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paul fortune

  • Lettres du Ouaquanda...

    Paul Fortune vient de publier un nouveau roman intitulé Lettres du Ouaquanda.  Le livre est disponible sur Amazon et dans toutes les bonnes librairies, dont La Nouvelle Librairie à Paris.

    Paul Fortune est déjà l'auteur de deux romans, Poids lourd et Dérive

     

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    " Venus du lointain et mystérieux Ouaquanda, des migrants tentent de se frayer un passage au cœur de l’Europe afin de trouver les conditions d’une vie meilleure. Au fil des lettres qu’ils s’envoient, nous sommes entraînés dans un safari riche en rebondissements dans lequel ces migrants nous brossent un panorama des travers de la France contemporaine, de ses absurdités et de ses délires. Rien n’échappe à l’œil acéré et au jugement faussement naïf de ces hommes qui nous renvoient une image bien peu complaisante de ce que nous Français sommes devenus.
    Invoquant les mânes des maîtres du roman épistolaire, l’auteur se livre au pastiche d’un prédécesseur fameux qui lui fait se demander « Comment peut-on être Ouaquandais ? » "

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  • Escale en Bretagne...

    Le trente-cinquième numéro de la revue Livr'arbitres, dirigée par Patrick Wagner et Xavier Eman, est en vente, avec un dossier consacré à la Bretagne pour poursuivre le tour de France littéraire entamée avec le numéro précédent...

    La revue peut être commandée sur son site :  Livr'arbitre, la revue du pays réel.

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    Au sommaire de ce numéro :

    Éditorial

    Plaisirs solittéraires

    Coups de cœur

    Miloš Tsernianski

    Paul Fortune

    Xavier Eman

    Nouveauté

    Portrait

    Emmanuel Berl

    Michel de Saint-Pierre

    Dossier

    Bretagne

    Correspondance

    Cinéphilie

    Biographie

    Georges Valois

    In Memoriam

    Bernard Baritaud

    Essais

    Richard Millet

    Histoire panorama

    Auberges de jeunesse

    Max Jacob

    Réédition

    Abel Bonnard

    Sacha Guitry

    Robert Brasillach

    Science-fiction

    Julia von Lucadou

    Polar

    Thierry Marignac

    Lilja Sigurdardottir

    Nadine Monfils

    Michel Bouvier

    Littérature jeunesse

    Michael Morpugo

    Alain Damasio

    Gottfried Keller

    Bande dessinée

    Carrefour de la poésie

    Drôle d'époque

    Carte postale

    Vagabondage

     

     

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  • Ce qui nous arrive...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Paul Fortune, cueilli sur son blog et consacré à la gestion de la crise sanitaire et à ce qu'elle démontre... Paul Fortune est l'auteur de deux romans, Poids lourd et Dérive

     

    Ron-Mueck_Vieille homme dans un bateau.jpg

    Ce qui nous arrive

    La crise de covidémence est particulièrement perturbante car elle nous laisse en plein désarroi : il est très difficile de comprendre ce qui se passe. De comprendre ce qui nous arrive. Si nous pouvons mieux saisir ce qui la sous-tend, alors nous serons moins angoissés par la situation et nous pourrons y répondre avec un peu plus de sérénité. Ma conviction profonde est que cette crise, au-delà de son aspect profondément liberticide, indique un moment civilisationnel.

    En surface, il est évident que nos dirigeants sont dépassés et se sont engagés dans une voie où seule la surenchère devient possible. C’est très exactement une situation d’hybris, de démesure, à laquelle les Grecs anciens faisaient immanquablement succéder un écroulement par punition divine. Macron et sa bande sont pris dans cette surenchère, et il ne faut pas trop leur prêter de motifs rationnels ou de calculs machiavéliques. Ce ne sont pas des génies du mal, tout au plus des exécutants médiocres et appliqués d’un projet qu’ils ne comprennent pas totalement eux-mêmes. Ce projet, certains le voient comme la tentative du capitalisme de connivence de se transformer en capitalisme de surveillance totale afin de lutter contre la baisse tendancielle du taux de profit. Mieux nous contrôler pour nous faire accepter l’inévitable crise de la surconsommation permanente. Je ne suis pas entièrement en accord avec cela, mais l’explication se défend.

