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ennemi - Page 5

  • La démocratie et la guerre au XXIème siècle...

    Les éditions Hermann ont publié au mois de février 2012 un ouvrage collectif dirigé par Jean-Vincent Holeindre et  Geoffroy Murat et intitulé La démocratie et la guerre au XXIème siècle - De la paix démocratique aux guerres irrégulières. A consulter...

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    Au début du XXIe siècle, la guerre est à la fois absente et omniprésente dans les démocraties occidentales. Si la plupart des pays démocratiques ne vivent plus dans l’horizon de la guerre, les nouvelles formes de violence armée, comme le terrorisme et les conflits asymétriques en Afghanistan et en Irak, occupent l’espace médiatique et les discours politiques.
    Le but de ce livre est de faire le point sur les relations complexes qu’entretiennent la démocratie et la guerre dans la politique internationale au XXIe siècle. Peut-on dire, après Kant, que la démocratie est un régime politique facteur de paix ? Quels sont les effets de la guerre sur la politique intérieure en démocratie ? À l’âge des guerres irrégulières, comment les stratégies militaires des États démocratiques évoluent-elles ?
    Telles sont les principales questions posées dans un ouvrage qui réunit pour la première fois les meilleurs spécialistes français et étrangers, qu’ils soient philosophes et historiens, politistes et spécialistes de la guerre. Ce que met au jour l’étude des conflits actuels, c’est non seulement la part d’ombre des politiques démocratiques, mais aussi les mutations de la démocratie, confrontées à une mondialisation qui redistribue les cartes de la puissance.

    Avec les contributions de Jean Baechler, Pierre Manent, Michael Doyle, Pierre Hassner, Stéphane Audoin-Rouzeau, Gilles Bataillon, Alberto Valencia, Olivier Chopin, Ran Halévi, Bastien Irondelle, lieutenant colonel Jérôme de Lespinois, colonel Benoît Durieux, Gérard Chaliand, Azar Gat et Dario Battistella.

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  • La fabrication de l'ennemi...

     «Sans ménager, ce qui va de soi, les dictatures, Pierre Conesa examine sans indulgence les « deux poids deux mesures » si souvent utilisés par les démocraties qui se prétendent les plus moralement respectables. En chemin, il rappelle que l’idée reçue, d’ailleurs fort récente, selon laquelle celles-ci seraient, par nature, pacifiques, est largement détrompée par les faits.» Gérard Chaliand

    Nous vous signalons avec retard la parution de La fabrication de l'ennemi, un essai de Pierre Conesa publié aux éditions Robert Laffont. Agrégé d'histoire et énarque, Pierre Conesa a fait partie dans les années 90 de la Délégation aux affaires stratégiques du Ministère de la défense. Il est l'auteur de plusieurs essais, dont Les Mécaniques du chaos : bushisme, prolifération et terrorisme (L'Aube, 2007) et d'un excellent polar géopolitique, intitulé Dommages collatéraux (Flammarion, 2002) .

     

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    "Comment les hommes en viennent-ils à se massacrer légalement ?

    « Nous allons vous rendre le pire des services, nous allons vous priver d'ennemi ! », avait prédit en 1989 Alexandre Arbatov, conseiller diplomatique de Mikhaïl Gorbatchev. L'ennemi soviétique avait toutes les qualités d'un « bon » ennemi : solide, constant, cohérent. Sa disparition a en effet entamé la cohésion de l'Occident et rendu plus vaine sa puissance.
    Pour contrer le chômage technique qui a suivi la chute du Mur, les États (démocratiques ou pas), les think tanks stratégiques, les services de renseignements et autres faiseurs d'opinion ont consciencieusement « fabriqué de l'ennemi » et décrit un monde constitué de menaces, de risques et de défis.
    L'ennemi est-il une nécessité ? Il est très utile en tout cas pour souder une nation, asseoir sa puissance et occuper son secteur militaro-industriel. On peut dresser une typologie des ennemis de ces vingt dernières années : ennemi proche (conflits frontaliers : Inde-Pakistan, Grèce-Turquie, Pérou-Équateur), rival planétaire (Chine), ennemi intime (guerres civiles : Yougoslavie, Rwanda), ennemi caché (théorie du complot : juifs, communistes), Mal absolu (extrémisme religieux), ennemi conceptuel, médiatique...
    Comment advient ce moment « anormal » ou l'homme tue en toute bonne conscience ? Avec une finesse d'analyse et une force de conviction peu communes, Pierre Conesa explique de quelle manière se crée le rapport d'hostilité, comment la belligérance trouve ses racines dans des réalités, mais aussi dans des constructions idéologiques, des perceptions ou des incompréhensions. Car si certains ennemis sont bien réels, d'autres, analysés avec le recul du temps, se révèlent étonnamment artificiels.
    Quelle conséquence tirer de tout cela ? Si l'ennemi est une construction, pour le vaincre, il faut non pas le battre, mais le déconstruire. Il s'agit moins au final d'une affaire militaire que d'une cause politique. Moins d'une affaire de calibre que d'une question d'hommes."

