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  • Quand le français n'est plus perçu comme un héritage mais comme une mise à jour d'iPhone sans fin...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un point de vue de Carl Bergeron cueilli sur Figaro Vox et consacré à la volonté de certaines associations de généraliser l'écriture inclusive. Carl Bergeron est un écrivain québécois.

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    « Au Québec aussi, le français n'est plus perçu comme un héritage mais comme une mise à jour d'iPhone sans fin »

    Dans mon pays, une «Association des professeur.e.s de français» a dénoncé la «langue poussiéreuse» que ses membres auraient le fardeau d'enseigner et de transmettre. À en croire son porte-parole, ils rêveraient la nuit de «moderniser» l'usage du participe passé avec l'auxiliaire avoir pour le rendre invariable. Enseigner des règles «décidées il y a 400 ans» prendrait trop de temps, et ne serait pas en phase avec la «réalité des jeunes».

    Les «professeur.e.s.» ne savent plus faire ce que les « professeurs » savaient faire (ah bon, que s'est-il passé ?). Il serait donc urgent, non de corriger leur pédagogie, mais de changer les règles de grammaire, en affectant d'assouplir une langue qu'on aura pris soin de décréter raidie par les siècles. Ô Passé rigide, que de crimes commet-on en ton nom !

    Prétendue élitiste, la langue française souffrirait de la comparaison avec un certain anglais mondialisé, qui emporterait l'adhésion de la jeunesse branchée. Pour «s'adapter» aux Gafam, il nous faudrait un français «liquide», débarrassé de ses scories et ouvert aux manipulations des linguistes, qui prendrait le pli du monde tel qu'il se décide en Californie. La langue n'est plus un héritage : elle devient une mise à jour d'iPhone sans fin.

    Telle serait la manifestation du «sens de l'Histoire», qui nous placerait devant le choix de l'adhésion enthousiaste ou de l'exclusion aigrie. Les réfractaires qui trouveraient quoi que ce soit à y redire seraient ou des bêtes de cirque délirantes, qu'il importerait de calmer par de pédantesques appels à la mesure, ou des grincheux sous le joug de passions tristes (il est bien connu que ceux qui veulent soumettre la langue à leurs fantasmes politiques et en appellent à la mort sociale de leurs adversaires sont de joyeux drilles).

    C'est la base du mensonge révolutionnaire : déclarer «mort» tant du point de vue du sens de l'Histoire («poussiéreux»), de la démocratie («discriminatoire»), de l'esthétique («ringard») que de l'efficacité («inutile») ce que l'on cherche à liquider. Le mensonge se pare de l'apparence de l'évidence, par des formules truquées, censées introduire des principes démocratiques inédits, que peu de citoyens auront l'idée de remettre en cause, sous peine de se voir expulsés du «cercle de la raison», cette nouvelle nef des fous.

    Ainsi ladite «écriture inclusive», qui ment sur ce qu'elle est, en expropriant la langue qu'elle se propose de moraliser. D'abord parce qu'il ne s'agit pas d'écriture, mais bien de réécriture, soit de falsification : ladite «écriture inclusive» est un parasite qui se greffe sur la langue pour la vider de son sens – ou de son sang. Les complications qu'elle introduit par la porte d'en arrière n'augmentent pas la puissance ou la beauté du français, comme les «vieilles règles décidées il y a 400 ans», présumées vermoulues par les incultes, mais multiplient dans le maillage de la phrase les verrous contre la pensée, au nom de la vertu.

    Que nous dit l'«Association des professeur.e.s. de français» lorsqu'elle se présente sous ce nom dégradé, sinon que la langue qu'elle revendique n'est justement plus le français, tel qu'il nous a été transmis par nos ancêtres, mais un ersatz qui promeut le faux et interdit le vrai ? Une non-langue, qui n'est pas, ne peut penser et exprimer ce qui est. Elle ne peut que ratifier le faux en rendant impraticable le vrai. Et séduire trois catégories de gens : les terroristes intellectuels, les notables qui «collaborent» et les conformistes.

