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michel drac - Page 8

  • Repères pour des temps incertains...

    Les éditions Le retour aux sources viennent de publier Triangulation - Repères pour des temps incertains, un essai de Michel Drac. Penseur non-conformiste et sereinement radical, Michel Drac a publié plusieurs ouvrafges stimulants, qui ont été récemment rassemblés en un seul volume, intitulé Essais.

     

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    " Il y aurait un roman fabuleux et interminable à écrire sur les enchaînements de causalité qui peuvent relier une réunion de travail au siège de la Banque Centrale Européenne, une rencontre au sommet entre dirigeants des grandes banques d’affaires londoniennes, une note d’analyse destinée aux plus hauts cadres de la CIA, l’assassinat d’un leader djihadiste en Syrie, un attentat meurtrier dans les rues de Paris, un échange de bons procédés entre services français et russes, la renégociation d’un contrat gazier entre deux pays d’Europe centrale et une seconde réunion de travail au siège de la BCE. Peut-être d’ailleurs, un jour, l’ouverture des archives nous permettra-t-elle d’écrire a posteriori de semblables histoires. En attendant, nous pouvons déjà en peindre la toile de fond.

    Cet exercice n’est pas tout à fait gratuit. Nous approchons manifestement d’un moment critique dans l’histoire de notre pays. Pour la première fois depuis longtemps, il devient envisageable qu’en France, un gouvernement de rupture arrive aux affaires, dans quelques années.

    Dans ces conditions, nous devons changer de point de vue. Jusqu’ici, la littérature dissidente en France s’est bornée à critiquer le système existant. Mais critiquer n’est plus suffisant : de plus en plus, il faudra être capable de proposer quelque chose. "

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  • La triangulation de Michel Drac...

    Penseur original et talentueux, Michel Drac doit publier ce mois-ci, aux éditions Le Retour aux sources, un nouvel essai intitulé Triangulation - Repères pour des temps incertains. Vous pouvez en découvrir ci-dessous la présentation.

     

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  • De quoi les partis politiques français sont-ils le nom?...

    Nous reproduisons ci-dessous une analyse de Michel Drac, cueillie sur le site d'information Sputnik et consacré au partis politiques français. Penseur original et hors-système, Michel Drac est l'animateur du site Scriptoblog et le fondateur de l'excellente maison d'édition Le retour aux sources. Ses ouvrages comme De la souveraineté ou Crise économique ou crise du sens ? ont été réédités en un volume intitulé Essais (Retour aux sources, 2013).

     

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    De quoi les partis politiques français sont-ils le nom ?

    Nous avons l'habitude de cartographier l'espace politique français en y positionnant nos principaux partis. Et la plupart du temps, nous nous référons pour cela, inconsciemment, à l'imaginaire associé à ces partis. Vues sous cet angle, les choses paraissent simples.

    Des noms comme "Nouveau Parti Anticapitaliste", "Lutte Ouvrière" ou "Parti Communiste Français" évoquent les grandes luttes de classes du passé, quand un prolétariat héroïque affrontait une bourgeoisie conservatrice. Ces noms sonnent comme le célébrissime premier couplet de l'Internationale: "Debout, les damnés de la terre! Debout, les forçats de la faim!".

    "Parti de Gauche" et "Parti Socialiste" réveillent plutôt la nostalgie des Trente Glorieuses. Ces noms résonnent comme l'hymne mitterrandien des années 70: "Ne croyons plus aux lendemains qui chantent, changeons la vie ici et maintenant!". En arrière-plan se profile le lointain souvenir de la Section Française de l'Internationale Ouvrière, de Léon Blum et d'une alliance de classe, bénie par l'instituteur, entre employés et petits fonctionnaires.

    La droite française n'arrête pas de changer de nom. Maintenant, elle s'appelle les "Républicains". Nous avons désormais un grand parti français dont l'imaginaire renvoie à des références états-uniennes. Un parti formé pendant un épisode de "Dallas" et calibré comme un blockbuster hollywoodien. "Saving President Sarko", tel est le nom du film. C'est assez ridicule.