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  • Pour une stratégie de puissance !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue du colonel Michel Goya, cueilli sur son site La Voie de l'Épée et consacrée à la nécessité pour notre pays de définir une véritable stratégie de puissance... Expert en histoire militaire et dans les questions liées à l'art de la guerre, le colonel Goya est l'auteur de nombreuses études et de plusieurs livres, dont Res militaris - De l'emploi des forces armées au XXIème siècle (Economica, 2010). 

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    Pour une stratégie de puissance
     
    Le général Desportes aime à répéter que la stratégie consiste à accorder un but, des voies et des moyens. De fait, selon que l’on privilégie un de ces piliers on peut distinguer plusieurs grandes approches stratégiques. Dans son remarquable Traité de l’efficacité François Jullien décrit ainsi une approche centrée sur un but précis que l’on va s’efforcer d’atteindre à force de volonté. C’est la vision classique et occidentale de la politique de puissance qu’il oppose à une vision chinoise centrée sur les voies, conçues comme des tendances porteuses à déceler et dont il faut profiter pour accroître sa puissance mais sans forcément avoir un « état final recherché » très clair. Dans le premier cas, l’action crée l’ « évènement », dans le second, elle le conclue. Logiquement, il existe donc aussi une troisième approche qui estime que le simple développement des moyens suffit à atteindre le but. C’est, en particulier, le fondement de la dissuasion nucléaire. La possession de l’arme ultime suffit à la protection de la vie de la nation.

    La question qui se pose ensuite est celle de l’adversaire. Une stratégie est-elle intrinsèquement liée à la confrontation avec la stratégie inverse d’un adversaire, c’est-à-dire quelqu’un qui a une vision antagoniste à la nôtre ou peut-elle se déployer sans opposition ? L’organisation d’une expédition humaine vers Mars relève-t-elle d’une stratégie ou d’un management (ou programmation si on préfère le terme d’Edgar Morin) ? Ce n’est pas aussi clair qu’il n’y paraît. Pour reprendre le thème de l’exploration spatiale, la conquête de la Lune par les Américains s’est faite dans un contexte de compétition avec les Soviétiques. Autrement dit, il a bien fallu tenir compte des actions d’un rival dans la programmation de ses propres actions pour atteindre le but fixé. Il en est finalement de même des deux autres voies stratégiques définies plus haut qui peuvent s’exercer face à un ennemi, un rival ou sans opposition.

    Ces différences de nature introduisent des différences de complexité. Pour reprendre un exemple développé par Edward Luttwak dans Le paradoxe de la stratégie, sans opposition le chemin le plus rapide est forcément le plus court. En présence d’un ennemi en revanche, le chemin le plus court est aussi le plus prévisible et donc le plus tentant pour y tendre une embuscade. Le chemin le plus rapide est alors peut-être le plus long. Tout est dans le peut-être, car l’ennemi peut aussi tenter de suivre le même raisonnement et placer l’embuscade sur le chemin le plus long. La dialectique est un multiplicateur de complexité qui fait passer la stratégie du déterminisme à l’imprévisible.

    En ce qui concerne la France contemporaine, les choses étaient relativement claires lors de la période gaullienne. Les buts étaient  la sauvegarde de l’indépendance nationale en particulier face à l’Union soviétique ; la participation de la protection de l’Europe occidentale face à ce même ennemi et la défense de nos intérêts dans le reste du monde. Les moyens de la France n’autorisant pas une stratégie volontariste à l’encontre de l’URSS, celle-ci est remplacée par une stratégie des moyens rendue possible par le caractère extraordinaire de l’arme nucléaire. La stratégie volontariste reste néanmoins de mise pour la défense de nos intérêts. La notion de dialectique est pleinement acceptée dans cette vision réaliste des relations internationales. Autrement dit, la France considère qu’elle a des ennemis, permanents ou ponctuels, et lorsque cela est nécessaire elle emploie la force contre eux et de manière autonome.

    A partir de la fin des années 1970, la stratégie volontariste de préservation des intérêts fait de plus en plus place à une stratégie des moyens en parallèle d’un refus croissant de la dialectique. Le simple déploiement de forces est de plus en plus considéré comme suffisant pour résoudre les problèmes, ce qui revient à laisser l’initiative à des organisations qui persistent à croire à la notion d’ennemi et développent des stratégies volontaristes. C’est ainsi qu’en octobre 1983, le Hezbollah tue ainsi 58 soldats français à Beyrouth quelques semaines après que le Président de la République ait déclaré publiquement que la France n’avait pas d’ennemi au Liban.

