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guerre - Page 84

  • "La France n'a plus de politique méditerranéenne..."

    Vous trouverez ci-dessous un entretien avec Alain de Benoist consacré à la situation au Proche-Orient et à la crise iranienne, publié par Flash Magazine  et reproduit par le site Mecanopolis.

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    Dans notre monde post-moderne issu de la fin de la Guerre froide, ceux qui nous gouvernent ont oublié que, par nature, l’histoire était avant tout tragique. Piqûre de rappel du philosophe qui lui, ne l’a pas oublié…

     

    Voilà des années que l’on nous « promet » la guerre en Iran… Arlésienne ?

    Cela montre au moins que le sujet reste d’actualité. Mais l’Iran n’est pas le désert des Tartares, et il y a quand même de bonnes chances que les armes finissent par parler. Où en est-on aujourd’hui ? Quand on parle de l’Orient compliqué, il faut raisonner simplement, c’est-à-dire partir du certain pour aller au probable. Ce qui est certain, c’est que l’État d’Israël souhaite de toutes ses forces une frappe militaire sur l’Iran (à tort ou à raison de son propre point de vue, là n’est pas la question) et, si possible, que ce soient les Américains qui y aillent à sa place. Problème : Obama n’est pas très chaud, pas plus que ne le sont les militaires de Washington, pour l’excellente raison que tous les scénarios d’intervention militaire imaginés au Pentagone débouchent sur des catastrophes.

    Obama s’en tient donc pour l’instant aux négociations et aux sanctions. Mais ces dernières n’auront sans doute qu’un effet limité, ce qui peut permettre aux “faucons” de reprendre le dessus. Dans ces conditions, une attaque israélienne reste hautement probable, malgré les difficultés techniques et les risques inhérents à une telle entreprise. Elle provoquerait immédiatement une réplique qui pourrait mettre à feu et à sang toute la région. Se mettrait alors en place une dynamique dans laquelle les États-Unis seraient obligés de s’impliquer. Du moins est-ce ainsi que l’on raisonne à Tel-Aviv.

    Autre possibilité : une provocation de grande envergure, qui permettrait d’attribuer aux Iraniens ou à leurs alliés un attentat “sous faux drapeau”, une tentative d’assassinat du président, ou que sais-je encore… Les États-Unis devraient alors intervenir sous la pression de l’opinion publique. On en est là.

    Un énième conflit au nom d’une énième « croisade des démocraties »… Dans votre livre, « Au delà des droits de l’homme », vous dénoncez ce néo-impérialisme, à la faveur duquel les missionnaires catholiques ont été supplantés par de nouveaux évangélistes. Imposture ?

    On peut y voir une imposture, mais il y a là une parfaite logique. Si je m’estime porteur de la vérité, alors je suis fondé à éradiquer l’erreur, c’est-à-dire à faire disparaître tout ce qui contredit mon point de vue. Et à le faire par tous les moyens. C’est le principe même de la “guerre juste”. Prétendre se battre au nom de l’humanité (les « droits de l’homme ») conduit immanquablement à placer ses adversaires hors humanité. Ceux-ci deviennent alors des ennemis absolus, des figures du Mal, avec qui une paix négociée est impossible. Le but de la guerre n’est plus la paix, mais l’extermination.

    Au-delà des gesticulations verbales et de l’armée américaine qui bombe le torse en envoyant son armada dans le Golfe persique, on sait aussi que les Iraniens, en cas d’attaque aérienne, auraient désormais les capacités de détruire au moins la moitié de cette escadrille. D’un côté, Zbigniew Brzezinski, l’un des pontes de la géopolitique américaine assure que si Israël voulait bombarder l’Iran, il serait du devoir des USA de clouer son aviation au sol… De l’autre, les Israéliens retenteraient bien une Opération “Osirak”… Une autre guerre de retard ?