    Depuis quatre décennies, les lettres "F" et "N" sont associées à un logo calqué sur celui du MSI, un parti fasciste italien. Tous les vaincus du XXe siècle français se sont ralliés à cet étendard: les épurés de 1945, les victimes des guerres de décolonisation, une partie des milieux catholiques traditionalistes. Le FN en a retiré une image sulfureuse.

    Tous ces imaginaires partisans n'ont rien à voir avec la réalité. Notre gauche radicale n'est pas ouvrière. Le Parti Socialiste n'est plus vraiment le parti des enseignants et des employés. Les "Républicains" n'incarnent pas le rêve américain — à vrai dire, ils ne font rêver personne. Et le FN n'a plus grand-chose à voir avec ses origines fascisantes.
    Ramener nos partis politiques aux imaginaires qu'on leur associe, c'est fondamentalement se tromper d'époque. Ces imaginaires trouvent leur source dans des luttes de classes du passé, qui ne sont pas les luttes de classes contemporaines. Ils s'organisent autour de rêves que plus grand-monde ne partage, de souvenirs qui s'estompent et de rancunes presque oubliées. On voudrait maintenir l'illusion que nos principales forces politiques sont dans le monde actuel ce qu'elles furent dans un monde disparu. Cela n'a pas de sens. Nos partis ne sont pas ce qu'ils furent.

    Pour commencer, ce ne sont plus vraiment des organisations de masse. A peine 1 % des Français militent réellement. Du coup, ce que nous appelons un parti politique aujourd'hui n'est pas ce qui portait ce nom autrefois. Pendant les deux premiers tiers du XX° siècle, les partis politiques reposaient sur leurs militants. Désormais, ceux-ci en sont souvent réduits à faire de la figuration dans une mise en scène étudiée pour la télévision. En réalité, l'agora française est presque vide. C'est une tombe glaciale, que les médias réchauffent d'un simulacre de vie avec la complicité de partis politiques fantômes.

    Sauf aux marges, la politique n'est plus l'affaire que de ceux qui en vivent. Le PS est à la pointe de cette évolution. Un militant socialiste sur deux est un élu. L'autre est souvent un employé municipal. Le PS est une machine à prendre des places et à se les partager. Les autres partis politiques essayent manifestement de l'imiter.
    Ces machines électorales ont besoin d'électeurs. C'est pourquoi nos partis politiques se comportent comme des gestionnaires de marque. A travers les médias, ils vendent un imaginaire. Ils offrent aussi, plus sérieusement, un programme de défense de telle ou telle catégorie sociale.

    Tous ces partis sans militants reposent en effet sur un "noyau dur" électoral, bien identifiable sociologiquement, autour duquel en période haute, ils parviennent à rallier des électorats plus flottants. Voilà leur réalité: les électorats stables de nos partis politiques sont leur substance dans les luttes de classes contemporaines. Bon gré mal gré, les leaders sont obligés d'en tenir compte. Même si la majorité de l'électorat est flottant, nos politiciens savent bien qu'ils doivent rester fidèles aux fondamentaux qui solidifient le noyau dur de leur clientèle. C'est ce socle qui leur permet d'atteindre en toutes circonstances la taille critique nécessaire pour forcer la porte des médias. Pour l'avoir oublié en 2007, le FN a failli disparaître.

    L'extrême gauche et le PCF n'attirent plus massivement le vote des catégories populaires. L'électeur-type du Front de Gauche n'est certes pas riche, mais ce n'est pas un ouvrier. C'est dans un peu plus de la moitié des cas une électrice. Cette électrice est soit une étudiante, soit une jeune salariée précaire, soit une baby-boomeuse qui a du mal à joindre les deux bouts, par exemple une salariée du public locataire en HLM. Le socle électoral de notre gauche extrême ou radicale, c'est l'alliance du précariat et du bas fonctionnariat. Cette mouvance possède donc une identité de classe, mais celle-ci n'a plus grand-chose à voir avec le mouvement ouvrier. Le Front de Gauche est peut-être le parti des précaires, mais sûrement pas celui des prolétaires.

