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emmanuel macron - Page 13

  • La revue de presse d'un esprit libre... (37)

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    La revue de presse de Pierre Bérard

    Au sommaire :

    Sur Métamag un riche entretien entre Thibault Isabel (rédacteur en chef de Krisis) et Michel Lhomme à propos de Proudhon :

     
    Pourquoi assistons-nous tous passivement à la dérive suicidaire de nos sociétés ? On détruit tout : structures économiques, diversité culturelle, lien social, sans jamais rien reconstruire. Anselm Jappe propose dans son dernier livre « La société autophage : capitalisme, démesure et autodestruction » (La Découverte, septembre 2017) une critique radicale de l’ordre capitaliste. Mais peut-on détruire le capitalisme sans nous détruire nous même ? :
     
     
    Pour le nouveau numéro des « Idées à l’endroit » (sur Tv-Libertés), Alain de Benoist s’est entouré d’invités de choix pour débattre de la souveraineté : le politologue Guillaume Bernard, le philosophe Guilhem Golfin (auteur d’un essai intitulé « Souveraineté et Désordre politique ») et le journaliste-essayiste Aristide Leucate. Un échange de haute tenue où sont fouillées les notions de souverain, souveraineté et souverainisme :
     
     
    Parution d’un livre d'Aristide Leucate consacré à Carl Schmitt dans la collection « Qui suis-je » aux éditions Pardès. Y sont présentées la vie, l’oeuvre et la pensée d’un juriste talentueux qui a pensé le droit en termes politiques et théologiques et bâti la géopolitique des grands espaces :
     
     
    Sur le site de Philitt, une réflexion sur le Katechon selon Carl Schmitt. Que représente la figure du katechon (le retardateur) évoquée par l’apôtre Paul dans sa seconde épitre aux 
    Thessaloniciens ? Dans « Le Nomos de la Terre » (Puf) Schmitt, dernier penseur catholique à s’être penché sur cette question, répond que « la foi en une force qui retient la fin du monde jette le seul pont qui mène de la paralysie eschatologique de tout devenir humain jusqu’à une puissance historique aussi imposante que celle de l’Empire chrétien des rois germaniques ». Ainsi la figure duale du katechon s’inscrirait dans les deux ordres distincts de l’imperium et du sacerdotium dévolus respectivement à l’Empereur allemand et au Pape formant une authentique communauté dans la Respublica Chritiana sur laquelle le mal se propageant dans le monde finirait toujours par buter :
     
     
    Céline Jouin, Maître de conférences en philosophie à l’Université de Caen-Basse-Normandie, propose une réflexion sur le thème de « Carl Schmitt, penseur de l’empire ou de l’impérialisme ? »
     
     
    « Guerre et Polémologie dans la pensée de Julien Freund » tel est le titre d’un Master de Sécurité Défense (117 pages) soutenu par Jean-Baptiste Pitiot dont on peut consulter le contenu ici :
     
     
    Dans ce long et très intéressant  entretien  avec Baptiste Rappin, auteur de « Au régal du Management. Le Banquet des simulacres », mis en ligne le 17 novembre, les animateurs de l’émission, Charles de Meyer, Juan Asensio et Rémi Soulié) discutent avec le jeune philosophe, disciple de Jean-François Mattei, des thèses qu’il présente dans son livre. Exercice brillant sur une pensée qui s’inscrit dans la dissidence armée d’un logos, c’est à dire d’une parole métaphysique puisant dans les origines helléniques du discours et de la raison contre « les sectateurs de l’utile » (Nietzsche) qui promeuvent l’homme comme moyen et non plus comme fin. Le management qui repose sur le mythe d’un univers entièrement pacifié par la « gouvernance » est un nouveau messianisme antipolitique :
     
     
    Régis Debray revient dans une interview sur son dernier livre « Le nouveau pouvoir » (Cerf) où il analyse en quelques formules définitive la victoire d’Emmanuel Macron et sa signification. Il concède que « les décadences sont des moments féconds, créatif » mais ce qui l’embarrasse c’est la victoire absolue d’homo économicus. Pour les gallo-ricains que nous sommes devenus « l’envie d’être milliardaire est légitime, comme l’envie d’être un héros il y a cent ans ou d’être un saint il y a mille ans ». Il ajoute : « aujourd’hui nous avons perdu la conscience de porter une histoire collective… Nous n’avons plus de mythe porteur ». D’où s’ensuit sa conclusion : « le vivre-ensemble, comme on dit, c’est pour une communauté imaginaire… C’est la fin de l’utopie européenne : celle qu’un marché commun peut faire un imaginaire commun ». Certes, Macron tente de catalyser pour rassembler, mais il n’y a plus de peuple derrière lui et son milieu, dominé par la finance et l’économie, s’alimente d’une idéologie individualiste qui a oublié le tragique de l’histoire :
     
