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guy debord - Page 6

  • Peppermint et idéologie...

    Nous reproduisons ci-dessous un texte de Jure Vujic, cueilli sur le site de Voxnr. Avocat et diplomate de nationalité croate, Jure Vujic est l'auteur de nombreux essais. Il a publié un texte ("Vers une nouvelle « épistémé » des guerres contemporaines") dans le dernier numéro de la revue Krisis consacré à la guerre.

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    Peppermint et idéologie
    Pourquoi les idéologies du XXème siècle , les „grands récits fondateurs“ de la modernité ont ils tour á tour disparu? N'est il pas le propre de toute idéologie en tant que forme de sotériologie moderne, de se dissoudre inéluctablement dans le consensuel et le modérantisme ambiant ? Les idéologies sont elle vouées à un mécanisme soluble irréversible ? En réfléchissant sur cette question, il m'est venu à l'esprit une ancienne lecture qui durant mes années estudiantines, m'avait fait beaucoup rire et qui traitait sous le titre ironique de : „Le communisme est il soluble dans l'alcool“ du „désenchantement“ de l'idéologie communiste. Bien sur à l'époque de la guerre froide, les blagues vaseuses et cyniques de quelques dissidents prenaient l'allure de vitriol sur la langue de bois des bureaucrates des ex-pays de l'Est . Pourtant cet humour incisif non seulement libérateur mais subversif : pour l'oppresseur, me faisait réfléchir sur la portée d'un tel éclat de rire de la victime, qui rendait compte de la vulnérabilité substantielle d'une idéologie totalitaire qui avaient fait depuis la révolution bolchévique des millions d'émules et d'exaltés ( souvenons-nous de Mai 68). A la chute du mur du Berlin et le démontage des régimes communistes qui semblaient tomber comme des châteaux de cartes, j'avais compris que lorsque une idéologie ne subsiste qu'à l'état somnambulique dogmatique et de mécanisme répressif, sans s'ancrer dans le mental et l'imaginaire collectif elle est vouée à se dissoudre et disparaitre.

    HETERONOMIE ET MODERNITE GAZEUSE

    La seule idéologie dominante du capitalisme néolibéral subsiste toujours et se métamorphose tour à tour durant les époques différentes car elle porte en elle les ressorts pragmatiques et flexibles nécessaires pour générer une raison d'être, une motivation d'engagement certes illusoire et purement matérielle , mais vivante et actuelle. Les idéologies de la modernité sont solubles dans l'occidentisme mercantile et global, car loin de se „résoudre“ , elles continuent de subsister à l'état gazeux pour citer H.Michaux ou liquide comme l'affirme le philosophe Zygmund Bauman , á l'état réactif, grégaire ou voir pour les plus radicales á l'état paléo-nostalgique. Cette faiblesse résulte de l'hétéronomie qui est consubstantielle á toute idéologie, car elle se définit de manière agonale et négative. Le propre de l'idéologie capitaliste néolibérale est de faire miroiter l'illusion d'une société démocratique et autonome. Le projet holiste et hétéronome totalitaire est celui d'une une société dont les règles, normes, conventions lui viennent d’une puissance extérieure à elle-même, sur laquelle elle n’a plus de prise. C’est typiquement le cas des sociétés totalitaires, religieuses, dont tous les aspects de la vie (les rapports sociaux, économiques, hiérarchiques, etc.) sont organisés en fonction d’un Texte sacré fondateur, d'un dogme idéologique ne pouvant être profondément questionné. Cette absence d'organicité et de crispation exotérique a été longtemps critiqué par Julius Evola qui parlait de la fonction „anagogique“ de l'Etat traditionnel , un Etat dont la capacité „attractive“ reposait sur l'adhésion volontaire et spontané du peuple et qui dont la légitimité ne lui était pas imposée par la contrainte de l'extérieur. L'idéologie de la démocratie de marché contemporaine, diffuse le miroir aux alouettes d'une société autonome et neutre, ou sous le voile fallacieux de l'intersubjectivité, le „conversationnel“ habermasien, le débatisme, tout est remis en question, discuté et approuvé par les „citoyens de bases“.