    A la fin de la guerre froide et alors que les buts stratégiques de la France deviennent plus flous, la tendance à la négation de la dialectique et à la concentration sur une stratégie des moyens ne fait que s’accentuer, troublée seulement par le suivi plus ou moins volontaire des guerres américaines dans la Golfe, le Kosovo et l’Afghanistan. L’aboutissement de cette tendance est le Livre blanc de 2008 où l’intérêt national fait place à la sécurité et les ennemis, actuels ou potentiels, font place aux menaces. La réflexion stratégique se limite à un contrat d’objectifs, c’est-à-dire à une simple liste, par ailleurs de plus en plus réduite, de moyens à déployer. Même lorsque la force est employée contre des ennemis presque déclarés, en Kapisa-Surobi à partir de 2008 ou en Libye en 2011, les limites à son action sont telles, qu’on peut se demander s’il s’agit d’une stratégie volontariste.

    Alors que se préparent les travaux du nouveau Livre blanc, on voit apparaître, comme en 2008, des études sur « La France face à la mondialisation », là où des Chinois écrivent sans doute « La Chine dans la mondialisation », ainsi que de nouvelles listes de menaces à contrer (qui sont toujours les mêmes depuis vingt ans), là où des Américains définissent leurs intérêts à défendre dans le monde. Il serait peut-être donc temps d’en finir avec cet appauvrissement progressif et de revenir aux fondamentaux de la politique : que veut la France ? Comment accroître sa puissance ? Quels sont ses ennemis, adversaires, rivaux que notre politique va rencontrer et comment leur imposer notre volonté ?
     
    Michel Goya (La Voie de l'Épée, 13 juillet 2012)
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  • Julien Freund, penseur du politique...

    «Personne n'est assez naïf pour penser qu'un pays n'aura pas d'ennemis parce qu'il ne veut pas en avoir.»

     

    La lecture de l'excellent site de polémologie Theatrum Belli nous donne l'occasion de vous proposer la lecture de cet article d'Alain de Benoist, paru initialement dans la revue Le Spectacle du Monde et consacré à Julien Freund.


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    Julien Freund, penseur du politique

    Une forme classique d’impolitique consiste à croire que les fins du politique peuvent être déterminées par des catégories qui lui sont étrangères, économiques, esthétiques, morales ou éthiques principalement. Impolitique est aussi l’idée que la politique a pour objet de réaliser une quelconque fin dernière de l’humanité, comme le bonheur, la liberté en soi, l’égalité absolue, la justice universelle ou la paix éternelle. Impolitique encore, l’idée que « tout est politique » (car si la politique est partout, elle n’est plus nulle part), ou encore celle, très à la mode aujourd’hui, selon laquelle la politique se réduit à la gestion administrative ou à une « gouvernance » inspirée du management des grandes entreprises.

     

    Mais alors qu’est-ce que la politique ? Quels sont ses moyens ? Sa finalité ? C’est à ces questions que Julien Freund, décrit aujourd’hui par Pierre-André Taguieff comme « l’un des rares penseurs du politique que la France a vu naître au XXe  siècle », s’est employé à répondre dans la quinzaine d’ouvrages de philosophie politique, de sociologie et de polémologie qu’il publia au cours de son existence.

     

    Né le 9 janvier 1921 dans le village mosellan de Henridorff, d’une mère paysanne et d’un père ouvrier socialiste, Julien Freund était l’aîné de six enfants. Son père étant mort très tôt, il devient instituteur à l’âge de dix-sept ans.

     

    Deux ans plus tard, en juillet 1940, il est pris en otage par les Allemands, mais parvient à passer en zone libre et à se réfugier à Clermont-Ferrand, où s’est repliée l’Université de Strasbourg. Résistant de la première heure, il milite dès janvier 1941 dans le mouvement « Libération » fondé par son professeur de philosophie, Jean Cavaillès, puis dans les Groupes Francs de « Combat », animés par Jacques Renouvin et Henri Frenay, tout en achevant une licence de philosophie. Arrêté, emprisonné successivement à Clermont-Ferrand, Lyon et Sisteron, il s’évade en 1944 et rejoint dans la Drôme les maquis FTP.

     

    Cette époque lui laissera des souvenirs mitigés, suite à l’affreuse expérience qu’il connut durant l’été 1944, lorsque le chef de son groupe FTP accusa son ancienne maîtresse, une jeune institutrice coupable d’avoir rompu avec lui, d’être passée du côté de la Gestapo et la fit « juger » par un tribunal de fortune : « Ce fut terrible. Elle était innocente et le tribunal la condamna à mort. Il y eu cette nuit d’épouvante où les partisans la violèrent dans une grange à foin. Et à l’aube, elle fut exécutée sur une petite montagne appelée Stalingrad […] On avait demandé des volontaires. Tous furent volontaires. J’étais le seul à ne pas y être allé. Après une telle expérience, vous ne pouvez plus porter le même regard sur l’humanité ».

     

    Ayant postulé dès 1946 un poste de professeur de philosophie, Freund enseigne successivement à Sarrebourg, Metz et Strasbourg. En 1948, il épouse la fille du peintre alsacien René Kuder. En 1960, il devient maître de recherche au CNRS. Cinq ans plus tard, il est élu professeur de sociologie à l’Université de Strasbourg, où il créera plusieurs institutions, dont un Laboratoire de sociologie régionale et un Institut de polémologie.