     
    Dans un entretien avec RT France (chaîne russe) Olivier Berruyer réagit à la décision de Twitter d’interdire à tous les comptes liés à RT et à Sputnik de faire de la publicité sur son réseau. Signe évident d’une reprise en main d’internet. Berruyer cite également Google et Facebook qui jouent un rôle actif dans la diffusion ou la non diffusion de ce qui doit arriver jusqu’aux oreilles des citoyens. Il est assez cocasse de voir RT boycotté ainsi, sous prétexte d’avoir voulu influencer les élections présidentielles américaines, comme si les États Unis se privaient d’en faire autant avec une remarquable efficacité. Ce délire anti-russe est devenu en occident une obsession qui tourne à l’hystérie quand on nous explique que la défaite de Clinton contre Trump, c’est la Russie et ses manigances, que le Brexit comme la Catalogne c’est encore la Russie et que l’affaire Ramadan ce pourrait bien être un coup de Poutine pour déstabiliser Edwy Plenel ( Une du Monde du 17 novembre sur 5 colonnes). Comme quoi le « complotisme » n’est pas réservé aux seules officines nauséeuses des « populistes » : 
     
     
    Elise Blaise et Jean-Yves Le Gallou présente le Conseil d’État sur Tv-Libertés et il apparait que ses membres ne sont pas majoritairement des « sages » mais des idéologues forcenés de la cause immigrationniste : 
     
     
    La fondation Polémia met en ligne un article publié par Giulio Meotti dans Il Foglio sur le défi existentiel que représente l’explosion démographique de l’Afrique et ses conséquences pour l’Europe et sa civilisation. Au cours des années 2015 et 2016, 2,5 millions de migrants se sont installés en Europe dont la plupart étaient Africains. Dans le même temps y naissaient 5,1 millions d’enfants dont une bonne part était issue de l’immigration africaine. Cette évolution conjuguée à la « peste blanche » qui frappe les populations autochtones laisse prévoir un devenir sombre à des peuples qui ont abdiqué de leur vouloir-vivre. Comme l’écrit Meotti pour ceux qui se refusent à comprendre : « It’s demography, stupid ! »  :
     
     
    L’émission du 17 novembre 2017 d’I-Média présentée par Jean-Yves Le Gallou et Hervé Grandchamp poursuit sa tâche : faire toutes les semaines la critique argumentée des médias. Elle aborde successivement l’affaire des manifestations musulmanes illégales de Clichy. Elle dissèque ensuite Médiamétrie à la fois juge et partie. Dans la séquence des tweets l'un montre à quel point la presse est enchaînée à la pub (et aux subventions publiques). Enfin la dernière rubrique s’intitule : « Pologne, tout le monde il est nazi ! », une excellente évaluation de la manipulation des faits par les chiens de garde de l’Agence France Presse que tout bon plumitif se doit de relayer. La nouvelle brute étant que 60 000 patriotes polonais avaient défilé dans les rues de Varsovie afin de célébrer la journée de l’indépendance dans une marée de drapeaux nationaux. Comme la tournure du gouvernement polonais est radicalement opposée aux obligations qu’aimerait lui imposer la Commission  européenne, il fallait bien que la presse mainstream diabolise cette manifestation populaire en l’identifiant au nazisme. Pour qui connait l’histoire récente de la Pologne, une telle identification est contre nature. Il s’agissait de diaboliser le patriotisme polonais. La diabolisation nous dit Le Gallou en conclusion, voilà l’ennemi, la clef de voûte d’un politiquement correct de plus en plus tyrannique et qui se dresse devant les incrédules comme une nouvelle bigoterie. Le mot de Voltaire est plus que jamais d’actualité « écrasons l’infâme ! »  :
     
     
    Petit portrait récapitulatif de Patrick Cohen en propagandiste de choc. Contempteur farouche de tous ceux qui osent penser en dehors des clous, il en dresse la liste avec minutie. il a longtemps été l’un des patrons de la matinale de France-inter où affichant sa mine bonhomme il pouvait pratiquer ses talents d’inquisiteur et de censeur en toute impunité. Après le mercato de juin il sévit désormais sur un chaîne privée et y déploie la même ardeur de cénobite retranché derrière les certitudes d’une pensée hémiplégique. Sans le succès espéré puisque Europe 1 a perdu 10% de son audience depuis qu’il y sévit :
     