    L'apathie des élèves est-elle vraiment due aux Gafam, au manque d'heures d'enseignement, ou au mépris à peine voilé que leur vouent les adultes en autorité, qui leur destinent un français à rabais et plastifié, tout en ayant le culot de prétendre au passage que 1) c'est ce qu'ils demandent ; 2) c'est ce que la «réalité d'aujourd'hui» exige ?

    Disons que j'offre à un adolescent de choisir entre un jeu vidéo ou un roman de Flaubert, et qu'il opte pour le jeu vidéo, dis-je toute la vérité si je prétends que c'est ce qu'il demande ? Rien ne suscite plus l'apathie des jeunes gens que d'être placés devant des adultes inconséquents, qui ne croient pas en ce qu'ils doivent enseigner et transmettre.

    Lorsqu'une association de professeurs de français assume la falsification du langage jusque dans son nom, elle fait plus que d'y céder : elle y consent pour en faire un point de doctrine. Elle invite ses membres à s'effacer derrière le signe abstrait du collectif. Faites le test, pour voir. Inscrivez-vous à une association avec un nom en «inclusif» et à une autre avec un nom régulier, et osez dire que vous y avez la même liberté de parole ?

    Plus l'idéologie progresse dans son usurpation de la réalité et de l'être, plus elle prétend que la réalité et l'être ne sont qu'une fiction. Le critère de vérité ne se voit plus convoqué dans l'examen de la légitimité d'un propos : est «vrai» ce qui est digne d'exister, soit ce qui est jugé idéologiquement conforme. L'humilité devant le donné, qu'il vienne de la nature (différence sexuelle) ou de la culture (langue française), fait place à un orgueil prométhéen déviant, qui prétend pouvoir tout : changer arbitrairement les règles de grammaire ; décréter le bien et le mal, le moderne et le ringard ; mais aussi désigner dans la cité qui est le citoyen, le résident ou le paria – l'intellectuel, le polémiste ou le facho.

    Puisqu'il ne leur a pas été donné de convertir les cœurs, de renouveler la langue de l'intérieur dans des œuvres belles qui leur survivent, ils se vengent en «moralisant» et en «changeant» le patrimoine de l'extérieur. «La-langue-qui-évolue» n'est qu'un alibi.

    La langue française, ce continent englouti et ce merveilleux jardin, qu'une vie ne suffirait pas à explorer, fût-ce en partie (il suffit de plonger dans un gros tome Littré du XIXe siècle pour être saisi de vertige devant ce qu'elle peut), n'est plus reçue en tant que réalité organique, co-création des hommes et des siècles, mais comme un bibelot poussiéreux qu'on peut tripatouiller selon ses caprices. C'est toute une vision du monde qui se révèle.

    Pour s'ouvrir au génie d'une langue ou entrer dans une œuvre, l'on commence par se mettre en retrait et par enlever ses sandales. Je m'inspire pour l'allégorie d'un prêtre, présent à la table ronde de la «Nuit Pascal», organisée récemment par le Figaro Histoire au collège des Bernardins, qui évoquait pour lors non le génie d'une langue ni l'esprit d'une œuvre, mais le geste de Moïse devant le Buisson-ardent. «Je me suis souvent demandé, a-t-il dit selon mon souvenir, ce qui se serait passé si Moïse n'avait pas retiré ses scandales, s'il n'avait pas fait ce que lui avait demandé le Seigneur.» La réponse du prêtre est extraordinaire : « je crois que le Buisson se serait tout simplement éteint ».

    Si l'art et la littérature ne sont pas le sacré, ils en sont des reflets : la Lumière dont ils témoignent veut que l'homme diminue pour qu'Elle grandisse. Ce n'est qu'à cette condition que leur floraison peut donner ses fruits et élever les pauvres créatures que nous sommes. Or, les usurpateurs de la «réécriture inclusive» refusent de retirer leurs sandales. Ils s'en font même une fierté et y voient la marque de leur «indépendance».

