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pierre le vigan - Page 17

  • Remettre les idées à l'endroit !...

    Nous reproduisons ci-dessous la recension, que nous a adressée Pierre Le Vigan, de la récente réédition de l'essai d'Alain de Benoist, Les idées à l'endroit. Un ouvrage fondamental dont nous ne pouvons que conseiller la (re)lecture !...

     

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    Les idées à l’endroit

    Dans le domaine des idées il y a quatre grands secteurs. L’un est le sociétal : pour ou contre la liberté des mœurs, la vente réglementée des drogues, le mariage homosexuel, etc. On le voit : le sociétal renvoie aussi à la culture commune dominante, aux habitus, à l’anthropologie dominante. Un deuxième secteur est l’économique : nationaliser ou pas, exproprier les multinationales ou pas, diriger l’économie ou laisser-faire, financiariser ou pas, accentuer la mondialisation ou instaurer un protectionnisme européen, « libérer » le droit du travail ou restaurer des protections pour les travailleurs, etc. C’est de l’économique qui est aussi bien sûr du social. Un troisième secteur est l’institutionnel : quelle démocratie ? Parlementarisme, régime primo-ministériel ou présidentialisme ? Quelle place à la démocratie directe ? Référendum d’initiative populaire - et comment - ou non ? Quelles collectivités locales et pour quoi faire ? Quel mode de scrutin : majoritaire, proportionnel, à la plus forte moyenne, au plus fort reste ? Avec ou sans prime majoritaire ? Scrutin mixte ? Et là encore : avec quel objectif ? Il y a enfin un quatrième secteur : quelle politique internationale ? Quel ordre mondial voulons-nous ? Unipolaire autour des USA ? Ou pluraliste ? Une vision euro-atlantiste du monde ? Ou une vision eurasienne ? Ces 4 secteurs s’articulent. Bien des combinaisons sont possibles (les libertaires en matière de mœurs ne sont pas tous libéraux au plan économique par exemple). Mais toutes les combinaisons n’ont pas la même cohérence. Et certaines n’en ont même aucune. Ce qui les amène à ne pas durer. 

    Or, c’est la cohérence qui fait qu’une pensée existe et laisse des traces. C’est précisément dans la mesure où il a très tôt fait le choix de ne pas travailler en appui à un parti politique quel qu’il soit qu’Alain de Benoist a pu jouer ce rôle exigeant de tuteur de cohérence. Dans Les idées à l’endroit, il répondait voici 30 ans aux questions suivantes, voire à quelques autres : quelle vision du monde peut avoir un homme lucide et conscient des impasses – et des laideurs physiques et morales - du monde moderne ? Quelle vision de l’homme ? Quel rapport peut-on avoir ce que l’on appelle la droite, ou les droites ? Pourquoi le libéralisme n’est pas la solution ? Que peut-on penser d’un certain nombre de thèmes comme l’ordre, l’enracinement, l’autorité, la tradition ? Qu’est-ce que le totalitarisme, et surtout y a-t-il un nouveau totalitarisme contemporain ? Lequel ? Pourquoi s’est-il mis en place ? Comment ? Au bénéfice de qui ? Pour réprimer quoi ? Comment le combattre ? Quelle stratégie asymétrique, du faible au fort, peut-on essayer de mettre en place contre ce nouveau totalitarisme ? Et aussi : non pas quels goûts culturels devons-nous avoir ? Mais quelle hauteur de vue est susceptible de nous donner du discernement ? Et enfin, quelle politique internationale voulons-nous, et pouvons-nous ? Souhaitons-nous un monde unipolaire ou un monde pluraliste ? Sommes-nous du côté d’une coalition euro-atlantique, ou devons-nous penser en termes de solidarité eurasienne ? Bien entendu, tout se tient : si on est dans une démarche critique vis-à-vis du libéralisme on aura d’autant plus tendance à critiquer au plan institutionnel une démocratie purement procédurale tout comme un « patriotisme » purement constitutionnel à la Habermas et aussi bien sûr l’alignement sur Washington. Enfin, tout en étant favorable à la liberté des mœurs on considérera que la société n’a pas à valider des comportements qui relèvent de la sphère privée et n’apportent rien à sa solidité. Et ce parce que si les individus ont bel et bien des droits la société n’est pas la somme de droits individuels et encore moins le lieu où se réalisent les revendications indistinctes de tous les ayants-droits, réels ou auto-proclamés. C’est cela qu’aide à penser un livre de philosophie, et c’est cela qu’est Les Idées à l’endroit. Ces livres sont-ils si nombreux ? Tout porte à croire que non. Raison de plus pour le lire, ou pour le relire pour les plus agés des lecteurs d’Eléments. 

    L’auteur a bien entendu évolué, et enrichi notamment sa réflexion dans le domaine économique, allant de la critique de la domination de l’économie – la place excessive de l’économie dans nos sociétés - à des propositions plus concrètes sur les voies d’une autre économie, mutuelliste, communaliste, coopérative, autocentrée. Et puis dans ce livre écrit quand l’auteur avait de 30 à 35 ans bien des choses restent actuelles, relisons les passages sur l’immigration : l’essentiel y est, l’immigration comme arme du patronat, comme frein à l’innovation, comme liquidation des cultures (les deux, celle des immigrants qui arrivent, et la culture du pays d’accueil). Un livre à annoter. Comme tous les livres de références.