    Au niveau le plus basique, celui de Macron et de ses sbires, je pense qu’il y a eu tout d’abord une panique face à l’inconnu – et les cercles dirigeants savaient probablement dès janvier qu’un virus s’était échappé d’un laboratoire chinois – panique qui les a poussé à se couvrir au maximum, tant ils sont pusillanimes et manquent de vision politique réelle. Ces gens sont dans l’âme des gestionnaires et ne comprennent rien à tout ce qui est grand. De plus, la perspective de pouvoir contrôler les faits et gestes de tous les citoyens n’est pas pour leur déplaire, et c’est d’ailleurs la pente naturelle de tout pouvoir de chercher à s’accroître autant que possible. Ajoutez à cela la personnalité instable, rigide et narcissique de Macron, personnage incapable d’empathie autant que de remise en question, et vous avez la recette idéale pour une folie liberticide déconnectée de toute justification réelle. En embuscade, il y a évidemment l’industrie pharmaceutique, trop heureuse de trouver une bonne occasion d’écouler massivement ses produits et d’engranger de substantiels bénéfices. Ces choses sont très basiques, et cette explication suffit bien souvent : goût du lucre, goût du pouvoir pour le pouvoir. Les puissants ne sont  autre chose que des hommes, après tout.

    Mais il n’y a pas de plan diabolique. Juste à la rigueur un projet des puissants pour devenir encore plus puissants et engranger encore plus de fric pendant qu’il en est encore temps. Parce que ce projet est lui-même un symptôme, au même titre que la crise de covidémence. Ce qu’il y a derrière, c’est tout simplement la modification en profondeur de ce qu’ont été la France et plus largement les pays européens, et dans une moindre mesure les Etats-Unis. L’explication est simple : nos pays sont vieillissants et notre poids démographique relatif dans le monde diminue, alors que notre économie n’est plus à même depuis longtemps de nous assurer une place dominante dans le monde.

    Jamais auparavant dans l’histoire la situation ne s’est présentée. C’est la première fois que des pays ont une population âgée aussi importante en nombre et en proportion. Cela pèse nécessairement sur les mentalités, car les vieux ne souhaitent en général qu’une chose : finir tranquillement en profitant de leur retraite et de leurs économies. La France est un exemple parfait de cette mentalité qui contamine tout projet politique. L’excès de prudence, la terreur face à une maladie en réalité peu dangereuse pour des gens en bonne santé, ne vient que de ce que l’esprit de vieillesse nous domine. Et nous n’y pouvons rien. Une société de vieux est une société peureuse, sans dynamisme ni avenir, qui souhaite seulement préserver un statu quo. De là le deuxième élément : nous n’avons plus les moyens de notre illusion de puissance. Peu à peu, nous déclinons, et ce déclin prend la forme d’une marche forcée à la décroissance sous prétexte d’écologie et de réchauffement climatique. Cette dégringolade organisée n’est pas inéluctable, elle est uniquement le fait de pays qui ont renoncé à tout projet politique justement parce qu’ils sont trop vieux.

    Macron et ses délires ne sont qu’un symptôme. Macron est d’ailleurs littéralement marié à la vieillesse, et son couple est voué à la stérilité, c’est à dire à la mort et à la disparition. Un homme d’une quarantaine d’années peut avoir un projet avec un femme de son âge ou plus jeune, il ne peut strictement rien envisager avec une femme de 68 ans. De même, aucune société ne peut avoir de projet à long terme si elle se concentre sur les desiderata de sa population âgée. La vieillesse était autrefois rare et synonyme de sagesse, elle est devenue pléthorique et synonyme de déclin.

    En tant que pays, nous n’avons plus de projet parce que nous sommes trop vieux pour cela, et c’est ainsi que nos dirigeants ont renoncé à tout. Et face à nous, il y des pays plus jeunes, qui en veulent, et qui même s’ils n’ont pas les moyens intellectuels de domination, finiront par avoir le dessus si nous ne retrouvons pas un esprit de jeunesse, c’est à dire un esprit conquérant.

    Paul Fortune (Blog de Paul Fortune, 8 août 2021)

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  • Dérive...