     
    Adepte de la provocation, l’écrivain Richard Millet propose de troquer comme «personnalité préférée des Français » le porc, animal tutélaire de nos campagnes et totem gaulois par excellence,  contre Omar Sy, sympathique bouffon fabriqué par ce qu’il appelle « le capitalisme mondialisé ». Provocation salutaire qui n’a bien sûr aucune chance de recevoir un écho positif, sauf peut-être à la XVII chambre correctionnelle qui, c’est bien connu, n’apprécie l’humour que lorsqu’il est manié par des rebelles de confort :
     
     
    Pierre Guillaume de Roux éditeur indépendant et courageux invité par Tv-Libertés. Sa maison d’édition est un lieu de débats et d’échanges sans exclusive et authentiquement libre :
     
     
    Hervé Juvin était l’invité du Cercle Aristote en décembre 2016 pour y traiter de son dernier livre « Le gouvernement du désir » (le débat, Gallimard) qui traite de la révolution anthropologique majeure intervenue durant ces trente dernières années. En effet nos sociétés sont désormais gouvernées par le désir des choses qui s’achètent et qui se vendent. Addiction qui, nous dit-il, est en train de s’épuiser laissant la place au désir de ce qui ne se vend ni ne s’achète : le désir de politique, le désir de survivre en faisant un nous en commun et de reconquérir les biens immatériels laissés en jachère :
     
     
    Le même Hervé Juvin sur Tv-Libertés s’en prend très justement aux conséquences mortifères des ravages de l’agriculture industrielle :
     
     
    Pour aller plus loin on peut se référer aux travaux de Pablo Servigne et Raphaël Stevens dans leur livre « Comment tout peut s’effondrer » (Seuil, collection anthropocène, 2015) et « Nourrir l’Europe en temps de crise » (Babel, 2017) qui formulent une bonne introduction à la collapsologie (étude transdisciplinaire des conséquences de l’effondrement). Pour ces auteurs « l’individualisme est un luxe que seule une société richissime en énergie peut se payer. Selon eux la meilleure manière de résister à l’effondrement consiste à reconstruire des pratiques collectives « que notre société matérialiste et individualiste a méthodiquement et consciencieusement détricotées ». Tout cela suppose une relocalisation et de petites communautés très homogènes quant à leur culture, leur style de vie et à leurs objectifs. On en trouvera un bref résumé ici : 
     
     
    Et une bonne bibliographie ici :
     
     
    Paul Jorion s’interresse également à cette problématique comme le montre son dernier livre « À quoi bon penser à l’heure du grand collapse ?» (Fayard)  :
     
     
    Xavier Rauffer fait le point sur les attentats en France. Première chose, pour lui les « revenants ne seront pas aussi nombreux que l’on a pu l’estimer (7 ou 8 depuis le début de l’année). Ceux qui passent les filtres sont le plus souvent traumatisée par leur expérience dans les zones de guerre syro-irakienne. Enfin la réorganisation des services mise sur pied par le nouveau pouvoir serait des plus performantes. Aucun nouveau Bataclan n’est susceptible d’arriver, à moins d’être pris en main par des services étrangers: 
     
     
    Afin de casser son image de président des riches, Emmanuel Macron relance un énième plan banlieue. Or depuis 37 ans l’État a injecté près de 100 milliards d’euros dans ce gouffre abyssal. Sans résultat probant. Jordan Bardella élu du FN de Seine Saint-Denis est l’invité de Elise Blaise pour son émission « Hebdo Politique » pour faire le point. Il entend regarder la réalité en face  sans outrager le sens commun :
     
     
    La revue Rébellion propose un texte de Charles Robin intitulé « La fabrique de l’aliénation ». Charles Robin, jeune philosophe montpelliérain, disciple de Jean-Claude Michéa, a collationné l’état de ses recherches dans deux livres parus aux éditions Krisis : «La gauche du capital, libéralisme et idéologie du marché » (2014) et « Itinéraire d’un gauchiste repenti, pour un anticapitalisme intégral » (2017). Dans le texte précité il s’en prend au dogme libéral du progrès :
     
     
    Le samedi 11 novembre France culture proposait une excellente émission à propos de Guy Debord et de La Société du Spectacle. Décryptage et dépassement d’une œuvre dont le classicisme revendiqué tranche avec l’esprit révolutionnaire. « Il faut lire ce livre, déclarait son auteur, en considérant qu’il a été sciemment écrit dans l’intention de nuire à la société spectaculaire » :
     
