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brave new world

  • La tyrannie vertueuse...

    Les éditions du Cherche Midi viennent de publier un essai de Pierre Jourde intitulé La tyrannie vertueuse. Romancier et critique littéraire décapant, avec son compère Eric Naulleau, Pierre Jourde a tenu pendant plus de quinze ans l'excellent blog Confiture de culture.

     

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    " On croyait autrefois que la tyrannie future serait fondée sur les modèles des États totalitaires du milieu du xxe siècle. La prophétie était fausse. Ce sont les citoyens eux-mêmes, dans les sociétés démocratiques, qui organisent leur asservissement. Nul besoin de Big Brother : il y a Facebook, où les individus se dévoilent et se surveillent. On croyait aussi que, comme dans les procès faits à des artistes au xixe siècle, la censure continuerait à être l'apanage de l'État. Désormais, ce sont les intellectuels, les étudiants ; ce sont des groupes de femmes, d'homosexuels, de musulmans, de Noirs, qui exigent interdictions, mises au ban, renvois, et jusqu'à des excuses publiques, à la manière des procès de Moscou. On expurge les textes du passé, on y traque tout ce qui pourrait blesser les identités modernes, décidées à exercer leur tyrannie au nom de la justice et du progrès. La gauche française, qui s'est construite contre la religion, en vient à soutenir le pire obscurantisme religieux. Des femmes arborent le signe de leur sujétion, au nom de leur identité musulmane, tout en se réclamant du féminisme. Bienvenue dans ce monde à l'envers, brave new world où la culture de la surveillance universelle se substitue à la culture tout court. "

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  • Le loup dans la bergerie...

    Les éditions Flammarion viennent de publier dans leur collection Climats le nouvel essai de Jean-Claude Michéa intitulé Le loup dans la bergerie. Analyste lucide et incisif du système libéral, écrivant dans une langue limpide, Jean-Claude Michéa est l'auteur d'essais essentiels comme Impasse Adam Smith (Flammarion, 2006), Le complexe d'Orphée (Flammarion, 2011), Les mystères de la gauche (Flammarion, 2013) ou Notre ennemi le capital (Flammarion, 2017).

     

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    " Au rythme où progresse le brave new world libéral – synthèse programmée de Brazil, de Mad Max et de l’esprit calculateur des Thénardier –, si aucun mouvement populaire autonome, capable d’agir collectivement à l’échelle mondiale, ne se dessine rapidement à l’horizon (j’entends ici par «autonome» un mouvement qui ne serait plus soumis à l’hégémonie idéologique et électorale de ces mouvements «progressistes» qui ne défendent plus que les seuls intérêts culturels des nouvelles classes moyennes des grandes métropoles du globe, autrement dit, ceux d’un peu moins de 15 % de l’humanité), alors le jour n’est malheureusement plus très éloigné où il ne restera presque rien à protéger des griffes du loup dans la vieille bergerie humaine. Mais n’est-ce pas, au fond, ce que Marx lui-même soulignait déjà dans le célèbre chapitre du Capital consacré à la «journée de travail»? «Dans sa pulsion aveugle et démesurée, écrivait-il ainsi, dans sa fringale de surtravail digne d’un loup-garou, le Capital ne doit pas seulement transgresser toutes les limites morales, mais également les limites naturelles les plus extrêmes.» Les intellectuels de gauche n’ont désormais plus aucune excuse. "

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  • Les drogues douces et le Meilleur des mondes...

    Alors que le débat sur la dépénalisation de la consommation de cannabis fait rage, grâce à une habile campagne médiatique de mise en condition, nous reproduisons ci-dessous un texte de Claude Bourrinet publié par Voxnr, qui pose bien les données du problème...

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    Les drogues douces et le Meilleur des mondes

    Les récentes prises de position en faveur de la dépénalisation des drogues dites « douces », ou de leur légalisation, soit sous forme de proposition de loi, soit sous celle de déclarations individuelles, parfois au plus haut niveau, permettent de mettre en lumière les contradictions d’un système juridique qui, dans le fond, comme le rappelle Jean-Claude Michéa dans « L’empire du moindre mal » (Champs essais), a décrété qu’on pouvait se passer de la Vérité, du bien, de la Gloire et de l’Honneur, pour se rabattre pragmatiquement sur la logique du pur utilitarisme.