    Paul Fortune, auteur de l'excellent Poids lourd, vient de publier un nouveau roman intitulé Dérive.  Le livre est disponible sur Amazon et devrait l'être prochainement dans toutes les bonnes librairies. On peut suivre les chroniques de l'auteur sur son blog personnel.

     

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    " Que faire quand on est jeune, coincé dans un boulot sans avenir au fond d’une banlieue sinistre, cerné par l’immigration ? Pour Michaël, la solution est simple : il milite dans un groupuscule nationaliste. Entre bastons et discours martiaux, il croit dur comme fer que viendra le moment décisif d’agir pour renverser cette société malade qu’il déteste. En attendant, il suit son collègue de travail Chérif dans une salle de boxe pour apprendre à cogner et essaye d’avoir une histoire d’amour avec la jolie Mathilde qu’il a rencontrée à une manif. Mais à force de déceptions et de trahisons, à force de ruminer en permanence contre le monde entier, il commence à penser qu’il n’y aura rien pour lui, ni aujourd’hui, ni demain, ni jamais.Au fond, il est peut-être tout simplement très seul. Tout ça va mal finir, c’est sûr. "

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  • Les snipers de la semaine... (211)

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    Au sommaire cette semaine :

    - sur Bonnet d'âne, Jean-Paul Brighelli mouche en finesse le féminisme lexical et ses prêtresses...

    Emmerdantes, emmerdeuses et emmerderesses : de la dérivation lexicale en français

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    - sur son blog, Paul Fortune prend dans sa lunette le premier représentant de la génération X à avoir accédé au pouvoir...

    L’homme qui n’aimait pas les hommes

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  • A propos de Joker...

    La sortie du film Joker, de Todd Philipps, que beaucoup semblent comparer au célèbre Taxi Driver de Martin Scorsese, suscitent quelques débats sur la toile. Nous vous proposons deux points de vue sur ce film, celui de Paul Fortune, l'auteur de Poids-lourd, et celui du journaliste québecois Patrice-Hans Perrier. On rappellera que le Joker est un personnage déguisé en clown, issu de l'univers de Batman, et des comics américains, qui incarne désormais la figure du méchant, nihiliste et psychopathe, dans la culture populaire occidentale...

     

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    Signe des temps

    J’ai vu Joker de Todd Philipps, et c’est presque aussi bon que ce que laissait présager la bande-annonce. Noirceur, violence, solitude, frustration et éclatement. Une photo remarquable, une bande-son impeccable et une mise en scène qui ne se laisse jamais aller au tape-à-l’oeil. Joker est formellement un très bon film, et ses thèmes touchent juste. Ce film a été annoncé par ses détracteurs comme un manifeste pour incels au bord du basculement, et il n’est pas loin de l’être. Signe des temps, il est probablement plus pessimiste que ses illustres prédécesseurs.

    Le modèle est manifestement Taxi Driver, auquel on aurait greffé la dimension tragi-comique de The King of comedy. À chaque fois c’est le drame d’un loser solitaire, réprimé, ignoré, moqué. Un type qui n’est rien. Là où Travis Bickle se débat dans un combat existentiel pour assumer une masculinité qui lui échappe dans un monde trop complexe, Rupert Pupkin cherche à tout prix la reconnaissance et croit en lui-même jusqu’à l’aveuglement, et ce malgré son absence manifeste de talent. Il y a dans le personnage d’Arthur Fleck des éléments évidents : lui aussi est un dépressif solitaire qui se bourre de médicament et tient un journal qui ressemble fort à celui de Travis Bickle, mais il est également un clown pathétique et raté qui ne rêve, tout comme Rupert Pupkin, que de passer dans l’émission comique phare de la télévision.

    Arthur Fleck cependant possède une dimension qui m’a semblé un peu décevante, celle de la maladie mentale avérée. Fou, il n’est plus entièrement responsable de ses actes, et la mécanique infernale de solitude et de désocialisation qui jouait parfaitement pour Bickle et Pupkin perd ici un peu de son utilité. On aurait aimé un Joker moins fou, ce qui l’aurait rendu forcément plus cynique et plus méchant – mais il semble que Todd Philipps ait reculé devant la possibilité de faire de son héros un méchant véritable. Il lui fallait cette excuse de la maladie mentale pour désamorcer les implications les plus effrayantes de son personnage.