     

    A cette date, il s’est beaucoup familiarisé avec la philosophie d’Aristote, mais aussi avec la sociologie allemande, principalement Max Weber, dont il sera le premier traducteur en France (Le savant et le politique, 1959) et Georg Simmel. Il s’est aussi imprégné de l’œuvre de l’Italien Vilfredo Pareto, et surtout de celle de Machiavel. Pour Sébastien de La Touanne, qui lui a également consacré un livre, Freund serait machiavélien par sa méthode et aristotélicien par sa conception de la politique. La conciliation de ces deux pensées, l’une et l’autre « réalistes » au plus haut degré, mais qui divergent néanmoins sur plusieurs points (Aristote étant le seul à tenter de définir la finalité du politique), sera en tout cas l’une des grandes affaires de sa vie.

     

    Après avoir obtenu, en 1949, son agrégation de philosophie, Freund a commencé à travailler sur sa thèse de doctorat, intitulée L’essence du politique. Son directeur de thèse sera Raymond Aron, le philosophe Jean Hyppolite ayant préféré se récuser au motif qu’en tant qu’homme des Lumières acquis à l’idée de progrès, il ne pouvait patronner un travail dont l’auteur affirmait qu’« il n’y a de politique que là où il y a un ennemi » !

     

    Le 26 juin 1965, âgé de quarante-quatre ans, Freund soutient sa thèse à la Sorbonne, devant un jury comprenant, outre Raymond Aron, les philosophes Paul Ricœur, Jean Hyppolite et Raymond Polin, ainsi que le germaniste Pierre Grappin. Ricœur déclare la trouver « géniale », tandis qu’Hyppolite ne peut que redire son accablement : « Si vous avez vraiment raison, il ne me reste qu’à cultiver mon jardin ! » A quoi Julien Freund répond : « Comme tous les pacifistes, vous pensez que c’est vous qui désignez l’ennemi. Or, c’est l’ennemi qui vous désigne. Et s’il veut que vous soyez son ennemi, vous pouvez lui faire les plus belles protestations d’amitié. Du moment qu’il veut que vous soyez l’ennemi, vous l’êtes. Et il vous empêchera même de cultiver votre jardin ».Publiée la même année, L’essence du politique reste encore aujourd’hui son œuvre principale.

     

    En tant que catégorie conceptuelle, l’essence désigne chez Julien  Freund l’une des « activités  originaires » ou orientations fondamentales de l’existence humaine. Freund en distingue six : le politique, l’économique, le religieux, la science, la morale et l’esthétique. Il hésitera à y adjoindre le droit, qu’il regardera longtemps comme une sorte de médiateur entre le politique et la morale.

     

    Dire qu’il y a une essence du politique, c’est dire que la politique est une activité  consubstantielle à l’existence humaine et qu’elle n’est donc plus à inventer. Mais cela signifie aussi qu’on ne saurait la faire disparaître, ainsi que le marxisme et le libéralisme ont pu l’espérer, l’un en y voyant une simple aliénation (l’instrument de domination d’une classe sociale), l’autre en la concevant comme une activité irrationnelle appelée à être supplantée par les lois du marché. Comme Aristote, Freund soutient que l’homme est par nature un être politique et social. L’état politique ne dérive donc pas d’un état antérieur : contrairement à ce qu’affirment les théoriciens du contrat, il n’y a jamais eu d’« état de nature » pré-politique ou présocial. Etant intrinsèque à la société, la politique n’est pas le résultat d’une convention.

     

    Mais cela ne veut pas dire qu’elle soit une notion immobile ou figée. En même temps qu’elle permet de distinguer entre les genres, l’essence définit seulement la part d’invariant existant dans une activité appelée dans la vie concrète à revêtir les figures les plus diverses.

     

    Vilfredo Pareto disait déjà que le changement ne se comprend que par rapport à ce qui ne change pas. Freund, lui, distingue la politique, activité variable et circonstancielle, et le politique, catégorie conceptuellement immuable (les Italiens disent « la politica » et « lo politico »). La politique est toujours changeante, mais le politique est toujours le même. Ce que Freund traduit d’une formule : « S’il y a des révolutions politiques, il n’y a pas de révolution dans le politique ».

     

    Comme toute activité, la politique possède des présupposés, c’est-à-dire des conditions constitutives qui font que cette activité est ce qu’elle est, et non pas autre chose. Freund en retient trois : la relation du commandement et de l’obéissance, la relation du public et du privé, la relation de l’ami et de l’ennemi.

     

    Chacun de ces présupposés constitue un couple antagoniste, ce qui fait immédiatement surgir une dialectique. Formulant sa théorie des contraires à partir d’Aristote, Freund distingue la dialectique antithétique, qui oppose deux concepts contraires à l’intérieur d’un même présupposé, et la dialectique antinomique, qui oppose les essences entre elles (la politique à l’économie, la religion, la morale, etc.). Pour Freund, l’histoire résulte des rapports conflictuels entre les essences et les dialectiques qu’elles engendrent.