    Celui-ci revient en fait à l’enregistrement d’un simple rapport de force, puisque rien de transcendant, sinon la liberté elle-même, n’informe ou ne limite l’expression de la transgression permanente des normes. Les glissements sémantiques, idéologiques, peuvent aller très vite. Aussi voit-on les affirmations provocatrices d’un Cohn Bendit, au début des années 80, encore marquées du coin brûlant de mai 68, sur la libido et la légitimité du plaisir enfantin, avec ou sans la participation d’adultes, susciter maintenant gêne ou indignation quand, à l’époque, ce discours était tenu pour acceptable, ou comme non sujet à condamnation pénale. La société serait-elle devenue plus « morale » ? Il faudrait alors que l’adoption par des couples homosexuels, que l’on considérait jadis comme une aberration, au point qu’une telle hypothèse n’était même pas dicible, le fût devenue - ce qui est bien sûr le cas dans le discours de certains, avec éventuellement la reconnaissance de la prostitution comme métier à part entière, ou la constitution d’un service sexuel dû aux handicapés. Dans l’ordre du relatif, tout est possible (et même le jeu ironique des effets « domino » : le pédophile, au fond, n’est-il pas la victime collatérale de la survalorisation du « droit de l’enfant », si à la mode actuellement, et qui vise à saper sournoisement l’autorité de l’adulte ? Un jour, quand l’enfant éternel aura supplanté l’homme mûr, on s’avisera qu’on est tous égaux, et alors ce sera la revanche et le triomphe du pédophile !). Mais l’étonnant est qu’on puisse encore emprunter le ton moralisateur pour démolir la morale.

    On voit bien, du reste, que cette morale, qui constitue un obstacle au progrès indéfini des droits de la personne, s’inscrit dans une tradition qu’il s’agit d’abattre. Or, tout ce qui est stable demeure un danger pour le jeu fluctuant du marché. La seule et ultime raison de la gestion irraisonnée de l’homme est sa satisfaction personnelle, que l’on pare du slogan pompeux et prétentieux de « réalisation de soi », ce qui est, d’un point de vue philosophique, un casse-tête désespérant (qu’est-ce que « soi » ? quand pourrions-nous parler de « réalisation » ? et dans quelle mesure l’homme est-il sa propre mesure ?). Il n’est pas besoin, d’ailleurs, d’être grand philosophe, pour percevoir jusqu’où, jusqu’à quels délires, peut aller cette revendication d’autosatisfaction. Sade n’est pas loin, et dans ce cas comme en d’autres, l’argument qui met en avant la nocivité pour autrui de certaines pratiques , étant donné la plasticité et la relativité d’un tel concept, ne vaut pas grand-chose. Littéralement, on n’en sort pas. Car pourquoi, par exemple, ne pas prendre sérieusement en considération, sinon par des sondages préfabriqués par le matraquage, ou trafiqués, l’opinion de la majorité, ou du moins de certains courants religieux ou philosophiques, pour atténuer des revendications qu’on nous présente toujours comme légitimes, et pour ainsi dire avalisés par le cours de l’Histoire ? Au fond, le mariage homosexuel heurtera l’Eglise, une grande partie des Israélites et la majorité des Musulmans. Mais il est vrai que la doxa politiquement correcte considère la religion comme un legs nuisible du passé. De quel droit ?

    Uniquement parce qu’elle est du passé et prétend à la vérité. L’ultima ratio du système est le présent informe. Une réforme ne se justifie que par son actualité. Elle appartient au monde de maintenant, elle est « moderne ». Mais qui est légitime pour affirmer cela ? Nous avons là, comme dans les cultes à mystère, l’absolue absence de réponse rationnelle.