    «Écriture inclusive» et censure, «réécriture inclusive» et réécriture exclusive» marchent main dans la main. On inclut dans la langue des greffes artificielles qui la désarticulent et la défigurent, tandis qu'on viole l'intégrité des œuvres en excluant tout ce qui exprime l'altérité, la «négativité» de l'existence. Le projet : démettre le langage de son socle symbolique pour en faire un code binaire, une série de 0 et de 1 chargés de transmettre «l'information» ; réduire les langues nationales à l'état de flux marchand (l'anglais interchangeable des Gafam). Chaque jour, les esclaves des réseaux sociaux actualiseront leur fil pour savoir qui insulter ou qui applaudir, qui lyncher ou qui adorer.

    Ne vous demandez pas si « Parent 1 » et « Parent 2 » et « personne qui s'identifie comme homme » ou « comme femme » est français et humain ; si cela sonne correctement dans la bouche et l'oreille d'un être pourvu d'entendement ; mais si les mêmes termes dans le microphone de ChatGPT sont plausibles. Demain, l'histoire des peuples ne sera plus racontée avec le verbe des écrivains et des artistes, qui peut seul dire l'unité concrète d'un destin, mais sera réécrite par une machine avec des mots qui n'existent pas, pour l'inculper de crimes qui auront été fabriqués en laboratoire. L'idole du progrès le veut.

    Des faits isolés, sans lien les uns avec les autres, seront fondus en une unité abstraite, pour raconter toujours la même « histoire » (on sait laquelle). Le reste sera rejeté en tant que « fabulation mythique ». Rien n'échappera au révisionnisme de cette époque qui n'aime qu'elle-même, et ne veut voir dans l'histoire que la confirmation de sa supériorité.

    Je suis Québécois. C'est au XVIIe siècle que nos ancêtres quittent la France. Une partie passe par l'Acadie, avant de migrer au Québec puis ailleurs en Amérique, notamment en Louisiane, dans la foulée de ce qu'on a appelé «le Grand dérangement». Entre 1755 et 1763, l'Acadie connaît un «nettoyage ethnique à grande échelle» (John Mack Faragher).

    Le régime qui se met en place après la Conquête britannique (1760) et, davantage, après les Rébellions matées de 1837-38, s'établit sur la primauté anglaise et la servitude française. La survivance» qui s'inaugure au Québec au XIXe siècle, sous l'égide de l'Église, n'est pas déshonorante mais laisse un souvenir ambigu. La ponction sur ce peuple réduit à la pauvreté fut énorme. Si les rapports avec la France n'ont certes jamais cessé dans la période, ce n'est qu'avec les années 1960 qu'ils prennent un tour plus souverain.

    Je suis ce que le poète Gaston Miron appelait un «Québecanthrope», un homme qui porte dans son corps, dans son esprit et dans son âme la mémoire de la patrie humiliée. Je me souviens de la honte ; je me souviens de l'espérance ; je me souviens de la langue tordue, verrouillée, nouée par l'humiliation de ne pas ressembler au maître, mais aussi de la langue rétablie, libérée, dénouée. Je me souviens de «l'effort inouï, inimaginable, qu'il nous a fallu pour nous mettre au monde, qui nous a pompé jusqu'à notre ombre» (Miron). Mais plus encore, je me souviens du rêve de nos pères et du cœur de nos mères.

    Je me souviens des grands départs de La Rochelle, Honfleur et Dieppe ; de Champlain et de la Grande Tabagie de Tadoussac ; de Marie de l'Incarnation, venue couronner « ses petites princesses » au bout du monde ; de la Grande Paix de 1701, et du discours et de la mort de Kondiaronk ; de Brébeuf et des Grands Lacs, de La Vérendrye et de l'Ouest, de Cavelier de La Salle et du Mississippi ; de Guillaume Couture et du baron de Saint-Castin, que la forêt américaine a convertis et baptisés, avant d'en faire des héros de légende.

    Bien avant que le fleuve Hudson fût le fleuve Hudson, le Français qui n'était déjà plus Français, y chantait sur son canot d'écorce À la claire fontaine, au Canadien qu'il devenait.