     

    Concernant le premier présupposé, Freund souligne qu’il n’exclut pas le consentement. Loin d’être des sujets passifs, les gouvernés doivent pouvoir participer à la vie publique et contribuer à en déterminer les orientations. Le pouvoir peut et doit être partagé. Le deuxième présupposé lui permet de récuser aussi bien le libéralisme, qui tend à étendre la sphère privée au détriment de la sphère publique, que le totalitarisme, qui cherche à supprimer le privé pour politiser toutes les activités humaines. Le troisième, enfin, est directement emprunté au juriste allemand Carl Schmitt, que Freund a découvert en 1952 et qu’il a rencontré pour la première fois à Colmar en juin 1959.

     

    Théoricien de la décision souveraine et de l’ordre concret, Carl Schmitt, qui deviendra vite l’un des plus proches amis de Julien Freund, voit dans la relation ami-ennemi un critère permettant d’identifier ce qui est politique et ce qui ne l’est pas : le politique se définit chez lui par la possibilité d’un conflit, tout conflit devenant lui-même politique dès l’instant qu’il atteint un certain degré d’intensité.  Renoncer à la distinction de l’ami et de l’ennemi, dit Carl Schmitt dans La notion de politique, ce serait céder au mirage d’un « monde sans politique ».

     

    Comme ses deux maîtres, Raymond Aron et Carl Schmitt, Julien Freund soutient donc la thèse de l’autonomie du politique. Ce n’est pas à dire que l’action politique ne doit pas tenir compte des données économiques, morales, culturelles, ethniques, esthétiques et autres, mais qu’une politique exclusivement fondée sur elles n’en est tout simplement pas une. Chaque activité humaine est en effet dotée d’une rationalité qui lui est propre. L’erreur commune du libéralisme et d’un certain marxisme est de faire de la rationalité économique le modèle de toute rationalité. « La pensée magique, dira Freund, consiste justement en la croyance que l’on pourrait réaliser l’objectif d’une activité avec les moyens propres à un autre ».

     

    Freund insiste tout particulièrement sur la nécessité de bien distinguer la politique et la morale. D’abord, explique-t-il, parce que la première répond à une nécessité de la vie sociale alors que la seconde est de l’ordre du for intérieur privé (Aristote distinguait déjà vertu morale et vertu civique, l’homme de bien et le bon citoyen), ensuite parce que l’homme moralement bon n’est pas forcément politiquement compétent, enfin parce que la politique ne se fait pas avec de bonnes intentions morales, mais en sachant ne pas faire de choix politiquement malheureux. Agir moralement n’est pas la même chose qu’agir politiquement. C’est ce que Max Weber disait aussi en attirant l’attention sur le « paradoxe des conséquences » : l’enfer est pavé de bonnes intentions.

     

    La politique n’en est pas pour autant « immorale ». Elle a même sa propre dimension morale, en ce sens qu’elle est ordonnée au bien commun, qui n’est nullement la somme des biens ou des intérêts particuliers, mais ce que Hobbes appelait le « bien du peuple », et Tocqueville le « bien de pays ». « Il n’y a pas de politique morale, écrit Julien Freund en 1987, dans Politique et impolitique, mais il y a une morale de la politique ».

     

    Le bien commun est aussi ce qui assure la cohésion des citoyens. « Une collectivité politique qui n’est plus une patrie pour ses membres, écrit Freund dans Qu’est-ce que la politique ? (1967), cesse d’être défendue pour tomber plus ou moins rapidement sous la dépendance d’une autre unité politique. Là où il n’y a pas de patrie, les mercenaires ou l’étranger deviennent les maîtres ».

     

    A la suite de Max Weber, Freund affirme en outre que la politique est avant tout affaire de puissance. Agir politiquement, c’est exercer une puissance. Y renoncer, c’est se soumettre par avance à la puissance des autres. La souveraineté elle-même n’est pas fondamentalement un concept juridique, mais d’abord un phénomène de puissance. Georg Simmel, de son côté, a montré que les conflits naissent de la diversité humaine, car les différentes aspirations des hommes ne se laissent pas aisément concilier entre elles. La même idée se retrouve chez Max Weber, selon qui la rationalisation ne parviendra jamais à réduire le foisonnement des points de vue et des opinions (le « polythéisme des valeurs »). Si, comme le dit Clausewitz, la guerre est la poursuite de la politique par d’autres moyens, c’est que le politique est intrinsèquement conflictuel. Il en va de même de la vie sociale.