    Pierre Le Vigan 

    Alain de Benoist, Les idées à l’endroit, Avatar éditions (BP 43 91151 Etampes cedex), 357 pages, 36 euros.

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  • Education : le grand abandon...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Pierre Le Vigan, cueilli sur Voxnr et consacré à l'éducation. Pierre Le Vigan vient de publier, aux éditions de La Barque d'or, un essai intitulé La banlieue contre la ville, disponible sur le site La barque d'or.

     

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    Education : le grand abandon
     
    Depuis Jacques Ellul nous savons que la modernité consiste à croire que tout problème a une solution technique. Il suffit en tous domaines de trouver la bonne technique : celle qui est la plus efficace. En matière d’éducation, nous en sommes là. Les pédagogues ont développé l’idée qu’il faut expérimenter le plus possible, et que des méthodes nouvelles permettront de surmonter les échecs de l’école. Il faudrait ainsi « apprendre à apprendre ». Comment ? Par petits groupes, par le travail « collectif », sous le patronage d’un « prof-animateur » et non plus de Monsieur ou Madame le professeur. Le tuteur remplace l’enseignant, qui était déjà une version dégradée du professeur. Le travail en petits groupes évite de se poser la question des notes individuelles, remplacées au mieux par une « évaluation » collective voire plus simplement par la validation d’un savoir-être : s’intégrer au groupe, réciter les mantras sur les « droits citoyens », les « écogestes », etc. Les petits groupes valident aussi la communautarisation de la société : chacun dans son groupe, c’est au fond l’individualisme à une échelle collective, soit ce qu’il y a de pire dans le communautarisme, à savoir non pas la communauté mais la tribu, et la juxtaposition des tribus sans lien entre elles. C’est en d’autres termes la fin de l’espace public. Nous allons ainsi vers « un pays libanisé » dit Natacha Polony (Le pire est de plus en plus sûr, Mille et une nuits, 2011). C’est le règne du chacun pour soi et du chacun chez soi, chacun dans sa communauté – celle-ci n’étant qu’une caricature des liens communautaires anciens. Avec la fin de l’espace public c’est bien sûr aussi la fin de la France qui se profile. C’est le grand abandon.

    De quoi s’agit-il pour les maîtres de notre politique éducative ? De déconstruire le concept de nation au nom de la diversité. Entendons-nous : la diversité des origines existe, et en France existent même les « petites patries » locales dont parlait Jules Ferry (et qu’il ne niait nullement mais voulait lier en une nation tel un bouquet), et a fortiori la diversité des origines avec l’immigration de peuplement. Mais à partir du moment où des millions de personnes ont été amenées à vivre en France et à s’y installer définitivement il est prioritaire de leur donner les moyens de s’y acclimater. Comment ? En enseignant d’abord l’histoire de France et d’Europe, la géographie, la langue française. Et en enseignant d’une certaine façon. Parce qu’il ne suffit pas de se mettre ensemble autour d’une table pour apprendre. Il n’y a pas à désamorcer l’angoisse de ne pouvoir arriver à apprendre. Qui ne l’a pas connue ? Cette angoisse est naturelle. Elle peut justement être desserrée en avançant sur des bases fermes, solides, universelles dans notre pays. Il fut une époque où tel jour à telle heure tous les écoliers de France faisaient la même dictée. Ce n’était pas si idiot. Cela indique un chemin : une éducation dans un pays doit être universelle, commune, en continuité d’un bout à l’autre du territoire. Elle doit créer un socle de références communes, et cela d’autant plus que les origines de chacun sont diverses. En effet, ce socle commun est d’autant plus nécessaire que manque la culture commune entre les élèves, d’autant plus nécessaire quand elle se résume au consumérisme et à l’américanisation des moeurs. C’est pourquoi la tendance actuelle dans l’éducation est néfaste. Quelle est-elle ? Elle est de valoriser les expérimentations, les autonomies des établissements d’enseignement. C’est le discours de la dérégulation appliqué à l’école après avoir été appliqué à la finance à partir des années 1980-90. Dans l’école post-républicaine, chacun expérimente, et chacun s’évalue. Au nom de la créativité. Un beau mot pour dire la fin d’un socle commun de connaissances. Depuis la loi Fillon de 2005 cette tendance s’accélère. Les expérimentateurs libéraux se retrouvent au fond d’accord sur la même politique que les « innovants » libertaires. Daniel Cohn-Bendit est l’archétype politicien de cette convergence. Tous deux, libéraux et libertaires, ont cessé de croire à l’espace public de l’éducation. Du fait de leur action conjointe, culturelle pour les libertaires, politique pour les libéraux (de droite ou de gauche), la tribalisation des établissements est en marche, en phase avec la tribalisation-barbarisation de la société. Dans le même temps, l’idée de savoirs à connaitre est abandonnée au nom de l’efficacité économique, que défendent aussi bien la droite que la gauche. Les savoirs laissent la place à des « compétences », concept flou à la mode. C’est un processus de dé-civilisation : il s’agit non plus de maitriser des connaissances, de les évaluer par des notes forcement individuelles, de progresser vers un savoir donnant la capacité d’être citoyen mais d’acquérir un savoir-être utilitaire, bref d’être adaptable dans le monde de l’entreprise. Fluide et flexible. Dans ce domaine la démagogie face à la préoccupation de l’emploi fait rage, surfant sur l’angoisse des Français. On ne parle d’ailleurs plus de métiers, qui supposent des connaissances précises mais de l’emploi, qui suppose une malléabilité continue. Il s’agit donc de créer l’homme nouveau flexible. Dévaloriser les connaissances précises et valoriser les « savoirs-être » c’est la révolution anthropologique de l’école nouvelle, l’école d’après la France et d’après la République, l’école d’après les nations (en tout cas les nations d’Europe). Curieusement la campagne électorale de 2007 s’est jouée sur d’autres thèmes. C’est en défendant, dans la lignée d’Henri Guaino, les principes d’une école républicaine que Nicolas Sarkozy a gagné, y compris en séduisant un électorat de gauche sur ces questions. (Il n’est pas exclu qu’il tente la même manœuvre). A t il appliqué ses principes affichés dans les meetings et discours ? Aucunement. La droite, malgré quelques tentations de bonnes mesures sous Xavier Darcos, est vite revenue avec Luc Chatel à la conception de l’enseignant-animateur, une conception plus en rapport avec l’air du temps.