    Ridicule: le Parti Socialiste chante encore l'Internationale pendant ses congrès. En réalité, dans les catégories populaires, il pèse à peu près deux fois moins que le FN. Chez les ouvriers, il est même relégué en troisième position, derrière la droite classique: Jaurès est vraiment mort. Le PS est plus que jamais un parti de cadres et de professions intermédiaires. C'est le parti des classes moyennes et supérieures d'un secteur tertiaire qui, dans l'ensemble, a jusqu'ici bénéficié de la mondialisation.

    Problème: l'emprise du PS sur le bas de ces catégories intermédiaires commence à s'effriter sérieusement. La crise rattrape maintenant certains secteurs emblématiques de la petite croissance des années 80-90. Solferino songe à un électorat-relais: le vote ethnique, à l'imitation du Parti Démocrate américain. Déjà, les deux tiers des musulmans voteraient PS. Un appoint indispensable: sans sa clientèle immigrée, le parti de Manuel Valls tomberait sous le seuil fatidique des 20 % de suffrages exprimés en moyenne nationale.

    La droite classique, elle, bénéficie pour le moment du soutien d'une catégorie en pleine expansion: les personnes âgées. L'électeur-type des "Républicains" est un retraité aisé. On peut l'imaginer ancien petit patron, ex-cadre supérieur, mais parfois, c'est tout simplement un ouvrier économe propriétaire d'un beau logement. Dans toutes les enquêtes d'opinion dont nous disposons, il apparaît que si seuls les actifs votaient, les "Républicains" retomberaient pratiquement au niveau du FN, voire un peu en-dessous. Notre droite classique, c'est le parti de la stabilité, du "pourvu que ça dure" — et donc, bien sûr, de l'euro comme digue contre l'inflation. Soit dit poliment, c'est le parti des vieux.

    Par symétrie, le socle électoral du FN peut être déduit du positionnement des autres formations politiques.
    Le Front de Gauche attire un électorat majoritairement féminin: l'électorat FN reste majoritairement masculin. Le Front de Gauche allie deux noyaux durs distincts: les étudiants et jeunes salariés précaires, les petits fonctionnaires baby-boomers. Ce sont aussi les seuls segments de la population à faibles revenus où le FN a du mal à percer.
    PS et FN ont des noyaux durs électoraux parfaitement symétriques. Le PS est le parti du secteur tertiaire bénéficiaire de la mondialisation: le FN est le parti des secteurs primaire et secondaire, victimes de la mondialisation. L'électeur-type PS appartient à une "CSP+" et il est plutôt bien diplômé: l'électeur-type FN est "CSP-" et dans l'ensemble plutôt sous-diplômé. Le PS possède une force d'appoint dans l'électorat musulman: le FN conserve sa frange arabophobe, même si celle-ci ne constitue plus vraiment le cœur sociologique de son électorat.

    Les "Républicains" forment le parti des vieux retraités: le FN est, dans l'ensemble, le parti des jeunes actifs. Mais ici, la symétrie est moins grande. Hors le phénomène générationnel, les socles électoraux de la droite classique et du FN possèdent des zones recoupement importantes.

    Faisons la synthèse.

    Nos partis politiques sont le nom des luttes de classes contemporaines. Ces luttes de classes n'opposent plus une bourgeoisie "à l'ancienne" à un prolétariat "à l'ancienne". Elles s'organisent autour des phénomènes majeurs de l'époque: la mondialisation néolibérale, l'hiver démographique, la submersion migratoire. La mondialisation et l'Europe de Bruxelles: ceux qui en bénéficient, les classes moyennes et supérieures, le secteur tertiaire, contre ceux qui en souffrent, les catégories socioprofessionnelles inférieures, les secteurs primaire et secondaire. L'hiver démographique: l'impossible affrontement intergénérationnel — comment ne pas aimer nos parents, comment ne pas leur en vouloir de nous écraser sous leur nombre? La submersion migratoire: d'un côté les riches qui n'en payent pas le prix et n'y trouvent rien à redire, de l'autre les pauvres qui en encaissent les conséquences concrètes, sur leurs salaires, dans leurs quartiers.

