar, 1998; La mondialisation, la destruction des emplois et de la croissance. L'évidence empirique, Clément Juglar, 1999.

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  • Contre les tabous indiscutés !...

    En hommage à Maurice Allais, prix Nobel d'économie, décédé samedi 9 octobre 2010 à Saint-Cloud à l'age de 99 ans, nous reproduisons ici une de ses dernières tribunes, publiée dans l'hebdomadaire Marianne en décembre 2009, dans laquelle il défendait encore sa thèse d'un "protectionnisme raisonné".

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    Contre les tabous indiscutés
     
    Le point de vue que j'exprime est celui d'un théoricien à la fois libéral et socialiste. Les deux notions sont indissociables dans mon esprit, car leur opposition m'apparaît fausse, artificielle. L'idéal socialiste consiste à s'intéresser à l'équité de la redistribution des richesses, tandis que les libéraux véritables se préoccupent de l'efficacité de la production de cette même richesse. Ils constituent à mes yeux deux aspects complémentaires d'une même doctrine. Et c'est précisément à ce titre de libéral que je m'autorise à critiquer les positions répétées des grandes instances internationales en faveur d'un libre-échangisme appliqué aveuglément.


    Le fondement de la crise: L'organisation du commerce mondial

    La récente réunion du G20 a de nouveau proclamé sa dénonciation du « protectionnisme », dénonciation absurde à chaque fois qu'elle se voit exprimée sans nuance, comme cela vient d'être le cas. Nous sommes confrontés à ce que j'ai par le passé nommé « des tabous indiscutés dont les effets pervers se sont multipliés et renforcés au cours des années» (1). Car tout libéraliser, on vient de le vérifier, amène les pires désordres. Inversement, parmi les multiples vérités qui ne sont pas abordées se trouve le fondement réel de l'actuelle crise: l'organisation du commerce mondial, qu'il faut réformer profondément, et prioritairement à l'autre grande réforme également indispensable que sera celle du système bancaire.
     
    Les grands dirigeants de la planète montrent une nouvelle fois leur ignorance de l'économie qui les conduit à confondre deux sortes de protectionnismes: il en existe certains de néfastes, tandis que d'autres sont entièrement justifiés.

    Dans la première catégorie se trouve le protectionnisme entre pays à salaires comparables, qui n'est pas souhaitable en général. Par contre, le protectionnisme entre pays de niveaux de vie très différents est non seulement justifié, mais absolument nécessaire. C'est en particulier le cas à propos de la Chine, avec laquelle il est fou d'avoir supprimé les protections douanières aux frontières. Mais c'est aussi vrai avec des pays plus proches, y compris au sein même de l'Europe. Il suffit au lecteur de s'interroger sur la manière éventuelle de lutter contre des coûts de fabrication cinq ou dix fois moindres - si ce n'est des écarts plus importants encore - pour constater que la concurrence n'est pas viable dans la grande majorité des cas. Particulièrement face à des concurrents indiens ou surtout chinois qui, outre leur très faible prix de main-d'œuvre, sont extrêmement compétents et entreprenants.


    Il faut délocaliser Pascal Lamy !

    Mon analyse étant que le chômage actuel est dû à cette libéralisation totale du commerce, la voie prise par le G20 m'apparaît par conséquent nuisible. Elle va se révéler un facteur d'aggravation de la situation sociale. A ce titre, elle constitue une sottise majeure, à partir d'un contresens incroyable. Tout comme le fait d'attribuer la crise de 1929 à des causes protectionnistes constitue un contresens historique. Sa véritable origine se trouvait déjà dans le développement inconsidéré du crédit durant les années qui l'ont précédée. Au contraire, les mesures protectionnistes qui ont été prises, mais après l'arrivée de la crise, ont certainement pu contribuer à mieux la contrôler. Comme je l'ai précédemment indiqué, nous faisons face à une ignorance criminelle. Que le directeur général de l'Organisation mondiale du commerce, Pascal Lamy, ait déclaré: « Aujourd'hui, les leaders du G20 ont clairement indiqué ce qu'ils attendent du cycle de Doha : une conclusion en 2010 », et qu'il ait demandé une accélération de ce processus de libéralisation m'apparaît une méprise monumentale. Je la qualifierais même de monstrueuse. Les échanges, contrairement à ce que pense Pascal Lamy, ne doivent pas être considérés comme un objectif en soi, ils ne sont qu'un moyen. Cet homme, qui était en poste à Bruxelles auparavant, commissaire européen au Commerce, ne comprend rien, rien, hélas! Face à de tels entêtements suicidaires, ma proposition est la suivante: il faut de toute urgence délocaliser Pascal Lamy, un des facteurs majeurs de chômage!