    Le « danger nucléaire » joue, concernant l’Iran, exactement le même rôle que les armes de destruction massive dans le cas de l’Irak. Il s’agit de faire peur. Mais qui est en droit d’avoir peur aujourd’hui, sinon l’Iran ? J’ignore évidemment si les Iraniens auront un jour la bombe atomique. Ce que je sais, c’est que cette arme ne présente d’intérêt qu’en tant que force de dissuasion. Là aussi, les choses sont simples : on n’attaque pas une puissance dotée d’un armement nucléaire. La bombe atomique permettrait aux Iraniens de sanctuariser leur territoire, ce que les puissances occidentales, qui cherchent depuis toujours à contrôler ce pays en raison de la position-clé qu’il occupe sur le plan géopolitique, ne veulent évidemment pas.

    Avec leur bombinette, les Iraniens ne seraient un « danger » pour personne, et surtout pas pour Israël, qui dispose déjà de plusieurs centaines de têtes nucléaires (non déclarées). Sait on que l’actuel budget militaire iranien (un peu plus de six milliards de dollars par an) est inférieur à celui de la Grèce, de la Suède ou de Singapour ? À l’exception des Émirats, l’Iran dépense moins par habitant pour son armée que n’importe quel autre pays de la région.

    La Turquie lâche Israël pour se rapprocher de Téhéran. Mais dans le même temps, la Russie semble renouer avec les USA. Sans même évoquer la Chine et l’Inde. Redistribution des cartes ?

    La Russie et la Chine doivent faire face à des impératifs contradictoires. Même s’il ne fait pas de doute que ces pays sont hostiles à une attaque contre l’Iran, leur intérêt n’est pas à court terme d’affronter directement les Américains.

    Tout comme Obama, Medvedev et Poutine doivent en outre compter avec la pression des factions qui s’affrontent dans leur entourage. L’émergence d’un axe Brésil-Turquie-Iran, concrétisé par l’accord tripartite signé en mai à Téhéran, est en revanche d’une importance majeure. Cet accord montre que le monopole dont jouissaient naguère les puissances occidentales pour décider de l’ordre du monde est brisé. N’en déplaise à Bernard Kouchner, il faudra désormais compter avec les « pays émergents ».

    En arrière-plan, la cause palestinienne, peuple majoritairement arabe et sunnite, mais aujourd’hui défendu avec plus de vigueur par les Turcs (pas des Arabes) ou les Iraniens (toujours pas arabes et chiites de surcroît). Fin du mythe panarabe ?

    Les mythes ne meurent jamais, mais il ne fait pas de doute que le panarabisme appartient au passé. Dans le monde arabo-musulman, à l’époque de la Guerre froide, les nationalismes laïcs ont constamment été combattus par les États-Unis qui craignaient leur instrumentalisation par le bloc de l’Est. Pour faire pièce à ces mouvements, les Américains ont systématiquement encouragé l’islamisme, stratégie qui a culminé au moment de l’invasion de l’Afghanistan par les Russes. Que cette stratégie se retourne aujourd’hui contre eux est un juste retour des choses.

    Et une France et une Europe inaudibles sur le sujet. Enterrement de première classe de notre politique méditerranéenne ?

    La France ne peut plus avoir de politique « méditerranéenne » depuis qu’elle a choisi de s’aligner sur les intérêts israéliens. Quant à l’Europe, elle vit à l’heure de l’impuissance et de la paralysie. Hubert Védrine voyait juste quand il parlait récemment de « l’irrealpolitik » européenne, ce ménage brumeux d’ingénuité, d’abstraction et de prédication moralisante qui fait croire aux Européens qu’ils vivent dans un monde post-tragique où ils n’auraient plus à se penser comme des acteurs du jeu mondial. « Les Européens, disait Védrine, ne se résignent pas à ce que l’histoire du monde reste celle d’une compétition de puissances. Ils se sont privés des outils mentaux pour penser cette situation… » Le problème, c’est que les puissances réelles du monde réel savent,elles, très bien ce qu’il en est. C’est pourquoi il y a des rumeurs de guerre contre l’Iran.

    Propos recueillis par Béatrice PÉREIRE, pour la revue FLASH

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  • L'Europe en dormition...

    Nous publions ici le texte de l'éditorial de Dominique Venner publié dans le numéro 49 de la Nouvelle revue d'histoire, actuellement en kiosque et consacré au piège afghan.