    REASON TO BELIEVE“: L'IDEOLOGIE DU MARCHE

    Dans le „Nouvel esprit du capitalisme“ L. Boltanski et A. Chiapello (1999) développent la thèse que le capitalisme et par conséquent l'idéologie de marché dominant ne peut durablement fonctionner sous le seul fouet de la seule contrainte et même par les seuls intermédiaires des stimulants monétaires. Afin de se régénérer, il faut qu'il offre des raisons plus substantielles de l'accepter et même de s'y engager. Comme dirait la chanson „a reason to believe“, une nouvelle „raison de croire“ , un nouveau motif d'engagement ( illusoire et trompeur) pour la société. Max Weber parlait d'un certain esprit du capitalisme ancré dans une éthique protestante et insistait sur les raisons individuelles de l'esprit du capitalisme. Boltanski et Chiapello eux, avancent l'idée que les personnes ont besoin de puissantes rasions morales pour se rallier au capitalisme, et si ces raisons sont absentes il faut alors les inventer. La thèse de l'adhésion passive aux valeurs eschatologiques émancipatrices du marché est largement répandue par la manipulation mentale médiatiques qui permettent d'arracher cette adhésion aux groupes sociaux les plus touchés par la discrimination sociale et économique du système libéral. Le capitalisme contemporain ne se contente point de l'indifférence normative, et a besoins de ses ennemis et de ses détracteurs, de ceux qui s'opposent á lui pour trouver le points d'appui moraux et psychologiques qui lui manquent. Et c'est la raison pour laquelle les solutions binaires et l'opposition idéologique“ d'une société fermée“ á la „société ouverte“ globale me semble fausse et purement réthorique, tout comme est veine l'option „réac“ du „retour au terroir“ face aux regroupements régionaux et continentaux contemporains. C'est ce que les idéologies totalitaires n'avaient pas compris, et croyaient en les vertus de la seule contrainte et de la répression. La chute en chaine des régimes dictatoriaux et autoritaires dans le monde arabe sont un exemple frappant de cette vulnérabilité idéologique. Ces régimes tombent tour à tour car les peuples arabes appauvris et humiliés ne croient plus à l'idéologie officielle qu'elle soit religieuse ou révolutionnaire arabiste dans le cas de la Lybie.

    C'est donc en répondant à la critique que le capitalisme va construire sa légitimité. L'esprit du capitalisme fournit à chaque époque des ressources pour apaiser l'inquiétude suscitée, et c'est cette dimension excitante qui rend séduisant l'engagement dans le processus d'accumulation qui suppose une certaine autonomie inidviduelle et sociale. Nous somme ici au cœur de la théorie de la „grande transformation“ de Karl P. Polanyi, et la théorie schumpeterienne qui explique le processus regénérateur du capitalisme dans le cycle de la destruction créatrice. La critique sociale qui dénonce la standardisation et la marchandisation généralisée et la critique artistique qui développe des exigences alternatives d'authenticité et de libération créatrice, alimentent tous deux l'esprit du capitalisme qui en jouant tour a tour un registre contre l'autre lui permet de mieux rebondir en „se refaisant une jeunesse“. Selon le philosophe Cornélius Castoriadis, la démocratie et le capitalisme sont les deux significations imaginaires sociales essentielles de notre temps. La démocratie renvoie au projet d’autonomie individuelle et collective ; le capitalisme, à celui du tout-économique. Ce sont deux créations humaines qui se sont construites, au long des derniers siècles, en Occident (la première, pour le meilleur ; la seconde, pour le pire). Ces deux projets cohabitent. Mais, contrairement à la propagande politico-médiatique et pseudo-intellectuelle quotidienne, cette cohabitation entre la Démocratie et le Marché n’est pas « heureuse », elle est intrinsèquement conflictuelle. Ce que l'on appelle l'occidentisme, c'est bien la „soft-idéologie“ dominante du capitalisme fluide et consensualiste qui s'appuie sur les ressorts mentaux et psychologiques d'une société désœuvrée. C'est la convergence entre l'évasif, le solvant, la surface et la profondeur. Comme dirait Karl F. Naumann la part „orgiastique et hiliastique“ se situe dans le „tout économique“, le „tout festif“ et onirique.