    Tout le bla-bla médiatique sur "les valeurs de la République" ne sert qu'à dissimuler ces réalités. Parti des bénéficiaires de la mondialisation, déserté depuis belle lurette par les ouvriers, le PS nous ressort régulièrement ses rengaines sur "l'argent qui corrompt" ou "notre véritable ennemi, la finance". Leader du parti des vieux, Nicolas Sarkozy mime le rêve américain et l'esprit d'aventure. Si l'on plaque sur le FN l'image du bourreau fasciste, c'est pour dissimuler le fait qu'il est aujourd'hui le parti des victimes. Quant au Front de Gauche, tout le monde a compris que volens nolens, il sert de contrefeu au Bloc Institutionnel.

    D'ailleurs, les puissances étrangères ne s'y trompent pas. Leurs sympathies dans l'espace politique français sont cohérentes avec les luttes de classes dont nos partis politiques sont les noms. Les Etats-Unis soutiennent le PS et les "Républicains": la puissance qui conduit pour l'instant la mondialisation néolibérale ne peut qu'appuyer les partis qui en représentent les bénéficiaires. L'Allemagne préfère les "Républicains": un pays riche et vieux soutient le parti des retraités aisés. Et la Russie, comme on le sait, a choisi le FN. Là encore, c'est parfaitement logique: la puissance qui, sur la scène internationale, conteste l'ordre américain, ne pouvait que soutenir le parti qui, sur la scène française, représente les opposants à cet ordre.

    Michel Drac (Sputnik, 14 juillet 2015)



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  • Identité ?...

    Le numéro 40 de la revue Krisis, dirigée par Alain de Benoist, vient de paraître. Le thème retenu est celui de l'identité... Le sommaire est, comme toujours, particulièrement riche et comporte, notamment, un entretien avec Jean-François Mattéi.

    Le numéro est disponible à la commande sur le site de la revue Eléments.

    Bonne lecture !

     

     

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    Au sommaire de ce numéro :

    Alain de Benoist : Identité ?
    Jean-Claude Kaufmann : Identité individuelle et identité collective
    • Document : Charles Taylor : Le besoin de reconnaissance
    Claude Bourrinet : Quelle identité ?
    Philippe Forget : Liberté du peuple ou assignation identitaire ? Du leurre politique de l’identité originelle
    Jean-François Gautier : « Fluctuat nec mergitur » ou la nef de Thésée
    Alain Kimmel : Généalogie et histoire de l’identité française
    • Classique : Jules Michelet : La France devant l’Europe. « Voilà notre forte unité »
    Fabrice Valclérieux / Actualité et prégnance de la question identitaire en France
    Michel Drac : La nature de la France
    Claude Bourrinet : L’identité au milieu des ruines
    Louis Baladier : Littérature et identité
    Michel Mourlet : Cinéma et identité
    • Entretien avec Jean-François Mattéi : Sur l’identité européenne
    Jure Georges Vujic : Herder et Renan à l’heure globale. Identité et mémoire d’Est en Ouest
    Alain de Benoist : Problématique de l’identité juive
    • Le texte : Simone Weil : L’enracinement. « Toutes les fidélités, tous les attachements sont à conserver »

     

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  • Entretien avec Michel Drac...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un excellent entretien donné par Michel Drac à ERTV à l'occasion de la sortie aux éditions du Retour au sources d'Essais, un volume rassemblant l'ensemble de ses écrits.

     


    Michel Drac - Interview post-conférence du 7... par ErAquitaine

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  • Quenelle gratinée !...

    Nous reproduisons ci-dessous un excellent point de vue de Michel Drac et de Maurice Gendre, cueilli sur Scriptoblog et consacrée à ce que l'affaire Dieudonné révèle de la réalité du système...

     

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    Quenelle gratinée !

    Nous ne sonderons pas les cœurs et les reins. Quand un humoriste utilise la technique de la provocation, il n’est jamais possible de déterminer le fond de sa pensée en fonction de ses propos.