     
    Éric Zemmour célèbre « le bonheur des nations homogènes » sises dorénavant à l’est de l’Europe et seulement là :
     
     
    Wauquiez général d’une armée morte selon Éric Zemmour. À propos de Laurent Wauquiez Patrick Buisson déclarait récemment dans les colonnes de Marianne que « son corpus est assez mince » et qu’il avait un doute sur la rénovation partidaire à laquelle le futur chef des Républicains entend se livrer. Dans un entretien à Valeurs Actuelles sur l’état de la droite paru le 16 novembre, il enfonce le clou. Pourquoi la droite et le FN se montrent ils incapables de faire émerger une véritable opposition ? « Parce que l’une et l’autre se dérobent au bon diagnostique. L’élection de 2017 aura mis à bas leurs vieux schémas. La droite et le FN ont fait la démonstration, chacun à leur tour, de leur incapacité à reconquérir ou à conquérir le pouvoir sur la base de leurs seules forces ». 
    Les désillusions  s’annoncent cruelles pour l’une comme pour l’autre. L’une engluée dans « l’incantation rituelle du rassemblement » de la droite et du centre, c’est à dire dans le syndrome Chirac qui consiste à marier les contraires dans un grand magma sans substance idéologique. Quant au FN, faute d’avoir su construire une offre politique crédible, il « est resté ce qu’il a toujours été : le meilleur allié du système, son assurance vie ». Aussi propose-t-il ce qu’il croit être la seule configuration possible pour gagner : l’alliance d’une droite conservatrice débarrassée de ses élites orléanistes c’est à dire libérale, et du vote populiste incarné par le FN  :
     
     
    Zemmour encore qui en veut décidément au demi-habile Laurent Wauquiez qui se serait coupé les deux bras en imaginant que le monde politique fonctionne en 2017 comme il fonctionnait en 2007. Prêtant au futur président des Républicains (un ancien normalien) cette phrase célèbre : « Je suis venu trop tard dans un monde trop vieux » , il poursuit : «Wauquiez est un des derniers hommes politiques vivants à savoir que ce vers est d’Alfred de Musset. Mais Laurent  Wauquiez est aussi le dernier homme politique à comprendre que cette phrase célèbre pourrait bien résumer son destin politique. Avant même qu’il ne prenne la présidence des républicains, le parti se désagrège sous ses yeux » :
     
     
    France d’en haut et France d’en bas. Dans cette tribune du Figaro Maxime Tandonnet rappelle que la fracture qui s’est emparée de la société française depuis de nombreuses années ne fait que se creuser. Jusqu’à l’étincelle qui mettra le feu aux poudres ? Ce phénomène n’est pas propre à la France. Dans toute l’Europe, aussi bien à l’Est qu’à l’Ouest le schisme travaille en profondeur les sociétés. Et, il s’aggrave. Il oppose des élites libérales-libertaires condescendantes et totalement déconnectées du réel d’une part, et les classes populaires et moyennes en insécurité culturelle d’autre part. Ces dernières dénoncent l’impuissance d'un pouvoir qui a abandonné la puissance de l'État aux seules lois du marché. Or ces classes sont largement majoritaires :
     
     
    Dans le bilan des six premiers mois de la présidence Macron, Christophe Guilluy, en réponse à L'Express (15 novembre 2017), décèle des éléments de continuité, entre autre le fait que la mondialisation poursuit ses ravages (externalisation de l’industrie vers des pays à bas coûts et avènement du tertiaire concentré dans les coeurs palpitants des grandes métropoles y fixant l’emploi et les richesses, tandis que dans la France périphérique le processus de désertification du travail se poursuit et que la classe moyenne s'y défroque rapidement). Mais phénomène nouveau, l’argent public se raréfiant, les retraités et les fonctionnaires encore protégés qui avaient massivement accordé leur soutien à Emmanuel Macron qui s’en prend désormais à leur niveau de vie. Bref la France d’en haut est en train de scier la branche sur laquelle elle est assise et qui lui assurait la garantie d’un barrage efficace contre le vote « populiste ».
     