    DU „TOUT ECONOMIQUE“ AU „TOUT FESTIF“

    Et c'est pourquoi le capitalisme est soluble dans la cité de la joie permanente, la société de spectacle ( Guy Debord) qui entretient l'illusion des bienfaits ludiques de la société de consommation. L’ère du tout-économique et du tout festif conduit pourtant l’humanité à la catastrophe. Catastrophe sociale, avec l’explosion des inégalités et de la pauvreté de moins en moins relative et de plus en plus réelle ; catastrophe économique, avec la domination de multinationales privées puissantes, dominatrices et incontrôlables par les Etats (quand ils n’en sont pas tout simplement les complices) ; catastrophe spirituelle culturelle, avec l’uniformisation mondiale des sociétés sur le modèle consumériste, donc conformiste ; et bien sûr catastrophe écologique, avec la destruction des ressources naturelles d’une planète. Encore faudrait-il réfléchir sur la capacité d'adaptation du capitalisme néolibéral au phénomène de la convergence des catastrophes. Mais ce n’est pas tout, le capitalisme contemporain, tout comme la démocratie, nécessite l’existence d’un type d’individu spécifique, l’homo œconomicus calculateur et rationnel ( aujourd'hui c'est l'homo numericus, des réseaux ), doté de l’„ esprit du capitalisme“ cher à Max Weber. Cet individu émerge dès lors que la religion autorise et justifie les pratiques usurières, et dès lors que la richesse commence à remplacer la noblesse

    DEVENIR PETILLANT ET CONSERVATISME HUILEUX

    Le capitalisme est un solvant remarquable pour tout les idéologies solubles et gazeuses qui n'ont plus de prise sur le mental et l'imaginaire collectif, et c'est pourquoi l'idéologie de marché, qui s'appuie sur les besoins matériels et économiques individuels les plus bas, sont toute comme l'huile et l'alcool, et me paraissent insolubles car elle se perpétuent par la force de l'inertie, tout comme la solution du „pain et des jeux“, potion magique intemporelle. La seule idéologie ( à supposer qu'elle soit une idéologie au sens strict du terme) aujourd'hui qui vaille la peine de défendre, serait celle qui prônerait l'idée d' une auto-limitation et une autonomie des individus (tout est possible , projet révolutionnaire permanent), et qui soit à la fois garante d'une certain tradition collective historique et institutionnelle, porteuse d'avenir. Sur le cadavres des idéologies moderne, fumeuses et gazeuses, il n'y a plus rien à espérer.- Céline disait à juste titre „qu'il ne faut pas espérer que la merde vienne à sentir bon“. Quant aux idéologies du „peppermint“ solubles, consommables et consommées par l'histoire. et ressassées par les passéistes, elles s'évaporent comme du „Perrier“ à la surface d'elles-mêmes. Il reste à espérer l'avènement d'une idéologie du „devenir“ qui pétille comme un rafraichissant mais qui n'a pas le goût de l'alcool , qui ne se laisse pas diluer dans la marée d'huile du conservatisme et du systémisme étroit et qui ne se laisse pas ronger par le solvant glacé de l'idéologie globale dominante. Une idéologie qui n'en est pas une.
     
    Jure Vujic (Voxnr, 28 février 2011)
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  • Le Jeu de la Guerre

    Théoricien du situationnisme, écrivain, cinéaste , buveur, Guy Debord était aussi passionné par la réflexion stratégique et paraît aussi avoir aimé les jeux mettant en oeuvre ce type de réflexion. Il a, ainsi, lui-même créé un jeu , le Jeu de la Guerre, qui modélise un conflit du 18e siècle et permet de mettre en application les préceptes stratégiques de Clausewitz.

    Le livre Le Jeu de la Guerre, récemment réédité chez Gallimard, reprend les règles du jeu et présente à leur suite une partie commentée.

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    On peut découvrir le jeu ici.  Par ailleurs, une version informatique gratuite du jeu est diponible ici en accés libre et permet d'affronter des adversaires à distance.

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  • Critique de la société de l'indistinction

    Critique de la société de l'indistinction, publié aux Editions Révolution Sociale est un étrange brûlot dont les auteurs, qui signent L'Internationale, paraissent avoir autant lu Karl Marx et Guy Debord qu'Eric Werner !...

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    "Le fétichisme de la marchandise est l'universelle domination sociale du quantitatif qui partout désormais développe l'exclusion spectaculaire du qualitatif dans la luxuriance aliénatoire de la dépossession humaine,

    Aujourd'hui, dans ce monde du falsifié triomphant et de l'inversion généralisée, le krach inévitable du système des fictions faramineuses de l'économie spéculative s'annonce de plus en plus proche, Aussi, le gouvernement du spectacle mondial n'a t-il rien d'autre à offrir à la planète pour échapper à la faillite et tenter de sauver un dollar sur-hypothéqué que le chaos de la guerre sans fin par la mise en scène permanente de coups montés terroristes de vaste ampleur, menés de l'intérieur même des services spéciaux de la provocation étatique.