    Le Québec et l'Acadie sont les orphelins, ou les bâtards mal-aimés, d'une Amérique qui aurait pu être franco-amérindienne, et que le Godon (surnom de l'Anglais) a parqué dans des enclaves. Résultat : deux siècles après la Conquête et la Déportation des Acadiens, nous étions « l'un des rares lieux dans le monde où le français est un signe d'infériorité », selon Miron en 1981 à Apostrophes. C'était quatre ans après l'adoption, par Camille Laurin et le gouvernement de René Lévesque, de la Loi 101, qui avait remis la langue française à sa juste place - la première ; ce qui ne s'était pas vu depuis la Nouvelle-France.

    La langue, qui est symbolique, réunit ce qui a été séparé. La non-langue sépare ce qui avait été réuni, et introduit la division en interdisant toute communion. Plus que d'une « guerre culturelle », nous nous trouvons au milieu d'un combat métaphysique à même le langage, entre ce qui cherche à réunir par le haut (symbolus) et à désunir par le bas (diabolus). L'agressivité nihiliste contre la langue, contre les nations et leur histoire est une gifle à tous les dépossédés, qui attendent en périphérie de l'empire la fin du délire.

    Dans L'homme rapaillé («rassemblé» et, par métaphore : «réconcilié»), Miron voit la langue comme l'instrument de l'unité retrouvée. Le poète y fait apparaître le pays blessé, par les « chemins défoncés de son histoire / aux hommes debout dans l'horizon de la justice » : il annonce une histoire de dignité reconquise qui reste à écrire, non à réécrire.

    La révolution se manifeste quand la vérité et le mensonge deviennent une question de vie ou de mort, selon Soljénitsyne ; l'illusion de la mise en scène sociale, de la gauche et de la droite éclate. Chacun est renvoyé à sa conscience : dois-je continuer de consentir au mensonge ? Ou dois-je dire la vérité, en prenant le risque de me faire bannir de la cité ?

    D'une certaine façon, par-delà ses horreurs qui ne sont pas souhaitables, on peut penser à l'instar d'un Berdiaeff que la révolution recèle un sens caché, pour des nations qui ont pensé pouvoir vivre indéfiniment de la rente du passé, à l'abri de l'épreuve de la liberté et du combat spirituel pour la vérité. Le mensonge de la «réécriture inclusive», qui scelle l'alliance de la perversité intellectuelle et de la lâcheté mondaine, ne veut pas la justice mais la parodie de la justice, au point de nous faire oublier et la justice et la possibilité du mal. C'est la ruse du diable, ce ringard absolu, que de se faire passer pour neuf, lui qui ne sait pas créer ; qui ne sait que parodier l'Esprit en altérant tout ce qu'il touche et réécrit.

    Carl Bergeron (Figaro Vox, 4 mai 2023)

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  • La mort de la vie privée...

    Les éditions Denoël viennent de publier une enquête de Fabrice Mateo intitulée La mort de la vie privée - Télésurveillance et données personnelles : le nouvel or noir.

    Fabrice Mateo, journaliste d'investigation, travaille depuis plus de vingt ans sur les nouvelles technologies. 

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    " Trois cents likes suffisent à Facebook pour vous connaître mieux que votre conjoint.

    Nous sommes victimes du plus grand pillage de l’histoire, du casse du millénaire. Nos données personnelles se collectent et se vendent sans notre assentiment. Le plus incroyable dans tout ça ? Nous laissons faire. Pourtant, les intelligences artificielles affinent constamment leurs algorithmes, tandis que les objets connectés recueillent tous les jours davantage de renseignements sur nous. Après nos noms et nos identités, les machines peuvent désormais prédire nos opinions et nos émotions.
    Cette analyse ultra documentée qui explique comment et pourquoi les GAFAM, les administrations publiques et autres hackers accaparent notre vie privée, donne aussi des clés essentielles et accessibles à tous pour se protéger. "

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  • Pourquoi acceptons-nous de nous soumettre au numérique ?...