    Jacques Julliard entonne le requiem de la gauche. Une gauche qui a successivement abandonné trois de ces thème d’élection, l’école tout d’abord abandonnée aux amis du désastre « pédagogiste » , la laïcité ensuite laissée en jachère aux Islamo-gauchistes et finalement le peuple lui même plaqué en rase campagne et métamorphosé en une bande de Dupont Lajoie assoiffée de ratonnades : 
     
     
    L’hégémonie américaine est en berne selon Daniel Lazare qui explique que par delà l’hystérie de Washington au sujet de la Russie, de la Syrie et de la Corée du Nord, l’hégémonie américaine est en décomposition ce qui la rend dangereuse. L’État profond parviendra-t-il à retenir Trump l'impulsif, et à permettre la reconfiguration du monde en un nouvel ordre multipolaire ? :
     
     
    Victor Orban, premier ministre hongrois, dénonce le « réseau Soros » qu’il accuse de promouvoir une Europe métissée et d’encourager pour ce faire l’immigration massive (première référence). Notons par ailleurs que Soros vient de doter sa fondation « Open society », aux activités foisonnantes dans le monde des médias, de 18 milliards de dollars supplémentaires (seconde référence) :
     
     
     
    Serafin Fanjul, docteur en philologie sémitique, professeur de littérature arabe à la Complutence de Madrid et ancien directeur du Centre culturel hispanique du Caire, publie aux éditions de L’Artilleur une somme de 708 pages consacrée à « al Andalus, l’invention d’un mythe ». Le traduction française est préfacée par Arnaud Imatz qui revient sur les procédés de la manipulation du passé appliquée de manière générale à l’histoire de l’Espagne, longtemps victime de la légende noire diffusée par ses adversaires depuis l’époque des Lumières. Compte rendu de Philippe Conrad ci-dessous. On notera également l’excellente critique sur cette somme érudite dans Le Figaro du 26 octobre signée de Paul-François Paoli et de Remi Brague. Rappelons que le professeur Brague est un spécialiste de la philosophie arabe médiévale. Ils signalent la galéjade qui consiste à vanter le niveau culturel atteint par al Andalus : l’arc outrepassé qui lui est attribué est attesté dès 269 chez les Wisigoths d’Espagne, les romains et les byzantins, le patio des demeures sévillanes date de la Renaissance tandis que les mots d’origine arabe ne représentent que 0,5 du lexique espagnol, et aucun ne concerne la vie intellectuelle ou spirituelle. Quant au fameux vivre ensemble des trois religions du livre, elle n’est pas le paradis perdu de la tolérance que les sots s’imaginent puisque elle ne fut qu’un sorte d'apartheid médiéval avec son lot de dhimmitude frappant les juifs et les chrétiens. L’idéalisation d’al Andalus repose sur un mélange d’ignorance et d’idéologie unissant le victimaire et l’exotisme et servant de compensation à des peuples dont la situation présente est bien peu enviable.
     
     
    À lire également sur le même livre l’entretien que Daoud Boughezala a conduit avec Serafin Fanjul pour le site Causeur. Il traite en première partie du séparatisme catalan et basque et rétablit, en tant qu’historien des vérités bien oublié (première référence). Il aborde ensuite al Andalus, démolissant un à un les différents mythe élaborés pour rendre possible un multiculturalisme   de l’image défigurée
     
     
     
    Michel Drac dans une nouvelle vidéo  fait une synthèse  du livre de David Thomson « Les revenants. Ils étaient partis faire le jihad, ils sont de retour en France »( Seuil, décembre 2016). Et, secondairement du livre de Xavier Crettiez et Bilel Aibine « Soldats de Dieu. Paroles de djihadistes incarcérés » paru aux éditions de L’aube, septembre 2017. Exposé lumineux comme l’auteur en fait régulièrement :
     
     
    Dans une autre vidéo mise en ligne le 12 novembre Michel Drac essayant de dégager les lignes de force de l’actualité récente analyse les risques de désagrégation des États Unis d’Amérique dus à la guerre sourde qui oppose deux clans au sein du capitalisme américain. Autre thème abordé par Drac, celui qui oppose à l’intérieur de l’Union européenne les tenants de l’Europe de l’Est et ceux de l’Ouest pour des raisons de choix géopolitique qui se doublent de raisons sociétales, mais aussi la cassure entre Europe du Nord et Europe méditerranéenne qui s’explique par l’excédant commercial gigantesque de l’Allemagne alors que le Portugal, l’Espagne et surtout l’Italie comme la Grèce s’effondrent car ils fonctionnent avec une monnaie « allemande » beaucoup trop forte pour leur économie paient d’une certaine façon par leur stagnation, voire leur récession, l’avantage compétitif germanique. Ajouté à cela pointe la possibilité d’un brexit sans accord. Londres qui pesait d’un poids certain en faveur des sanctions envers la Russie, Merkel lui emboitait le pas mais dorénavant isolée, pourra-t-elle résister aux exigences pressantes du patronat allemand qui entend bien reprendre ses affaires avec un marché russe prometteur ? Par la suite il étudie brièvement les problèmes inhérents à l’OTAN qui est en train de perdre la Turquie, puis la prolifération étatique avec la question de la Catalogne. Il conclue sur une stratégie de régression sociale qui serait préparée par le gouvernement technocratique de Macron. Tout cela amène Drac à prévoir un retournement conjoncturel majeur dans les années qui viennent. Et de s’interroger, la stratégie de la tension serait-elle à l’ordre du jour en Europe ? :
     