    En conséquence, la sélection sociale se fait de plus en plus en dehors de l’école publique, gratuite et laïque. L’abandon de la méritocratie prive les classes populaires de toute possibilité d’ascension sociale. A la place de l’ascenseur social par l’école publique un leurre est mis en place : c’est la diversité chère à tous nos gouvernants, de la droite américanisée à la gauche multiculturelle à la Jack Lang en passant par l’omniprésent Richard Descoings patron de « sciences po Paris », membre du club Le Siècle et diversito-compatible s’il en est. A ce stade, le chèque-éducation représenterait l’officialisation de la fin de l’école républicaine. C’est d’ailleurs pour cela qu’il n’est pas appliqué. Trop voyant. Trop symbolique. Il manifesterait trop clairement cette fin : il s’agit en d’autres termes de maintenir la fiction, le manteau vide de l’éducation « nationale, laïque et publique ». La diversité participe de l’abandon de la méritocratie. De quoi s’agit-il ? De faire entrer des élèves dans des institutions prestigieuses en les exonérant de l’accès classique, en ouvrant une voie privilégiée. Comme si on reconnaissait implicitement qu’ils sont incapables de réussir le concours normal de ces institutions – ce qui est faux sauf que ce ne serait sans doute pas les mêmes qui seraient admis. A l’inverse, une bonne politique républicaine serait de développer des aides aux devoirs, des bourses d’étude, des internats d’excellence pour aider à la réussite dans ces concours des jeunes issus de milieux populaires. Avec la « politique de la diversité » il s’agit en fait de former une petite élite hyper-adaptée au système économique et de lui offrir la collaboration (lucrative : les jeunes de la diversité admis dans les grandes écoles choisissent souvent… la finance) avec le turbocapitalisme tandis que l’immense masse des jeunes de banlieue resteraient l’armée de réserve du capital. Nous avons donc du coté des gouvernants, de droite comme de gauche, des pédagogistes ou ludo-pédagogistes pour qui chaque jeune doit découvrir en lui ses « savoirs faire enfouis » et développer un savoir-être basé sur le « vivre–ensemble », une autre formule magique. Et nous constatons dans le même temps que ce spontanéisme éducatif est prôné tandis que la barbarisation de certains jeunes, pourtant bel et bien passés par l’école s’accroit (cf. L’affaire Ilan Halimi). C’est en fait l’abandon de la dimension verticale de l’éducation qui est en cause dans la perte des repères que l’on observe. Il y a toujours eu des gens rétifs à se conformer à une certaine noblesse d’âme. Mais il fut un temps où on enseignait cette noblesse. Chacun savait plus ou moins qu’elle existait, sans s’y conformer pour autant. Désormais, le nihilisme qui se manifeste dans la société et dans l’éducation tend à dire que tout vaut tout, que l’élève doué et/ou travailleur doit être noyé dans le groupe. Pour ne pas « stigmatiser » les nuls. Face à cela les instructionnistes sont ceux qui disent : il y a des choses à apprendre, et pas seulement des savoirs être à acquérir. En d’autres termes le meilleur apprentissage du « savoir-être » - si on tient vraiment à avancer cette notion - c’est le sens de l’effort et du travail. On appelle aussi les instructionnistes les « républicains ». Je suis républicain. C’est de cela qu’il s’agit : d’affirmer que la République est autre chose qu’une démocratie des ayants droits où chacun serait réduit à un consommateur tranquille, avec une pondération raisonnable d’insurgés incendiaires, de façon à entretenir la peur sécuritaire (bien légitime face à des agressions bien réelles) et à empêcher toutes luttes sociales, si nécessaires pourtant, si légitimes quand le système de l’hypercapitalisme financier attaque les classes populaires, les salariés et les classes intermédiaires avec une détermination sans précédent.