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    L'Europe en dormition
    Depuis la fin des deux guerres mondiales et leur débauche de violences, l’Europe est « entrée en dormition » (1). Les Européens ne le savent pas. Tout est fait pour leur masquer cette réalité. Pourtant cet état de « dormition » n’a pas cessé de peser. Jour après jour, se manifeste l’impuissance européenne. La démonstration en a été assénée une nouvelle fois durant la crise de la zone Euro au printemps 2010, prouvant des divergences profondes et l’incapacité d’une volonté politique unanime. La preuve de notre « dormition » est tout aussi visible en Afghanistan, dans le rôle humiliant de forces supplétives assigné aux troupes européennes à la disposition des États-Unis (OTAN).
    L’état de « dormition » fut la conséquence des catastrophiques excès de fureur meurtrière et fratricide perpétrés entre 1914 et 1945. Il fut aussi le cadeau fait aux Européens par les États-Unis et l’URSS, les deux puissances hégémoniques issues de la Seconde Guerre mondiale. Ces puissances avaient imposé leurs modèles qui étaient étrangers à notre tradition intellectuelle, sociale et politique. Bien que l’une des deux ait disparu entre-temps, les effets vénéneux se font toujours sentir, nous plongeant de surcroît dans une culpabilité sans équivalent. Suivant le mot éloquent d’Elie Barnavi, « La Shoah s’est hissée au rang de religion civile en Occident » (2).
    Mais l’histoire n’est jamais immobile. Ceux qui ont atteint le sommet de la puissance sont condamnés à redescendre.
    La puissance, d’ailleurs, il faut le redire, n’est pas tout. Elle est nécessaire pour exister dans le monde, être libre de son destin, échapper à la soumission des impérialismes politiques, économiques, mafieux ou idéologiques. Mais elle n’échappe pas aux maladies de l’âme qui ont le pouvoir de détruire les nations et les empires.
    Avant d’être menacés par divers dangers très réels et par des oppositions d’intérêts et d’intentions qui ne font que s’accentuer, les Européens de notre temps sont d’abord victimes de ces maladies de l’âme. À la différence d’autres peuples et d’autres civilisations, ils sont dépourvus de toute conscience de soi. C’est bien la cause décisive de leur faiblesse. À en croire leurs dirigeants, ils seraient sans passé, sans racines, sans destin. Ils ne sont rien. Et pourtant, ce qu’ils ont en commun est unique. Ils ont en privilège le souvenir et les modèles d’une grande civilisation attestée depuis Homère et ses poèmes fondateurs.
    Les épreuves lourdes et multiples que l’on voit poindre, l’affaiblissement des puissances qui nous ont si longtemps dominés, les bouleversements d’un monde désormais instable, annoncent que l’état de « dormition » des Européens ne saurait être éternel. 
    Dominique Venner
    Notes:
    1. J’ai développé cette interprétation historique dans mon essai Le Siècle de 1914
    (Pygmalion, 2006).
    2. Réponse d’Elie Barnavi à Régis Debray, À un ami israélien, Flammarion, 2010.

     

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  • Iran : vers la troisième guerre mondiale ?

     Après les soldes, les affaires ! Flash, dans son numéro 44, fait le point sur celles du moment, et en particulier sur la plus sérieuse, l'affaire iranienne. On pourra ainsi lire une analyse d'Alain de Benoist sur cette guerre qu'on nous prépare dans l'ombre...

    Nous vous rappelons qu'il est possible de s'abonner en ligne sur le site de Flash magazine !

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    SOMMAIRE

    Affaire persane : En route vers une Troisième guerre mondiale ? Entretien exclusif avec Seyed Mehdi Miraboutalebi, ambassadeur d’Iran à Paris. Analyse de la situation par Alain de Benoist.

    Affaire Galilée : L’imposture enfin démasquée ? Revendiquer la paternité des découvertes d’autrui et se présenter comme un génie, sa seule invention ? Et pourtant, le mensonge tourne…

    Affaire belge : L’implosion pour bientôt ? Quel État sera la prochaine victime de la destruction programmée des États-Nations ?