     
    À propos du livre de Jean-Yves Frétigné consacré à Antonio Gramsci, une bonne présentation radio :
     
     
    Éric Branca qui a publié récemment chez Perrin « L’ami américain, Washington contre de Gaulle, 1940-1969 » revient sur cette véritable somme dans un entretien  avec Jean-François Fiorina. « Rien ne nous séparera jamais des États Unis » déclarait Emmanuel Macron le 14 juillet, mais le mot amitié a-t-il pour autant le même sens des deux côtés de l’Atlantique ? Branca démontre en s’appuyant sur les archives déclassifiées des services secrets américains que tel n’est pas le cas dès lors qu’un chef d’État comme de Gaulle se refuse à confondre amitié et vassalité. 
     
     
    À « ceux qui ne sont rien » (Macron), aux « sans dent » (Hollande), à la multitude des losers que la  France start-up nation abandonne sur le bord du chemin un film est consacré. « Sans adieu » est le récit poignant des derniers lambeaux d’une paysannerie qui fut des siècles durant la matrice de nos pays. Balade sans pathos dans la misère d’une France qui s’étiole (le Forez) dans l’indifférence générale. Cette France là se cramponne à ses traditions et refuse de se plier aux règles souvent illusoire d’une modernité que chacun sait pourtant sans avenir :
     
     
    Fabrice Balanche, chercheur sur le monde arabe et l’islam, a du s’exiler aux États Unis. Il travaille désormais pour le Washington Institute for Near East Policy et déplore dans un entretien percutant paru le 29 janvier 2017 que les postes universitaires de sa spécialité soient accaparés par une minorité idéologique casée sous la houlette du vigilant Laurent Fabius. Cette situation est d’autant plus déplorable que toutes les expertises de Fabrice Balanche au sujet de la Syrie se sont révélés justes, contrairement au parti pris par Fabius et Hollande. Un autre universitaire, Frederic Pichon, avait tenté d’avertir dans son livre « Syrie. Pourquoi l’occident s’est trompé » (Le Rocher). C’était en mai 2014 ! Mais notre diplomatie à la remorque des États Unis avait perduré dans ses erreurs, pour les résultats que l’on constate aujourd'hui :
     
     
    À l’issu de la révolution orange du Maïdan qui ne fut qu’un putsch réalisé avec l’appui décisif des États Unis d’Amérique et de ses alliés de l’Union Européenne, quelle est la situation présente en Ukraine ? Réponse de Xavier Moreau sur la site Stratpol :
     
     
    Dans sa lettre dominicale « Antipresse » Slobodan Despot rappelle que Arte a diffusé récemment un documentaire fort bien fait sur la baisse du quotient intellectuel dans plusieurs pays occidentaux, dont la France. Le documentaire attribue cet effondrement aux perturbateurs endocriniens en négligeant d’autres facteurs possibles. Titre de l’information révélée par l’Antipresse : « Et si l’avenir appartenait aux imbéciles ? » Une anticipation qui peut paraitre généreuse quand on regarde objectivement l’état de nos sociétés… :
     
     
    Dans le Journal du MAUSS Adrien Jahier propose un entretien avec Aurélien Berlan autour de son livre « La fabrique des derniers hommes. Retour sur sur le présent avec Tönnies, Simmel et Weber » (La découverte, 2012). Un livre qui s’inscrit dans la critique du progrès réellement existant, c’est à dire dans l’évolution du capitalisme, comme ceux de Jean-Claude Michéa et de Christopher Lasch :
     
     

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  • Les snipers de la semaine... (148)

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    Au sommaire cette semaine :

    - sur son blog, La voix de nos maîtres, Ingrid Riocreux allume ces journalistes qui veulent surtout écarter les vérités trop dangereuses à évoquer...