     

    Mais Julien Freund ne croit pas que les antagonismes se résolvent par une synthèse-dépassement comme dans l’« Aufhebung » hégélienne. Les valeurs, au rebours des intérêts, ne sont pas  négociables. Comme Pareto, il pense que l’ordre social se fonde sur un équilibre plus ou moins précaire entre des forces antagonistes qu’il appartient aux pouvoirs publics de chercher à réguler en faisant usage de son autorité. Le compromis dont il fait l’éloge en politique ne réalise pas la conciliation des contraires, car jamais l’un des deux termes ne se laisse définitivement absorber ou transcender par l’autre, mais instaure entre des forces antagonismes un équilibre toujours provisoire. C’est le caractère provisoire de cet équilibre qui donne à la politique son caractère tragique.

     

    La force, non la ruse, est le moyen naturel du politique, car ce n’est qu’en recourant à la force qu’on peut triompher des autres forces (« dès que la force est contestée, naît la violence »). Au même titre que la contrainte, elle fait partie de l’essence du politique. Et c’est elle aussi qui donne sa validité empirique au droit : le droit n’est rien sans la force qui permet de l’instituer, de le garantir et de le faire appliquer.

     

    Dans Utopie et violence, Freund écrit : « Justement, parce que la violence est fondatrice de la société, le problème politique consiste essentiellement à comprimer ses manifestations ou du moins à mettre en œuvre des moyens pour en limiter les effets ». Une société politiquement organisée est une société capable de réglementer la violence.

     

    D’où le regard qu’il porte sur l’homme. Celui-ci n’est pas plus « naturellement bon » qu’il n’est « naturellement mauvais », car il est capable du meilleur comme du pire, de générosité comme de méchanceté. Mais c’est justement en raison de cette ambivalence qu’il faut, comme le disait Machiavel, garder présent à l’esprit que les hommes seront « toujours prêts à montrer  leur méchanceté toutes les fois qu’ils en trouveront l’occasion ». Le sens politique se reconnaît alors à la capacité d’envisager le pire : « En politique, il faut envisager, non pas le mieux, mais le pire, pour que ce pire ne se produise pas, pour que l’on se donne les moyens de le combattre ».

     

    Freund réhabilite ici Machiavel, dont a trop longtemps donné l’image d’un personnage « immoral » et retors. Si Machiavel avait été machiavélique, et non machiavélien, remarque Julien Freund, il n’aurait pas écrit Le Prince, mais un anti-Prince. « Etre machiavélien, ajoute-t-il, […].ce n’est pas être immoral, mais essayer entre autres de déterminer avec la plus grande perspicacité possible la nature des relations entre la morale et la politique »Machiavel incite en fait à la lucidité, à la recherche de la verità effettuale, la « vérité effective de la chose ». Freund lui emprunte surtout une méthode, celle d’une sociologie qui ne s’attache pas seulement à l’histoire des faits, mais aussi à celle des idées. Mais il le rejoint aussi dans ses conclusions, qui mettent l’accent sur l’importance de la volonté en politique et sur le conflit comme facteur essentiel de liberté.

     

    Freund peut alors donner cette définition canonique de la politique : « Elle est l’activité sociale qui se propose d’assurer par la force, généralement fondée sur le droit, la sécurité extérieure et la concorde intérieure d’une unité politique particulière en garantissant l’ordre au milieu de luttes qui naissent de la diversité et de la divergence des opinions et des intérêts ».

     

    Polémologue, Julien Freund montre par ailleurs que le pacifisme, loin d’être véritablement ordonné à la paix, est au contraire profondément polémogène. Le pacifisme qui, dans l’esprit du pacte Briand-Kellog d’août 1928, se donne pour but de supprimer la guerre est inexorablement voué à en livrer une à ceux qui ne partagent pas sa façon de voir. Max Scheler avait prévu qu’une guerre menée au nom de la paix et de l’humanité serait plus inhumaine que toutes les autres. Lorsque le conflit est posé en mal absolu, la guerre contre la guerre ne peut en effet plus connaître de limites.

     

    La guerre et la paix sont en réalité des notions corrélatives, inséparables. Penser l’une implique de savoir penser l’autre, car « la politique porte en elle le conflit qui peut, dans les cas extrêmes, dégénérer en guerre ». Mais la paix est aussi le but de la guerre, ce qu’oublient ceux qui rêvent au nom d’un idéal guerrier d’une vie qui serait un « perpétuel combat ». Or, il n’y a de guerre ou de paix que provisoire. La paix n’est pas absence  de guerre, mais « équilibre entre les inimitiés ». La condition de la paix, c’est la reconnaissance de l’ennemi : on ne peut faire la paix qu’à deux. Refuser de négocier avec le vaincu en lui imposant purement et simplement les conditions du vainqueur, équivaut à ne pas le reconnaître comme un interlocuteur politique, mais à le tenir pour un coupable. « La paix n’est donc pas l’abolition de l’ennemi, mais un accommodement avec lui ». La paix qui exclut l’ennemi s’appelle guerre.

     

    Dans le domaine des relations internationales, Julien Freund pense  que le droit reste subordonné aux intérêts de la politique. C’est pourquoi il critique l’attitude moraliste consistant à croire que l’idéologie des droits de l’homme peut régler les rapports entre les Etats ou que l’on peut mettre fin aux guerres par la voie juridique, en faisant l’économie de la puissance.