    En ce temps où le spectacle mondial de la marchandise est en train de coloniser tous les espaces d'expression afin de les réduire à ne plus être que des champs duplicatifs de ce qui est conforme au despotisme démocratique de l'argent, il convient qu'un éditeur qui se veut indépendant puisse publier ce que les éditeurs de cours ne publieraient jamais.

    La critique de la société de l'indistinction n'engage bien entendu que ses auteurs. C'est en vertu du seul principe que la pensée ne peut penser que lorsqu'elle est confrontée aux dérangements venus d'autres territoires que du monde des vérités officielles que l'éditeur a considéré ici qu'il se devait là de faire imprimer ce texte.

    Naturellement, une telle publication d'essence affranchie et insoumise peut être spontanément propagée et répétée attendu que son unique provenance est l'histoire radicale des radicalités historiques elles-mêmes."

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  • "L'homme et l'œuvre" selon Guy Debord

    Un beau texte de Guy Debord, tiré d'une lettre adressée à Guy Leccia le 7 décembre 1976, concernant les rapports qu'il convient d'établir, ou pas, entre l'auteur en tant qu'homme et son œuvre.

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    "[...]Sur «l'homme et l'œuvre », j'admets tout à fait que l'on ne doit pas juger un auteur sur sa moralité, son comportement politique (ou social, etc.) ; autrement dit sur n'importe quoi de manifestement extérieur à l'œuvre qui est le seul point de départ de la discussion et la seule origine du fait même qu'on ait parlé de cet homme. Mais presque toutes les œuvres d'aujourd'hui dont nous parlons ont choisi de mêler - et d'abord parce qu'elles sont dépourvues d'un critère interne vraiment décisif – à leur tissu même le critère de la vérité politique, ou du pittoresque biographique : parce qu'elles croyaient plus ou moins en avoir besoin, pour se soutenir. Et il est normal que «qui tire l'épée périsse par l'épée». Ainsi, tandis qu'il est pleinement indifférent que Shakespeare n'ait jamais vu Vérone ou Venise, il n'est pas insignifiant qu'un pompeux mythomane comme Malraux n'ait jamais mis les pieds en Chine dans les années 20, quoique ayant alors fondé sa violente publicité mondaine de bouche à oreille sur cette aventure (mais si La Condition humaine valait intrinsèquement le Don Quichotte, cela redeviendrait sans importance).

    Il faut comparer le comparable; et le contraire de Malraux, dans ce temps, était Orwell quand il a écrit La Catalogne libre, à tout point de vue un meilleur livre que, par exemple, 1'Espoir

    et qui se trouve être aussi le plus véridique sur 1a révolution espagnole. Il est, aujourd'hui encore, infiniment moins connu. La politique y intervient. Les intellectuels de gauche d'alors (1937) voulaient cacher cette «opinion» gênante et Malraux qui soutenait le Komintern était soutenu par les staliniens et «mitterrandistes» du moment et les Delfeil de Ton de ce temps soutenaient Malraux, non Orwell. On ne peut nier qu'un Sartre ait consacré la moitié de ses écrits à la question du communisme, et comme il s'est toujours trompé, ou a toujours menti sur ce sujet, voilà déjà la moitié de son œuvre perdue, et le reste, à mon avis, avis, n'est pas grand chose. Au contraire, le fait que Villon ait été socialement un voleur et un assassin n'enlève rien – ni n'ajoute rien - à l'authenticité et à la réussite de son lyrisme. Les Mémoires de Retz ou L'Homme de cour me paraissent des livres admirables, quoique je n'aime guère les cardinaux et les Jésuites. Le fanatisme politique ne m'aveugle même pas au point de trouver mauvais tous les livres politiques écrits dans une perspective contraire à la mienne. Tocqueville est un ennemi de la révolution de 1848, mais les Souvenirs qu'il lui a consacrés sont un chef-d'œuvre dans l'analyse de l'action historique et aussi, bien sûr, littérairement.

     

    En fait, je déteste surtout les multiples bandes de la révolution falsifiée ; et comme leur monde est vulgairement faux, leurs livres sont tous ratés, même en tant que livres.[...]"

     

    Guy Debord, Correspondance, volume 5, janvier 1973 – décembre 1978, Librairie Arthème Fayard

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