    Affaire BP : Ce qu’on nous dit sur la marée noire… et surtout ce qu’on nous cache ! Le principal responsable : le profit à tout prix !

    Affaire Woerth-Bettencourt & co : les dessous de la magouille politico-financière décryptés par Topoline et Nicolas Gauthier.

    Affaire comique : Alain Soral règle le compte de Stéphane Guillon et de Didier Porte.

    Affaire occulte : Et si la crise ne faisait que commencer ? L’empire yankee est bien décidé à maintenir son hégémonie. Avec l’aide d’Angela et de Nicolas.

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  • La quatrième dimension !

    Nous reproduisons l'éditorial de Robert de Herte (alias Alain de Benoist) dans le numéro 136 de la revue Eléments. Ce numéro, dont le dossier central est consacré au nécessaire dépassement, par le haut, du clivage droite - gauche, est disponible actuellement en kiosque ou ici :

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    La quatrième dimension



    Trois grandes doctrines politiques concurrentes ont été successivement engendrées par la modernité: le libéralisme au XVIIIe siècle, le socialisme au XIXe siècle, le fascisme au XXe siècle. La dernière apparue, le fascisme, est aussi celle qui a le plus vite disparu. La chute du système soviétique n'a pas mis fin aux aspirations socialistes, ni même à l'idée communiste. Le libéralisme, lui, semble être le grand vainqueur de la compétition. Ce sont en tout cas ses principes, portés par l'idéologie des droits de l'homme, qui dominent au sein de la Nouvelle Classe planétaire et restent aujourd'hui les plus diffusés dans le cadre de la mondialisation.

    Aucune doctrine n'est intégralement fausse. Elle contient toujours des éléments de vérité. Faisons-en un panorama (plus que) rapide. A retenir du libéralisme: l'idée de liberté, associée à celle de responsabilité, le refus des déterminismes par trop rigides, la notion d'autonomie, la critique de l'étatisme, une certaine tendance girondine et décentralisatrice. A rejeter: l'individualisme possessif, la conception anthropologique d'un producteur-consommateur recherchant son meilleur intérêt du fait de ce qu'Adam Smith appelait son« penchant à trafiquer», c'est-à-dire de sa propension à l'échange, l'idéologie du progrès, l'esprit bourgeois, le primat des valeurs utilitaires et marchandes, le paradigme du marché, le capitalisme enfin. A retenir du socialisme: sa critique de la logique du capital, qu'il a été le premier à analyser dans toutes ses dimensions économiques et extra-économiques, le sens du commun et l'exigence de le renouveler, l'idée que la société se définit comme un tout (le holisme, fondateur de la sociologie), la volonté d'émancipation, la notion de solidarité, l'idée de justice sociale. A rejeter: l'historicisme, l'étatisme, la tendance à l'égalitarisme et à l'hypermoralisme doloriste. A retenir du fascisme: l'affirmation de la spécificité et de l'identité des peuples et des cultures nationales, le goût des valeurs héroïques, le lien entre l'éthique et l'esthétique. A rejeter: la métaphysique de la subjectivité, le nationalisme, le darwinisme social, le racisme, l'ordre moral, l'anti-féminisme primaire, le culte du chef, et encore l'étatisme.

    La 4e théorie politique, celle dont le XXIe siècle a de toute évidence besoin, sera-t-elle une doctrine radicalement nouvelle ou fera-t-elle la synthèse de ce qu'il y avait de meilleur dans celles qui l'ont précédée? C'est en tout cas à l'ébauche de cette théorie que ce que l'on a appelé la «Nouvelle Droite» n'a cessé, depuis plus de quarante ans, de s'employer.

    Le XXle siècle sera aussi celui du 4e Nomos de la Terre (l'ordre général des relations de pouvoir à l'échelle internationale). Le premier Nomos, celui des peuples vivant relativement à l'écart les uns des autres, a pris fin avec la découverte du Nouveau Monde. Le deuxième Nomos, représenté par l'ordre eurocentrique des États modernes (l'ordre westphalien), s'est achevé avec la Première Guerre mondiale. Le troisième Nomos fut celui qui a régné à partir de 1945, avec le système de Yalta et le condominium américano-soviétique. Que sera le 4e Nomos? Il peut prendre la forme d'un monde unipolaire américanocentré, d'un vaste marché planétaire, c'est-à-dire d'une immense zone de libre-échange, ou au contraire d'un monde multipolaire, où les grands blocs continentaux, à la fois puissances autonomes et creusets de civilisation, joueraient un rôle régulateur vis-à-vis de la mondialisation, préservant ainsi la diversité des modes de vie et des cultures qui font la richesse de l'humanité.