    Les éditions FYP viennent de publier un essai de Louis de Diesbach intitulé Liker sa servitude - Pourquoi acceptons-nous de nous soumettre au numérique ? avec une préface d'Olivier Sibony. Titulaire d’un master en sciences de gestion et d’un master en éthique et philosophie, Louis de Diesbach travaille notamment dans la gestion et l’éthique des données.

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    " Chaque matin, lorsque nous empoignons nos smartphones, nous renouvelons le pacte faustien qui nous lie aux réseaux sociaux. Nous tombons dans une servitude dont nous mesurons mal les conséquences, au nom d’une sacro-sainte simplicité et d’un amusement omniprésent, comme si notre vie privée, nos données personnelles, notre attention et notre liberté n’avaient plus de valeur. Pourquoi acceptons-nous d’être des produits marchands et de porter le joug de cette servitude jusqu’à la servilité ? Pourquoi renonçons-nous à notre liberté et notre esprit critique ? Dans une approche inédite et pluridisciplinaire ― philosophique, sociologique, psychologique, économique et éthique ―, Louis de Diesbach propose une investigation magistralement documentée sur notre rapport à la technologie et notre acceptation, « mi-victimes, mi-complices », à la soumission au numérique. En s’appuyant sur les dernières découvertes en psychologie cognitive et sociale, il décortique le fonctionnement des plateformes, dévoile les nouvelles techniques comportementales, telles que les sludges, et les mécanismes utilisés par les GAFAM pour guider et dicter nos actions. Liker sa servitude interroge notre responsabilité individuelle et collective afin que, dans un monde toujours plus technocentré, chacun puisse se réapproprier ses libertés technologiques. "

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  • À droite comme à gauche… encore un effort pour parler aux Français !

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Hervé Juvin, cueilli sur son site personnel et consacré aux enjeux politiques au niveau de l'Union européenne ...

    Économiste de formation et député européen, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Il a également publié un manifeste localiste intitulé Chez nous ! - Pour en finir avec une économie totalitaire (La Nouvelle Librairie, 2022).

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    À droite comme à gauche… encore un effort pour parler aux Français !

    Les élections européennes de 2024 se rapprochent et les appétits s’aiguisent. Passons sur l’envie banale d’accéder au statut de député européen — qu’en restera-t-il en 2029 ? Partis et mouvements divers comptent sur l’élection européenne pour confirmer leur dynamique, ancrer leur présence, ou simplement continuer d’exister. Tous travaillent à leur discours sur l’Europe, l’Union européenne, son ambition ou ses dérives.

    Le risque est que les citoyens des Nations d’Europe n’entendent rien à cette musique convenue — pour ou contre l’Union, la Commission, les traités, l’euro, l’élargissement à l’Est, les dérives fédéralistes ou impériales, etc. Tout cela est bien loin de ce qui compte pour eux — avoir chaud cet hiver, bien se nourrir à bon prix, vivre en paix chez soi… Le piège européen est grand ouvert, qui consiste à focaliser le débat sur des questions, comme la forme politique de l’Union, ses institutions, son état de droit, qui occupent les folles journées du Parlement européen, mais n’ont rien à voir avec les préoccupations des citoyens européens. Ces thèmes rebattus détournent l’attention de l’essentiel. Et le risque est que le vide politique dans lequel s’abîment les institutions européennes contamine les partis en Europe, et aussi en France.

    Qu’est-ce qui compte ? C’est la question, la seule, à laquelle tout candidat, tout militant, devrait s’efforcer de répondre.

    Vivre en paix chez soi. Comment rétablir les contrôles aux frontières, la maîtrise du droit d’accès et de résidence sur leur territoire dont dépend leur sécurité ? Comment restaurer les conditions d’une paix durable avec la Russie ?

    Rester libres. Comment défendre nos libertés individuelles contre la dictature digitale qui s’avance, rétablir en Europe la liberté d’expression, de pensée et de débat ? Comment affirmer l’autonomie stratégique des Nations d’Europe et faire passer leurs intérêts communs avant toute autre priorité ?