    Pierre Desproges était-il antisémite quand il entamait un sketch par ces mots : « on m’a dit que des juifs se sont glissés dans la salle » ? Dieudonné l’est-il quand il lance, avec un sourire malicieux : « Des juifs ou des nazis, je ne sais pas qui a commencé » ? Allez savoir. Mais là n’est de toute façon pas notre propos. En elle-même, la risible « affaire de la quenelle » n’a aucune importance. Tout au plus peut-on la voir comme la mise en évidence d’un ras-le-bol des jeunes générations, ras-le-bol qui menace de dégénérer en une vaste crise de nerfs collective.

    Le danger représenté par les « quenellistes » pour nos compatriotes juifs nous paraît tout à fait insignifiant. Pourquoi nous préoccuper de telles questions, à l’heure où la France va épouvantablement mal ? Nous avons autre chose à faire.

    En revanche, ce qui mérite d’être analysé, c’est le véritable délire qui semble avoir saisi la classe médiatico-politique. Le comique fait normalement partie du politique, mais comme une fonction annexe et secondaire et cathartique. Aristophane était certes un personnage politique à Athènes, mais il ne déterminait pas l’agenda d’Alcibiade ; c’est lui qui commentait l’action d’Alcibiade, et non l’inverse. Chez nous, au contraire, c’est désormais le « premier flic de France » qui se pose en s’opposant à… un trublion. Plus grave, la dérive en question laisse en tout cas penser que les classes dirigeantes entrent actuellement dans les logiques de la violence d’Etat. Quelques constats très simples suffisent à tirer le signal d’alarme : il se pourrait que la grotesque affaire de la quenelle, venant après les arrestations arbitraires des opposants au mariage pour tous, après la détention de Nicolas Bernard-Buss, après la rocambolesque affaire Varg Vikernes, soit, aussi, un ballon d’essai en vue de faire basculer la vie politique de notre pays vers le modèle peu enviable des Etats totalitaires. On pense tout de suite, dans la situation actuelle, à la dictature hypocrite des années Brejnev-Honecker. Ainsi, dans une des premières scènes du film « La vie des autres », qui se déroule en RDA peu avant la chute du Mur, le scénario incluait un bref résumé de la condition de l’artiste dans un système oppressif. Où l’on voyait un auteur demander à un ponte du Parti que l’on lève l’interdiction professionnelle (« Berufsverbot ») infligée à un metteur en scène accusé de dissidence. A quoi l’homme du Parti répondait que de telles méthodes n’existaient pas au paradis du socialisme réel, et qu’il fallait donc « choisir ses mots avec plus de prudence ». Simple constat : quand Manuel Valls annonce qu’il cherche par tous les moyens d’interdire Dieudonné de se produire, il revendique une attitude discriminatoire que même les apparatchiks de la RDA n’osaient pas assumer. C'est-à-dire que l’injonction non discutable de « lutte contre l’antisémitisme » permet en France aujourd’hui non seulement d’entrer dans les logiques de la Stasi, mais en outre de le faire avec une impudence que le subtil Markus Wolf aurait désapprouvée.

    Toujours Manuel Valls : nous avons désormais un ministre de l’Intérieur qui appelle à déclencher des troubles à l’ordre public pour pouvoir justifier une mesure sécuritaire. A l’origine de cette démarche provocatrice, il y a le garde-frontière Arno Klarsfeld, qui dans une remarquable prise de position tout à fait révélatrice à tous points de vue, a constaté benoîtement que si personne ne manifestait devant le théâtre de la Main d’Or, il n’y aurait pas de trouble à l’ordre public et le ministre de l’Intérieur ne pourrait donc pas sévir. Que maître Klarsfeld appelle à susciter des troubles mérite d’être relevé, mais qu’un ministre de l’Intérieur en exercice lui emboîte le pas, voilà qui doit sans doute encore davantage être souligné. Simple constat : pour enclencher le processus de « mise au pas » qu’ils appelaient de leurs vœux en 1933, les dirigeants du parti nazi organisèrent l’incendie du Reichstag. Cette technique du pompier pyromane est exactement celle proposée par le brillant Arno Klarsfeld, et apparemment validée par le locataire de la place Beauvau.