     

    « Les vrais penseurs, observe Pierre-André Taguieff, apparaissent le plus souvent comme des mal-pensants ». Frappé d’ostracisme après Mai 1968 par la frange la plus conformiste de l’intelligentsia de gauche, Julien Freund décide à cette époque de prendre une retraite anticipée. Lorrain jusqu’au bout des ongles, il refusa un poste aux Etats-Unis, puis la chaire de Raymond Aron, qu’on lui avait proposée, pour se retirer en Alsace, à Villé, et y travailler à son aise loin des coteries parisiennes. « Kant vivait à Königsberg et non à Berlin »,répliquait-il à ceux qui s’étonnaient de ce « provincialisme ». En 1979, il sera quand même nommé président de l’Association internationale de philosophie politique.

     

    Il multiplie alors les publications et les conférences, continuant à dénoncer la « politique idéale et utopique » et exerçant une grande influence sur ses anciens  élèves, dont la philosophe Chantal Delsol, directrice de la collection où a été publié l’essai de Taguieff, et le sociologue Michel Maffesoli, qui fut en 1978 son assistant à l’Institut de polémologie.

     

    En 1980, dans La fin de la Renaissance, il observe qu’« une civilisation décadente n’a plus d’autre projet que celui de se conserver ». En 1984, dans un grand essai sur la décadence, il étudie l’histoire de cette notion, de Thucydide à Spengler et Valéry, mais aussi la façon dont celle-ci s’impose aujourd’hui à l’esprit. A la même époque,  il déclare : « La société actuelle est devenue tellement molle qu’elle n’est même plus capable de faire la politique du pire. Tout ce qu’elle me paraît encore de taille à faire, c’est de se laisser porter par le courant ». Face à cette issue tragique, il ne voit dans l’espérance qu’une vertu théologale. Il meurt le 10 septembre 1993, laissant inachevé un ouvrage sur le droit. Dans les années suivantes, il n’y aura guère que certains politologues espagnols (Jerónimo Molina, Juan Carlos Valderrama), italiens (Alessandro Campi, Simone Paliaga) et argentins (Juan Carlos Corbetta) pour s’intéresser à lui. C’est de cet injuste oubli que s’attacheront à le faire sortir Sébastien de La Touanne, en 2004, et Pierre-André Taguieff, tout récemment.

     

    Ce dernier pense, faute de mieux, pouvoir présenter Freund comme un « libéral conservateur insatisfait », tout en admettant le caractère « problématique » de cette expression. Conservateur, Freund le fut incontestablement, mais en France le sens de ce mot est vague. Il ne peut en outre être décrit comme un libéral, en raison de son scepticisme vis-à-vis de l’idée de progrès et de l’abstraction des droits de l’homme, de sa critique de l’individualisme et des doctrines du contrat social, de son refus de soumettre la politique au droit, ainsi que le font les tenants de l’« Etat de droit », ou de laisser les lois du marché se substituer à la décision politique. Lui-même se disait « français, gaulliste, européen et régionaliste », se qualifiant aussi parfois, non sans ironie, de « réactionnaire de gauche ». Il fut en fait un théoricien et un pédagogue du réalisme politique.

     

    Chantal Delsol a écrit : « C’est un homme qui subit l’ostracisme pour des idées auxquelles ses adversaires vont finalement se rendre, mais après sa mort ». Le regard malicieux, les cheveux en neige coupés en brosse et coiffés d’un éternel béret basque, quand on demandait à Julien Freund de réfléchir à l’avenir, il disait avec un gros rire : « L’avenir, c’est le massacre ! »

     

    Alain de Benoist  (Spectacle du monde, juin 2008)


     


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  • "Marre des phobies à répétition !"...

    Vous pouvez visionner ci-dessous la chronique matinale d'Eric Zemmour sur RTL, datée du 6 décembre 2011 et consacrée aux méthodes de diabolisation des adversaires de la pensée unique et du consensus mou... Tout est dit !

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  • Les vraies raisons de la peur...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue publié par Hervé Juvin sur son blog, Regards sur le renversement du monde. Un appel à la souveraineté, à la lucidité et à l'autorité pour faire face à la tempête !...

     

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    Les vraies raisons de la peur

    Faut-il avoir peur des émeutes londoniennes ? Du terrorisme islamique ? De la montée des salaires en Chine, 25 % en zone côtière au cours des six derniers mois, aux effets multipliés par la hausse du renminbi ? De l’explosion des marchés financiers ?