    Refaire une instruction publique et républicaine pour former des citoyens qui iraient vers les luttes de libération sociale et nationale du peuple de France c’est là l’enjeu.
    Pierre Le Vigan (Voxnr, 5 novembre 2011)
     
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  • La banlieue contre la ville

    Nous vous signalons la parution, aux éditions de La barque d'or, de La banlieue contre la ville, un essai Pierre Le Vigan. Urbaniste, Pierre Le Vigan réfléchit sur la question de la ville depuis près de trente ans. Collaborateur des revues Eléments et Krisis, il a récemment publié La Tyrannie de la transparence (L'Æncre, 2011), le deuxième volume de ses carnets, ainsi qu'un essai intitulé Le malaise est dans l'homme (Avatar, 2011).

    Le livre (18 euros, 248 p) peut être commandé par courriel à : labarquedor@hotmail.fr ou sur le site : http://la-barque-d-or.centerblog.net/

     

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    "La ville n'est plus ce qu'elle était et les banlieues sont bien autres que ce qu'étaient les faubourgs. Les banlieues étaient le prolongement de la ville. Elles se sont retournées contre elle. Elles sont devenues des anti-villes.

    Impossible de se désintéresser de la question de la ville. L'immense majorité des Français y vit. Mais qu'est-ce que la ville ? Rien d'autre que le territoire emblématique de notre histoire. C'est pourquoi, elle est plongée dans la crise de la modernité. Arraisonnée par la technique, dilatée dans l'espace, la ville flotte à la surface des temps modernes. L'idéologie de la table rase, le mépris pour l'architecture vernaculaire, propre à un pays et une époque, au profit de modèles rationalistes universels ont amenés à la constitution d'immenses et peu vivables banlieues de grands ensembles. le déracinement est devenu la règle. A quoi bon « faire de la ville » (ou la refaire) si notre destin est d'être nomade.

    Pourtant, l'homme a toujours besoin d'enracinement. l'homme a besoin de se sentir « chez soi », y compris en ville. mais, il faut pour cela voir à nouveau la ville comme un paysage, la reconstruire comme tel, et réhabiliter la notion d'identité locale, d'habitat, de lieu, de site.

    L'histoire de la ville que relate l'auteur ouvre des pistes de réflexion et donne des raisons d'espérer et d'agir. l'avenir de la ville n'est écrit nulle part. Entre le grand ensemble et la marée pavillonnaire, d'autres voies sont possibles. Le choix n'est pas, d'un côté, le vieux rêve de « construire les villes à la campagne » et, de l'autre, poursuivre l'extension sans fin de la banlieue. Le devenir-banlieue n'est pas inéluctable. Les idées de notre modernité ont mené la ville là où on sait. D'autres idées peuvent la mener ailleurs. Demain, la ville sauvée de la banlieue?"

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  • Entre mémoires locales et volonté continentale : l'Esprit européen !...

    Les éditions Heligoland viennent de publier L'Esprit européen entre mémoire locale et volonté continentale, un copieux recueil d'article de Georges Feltin-Tracol, préfacé par Pierre Le Vigan. Georges Feltin-Tracol est un des animateurs du site Europe Maxima et a déjà publié chez le même éditeur Orientations rebelles, un recueil dont les textes, selon Alain de Benoist, témoignaient "d'un sens aigu de la synthèse et d'une belle capacité de pensée critique".

     

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    "Débat sur l’identité nationale en France pendant l’hiver 2009-2010, appels répétitifs à respecter la laïcité, enlisement institutionnel de l’Union européenne, rejet référendaire de la Constitution européenne en 2005, réveil des peuples sans État, domination stratégique pesante de l’Occident et de l’hyper-classe oligarchique mondialiste sur le "Vieux Monde", risques d’éclatement de la Belgique et de l’Italie, regain des régionalismes dans l’Hexagone, anticipation d’une « Grande Suisse », rôle asphyxiant de Paris et de sa région, prégnance de la géopolitique…, notre continent arrive à un moment décisif de son histoire sans que ses peuples apathiques, déboussolés et amnésiques s’en aperçoivent vraiment.

    Et si, en dépit de tous ces dangers, ces épreuves invitaient à retrouver notre esprit européen dans sa multiplicité déclinée en mémoires locales, régionales et nationales, souvent antagonistes et contradictoires, et en une volonté géopolitique continentale soucieuse d’agir (et de réagir) aux événements du monde ? 

    Produit plus que somme de nos peuples, de nos cultures, de nos identités, l’esprit européen se compose de formes variées et éclectiques à l’opposé d’une uniformité moderne et hyper-moderne. Cet éclectisme est une richesse, c’est aussi la meilleure façon de contenir et de riposter à la menace mondialiste américanocentrée, aux défis démographiques africain et musulman, aux périls de la finance transnationale et des banksters et à la rude concurrence des nouveaux pays industrialisés d’Asie et d’Amérique latine. Les Européens devraient se souvenir que l’union construite sur la force cumulée des identités fait la puissance.

    Recueil de soixante-dix textes dont certains sont inédits, d’un avant-propos et d’une préface de Pierre Le Vigan, L’Esprit européen entre mémoires locales et volonté continentale participe au combat culturel d’aujourd’hui et de demain. Il en fournit les indispensables munitions.

    Contre le projet dément de l’hyper-classe, de la Mégamachine occidentaliste mondiale et de son bras armé, le simulacre de l’U.E., la réappropriation de l’esprit européen dans sa complexité charnelle intrinsèque est nécessaire afin de redonner un sens à la spiritualité, à la légitimité, à la souveraineté, à l’identité, à la laïcité et à la puissance et de rétablir l’Europe sur des assises populaires et historiques grâce à ses mémoires locales et à sa volonté géopolitique. Allons donc à la découverte de cet esprit polymorphe !"