    Mais on peut tout aussi bien dire que nous sommes entrés dans une 4e guerre mondiale. La Première guerre mondiale (1914-18), qui s'est achevée au profit de la City de Londres, avait abouti au démantèlement des empires austro-hongrois et ottoman. Les deux grands vainqueurs de la Deuxième Guerre mondiale (1939-45) ont été les États-Unis d'Amérique et la Russie stalinienne. La troisième guerre mondiale correspond à la guerre froide (1945-89). Elle s'est terminée avec la chute du Mur de Berlin et la désintégration du système soviétique, principalement au profit de Washington. La quatrième guerre mondiale a commencé en 1991. C'est la guerre des États-Unis contre le reste du monde, guerre multiforme, aussi bien militaire qu'économique, financière, technologique et culturelle, indissociable de l'arraisonnement général du monde par l'infinité du capital.

    L'évolution de la guerre ne dépend pas seulement des avancées technologiques en matière d'armements, mais aussi de la succession des institutions et des formes politiques auxquelles elle a toujours été liée. On peut ainsi dire que les formes strictement militaires de conflit ont elles-mêmes connu quatre phases successives à l'époque moderne: d'abord la guerre des États souverains, liée à l'apparition avec Hobbes et Machiavel de la politique moderne, par dépossession de la théologie au profit de la souveraineté strictement politique. Les guerres sont alors menées au nom du seul intérêt des États. Ce sont encore des guerres limitées et circonscrites, des guerres à justus hostis, où l'on défend avant tout un ordre politique particulier. Vient ensuite la« guerre démocratique» des peuples devenus à leur tour souverains au XVIIIe siècle (qui est aussi celle des partisans irréguliers, avec les premières guérillas, dans le contexte d'une montée des nationalismes), où l'on défend avant tout un territoire. Au XIXe siècle, on voit apparaître la guerre au nom de l'humanité, moralisante et criminalisatrice, qui est aussi une guerre idéologique où l'on défend avant tout des principes abstraits. Elle marque déjà le retour de la «guerre juste» (sa première forme étant la guerre de Sécession américaine). La 4e forme de guerre est aujourd'hui la guerre contre la « terreur » (ou « guerre des étoiles ») qui est aussi une guerre asymétrique totale.

    A bien des égards, nous sommes ainsi entrés dans la quatrième dimension. L'entrée dans cette quatrième dimension fait approcher de l'heure de vérité. Il s'agit de savoir quels seront en ce nouveau siècle la configuration générale des choses, les lignes de force majeures, les enjeux principaux, les clivages décisifs. Pour l'heure, nous sommes encore dans l'inter-règne. Mais d'ores et déjà se pose la question essentielle: l'énigme du sujet historique dans un monde où la domination de la Forme-Capital, pourtant soumise à de terribles contradictions internes, semble se renforcer tous les jours. Quel sera le sujet historique qui fera basculer les choses? Être un sujet historique, et non pas un objet de l'histoire des autres, exige une pleine conscience de soi, ainsi que la conscience de la façon dont elle peut se déployer vers ses possibles. Heidegger parlait du Dasein, cet être-là tissé par le temps vécu, qui est toujours en attente de lui-même. Il y a un Dasein des peuples, au sens politique de ce terme. Les peuples sont en attente de la fin de leur aliénation en tant que peuples. Face à la forme objectivée du travail, qui est le capital, il leur faut s'instaurer comme le sujet historique de notre temps, afin de redevenir les sujets de leurs pratiques sociales.

    Robert de Herte

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  • Mourir pour l'Afghanistan ?...