    Ce qu’il y a de commun entre Bickle, Fleck et Pupkin, c’est l’absence totale de père, donc de guide et de garde-fou. Dans Taxi Driver, nous ne savons presque rien des parents de Travis, à qui il écrit régulièrement et dont nous ne pouvons même pas dire qu’ils existent réellement. Si Travis a bien un père et une mère, il a quasiment rompu avec eux et se place comme une sorte d’orphelin, un homme qui, selon ses propres mots, a été poursuivi par la solitude toute sa vie. Arthur Fleck et Rupert Pupkin sont bien plus proches. Tous deux vivent avec leur mère et ne connaissent aucune figure paternelle. La mère de Pupkin ne nous est connu que par sa voix et est reléguée au second plan, mais l’admiration de Pupkin pour un animateur de télévision célèbre est évidemment une recherche de figure paternelle dont l’absence dans sa vie laisse le champ libre à la mythomanie puis à la violence. Le cas d’Arthur Fleck est un peu moins subtil. Todd Philipps nous montre franchement la relation malaisante, malsaine qu’il a avec une mère dont nous apprendrons par la suite qu’elle n’est qu’adoptive (ce qui permettra de faire passer son meurtre par Arthur), et met en évidence la recherche d’un père. Arthur Fleck est rejeté par le riche Thomas Wayne puis méprisé et moqué par le présentateur de son émission préférée. Double échec, double frustration.

    La relation de Arthur Fleck aux femmes reste de l’ordre de l’imaginaire, mais ne possède pas la dimension frustrante centrale qu’on trouve dans Taxi Driver. Au fond, dans Joker, l’accès aux femmes n’est même pas une possibilité pour Fleck. Pour lui, tout est joué d’avance et cette porte est fermée quoi qu’il arrive, alors que Travis Bickle et, dans une moindre mesure, Rupert Pupkin, pouvaient nourrir un espoir de relation avant que tout ne s’écroule, en partie par leur faute. Arthur Fleck est un looser intégral, un outcast, comme le montre sa proximité avec le nain qu’il épargne après avoir massacré un collègue de travail. Fleck est déjà du côté des freaks, des monstres, des anormaux.

    C’est une peinture assez angoissante de ce que peut vivre un incel, ce célibataire involontaire qui devient une figure ignorée mais centrale de notre monde. Le Joker en est évidemment une version outrée, grotesque, extrême, mais il pointe l’existence de ces hommes, jeunes ou moins jeunes, qui ne peuvent trouver leur juste place dans la société. Le Joker est une façon de se pencher sur ces hommes, d’essayer de les faire venir progressivement sur le devant de la scène. Plus personne ne peut croire au super-héros, ils sont en toc, alors que le Joker est beaucoup plus réel dans ses outrances. Il est d’ailleurs étonnant de voir la confrontation entre le Joker et le jeune Bruce Wayne, futur Batman, qui n’a qu’une dizaine d’années. Wayne est dépeint comme un gamin dont on devine qu’il est privilégié et a un destin tout tracé de personnage supérieur. Face à lui, et qui se croit son frère, nous voyons un Joker déjà homme, et qui a déjà tout raté par un mélange de fatalité et de basse naissance – il est d’abord un bâtard puis finalement un enfant abandonné, celui dont personne n’a voulu sinon une femme dérangée mentalement qui l’a adopté. Le Joker, c’est la figure de cet homme qui, dès le départ, n’a eu aucune chance. Pour qui il n’y avait rien, sinon une vie d’échecs et de renoncements.

    C’est là que prend racine la dimension sociale du film, brute et simpliste, mais dont le message limpide est celle d’une révolte désespérée, envieuse et fatalement vouée à la violence puis à l’échec, de tous ceux qui sont considérés par la puissants comme, selon les mots du riche Thomas Wayne, « des clowns » – un mépris et une morgue qui rappellent de façon frappante Macron parlant des « gens qui ne sont rien ». Sous le masque de clowns grotesques, la populace se livre à un déchaînement de violence initiée à son corps défendant par Arthur Fleck. Cela fait écho de façon étonnante à la révolte furieuse mais un peu vaine des giles jaunes qui ne trouvent plus comme exutoire à leur colère que l’affrontement et l’accusation des riches et des puissants.