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  • Sur le chemin de Damas...

    Dans le numéro 73 de Flash, le journal gentil et intelligent, on miaule et on s'aiguise les griffes avec Alain de BenoistArnaud Guyot-Jeannin et Topoline, on prend le chemin de Damas avec Christian Boucher, on casse sa calculatrice avec Pierre le Vigan, on s'inquiète avec Philippe Randa et on fait des singeries avec Nicolas Gauthier ... Bonne lecture !

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    Heureux comme un chat en France ? Un dossier qui miaule, griffe et ronronne : Alain de Benoist avoue se méfier des hommes qui n'aiment pas les chats, Arnaud Guyot-Jeannin nage dans le bonheur félin et Topoline panse ses plaies.

    Tout ce que l'on vous cache... : notre reporter sur le chemin de Damas, Christian Bouchet a sillonné le pays. Il en est revenu entier et étonné...

    Responsable mais pas coupable, une habitude chez les leaders socialistes ? Et toujours la "mamma" Sinclair qui veille au grain... Arrangements judiciaires et cuisine de famille...

    Pierre le Vigan nous l'assure : les chiffres ne font pas le bonheur et le monde n'est pas une addition !

    Philippe Randa commence à s'inquièter ferme : et si Sarkozy rempilait ?

    De "Joyeuse", l'épée de Charlemagne et du sacre des rois de France à "Excalibur", l'épée mythique du Roi Arthur, une expo très "chevalresque" à voir au musée de Cluny.

    Les chats en ouverture et les singes pour finir : Topoline a vu le dernier opus de Ruppert Wyatt et Nicolas Gauthier fait la revue des velus, tous les King et les Kong en peluche ou en carton pâte.

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  • La droite et le libéralisme...

    Nous reproduisons ci-dessous un texte de Pierre Le Vigan, cueilli sur le site Europe Maxima et consacré  aux rapports entretenu par les droites, dans leur diversité, avec l'idéologie libérale.

     

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    La droite et le libéralisme

     

    Maurras rappelle une réticence classique des droites vis-à-vis du libéralisme quand il énonce : « la liberté de qui ? la liberté de quoi ? c’est la question qui est posée depuis cent cinquante ans au libéralisme. Il n’a jamais pu y répondre » (Maurras, Dictionnaire politique et critique, 1938). Pour comprendre cette réticence, il faut remonter aux origines de la droite.

    Août – septembre 1789 : à l’occasion du débat constitutionnel, les partisans du veto absolu (et non suspensif) du roi se situent à droite de l’assemblée. À gauche se placent les partisans d’un pouvoir royal faible. Dans le même temps, une partie des droites se prononce en faveur d’une constitution à l’anglaise fondée sur le bicaméralisme. De quoi s’agit-il ? Exactement de deux rapports très différents au libéralisme, et qui concernent dés l’origine les familles politiques qui se situent « à droite ». Être partisan d’un veto royal absolu signifie refuser l’autorité venue « d’en bas », c’est-à-dire du Parlement. C’est, d’emblée, défendre une conception transcendante du pouvoir, et considérer, avec Joseph de Maistre, qu’on ne peut « fonder l’État sur le décompte des volontés individuelles ». À l’inverse, être partisan du bicaméralisme signifie se méfier du peuple tout autant que du pouvoir. Tout en ayant comme point commun l’opposition à la toute-puissance de l’Assemblée constituante, ce sont là deux façons très différentes d’être « à droite ». Le paysage se complique plus encore en prenant en compte les arrière-pensées de chaque position.

    Si le bicaméralisme est l’expression constitutionnelle assez claire d’un souci d’alliance ou de compromis entre la bourgeoisie montante et l’aristocratie déclinante, par contre, la revendication d’un pouvoir royal fort peut – et c’est une constante de l’histoire des familles politiques de droite – se faire en fonction de préoccupations non seulement différentes mais contradictoires : s’agit-il de donner au roi les moyens de liquider au profit de la bourgeoisie les pouvoirs nobiliaires qui s’incarnaient dans les anciens parlements, ou au contraire s’agit-il de pousser le roi à s’arc-bouter sur la défense de ces privilèges nobiliaires, ou bien encore de nouer une nouvelle alliance entre roi et  peuple contre la montée de la bourgeoisie ? De même, le bicaméralisme a pour préoccupation d’affaiblir le camp des « patriotes » (c’est-à-dire de la gauche), et rencontre donc des soutiens « à droite ». Pour autant, est-il « de droite » dans la mesure où il relève d’une  méfiance devant tout principe d’autorité ? En tant que moyen d’empêcher la toute-puissance de l’Assemblée constituante, ne relève-t-il pas indiscutablement du libéralisme, c’est-à-dire d’une attitude moderne qu’exècrent une grande partie des droites ?