    Animateur de l'excellent Secret défense, blog consacré aux questions militaires, Jean-Dominique Merchet, par ailleurs journaliste à Libération, fait paraître aux éditions Jacob Duvernet une nouvelle version actualisée de son livre Mourir pour l'Afghanistan - Pourquoi nos soldats tombent-ils là-bas ?, qu'il avait initialement publié en 2008, après l'embuscade d'Uzbin. Depuis , la situation n'a fait qu'empirer, même si le niveau des pertes est sans commune mesure avec ceux qu'a connu la France en Indochine ou en Algérie, et des voix de plus en plus nombreuses s'élèvent pour dénoncer une guerre américaine, menée, qui plus est, en dépit du bon sens...

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    "Le 18 août 2008, une patrouille française tombe dans une embuscade en Afghanistan. Dix soldats sont tués au terme de longues heures de combat. Soudain, l’opinion publique prend conscience que la France est engagée dans une guerre en Afghanistan. Sur la base de sources militaires, ce livre retrace le déroulement de l’embuscade, y compris du côté des talibans.
    Mais il donne surtout à comprendre les racines historiques et géographiques de cette guerre. Les Britanniques puis les Soviétiques s'y sont cassé les dents : l'Otan fera-t-elle mieux ?
    Notre armée est-elle prête pour ces combats ? Comment réagissent la société et les médias français ? Alors que la France s’engage de plus en plus dans ce conflit, il vaudrait mieux «préparer les conditions de notre départ, et vite ! »"
    "
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  • Samouraïs !

    Les éditions Economica publient dans leur nouvelle collection "Guerres et guerriers", Le crépuscule des samouraïs, une belle étude de Julien Peltier consacré à cette élite guerrière japonaise.

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    "S’il est un mot japonais passé dans presque toutes les langues de la Terre, c’est celui de « samouraï ». Mais qui est-il, ce samouraï ? La représentation que nous autres Occidentaux nous en faisons, de même que bon nombre de citoyens nippons, est dans une large mesure le fruit d’une lecture orientée de l’Histoire, héritée d’une époque où les samouraïs avaient cessé depuis longtemps d’être des combattants. Cette fiction repose sur des exigences morales anachroniques. Bien que séduisante, elle élude les caractéristiques de l’élite militaire lorsqu’elle est investie de l’autorité politique : monopolisation du pouvoir par le recours à l’autolégitimation, strict cloisonnement social garantissant la continuation de l’hégémonie coutumière, culte de l’honneur confinant à l’obsession.

    L’éthique chevaleresque se définit en premier lieu par sa vocation à sauvegarder des valeurs considérées comme l’apanage de l’aristocratie. Aussi longtemps que les samouraïs exercent le métier des armes, cette logique exclusive va perdurer. Ce n’est qu’au XVIIe siècle, avec l’avènement de la paix, que le rôle social du guerrier est remis en cause. Alors seulement, les préceptes régissant la « Voie du Guerrier » sont strictement codifiés. Auparavant, ils se transmettaient presque uniquement de manière orale. Seule la crainte de voir la caste dominante se départir de ses qualités martiales à la faveur de la pacification du pays, dicte les efforts entrepris par les théoriciens du Bushidō à dessein de coucher sur le papier un code embrassant les champs pratiques, théoriques et même philosophiques.

     

    La postérité a replacé le Bushidō dans son contexte historique précis, celui d’un Japon médiéval au seuil de la modernité. Pour autant, il faut prendre garde de ne pas le réduire à l’acception romantique que l’Occident lui connaît, notamment par le biais des arts martiaux. En effet, ce mot chargé d’histoire revêt un tout autre sens auprès d’un grand nombre de nations asiatiques ayant eu à courber l’échine sous le joug de l’envahisseur japonais durant la Seconde Guerre mondiale. Pour les victimes des exactions commises par l’armée impériale, le Bushidō n’est pas synonyme d’héroïsme guerrier, il évoque l’oppression et la barbarie des occupants. Cela n’a rien d’un hasard. Au-delà d’une récupération idéologique par le régime ultra-militariste des années 1930, ce code ne fut jamais exempt d’une certaine part d’obscurité, dans ses invites à peine voilées au fanatisme, ou son exaltation d’une soumission absolue. Il illustrait les aspirations d’un peuple tout juste soustrait à une anarchie séculaire, et tenu en respect par des dirigeants soucieux de façonner une société docile. Toutefois, même aux heures les plus sombres de leur crépuscule, les samouraïs se remémoraient les faits d’armes des héros du passé. Ils invoquaient les mânes de leurs glorieux ancêtres, qui avaient brillé au firmament du sengoku jidai. : « l’âge des provinces en guerre ».