    Adeptes sans le dire des idées de Carl Schmitt, les gouvernements et les media se sont lancés à la poursuite de nos ennemis. Et la fabrication de l’ennemi est une industrie qui tourne à plein régime. Dans les mots, mais pas seulement ; après Oussama Ben Laden, le colonel Khadafi était un ennemi présentable, il y en a, il y en aura d’autres. Ils ne sont pas loin. Une formidable bataille se joue en coulisse pour savoir si, oui ou non, une partie des activités bancaires et financières est désignée comme telle. Le débat oppose, aux Etats-Unis, d’un coté les tenants d’un règlement global du problème des « foreclosures », ces expulsions de débiteurs insolvables de leur logement financé à crédit, expulsions effectuées, sur la base de documents falsifiés ou d’engagements abusifs, par les banques créancières, et de l’autre, ceux qui souhaitent que les responsabilités soient établies et des dommages et intérêts payés aux millions de familles illégalement expulsées. Les banques souhaitent, contre une indemnité forfaitaire, se mettre à l’abri de toute poursuite. Les familles illégalement spoliées réclament justice. Ce débat mérite intérêt ; s’y opposent rien moins que deux systèmes de vérité, celui qui veut que la justice dise le bien et le mal, et celui qui dit que la justice doit s’exercer dans l’intérêt bien compris du plus grand nombre ; entendez ; que les banques continuent à faire leur travail et évitent la faillite. A ceux qui auraient oublié que les lois de l’économie peuvent faire l’impunité du criminel, le rappel peut servir.

    Les banques, les agences de rating, les fonds d’investissement, les systèmes de trading automatiques, tour à tour, suscitent la peur et sont accusées de porter la responsabilité d’une crise qui entre, vraiment, dans sa dimension politique Ce serait si facile ! La question est pourtant simple ; qu’est-ce qui donne tant d’importance à la dégradation de la note « triple A » de la dette américaine ? Qu’est-ce qui fait trembler la France à l’idée d’une dégradation de sa propre note ? Qu’est-ce qui donne tant d’importance à la finance de marché, aux taux d’intérêt, aux mouvements devenus erratiques du CAC 40 ? Rien d’autre que la facilité de la vie à crédit, un étrange aveuglement au recours aux investisseurs étrangers, une exigence déraisonnable de rendement du capital investi. Inutile de développer le fait ; le crédit condamne l’avenir à travailler pour le présent, et la politique de la France, si elle ne se fait pas à la Corbeille, sera durement et longtemps dominée par la question de la dette publique. Il est plus intéressant de souligner le ralliement borné des hauts fonctionnaires chargés de placer les titres de la dette publique à l’idéologie mondialiste et libre-échangiste ; avec le lancement des OAT, la création de l’Agence France-Trésor, ils ont pu sacrifier aux délices des road shows mondiaux, et ils ont réussi, puisque près de 70 % de la dette publique française est détenue par des investisseurs hors frontières. Mais qui a jamais cru qu’il serait aussi facile de spolier ces investisseurs, qui n’ont aucune raison de faire des cadeaux à la France, que les anciens porteurs nationaux de bons du Trésor, régulièrement volés par la décote ? La dette publique détenue par les nationaux s’apparente à l’impôt ; la question de la dette publique japonaise, détenue à plus de 90 % par les Japonais, ne se pose pas, du moins pas en terme de dépendance, alors qu’elle se pose et se posera à la France, qui s’est placée elle-même en situation de dépendre pour ses choix fiscaux, sociaux, et politiques, des détenteurs de sa dette, et de ceux qui la jouent. Il est tout aussi intéressant de constater la capitulation de tant d’entreprises, opérant dans secteurs matures où la croissance est de quelques pour cent par an, devant des exigences de rendement du capital de plus de 15 % annuels ! Ce qui, dans la durée, et dans un monde fini, signifie une alternative simple ; adopter un comportement de prédateur, ou truquer les comptes – certains s’étant fait fort de pratiquer les deux !

    Facilité, aveuglement, déraison ; ce sont les vraies raisons d’avoir peur. Car il n’est rien, dans la crise actuelle, qui ne soit exagération, montage et manipulation, c’est-à-dire qu’il n’est rien que l’esprit de décision, la lucidité et la souveraineté ne puissent résoudre. Mettre fin à l’assistance inconditionnelle va de pair avec faire payer l’impôt, et notamment celui des grandes entreprises. Recouvrer des marges de manœuvre va de pair avec renationaliser la détention de la dette, et proposer aux Français d’acquérir les titres de dette de la France, comme favoriser la participation des Français au capital des entreprises françaises. Affirmer l’autorité de la France appelle à se mobiliser autour de la notion d’entreprises criminelles, pour qualifier des agissements, des comportements et des systèmes qui doivent être éliminés, et dont la révélation par Wikileaks des menaces de l’ambassadeur américain contre l’opposition française aux OGM, (préconisant des « warlike measures » ! ) donne l’exemple. Et surtout, rompre avec l’abandon mondialiste et l’idéologie du libre-échange, dont chaque jour illustre davantage qu’ils sont la voie de la confusion de l’abandon, et de la soumission, est la condition du projet, de l’ambition, et du commun.

    Hervé Juvin (Regards sur le renversement du monde, 29 août 2011)

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