    Passons à autre chose. L’article 58 du code pénal soviétique de 1926 incluait plusieurs dispositions fascinantes. Cet article assimilait au banditisme toutes les activités réputées « contre-révolutionnaires », ce qui permit d’une part de ne pas mentionner l’existence de délits politiques en URSS, d’autre part d’y inclure des faits que dans n’importe quel autre pays, on n’aurait même pas osé qualifier de simples contraventions. Soljenitsyne mentionne, dans « L’archipel du Goulag », un certain nombre de cas où des individus, voire des segments entiers de la population, furent condamnés au nom de leur participation fantasmagorique a posteriori à des activités antisoviétiques. Exemple parmi d’autres, dans la foulée de la conquête de l’Europe de l’Est par l’Armée rouge en 1945, le NKVD arrêta des personnes n’ayant jamais vécu en Russie, au motif qu’elles auraient participé à la guerre civile russe en tant que Russes. C’est que dans le système d’interprétation indéfiniment extensible propre au code pénal soviétique de 1926, et particulièrement dans le cadre de l’article 58, d’une part « toute action tendant à l’affaiblissement du pouvoir » était réputée « contre-révolutionnaire », donc assimilable au banditisme, et d’autre part il était admis que dans les territoires devenus soviétiques en 1945, la loi soviétique s’appliquerait intégralement de façon rétroactive. Encore plus fort, il suffisait qu’un des nouveaux citoyens de l’URSS soit jugé comme ayant eu potentiellement l’intention de prendre jadis les armes contre sa nouvelle patrie pour qu’on l’assimilât automatiquement aux « brigands antisoviétiques » de la guerre civile. Pour rappel, Christiane Taubira, dans l’affaire de la quenelle, a soutenu que l’on pouvait se rendre « complice après coup de crime contre l’humanité ». Ce qui, manifestement, dans son esprit, impliquait la complicité de Dieudonné dans les méfaits nazis des années 40, et plus particulièrement dans la déportation des juifs d’Europe. On voit bien que la logique indéfiniment extensible du code pénal soviétique de 1926 est ici à l’œuvre, au nom il est vrai d’une autre idéologie et dans un cadre politique différent.

    Quant à Christophe Barbier, nous lui saurons gré de nous éviter d’avoir à chercher des références passées, puisqu’il a publiquement soutenu qu’au nom de la défense de la démocratie, il fallait « réguler »  Internet pour que Dieudonné n’y sévisse pas, et que, dixit, « les Chinois y arrivent bien ». Ici, il n’est même pas nécessaire de commenter.

    En conclusion, et encore une fois sans entrer dans un débat sur l’antisémitisme supposé de monsieur Dieudonné M’Bala M’Bala, nous ne pouvons que dresser les quelques constats que nous venons d’énoncer, et en déduire qu’il faut aujourd’hui que tous les citoyens lucides et raisonnables soutiennent cet artiste sans tergiverser.

    Non qu’il faille nécessairement sacraliser la parole d’un comique, non qu’il faille obligatoirement apprécier un humour qu’on pourra éventuellement juger de mauvais goût, mais parce qu’il s’agit de refuser des logiques tyranniques. Le pouvoir est actuellement dans l’impasse. Le chômage explose alors que le contexte macro-économique menace de se dégrader encore, l’insécurité augmente, la diplomatie française se ridiculise, et la crise de l’Union Européenne et de la zone euro approche manifestement d’un point de rupture. Dans ces conditions, il est logique que ce pouvoir dans l’impasse soit tenté de créer des diversions et des écrans de fumée, voire de passer d’un régime de manipulation des masses à un système d’oppression ouverte.

    Alors pour bien faire comprendre que nous ne nous laisserons pas faire : QUENELLE ! 

    Michel Drac & Maurice Gendre (Scriptoblog, janvier 2014)

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