     

    Ces « grands noms » avaient tissé leur propre légende, sur la trame d’une lutte qui semblait alors devoir durer  toujours. Quand elle avait pris fin, au terme d’innombrables batailles, les samouraïs avaient écrit les plus belles pages de leur histoire. Un nouvel ordre politique émergeait de ce chaos primordial, traversé d’astres étincelants : destins épiques de personnages frappés au coin de la grandeur ou de la petitesse. Ce chaudron bouillonnant d’une violence inouïe, qui fait aujourd’hui encore figure d’âge d’or des guerriers japonais, fut aussi une période de mobilité sociale effrénée, une ère de réformes structurelles décisives. Et puis il y a l’art. Car cet « âge des provinces en guerre », toile de fond du présent ouvrage, est aussi celui d’une floraison artistique sans égale – entrant en résonance avec notre Renaissance – une époque d’intense création théâtrale, picturale, spirituelle.

     

    Telle était la Voie que les samouraïs s’efforçaient d’atteindre. Ils se concevaient en combattants valeureux et indomptables, parcourant un chemin sinueux aux lendemains incertains, jalonné de  parenthèses enchantées : grandioses représentations de Nō, délicates cérémonies du thé ou joutes poétiques. Du moins est-ce ainsi qu’ils se complaisent à décrire, au fil des chroniques, leur univers insaisissable, d’une sauvage beauté. Mais ce miroir soigneusement poli est-il fidèle à la vérité ? Qui étaient réellement ces hommes, au temps où ils s’affrontaient inlassablement, avant que la concorde ne règne à nouveau sur le Japon ? Eux qui avaient voué leur existence tout entière à la carrière militaire, comment livraient-ils combat ? Tout à leur soif d’une gloire éternelle, quel crédit accordaient-ils aux idéaux qui allaient se fondre dans le creuset du Bushidō ? Tandis que leurs maîtres s’employaient à rétablir une paix qui mettrait en péril leur suprématie, avaient-il conscience de l’inéluctable perte prochaine d’un fragment capital de leur essence ?

     

    L’adage populaire reproche aux faits d’être têtus. Ils demeurent, envers et contre tout, bien plus éloquents que l’emphase des harangues ou la pompe des dithyrambes. Si l’entreprise consiste à démystifier, à démythifier le samouraï, alors il faut aller à sa rencontre sur les champs de bataille plutôt que sous les seules frondaisons des cerisiers en fleurs. Il faut braver l’angoisse de la trahison, mordre la poussière et dépasser la hantise du tombeau, afin de vérifier le bien-fondé du jugement porté par François de Pagès. De retour de sa fabuleuse odyssée en 1797, l’infatigable voyageur dépeignait l’insulaire nippon comme issu d’un peuple « ennemi de toute bassesse, supportant avec courage les disgrâces et méprisant la mort qu’il se donne pour le plus léger sujet. L’honneur est le principe, le mobile de ses démarches. »

     

    Les premiers rayons du soleil dardent à l’horizon, annonçant l’aurore de la chevalerie japonaise et son épopée fondatrice. L’heure du zénith sonnera plus tard, celle des conflagrations majeures, d’une accélération de l’Histoire culminant dans un apogée superbe et tourmenté, incarné par l’implacable Oda Nobunaga et le visionnaire Toyotomi Hideyoshi. Lorsque la poussière de Sekigahara sera retombée, l’habile Tokugawa Ieyasu aura raflé la mise. Enfin, les ultimes convulsions des guerres endémiques, avec en point d’orgue la chute de l’orgueilleuse Ōsaka, marqueront les derniers feux du Crépuscule des samouraïs."

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