    Plus concrètement, les règles à dégager sont d'une simplicité folle : du chômage résultent des délocalisations elles- mêmes dues aux trop grandes différences de salaires ... A partir de ce constat, ce qu'il faut entreprendre en devient tellement évident! il est indispensable de rétablir une légitime protection. Depuis plus de dix ans, j'ai proposé de recréer des ensembles régionaux plus homogènes, unissant plusieurs pays lorsque ceux-ci présentent de mêmes conditions de revenus, et de mêmes conditions sociales. Chacune de ces « organisations régionales» serait autorisée à se protéger de manière raisonnable contre les écarts de coûts de production assurant des avantages indus à certains pays concurrents, tout en maintenant simultanément en interne, au sein de sa zone, les conditions d'une saine et réelle concurrence entre ses membres associés.


    Un protectionnisme raisonné et raisonnable

    Ma position et le système que je préconise ne constitueraient pas une atteinte aux pays en développement. Actuellement, les grandes entreprises les utilisent pour leurs bas coûts, mais elles partiraient si les salaires y augmentaient trop. Ces pays ont intérêt à adopter mon principe et à s'unir à leurs voisins dotés de niveaux de vie semblables, pour développer à leur tour ensemble un marché interne suffisamment vaste pour soutenir leur production, mais suffisamment équilibré aussi pour que la concurrence interne ne repose pas uniquement sur le maintien de salaires bas. Cela pourrait concerner par exemple plusieurs pays de l'est de l'Union européenne, qui ont été intégrés sans réflexion ni délais préalables suffisants, mais aussi ceux d'Afrique ou d'Amérique latine. L'absence d'une telle protection apportera la destruction de toute l'activité de chaque pays ayant des revenus plus élevés, c'est-à-dire de toutes les industries de l'Europe de l'Ouest et celles des pays développés. Car il est évident qu'avec le point de vue doctrinaire du G20, toute l'industrie française finira par partir à l'extérieur. Il m'apparaît scandaleux que des entreprises ferment des sites rentables en France ou licencient, tandis qu'elles en ouvrent dans les zones à moindres coûts, comme cela a été le cas dans le secteur des pneumatiques pour automobiles, avec les annonces faites depuis le printemps par Continental et par Michelin. Si aucune limite n'est posée, ce qui va arriver peut d'ores et déjà être annoncé aux Français : une augmentation de la destruction d'emplois, une croissance dramatique du chômage non seulement dans l'industrie, mais tout autant dans l'agriculture et les services.

    De ce point de vue, il est vrai que je ne fais pas partie des économistes qui emploient le mot « bulle». Qu'il y ait des mouvements qui se généralisent, j'en suis d'accord, mais ce terme de « bulle» me semble inapproprié pour décrire le chômage qui résulte des délocalisations. En effet, sa progression revêt un caractère permanent et régulier, depuis maintenant plus de trente ans. L'essentiel du chômage que nous subissons tout au moins du chômage tel qu'il s'est présenté jusqu'en 2008 - résulte précisément de cette libération inconsidérée du commerce à l'échelle mondiale sans se préoccuper des niveaux de vie. Ce qui se produit est donc autre chose qu'une bulle, mais un phénomène de fond, tout comme l'est la libéralisation des échanges, et la position de Pascal Lamy constitue bien une position sur le fond.


    Crise et mondialisation sont liées

    Les grands dirigeants mondiaux préfèrent, quant à eux, tout ramener à la monnaie, or elle ne représente qu'une partie des causes du problème. Crise et mondialisation : les deux sont liées. Régler seulement le problème monétaire ne suffirait pas, ne réglerait pas le point essentiel qu'est la libéralisation nocive des échanges internationaux. Le gouvernement attribue les conséquences sociales des délocalisations à des causes monétaires, c'est une erreur folle.

    Pour ma part, j'ai combattu les délocalisations dans mes dernières publications (2). On connaît donc un peu mon message. Alors que les fondateurs du marché commun européen à six avaient prévu des délais de plusieurs années avant de libéraliser les échanges avec les nouveaux membres accueillis en 1986, nous avons, ensuite, ouvert l'Europe sans aucune précaution et sans laisser de protection extérieure face à la concurrence de pays dotés de coûts salariaux si faibles que s'en défendre devenait illusoire. Certains de nos dirigeants, après cela, viennent s'étonner des conséquences !