    Malgré un certain manichéisme, Joker met le doigt sur quelque chose de très profond. La révolte n’est plus celle des peuples opprimés mais conscients politiquement, et ne mènera nulle part sinon à la violence libératrice sans lendemain. Il ne reste rien des luttes sociales, il n’y a plus que des individus plus ou moins résignés, plus ou moins équilibrés, et dont les plus brisés d’entre eux sont ceux qui, n’ayant plus rien à perdre, vont basculer et entraîner dans leur chute celle de toute la société. Mais comme il le dit lui-même, Joker ne fait pas de politique. Il est un pur nihiliste dont les difficultés existentielles sont décuplées par les difficultés sociales. C’est le visage moderne de la révolte face aux puissants : il sait qu’il n’obtiendra rien et ne prend même pas la peine de demander quoi que ce soit, seule lui suffit la catharsis de la violence. C’est un personnage grotesque pour une époque grotesque.

    Le plus beau reste son attitude altière et décontractée de rockstar une fois qu’il a basculé dans la violence et revêtu son costume. Voila un homme qui ne peut se sentir bien que dans le chaos. Il n’y a pas grand-chose à faire contre ce genre de personnage.

    Paul Fortune (Blog de Paul Fortune, 13 octobre 2019)

     

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    L’apothéose de la culture de la mort

    La nouvelle mouture cinématographique du Joker est inspirante puisqu’un nombre incalculable de bimbos de la presse aux ordres semble craindre que cet opus puisse inciter certains blancs-becs laissés pour compte à passer à l’acte.

    La démesure comme purge salvatrice

    Hommage à la démesure au cœur du quotidien des « cerveaux dérangés », cette nouvelle production hollywoodienne semble mettre la table pour un procès en règle de notre société post-industrielle. Société du paraître où les plus faibles sont prestement mis en quarantaine, en attendant qu’on les euthanasie. C’est dans ce contexte que la figure, désormais, emblématique du Joker nous interpelle, comme si le « mal ordinaire » qui dort dans les eaux mortes de l’Amérique finissait par engendrer des « misfit » [mésadaptés] qui représentent un danger pour la sécurité des pharisiens aux commandes.

    Un critique sur le web parle de la nouvelle incarnation du Joker par l’acteur Joaquin Phoenix en le dépeignant comme « … un mec qui pète un plomb après en avoir pris plein la gueule … ». De fait, la nouvelle version de cette histoire épique met en scène un Joker qui personnifie tous les mésadaptés de notre société vénale plongés au plus profond de leurs insolubles contradictions. Le mal et le bien n’existent plus. Seule, la folie ordinaire causée par la souffrance au quotidien exulte au gré d’un magnifique carnaval sadique et dionysiaque. Le mal-être finit par percoler le plus naturellement du monde à travers les vaisseaux sanguins d’une société qui ressemble à s’y méprendre à un vaste camp d’internement psychiatrique.

    L’internement et la torture comme modus operandi

    De facto, l’extraordinaire attirance générée par les antihéros de la trempe d’un Joker proviendrait du fait qu’ils personnifient une hypothétique revanche prise en charge par toutes les victimes des ordres psychiatriques, paramilitaires, mafieux et pseudo-religieux aux commandes du grand œuvre qui consiste à massacrer l’innocence stricto sensu. C’est justement ce phénomène libidinal qui fascine les foules depuis plus d’un siècle déjà.

    La revanche sanglante du fou qui a été castré chimiquement, qu’on a édenté et électrocuté jusqu’à plus soif, prostré dans sa camisole de force et bafoué en son âme, cet appel d’air plonge littéralement les foules cinéphiles dans un état extatique. Et, cette fois-ci, il semblerait que la presse officielle aux abois n’ait pas du tout apprécié cette sordide mise en scène, craignant qu’une part importante du public ne finisse par se transformer en émule du Joker. L’internement et la torture représentant, in fine, le modus operandi d’une société construite sur le modèle d’une machine à générer toujours plus d’aliénation.