    Cette attitude moderne a ses racines, comme l’a bien vu Benjamin Constant, dans un sens différent de la liberté chez les Anciens et les Modernes. Le bonheur étant passé dans le domaine privé, et étant, sous cette forme, devenu « une idée neuve en Europe » (Saint-Just), la politique moderne consiste à ne pas tout attendre de l’action collective. La souveraineté doit ainsi être limitée, ce qui va plus loin que la simple séparation des pouvoirs. « Vous avez beau diviser les pouvoirs : si la somme totale du pouvoir est illimitée, les pouvoirs divisés n’ont qu’à former une coalition et le despotisme est sans remède » (Benjamin Constant). Tel est le principe de fond du libéralisme : la séparation tranchée des sphères privées et publiques. Conséquence : la crainte du pouvoir en soi. Car dans le même temps, la désacralisation du monde aboutit à ce que chacun estime – comme l’avait vu Tocqueville, avoir « un droit absolu sur lui-même », par déficit de sentiment de  participation à la totalité du monde. En sorte que la volonté souveraine ne peut sortir que de « l’union des volontés de tous ». La réunion des conditions d’une telle unanimité étant à l’évidence difficile, – ou dangereuse – le libéralisme y supplée en affirmant le caractère « naturel » – et par là indécidable – de toute une sphère de la vie sociale : la sphère économique, celle de la production et reproduction des conditions de la vie matérielle. Rien de moins.

    Un tel point de vue par rapport à l’économie et aux rapports de travail dans la société n’est caractéristique que de l’une des droites – une droite qui n’est pas « née » à droite mais qui a évolué vers le freinage d’un mouvement qu’elle avait elle-même contribué à engendrer. C’est en quelque sorte la droite selon le « droit du sol » contre la droite selon le « droit du sang ». Relève de la première l’homme politique et historien François Guizot, valorisant la marche vers le libéralisme avant 1789, mais cherchant à l’arrêter à cette date. C’est la droite orléaniste. Les autres droites, celles qui le sont par principe – et parce qu’elles croient aux principes  – prônent l’intervention dans le domaine économique et social. « Quant à l’économie, on ne saurait trop souligner combien le développement d’une pensée sociale en France doit à la droite, remarque François Ewald. […] Il ne faut pas oublier que les premiers critiques de l’économie bourgeoise et des méfaits du capitalisme ont été des figures de droite (Villeneuve de Barjemont, Sismonde de Sismondi) (1). »

    Cette critique des sociétés libérales par certaines droites n’est pas de circonstance. Elle s’effectue au nom d’une autre vision  de l’homme et de la société que celle des libéraux. « Il y a une sociologie de droite, précise encore François Ewald, peut-être occultée par la tradition durkheimienne, dont Frédéric Le Play est sans doute avec Gabriel de Tarde le représentant le plus intéressant ». La pensée anti-libérale de droite est, de fait, jalonnée par un certain nombre d’acteurs et de penseurs importants. Joseph de Maistre et Louis de Bonald voient dans l’irréligion, le libéralisme, la démocratie des produits de l’individualisme. Le catholique Bûchez (1796 – 1865), pour sa part,  défend les idées de l’association ouvrière par le biais du journal L’Atelier. Le Play, de son côté, critique « les faux dogmes de 1789 » : la perfection originelle de l’homme (qui devrait donc être restaurée), sa liberté systématique, l’aspiration à l’égalité comme droit perpétuel à la révolte. La Tour du Pin, disciple de Le Play, critique la séparation (le « partage ») du pouvoir, considérant que celui-ci doit s’incarner dans un prince, mais propose la limitation du pouvoir et la consultation de la société (civile) notamment par la représentation corporative : le refus du libéralisme n’équivaut pas à une adhésion automatique à l’autoritarisme.

    Par contre, le refus d’une société réduite à des atomes individuels est une constante de la pensée de droite, de l’école contre-révolutionnaire aux divers traditionalismes. Maurras a défendu l’idée, dans ses Réflexions sur la révolution de 1789, que la loi Le Chapelier interdisant l’organisation des travailleurs était un des actes les plus néfastes de la Révolution. Il établit un lien entre celle-ci et le libéralisme pour, tous les deux, les condamner. « L’histoire des travailleurs au XIXe siècle, écrit Maurras, se caractérise par une ardente réaction du travailleur en tant que personne à l’encontre de son isolement en tant qu’« individu », isolement imposé par la Révolution et maintenu par le libéralisme (2). » Thierry Maulnier résumait de son côté l’opinion d’une Jeune Droite composante essentielle des « non-conformistes de années Trente » en écrivant : « Il devait être réservé à la société de structure libérale d’imposer à une catégorie d’individus un mode de dépendance qui tendait, non à les attacher à la société, mais à les en exclure (3) ».

    L’Espagnol José Antonio Primo de Rivera formulait un point de vue largement répandu dans la droite française extra-parlementaire quand il évoquait, en 1933, la signification du libéralisme économique. « L’État libéral est venu nous offrir l’esclavage économique, en disant aux ouvriers : vous êtes libres de travailler; personne ne vous oblige à accepter telle ou telle condition. Puisque nous sommes les riches, nous vous offrons les conditions qui nous conviennent; en tant que citoyens libres, vous n’êtes pas obligés de les accepter; mais en tant que citoyens pauvres, si vous ne les acceptez pas, vous mourrez de faim, entourés, bien sûr, de la plus haute dignité libérale. »

    Les critiques à l’égard du libéralisme énoncées par une partie des droites sont parallèles à celles énoncées d’un point de vue catholique par Louis Veuillot, puis par René de La Tour du Pin et Albert de Mun, promoteurs des Cercles catholiques d’ouvriers, qui furent confortés par l’encyclique Rerum Novarum (1891), mais dont les positions annonçaient avec cinquante ans d’avance celles de Divini Redemptoris (1937). C’est à ce moment que se met en forme, à droite (avec Thierry Maulnier, Jean-Pierre Maxence, Robert Francis, etc.), une critique du productivisme complémentaire de la critique du libéralisme. La Jeune Droite rejoignait sur ce point la critique d’auteurs plus inclassables (Drieu La Rochelle, Robert Aron, Arnaud Dandieu, …).