    Si le lecteur voulait bien reprendre mes analyses du chômage, telles que je les ai publiées dans les deux dernières décennies, il constaterait que les événements que nous vivons y ont été non seulement annoncés mais décrits en détail. Pourtant, ils n'ont bénéficié que d'un écho de plus en plus limité dans la grande presse. Ce silence conduit à s'interroger.


    Un prix Nobel ... téléspectateur

    Les commentateurs économiques que je vois s'exprimer régulièrement à la télévision pour analyser les causes de l'actuelle crise sont fréquemment les mêmes qui y venaient auparavant pour analyser la bonne conjoncture avec une parfaite sérénité. Ils n'avaient pas annoncé l'arrivée de la crise, et ils ne proposent pour la plupart d'entre eux rien de sérieux pour en sortir. Mais on les invite encore. Pour ma part, je n'étais pas convié sur les plateaux de télévision quand j'annonçais, et j'écrivais, il y a plus de dix ans, qu'une crise majeure accompagnée d'un chômage incontrôlé allait bientôt se produire. Je fais partie de ceux qui n'ont pas été admis à expliquer aux Français ce que sont les origines réelles de la crise alors qu'ils ont été dépossédés de tout pouvoir réel sur leur propre monnaie, au profit des banquiers. Par le passé, j'ai fait transmettre à certaines émissions économiques auxquelles j'assistais en téléspectateur le message que j'étais disposé à venir parler de ce que sont progressivement devenues les banques actuelles, le rôle véritablement dangereux des traders, et pourquoi certaines vérités ne sont pas dites à leur sujet. Aucune réponse, même négative, n'est venue d'aucune chaîne de télévision et ce, durant des années.

    Cette attitude répétée soulève un problème concernant les grands médias en France: certains experts y sont autorisés et d'autres, interdits. Bien que je sois un expert internationalement reconnu sur les crises économiques, notamment celles de 1929 ou de 1987, ma situation présente peut donc se résumer de la manière suivante: je suis un téléspectateur. Un prix Nobel. .. Téléspectateur. Je me retrouve face à ce qu'affirment les spécialistes régulièrement invités, quant à eux, sur les plateaux de télévision, tels que certains universitaires ou des analystes financiers qui garantissent bien comprendre ce qui se passe et savoir ce qu'il faut faire. Alors qu'en réalité ils ne comprennent rien. Leur situation rejoint celle que j'avais constatée lorsque je m'étais rendu en 1933 aux Etats-Unis, avec l'objectif d'étudier la crise qui y sévissait, son chômage et ses sans-abri: il y régnait une incompréhension intellectuelle totale. Aujourd'hui également, ces experts se trompent dans leurs explications. Certains se trompent doublement en ignorant leur ignorance, mais d'autres, qui la connaissent et pourtant la dissimulent, trompent ainsi les Français.

    Cette ignorance et surtout la volonté de la cacher grâce à certains médias dénotent un pourrissement du débat et de l'intelligence, par le fait d'intérêts particuliers souvent liés à l'argent. Des intérêts qui souhaitent que l'ordre économique actuel, qui fonctionne à leur avantage, perdure tel qu'il est. Parmi eux se trouvent en particulier les multinationales qui sont les principales bénéficiaires, avec les milieux boursiers et bancaires, d'un mécanisme économique qui les enrichit, tandis qu'il appauvrit la majorité de la population française mais aussi mondiale.

    Question clé : quelle est la liberté véritable des grands médias ? Je parle de leur liberté par rapport au monde de la finance tout autant qu'aux sphères de la politique.

    Deuxième question: qui détient de la sorte le pouvoir de décider qu'un expert est ou non autorisé à exprimer un libre commentaire dans la presse ?

    Dernière question: pourquoi les causes de la crise telles qu'elles sont présentées aux Français par ces personnalités invitées sont-elles souvent le signe d'une profonde incompréhension de la réalité économique ? S'agit-il seulement de leur part d'ignorance? C'est possible pour un certain nombre d'entre eux, mais pas pour tous. Ceux qui détiennent ce pouvoir de décision nous laissent le choix entre écouter des ignorants ou des trompeurs.
     
    Maurice Allais (Marianne, 5 au 11 décembre 2009) 

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    (1) L'Europe en crise. Que faire ?, Éditions Clément Juglar, Paris, 2005
    (2) Notamment: La Crise mondiale aujourd'hui, éditions Clément Juglar, 1999, et La Mondialisation, la destruction des emplois et de la croissance: l'évidence empirique, éditions Clément juglar, 1999
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