    Un journaliste doit-il « prendre des précautions avec la vérité » ?

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    - sur son site, l'Observatoire du journalisme prend Bruno Roger-Petit dans sa lunette de tir après son recrutement comme porte-parole d'Emmanuel Macron...

    Bruno Roger-Petit

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  • Cedant Arma Togae ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jacques Sapir, cueilli sur son site RussEurope et consacré à la démission du Chef d'état-major des armées, le général Pierre de Villiers.

     

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    Cedant Arma Togae et la démission de Pierre de Villiers

    Le Général Pierre de Villiers a démissionné le mercredi 19 juillet. C’est la conclusion, logique, du conflit qui l’opposait au Président de la République. Dans une démocratie « les armes cèdent à la toge »[1]. Mais, cette décision extraordinaire, car c’est la première fois depuis 1958 qu’un chef d’Etat-Major des armées démissionne, est loin de mettre fin au conflit qui oppose les forces armées à notre Président. Cette démission entache le quinquennat d’Emmanuel Macron de manière indélébile.

    La démission du Général de Villiers est logique. Il le dit lui même dans le texte du communiqué qui a été diffusé le mercredi 19 juillet : « Dans les circonstances actuelles, je considère ne plus être en mesure d’assurer la pérennité du modèle d’armée auquel je crois pour garantir la protection de la France et des Français, aujourd’hui et demain, et soutenir les ambitions de notre pays. Par conséquent, j’ai pris mes responsabilités en présentant, ce jour, ma démission au Président de la République, qui l’a acceptée ». Mais, la phrase qui précède est tout aussi importante : « Dans le plus strict respect de la loyauté, qui n’a jamais cessé d’être le fondement de ma relation avec l’autorité politique et la représentation nationale, j’ai estimé qu’il était de mon devoir de leur faire part de mes réserves, à plusieurs reprises, à huis clos, en toute transparence et vérité ».

    On connaît l’origine du conflit : les 850 millions que le gouvernement, et donc le Président, entendent prélever sur le budget de la Défense. Or, le budget, avant ces coupes sombres, était déjà notoirement insuffisant, ce que Emmanuel Macron avait lui même reconnu. Le Général de Villiers s’est exprimé sur ce sujet devant la Commission aux Forces Armées de l’Assemblée Nationale. C’était son droit, c’était même son devoir. En tant que chef d’Etat-Major des armés, il doit dire quand il considère que des coupes budgétaires mettent en péril la capacité des forces armées à remplir leurs missions. Ce n’est pas lui qui a porté « sur la place publique » ce débat. C’est ce que le Général de Villiers rappelle dans la seconde phrase citée.

    Le fait que le Président ait pris la déclaration du Général Pierre de Villiers devant cette Commission pour un acte contestant son autorité, alors qu’il s’agissait de l’exercice normal de la démocratie, nous en dit long – et même très long – sur le caractère et l’irascibilité du chef de l’Etat. Ce fait nous en dit aussi beaucoup sur son respect des procédures démocratiques les plus élémentaires.

    Le chef d’Etat-Major des armées ne se faisait visiblement aucune illusion sur la suite des événements. En témoigne un court article qu’il a posté sur la page Facebook du Chef d’Etat-Major, et intitulé « Confiance »[2]. Ce texte commence par un éloge appuyé du Général Delestraint, inspirateur et ami du Général de Gaulle, chef de l’armée secrète sous l’occupation, et qui périt en déportation. Il dit deux choses très importantes. La première concerne la confiance : « La confiance, c’est le refus de la résignation. C’est le contraire du fatalisme, l’antithèse du défaitisme… » Cela montre la nécessité de cette confiance. Et il montre l’importance de la confiance en soi, qui se construit dès l’enfance. La seconde, non moins importante, concerne ceux à qui on peut faire confiance, c’est la confiance en autrui. Cette confiance est nécessaire car un commandant, ou tout autre responsable, ne peut tout par lui même ; il doit avoir confiance envers tant ses subordonnés que ses supérieurs. Et il conclut par une mise en garde contre la confiance aveugle : « Méfiez-vous de la confiance aveugle ; qu’on vous l’accorde ou que vous l’accordiez. Elle est marquée du sceau de la facilité. Parce que tout le monde a ses insuffisances, personne ne mérite d’être aveuglément suivi. La confiance est une vertu vivante. Elle a besoin de gages. Elle doit être nourrie jour après jour, pour faire naître l’obéissance active, là où l’adhésion l’emporte sur la contrainte ».