    Si l’anti-productivisme, comme l’anti-économisme (celui par exemple de la « Nouvelle Droite » du dernier quart du XXe siècle) apparaissent par éclipse à droite, la condamnation du libéralisme est le noyau commun de la pensée de droite. Caractéristique dans sa banalité droitière même est le propos de Pierre Chateau-Jobert : « Le libéralisme, écrit-il, […] a pris la liberté pour seule règle. Mais pratiquement, c’est le plus fort, ou le moins scrupuleux, ou le plus riche, qui est le plus “ libre ”, puisqu’il a le plus de moyens (4) ». Droitiste d’une envergure plus considérable, Maurice Bardèche ira jusqu’à déclarer que, comme Jean-Paul Sartre, il « préfère la justice à la liberté ».

    Cette conception de la liberté comme toujours subordonnée à d’autres impératifs explique que la droite soit à l’origine de nombreuses propositions sociales. En 1882, Mgr Freppel demande la création de retraites ouvrières. En 1886, Albert de Mun propose la limitation de la journée de travail à dix heures et, en 1891, demande la limitation du travail des femmes et des enfants. En 1895, le même de Mun demande que soit reconnue aux syndicats la possibilité de posséder de biens à usage collectif. En 1913, Jean Lerolle réclame l’instauration d’un salaire minimum pour les ouvrières à domicile (5).

    Les projets de réorganisation des rapports sociaux de Vichy (la Charte du travail soutenue par nombre de syndicalistes) comportent  de même des aspects socialement protecteurs. Enfin, la difficulté de réaliser des transformations sociales qu’a montré l’expérience de gauche de 1981 à 1983 permet de réévaluer les projets de participation et de « troisième voie » du Général de Gaulle et de certains de ses soutiens venus de la droite radicale comme Jacques Debu-Bridel, d’ailleurs anciens du Faisceau de Georges Valois.

    La critique du libéralisme par la droite – hormis le courant orléaniste -, concerne tout autant l’économie que le politique. Le parlementarisme, expression concrète du libéralisme politique selon la droite est, jusqu’à l’avènement de la Ve République, accusé de fragmenter l’expression de la souveraineté nationale, et de la soumettre aux groupes de pression. Pour Barrès, « le parlementarisme aboutit en fait à la constitution d’une oligarchie élective qui confisque la souveraineté de la nation ». D’où sa préférence pour le plébiscite comme « idée centrale constitutive » : « le plébiscite reconstitue cette souveraineté parce qu’il lui donne un mode d’expression simple, le seul dont elle puisse s’accompagner ».

    De son côté, Déroulède précise : « Vouloir arracher la République au joug des parlementaires, ce n’est pas vouloir la renverser, c’est vouloir tout au contraire instaurer la démocratie véritable ». Péguy, pour sa part, dénonce en 1902 le parlementarisme comme une « maladie ». Trente années plus tard, André Tardieu (1876 – 1945), chef d’une droite modernisatrice de 1929 à 1936, créateur des assurances sociales, député de Belfort (ville se dotant souvent de députés originaux), auteur de La révolution à refaire voit dans le parlementarisme « l’ennemi de la France éternelle ». Dans un contexte singulièrement aggravé, et énonçant le point de vue de la « Révolution nationale », Charles-Emmanuel Dufourcq, dans Les redressements français (6) concentre aussi ses attaques contre le parlementarisme et l’autorité « venue d’en-bas » comme causes, tout au long de l’histoire de France, des affaiblissements dont le pays n’est sorti que par le recours à l’autorité indiscutée d’un roi, d’un Napoléon ou d’un Pétain. Il manifestait ainsi une remarquable continuité – ou une étonnante absence d’imagination selon le point de vue – avec les tendances théocratiques de la Contre-Révolution.

    En revanche, plus marginaux sont les secteurs de la droite qui se sont sentis concernés par la critique du parlementarisme effectuée par le juriste Carré de Malberg, qui inspirera René Capitant et les rédacteurs de la Constitution de 1958.  Dès le XIXe siècle, aussi bien la droite dans ses composantes non-orléanistes que la gauche des démocrates et des socialistes – de Ledru-Rollin à Proudhon – sont en porte à faux par rapports aux mythes fondateurs de la modernité française. « L’objectif de 1789 […] consiste, indique Pierre Rosanvallon, à démocratiser, “ politiquement ”, le système politique, qui est d’essence absolutiste, et à libéraliser, “ sociologiquement ”, la structure sociale, qui est d’essence féodale (7) ».

    La difficulté du processus tient dans sa simultanéité (et c’est la différence avec l’Angleterre). D’un côté, la gauche socialiste veut « républicaniser la propriété » (Jules Guesde), de l’autre, une certaine droite met en cause « les responsabilités des dynasties bourgeoises » (Emmanuel Beau de Loménie) et le libéralisme qui les a laissé prendre tant de place. Rien d’étonnant à ce que des convergences apparaissent parfois (le Cercle Proudhon avant 1914, les planistes et « non-conformistes des années Trente », le groupe Patrie et Progrès au début de la Ve République, …).