    Préserver notre mode de vie. Comment lutter contre la folie verte du Green Deal qui multiplie les zones d’exclusion sociale, et pénalise les indépendants au bénéfice des grands groupes, pour faire de la priorité écologique le moyen de bien vivre chez soi ?

    Sur ces trois sujets, il y a urgence.

    1 ) La réalité de l’insécurité identitaire autant que physique se diffuse avec l’immigration imposée aux communautés locales, elle grandit avec la dissolution voulue des appartenances familiales et locales. En France comme en Suède, en Italie comme en Allemagne, il n’est plus possible de nier l’échec de la société multiculturelle. La misère sociale que provoque l’invasion migratoire s’étend et ne peut plus être niée. Les socialistes ne veulent pas voir que le problème social d’aujourd’hui est moins dans les conditions de travail que dans l’insécurité dans les transports et l’incivilité des clients. Il est moins dans la faiblesse des rémunérations que dans cet impôt invisible que fait payer l’insécurité généralisée. Combien de vendeuses, d’employées, à le dire ? Leur problème « social » n’est pas le travail dans Paris, à Auber ou au Palais Royal — c’est le retour à Sarcelles ou Saint-Denis. L’incapacité des gouvernements comme de l’Union à reconnaître les faits, et à accorder la priorité à la sécurité des Européens, est la première faillite de l’Union, celle qui la confronte aux promesses non tenues de l’ouverture et plus encore, à son irréalité.

    2) La folie verte qui sévit dans l’Union européenne détruit le mode de vie des Européens. La « RSE », qui impose aux entreprises au nom de l’environnement une idéologie importée des États-Unis, la taxonomie par laquelle l’Union européenne détruit les exploitations agricoles familiales comme les indépendants, le « Green Deal » qui condamne l’industrie européenne, sont des agressions majeures contre la vie de nos territoires. Plus rien n’échappe au verdissement forcé, des cuisines aux marchés de Noël et des parkings aux salles de bain ! Il est désolant de constater qu’à ce jour, sur des sujets qui font la vie, des communistes quand il en reste aux socialistes éteints, et des républicains aux Nationaux, nous n’entendons rien.

    Rien sur la dictature verte qui menace les libertés fondamentales, y compris le droit de propriété (mise sous condition de « coefficient énergétique » vertueux de la location et bientôt de la vente des maisons et appartements, qui équivaut à une expropriation forcée). Rien non plus pour la défense des modes de vie populaires. Aucun parti ne fait le lien d’évidence entre écologie et ordre naturel, écologie et proximité, écologie et organisation spontanée des sociétés humaines — s’il faut sauver les ours polaires, pourquoi ne pas sauver les derniers peuples de la jungle, de la toundra ou de la mer ? Et les bergers de la Maurienne, les éleveurs de l’Aubrac, et les artisans boulangers de partout ? Aucun parti ne dénonce l’escroquerie qui enferme les PME, les artisans, les indépendants dans un enfer de normes, de déclarations et de critères favorable à ces groupes multinationaux financeurs des ONG et Fondations qui rédigent les textes européens !

    Rien non plus sur l’exclusion des propriétaires de véhicules anciens des centres-ville, évidente discrimination sociale si confortable aux bourgeois en trottinette ! Que disent les partis contre un système d’aides agricoles européen qui, en Roumanie, est concentré à 90 % sur 1 % des exploitations au détriment de la petite propriété familiale ? Lequel propose de remettre l’écologie sur ses pieds, une écologie humaine, au service des communautés établies sur leur lieu de vie, adaptée à leur niche écologique, riches des biens communs fournis par la nature, la vie, le sacré ?

    3) Le pouvoir numérique enfin monte dans un silence assourdissant. Quelles influences, ou quels intérêts, anesthésient des chefs de parti si prompts à dénoncer les violences policières, ou la petite délinquance ? Le pillage des données par les Amazon, Google, etc., est tel qu’il faudra bientôt parler de l’enfer numérique. À l’inverse de tout ce que promettait l’agora d’Internet, ouverte à tout et à tous, le numérique est devenu le tombeau de la liberté d’expression, et signe l’arrêt de mort des libertés d’opinion, d’expression et de débat ; la révélation des « Twitter files » et de la désinformation massive orchestrée par Twitter contre Donald Trump et les républicains est accablante.