    Une rédemption à l’envers

    La dernière version cinématographique du Joker, mise en scène par Todd Phillips et son acolyte Joaquin Phoenix, est plutôt réaliste et s’inspire du style des polars mis en scène par tous les Scorsese des années 1970. C’est avec cette idée en tête que l’on peut facilement dresser un parallèle entre le Joker de Todd Phillips et le Taxi driver de Scorsese dans un contexte où c’est l’univers des mégapoles qui génère son lot de dégénérés. Ainsi, la folie, à plus forte raison si elle exulte au gré d’une orgie punitive, représente-t-elle une sorte de vengeance divine, ultime catharsis qui agit comme une rédemption à l’envers.

    Un immense vide existentiel

    S’il faut bien racheter les crimes de cette société, autant faire payer des boucs émissaires qui le méritent après tout. C’est ce que semblent insinuer ces deux opus américains en mettant en scène des déséquilibrés qui agissent comme des agents dormants, des forces létales qui attendaient leur moment pour se mettre en action et emporter les restes de la pudibonderie d’une moraline mise en scène par les bourreaux de la Société du spectacle. Malheureusement, une fois que l’expiation s’est traduite par de généreux bains de sang et que la catharsis s’est apaisée, il ne reste plus rien qu’un immense vide existentiel.

    Une fois purgée de son lucre, de son stupre et de sa vénalité congénitale, la société reprend ses bonnes vieilles habitudes et la « violence ordinaire » peut se remettre à fonctionner imperceptiblement à travers les rouages d’un ordo marchand qui règle tous les rapports humains. Toute la grandeur d’un Scorsese consiste à pointer l’éclairage en direction des avocaillons, des malfrats et des dames de la bonne société afin de nous les montrer dans leur plus simple appareil. Tels des cafards, les acteurs de cette société du jeu et de la ripaille se mettent à courir dans tous les sens dès lors qu’un justicier dément les a pris pour cible.

    Purger le mal à défaut de propager l’amour

    Bien évidemment, cette purge fait le bonheur du cinéphile, trop désireux de fuir ses propres responsabilités afin de se réfugier dans cette funeste némésis. N’empêche, la « violence ordinaire » de nos congénères mérite bien, si l’on entre dans la tête des cinéphiles, quelques funestes représailles … afin qu’une poignée de complices des méfaits de cette abominable société expient pour leur complaisance. Toutefois, c’est un fantasme de guerre civile qui couve derrière toute cette folie vengeresse et meurtrière. Et, à force de vouloir purger le mal, c’est la vie dans son plus simple appareil qui en prend pour son grade !

    On retrouve derrière toute cette soif de revanche quelque chose de proprement puritain, de typiquement américain. Il n’est donc pas surprenant que les Majors d’Hollywood aient consenti à produire cette version du Joker qui sort des sentiers battus pour s’épancher sur la déchéance sociale d’une Amérique qui ne parvient plus à produire que de la haine et de la violence. Véritable machine à tuer les masses, Gotham City n’est plus la cité néo-médiévale dépeinte dans les DC Comics, mais elle ressemble à s’y méprendre à nos froides mégapoles actuelles. On n’y forge plus des citoyens libres, mais des mésadaptés incapables d’assumer la moindre responsabilité puisqu’ils n’ont plus rien à dire. L’atonie et la souffrance des masses produit ses propres bourreaux, sommes-nous tentés d’ajouter.

    En finir avec les « déchets humains »

    Le Joker représente l’ancien citoyen de la cité dévoyée qui s’est mué en mésadapté au gré du process de la marchandisation des corps et des esprits. Les élites aux commandes ayant décidé d’en finir avec les « déchets humains », il convient de priver le commun des mortels de la moindre parcelle de liberté. Les contribuables confinés dans des habitations insalubres et incapables d’assurer leurs fins de mois attendent, patiemment, d’être immolés par de nouveaux bourreaux.

    Cette fois-ci, contre toute attente, les bourreaux ne sont plus Staline, Hitler ou Mao, mais des inconnus mésadaptés qui, après avoir « pété les plombs », entreprennent de purger l’humanité de son trop-plein d’hypocrisie. Mais, au lieu de s’en prendre aux responsables de leur aliénation, tous les Joker de nos sociétés moribondes se contentent d’abattre les « agneaux silencieux » qui peuplent nos métropoles. Le Joker fait le sale boulot de l’oligarchie en instituant les bains de sang collectifs comme rituel expiatoire du XXIe siècle.

    Patrice-Hans Perrier (Carnets d'un promeneur, 12 octobre 2019)

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