    En effet, pour toute la période qui va du milieu du XIXe siècle à nos jours, la distinction proposée par René Rémond en 1954 entre trois droites, légitimiste, orléaniste, bonapartiste, apparaît peu adaptée. D’une part, l’appartenance du bonapartisme à la droite est très problématique : c’est un centrisme césarien. D’autre part, l’orléanisme est écartelé dès son origine entre conservatisme et libéralisme : conservatisme dont François Guizot est une figure centrale, qualifiée par Francis-Paul Benoît de « conservateur immobile, donc non libéral (8) », le libéralisme étant représenté, plus que par les économistes « classiques », par les saint-simoniens modernistes ralliés à Napoléon III.

    À partir de 1870, le clivage qui s’établit, « à droite », oppose, plutôt que les trois droites de la typologie de René Rémond, une droite radicale (radicalement de droite, et non conjoncturellement radicalisée), voire une « droite révolutionnaire » (Zeev Sternhell) en gestation, et une droite libérale-conservatrice. L’organisation d’une « droite » libérale au plan économique, conservatrice au plan politique est en effet ce qui permet après le Second Empire le passage, sinon sans heurts, du moins sans révolutions de la France dans l’univers bourgeois et capitaliste. C’est à l’évidence à cette droite que pensait un jour François Mitterrand disant : « la droite n’a pas d’idées, elle n’a que des intérêts ». C’est la droite comme la désigne désormais le sens commun.

    Entre la droite révolutionnaire (forme extrême de la droite radicale) et la droite libérale (qui n’est conservatrice que dans la mesure où un certain conservatisme, notamment moral, est le moyen de faire accepter le libéralisme), la vision de la politique est toute différente. Du point de vue libéral, dans la mesure où la souveraineté ne peut venir que du consensus, le champ de la « naturalité » économique et sociale doit être étendu le plus possible. À la suite des penseurs libéraux français comme Bastiat, Hayek affirme que « le contrôle conscient n’est possible que dans les domaines où il est vraiment possible de se mettre d’accord » (ils ne sont évidemment pas très nombreux).

    Tout autre est l’attitude du radicalisme de droite (appelé souvent « extrême droite » avec de forts risques de contresens). Jean-François Sirinelli, coordinateur d’une Histoire des droites en France (9), remarque que « l’extrême droite aspire rien moins qu’à un état fusionnel de la politique ». Certes. En d’autres termes, elle aspire à retrouver – ou à inventer – un critère d’indiscutabilité du principe d’autorité, et du lien social lui-même. Conséquence : cette droite radicale tend à ne pas décliner son identité comme celle d’une droite, s’affirmant « ni de droite, ni de gauche » (Barrès, Valois, Bertrand de Jouvenel, Doriot, les hommes des Équipes d’Uriage, le Jean-Gilles Malliarakis des années 80, …), ou encore « simultanément de droite et de gauche » (la « Nouvelle Droite »).

    La difficulté de caractériser la droite par des idées à amener certains analystes comme Alain-Gérard Slama à essayer de la définir par un tempérament. Celui-ci consisterait, selon Slama, dans la recherche du compromis. Cette hypothèse ne fait que souligner l’existence de deux droites, une droite libérale, et la droite radicale, que presque tout oppose. Si la première recherche effectivement les accommodements, la droite radicale se caractérise plutôt par la recherche d’un dépassement synthétique des contradictions du monde moderne. À divers égards, sous des formes et à des niveaux très différents, c’est ce qui rassemble Le Play, Péguy, Bernanos, Drieu la Rochelle, Charles de Gaulle. Dépassement des contradictions de la modernité : vaste programme que ces hommes – pas toujours « à droite », mais sans doute « de droite » – n’ont jamais envisagé de mettre en œuvre par des moyens par principe libéraux.

     

    Pierre Le Vigan

     

    Notes

     

    1 : François Ewald, Le Magazine littéraire, « La droite. Idéologies et littérature », décembre 1992.

    2 : cité dans Thomas Molnar, La Contre-Révolution, La Table Ronde, 1981.

    3 : Thierry Maulnier, Au-delà du nationalisme, Gallimard, 1938, p. 153.

    4 : Pierre Chateau-Jobert, Manifeste politique et social, Diffusion de la pensée française, 1973.

    5 : Cf. Charles Berrias et Michel Toda, Enquête sur l’histoire, n° 6, 1992, p. 13.

    6 : Charles-Emmanuel Dufourcq, Les redressements français, Lardanchet, 1943.

    7 : François Furet, Jacques Julliard, Pierre Rosanvallon, La République du centre. La fin de l’exception française, Calmann-Lévy, 1988.

    8 : Francis-Paul Benoît, Les idéologies politiques modernes. Le temps de Hegel, P.U.F., 1980, p. 314.

    9 : cf. Histoire des droites en France, Gallimard, trois volumes, 1992.

    [Le présent article, remanié pour Europe Maxima, est paru dans Arnaud Guyot-Jeannin (sous la direction de), Aux sources de la droite, L’Âge d’Homme, 2000.]

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