    Qu’une prétendue « gauche » condamne la levée de la censure qu’exerçait Twitter sur les opinions non conformes depuis son rachat par Elon Musk illustre jusqu’à la caricature l’étonnante conversion de ceux qui criaient ; « il est interdit d’interdire ! » et qui sont devenus les flics de la pensée et les fossoyeurs des libertés populaires — derrière tout socialiste, derrière tout militant de l’ultra-gauche, un policier et un juge se cachent. Dernier recours de ceux qui ont perdu le peuple, mais sont invités à Davos ! Le totalitarisme numérique que préparent pass vaccinal, monnaie numérique et identité numérique ouvre des abîmes devant nos démocraties. Il condamne les partis qui n’auront rien compris, rien anticipé, rien refusé.

    L’élection européenne se jouera sur la capacité des partis à répondre à de tels enjeux, et d’abord à les identifier, les exprimer et s’en saisir. La paix, la sécurité, les libertés… Qui peut représenter les citoyens des Nations d’Europe sans se prononcer sur les conditions de la paix, sur la défense des modes de vie d’Europe, sur la souveraineté des Nations et leur autonomie ? Dans les mois à venir, il faudra aux partis, aux groupes et aux candidats, beaucoup de lucidité pour éviter le piège de la confusion européenne, ne pas s’enferrer dans les débats abscons sur la place de la Commission, la révision des traités, le rôle du Conseil ou l’impérialisme européen. Les Localistes européens ! s’emploieront à le dire. C’est qu’il y a urgence. Et l’échec annoncé par certains de l’Union pourrait bien emporter, au-delà des européistes, ceux qui se seront laissés prendre au jeu de diversion, de confusion et d’enfumage devenu le fonds de commerce des institutions de Bruxelles. 

    Hervé Juvin (Site officiel d'Hervé Juvin, 15 décembre 2022)

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  • Chez nous !...

    Les éditions de La Nouvelle Librairie viennent de publier un essai d'Hervé Juvin intitulé Chez nous ! - Pour en finir avec une économie totalitaire.

    Économiste de formation et député européen, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Il a également publié un manifeste intitulé France, le moment politique (Rocher, 2018).

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    " La crise de la Covid-19 n’a pas seulement changé nos vies, elle a révélé au grand jour les impasses d’une globalisation imposée à marche forcée par les marchés et la financiarisation des choses et des êtres, à telle enseigne que le trajet du coronavirus a suivi celui des lignes aériennes. Ce virus est à la fois l’avatar de la globalisation – et son échec le plus patent. Extension du contrôle social, restriction des libertés, toute puissance de Big Pharma et des Gafam, dérive de la séparation des pouvoirs, faillite de notre industrie. Pour autant, ce n’est pas la fin de tout ; une solution existe pour que l’économie redevienne plus humaine, le monde plus vert et l’homme plus libre…
    Et cette solution s’appelle le « localisme » ! Rien de tel pour réduire le pouvoir de la finance, restaurer une écologie créative et non plus punitive, redonner à l’homme le goût et le sens de la liberté. Revenir au plus proche, au plus concret, au plus vivant. Du rôle de l’État à la refondation de l’entreprise, les pistes ne manquent pas pour réaffirmer le droit de choisir notre destin en garantissant aux Français que nous sommes bel et bien « chez nous » ! Voilà ce que permet le localisme, voilà ce qu’explique cet ouvrage. "

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  • Les GAFAM à l'assaut de l'Europe...

    Dans « Les portraits d’Éléments », vous pouvez découvrir ce mois-ci un entretien avec Marion Maréchal, directrice de l'Institut de sciences sociales, économiques et politiques, à l'occasion de la sortie d'une étude du Centre d'analyse et de prospective de son établissement consacrée aux GAFAM.

     

                                           

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