    Cela ne va pas sans contradiction, et des légitimités s’entre choquent. Prenons par exemple l’un des chevaux de bataille des Verts rejoints par les socialistes, la revendication de la légalisation des drogues dites « douces » (et qui ne le sont pas). L’argument est d’abord pratique : il s’agit d’empêcher les circuits illégaux et parallèles, qui enrichissent la mafia et nourrissent une partie de la banlieue (cette dernière réalité étant, faut-il le dire, prise en compte cyniquement par l’Etat, ce qui explique l’absence de moyens radicaux pour mettre fin au trafic). Parallèlement, il est indispensable d’éviter, tant que faire se peut (le fameux « moindre mal »), les risques encourus par les consommateurs livrés à des produits douteux, car « impurs ».

    On notera au passage l’argument qui consisterait à créer un marché légal des hallucinogènes. La gauche se révèle au grand jour dans cette circonstance. Finalement, elle se fait la championne du marché (certes, légal !). Cela ne va pas sans tartufferie : qu’est-ce qui fait dire en effet que de l’ « herbe », même non trafiquée, serait sans nocivité pour la santé ? Ne faut-il pas, du reste, fumer, pour consommer ces drogues ? Le tabac n’est-il donc plus nuisible ? Et le mineurs n’ont-ils pas « droit » aussi à ces drogues, donc au tabac, qui leur est interdit ? Et quand celui-ci sera définitivement prohibé (ce qui arrivera), que faire ? Manger, comme au 19e siècle, le haschisch ? Et comment pourra-t-on éviter la persistance d’un marché noir de drogues « dures » ? Faut-il aussi légaliser celles-ci ? C’est ce qui, logiquement, devrait s’ensuivre…

    Mais outre ces apories, il faut saisir ce en quoi ces positions sont suprêmement idéologiques (ce qui permet de souligner combien le système libéral, qui voudrait nous délivrer de la tyrannie des systèmes d’opinions, nous y ramène infailliblement). Ainsi, comment expliquer que, comme pour le mariage homosexuels, qui n’émeut qu’une frange minoritaires de bobos en manque de sensations … plutôt banales (qui songe encore à se marier dans un monde qui discrédite toute valeur ?!), la question de la légalisation du haschisch et assimilé hante et agite le bocal empesté des progressistes ? Pourquoi, par exemple, s’en prendre, avec les puritains et autres hygiénistes américanoïdes, à l’alcool, et singulièrement au vin, avec des accents que l’on ne retrouve que quand on attaque avec des traits haineux les « réactionnaires » ?

    Les « drogues douces » ont, par rapport à notre civilisation, une origine allogène. Elles viennent du Proche et du Moyen Orient, ou des pays du Maghreb. Elles sont donc entachées d’un préjugé favorable, comme les immigrés, les sans papiers, le raï, le rap, et tout ce qui contredit la culture indigène (c’est-à-dire d’ici). Aussi le vin, par exemple, si ancré dans notre terroir et ses traditions de bonne vie ou ses racines sacrées, est-il vertement dénoncé. Il ne faut pas chercher plus loin pour vilipender un produit si digne de soupçon. Et le rapprocher des alcools durs, qu’on ingurgite brutalement pour atteindre l’ivresse, lors de soirées étudiantes par exemple, c’est faire preuve d’une extrême mauvaise foi, et d’une propension à la reductio ad diabolum, comme c’est la coutume dans d’autres domaines.

    Par ailleurs, les drogues dites « douces » appartiennent à l’imaginaire, aux codes de la société postmoderne, hédoniste et décomplexée, telle qu’elle s’est développée dans la Silicone vallée, et telle qu’on nous la donne en viatique pour un avenir radieux. Elles constituent, si l’on veut, l’hostie, la relique, par quoi on entre dans la nouvelle religiosité (qui saura trouver son inquisition), le dogme de la philosophie sectaire, par laquelle on nous somme d’être heureux, on nous initie aux mystères du Brave new world (souvenons-nous du soma, consommé à outrance, dans le célèbre ouvrage d’Aldous Huxley).

    Pauvre libéralisme, qui orne la misère humaine du halo du droit, et du romantisme de pacotille d’une bohème usée et fatiguée. Ne resterait-il que le joint pour être révolutionnaire ? Quel manque d’imagination, quelle médiocrité!

    Claude Bourrinet (Voxnr, 19 juin 2011)

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