    Ces mots sont importants. Ils ont un sens précis dans l’institution militaire. Au-delà, ils font écho à l’un des attendus du Procès de Nuremberg contre les dignitaires nazis, qui avait rejeté l’excuse d’obéissance sous prétexte que cette dernière ne saurait être aveugle. C’est en réalité le propos du Général de Villiers.

    Cette mise en garde vise tout autant les militaires (qui ne doivent pas se réfugier derrière l’excuse d’obéissance) que les civils. Et c’est ici que l’on touche à la tension qui existe dans l’aphorisme romain « les armes cèdent à la toge ». L’historien du Droit Mario Bretone, dans son grand livre sur l’histoire du droit à Rome[3], à propos de la loi d’investiture de l’empereur Vespasien, note que : « la subordination du souverain à l’ordre légal est volontaire, seule sa ‘majesté’ pouvant lui faire ressentir comme une obligation un tel choix, qui demeure libre » [4]. De fait, l’empereur réunit dans ses mains tant la potestas que l’auctoritas. S’y ajoute l’imperium, que détenaient avant lui les magistrats républicains.

    La phrase de Mario Bretone ouvre une piste[5]. Quand il écrit, « seule sa ‘majesté’ pouvant lui faire ressentir comme une obligation » cela peut signifier qu’un empereur qui violerait les lois existantes pour son seul « bon plaisir » et non dans l’intérêt de l’État, perdrait alors la « majesté » qui accompagne l’imperium. Dans ce cas son assassinat deviendrait licite car le « dictateur » se serait mué en « tyran ». Et l’on sait que nombre d’empereurs sont morts assassinés, ou ont été contraints de se suicider. On pense entre autres à Néron ou à Caligula. On voit ici que les armes ne cèdent à la toge qu’à la condition que cette dernière soit digne, soit recouverte de la « majesté », un mot qui a un sens profond dans le latin juridique de l’Empire.

    Il ne s’agit pas de transposer directement des coutumes de la Rome antique dans les institutions de la France du XXIème siècle. Néanmoins, on comprend, à lire le Général de Villiers, que si les gages de la confiance ne sont pas donnés, cette confiance ne saurait être accordée, et le principe d’obéissance du militaire au civil pourrait donc être révoqué. Et ces gages ne sauraient être uniquement financiers. La relation de confiance, qui est une relation essentiellement politique apparaît comme brisée.

    Cela nous met en face d’une situation particulière qui découle de cette crise opposant le Général de Villiers au Président Macron. Pour la première fois, depuis fort longtemps, se pose donc la question de la « dignité » ou de la « majesté » du premier magistrat de la République. On voit ici que cette crise a partie lié aux déclarations scandaleuses du Président Macron à propos de la rafle du Vel’ d’Hiv’. Cette crise découle directement du comportement d’Emmanuel Macron, depuis sa récente élection.

    Il dépend de lui de mesurer rapidement l’ampleur des dégâts qu’il a commis, et de fournir les gages qui permettront à l’ensemble de la Nation, et donc à ses forces armées, de reconstruire une relation de confiance. Car, ce que le Général de Villiers appelle la confiance n’est rien d’autre que la légitimité, un principe sans lequel il n’y a plus de démocratie[6]. S’il manquait à le faire, il ouvrirait de fait une période de grande incertitude quant au fonctionnement des institutions, y compris le mandat présidentiel qui pourrait, dès lors, s’en trouver dès lors abrégé.

    Jacques Sapir (RussEurope, 19 juillet 2017)

     

    Notes :

    [1] Ou Cedant arma togae, première partie d’une citation de Cicéron, De Officiis (Des Devoirs), I, 22

    [2] https://www.facebook.com/notes/chef-détat-major-des-armées/confiance/1548451188570705/

    [3] Bretone M., Histoire du droit romain, Paris, Editions Delga, 2016

    [4] Bretone M., Histoire du droit romain, op.cit., p.216.

    [5] Sapir J., (Avec B. Bourdin et B. Renouvin) Souveraineté, Nation et Religion – Dilemme ou réconciliation ?, Paris, Le Cerf, 2017

    [6] Sapir J., Souveraineté, Démocratie, Laïcité, Paris, Michalon, 2016

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  • En marche vers l'échec...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de l'économiste Jacques Sapir cueilli sur RussEurope et consacré aux erreurs de la stratégie suivie par Emmanuel Macron et à l'échec auquel sa politique est vouée...

     

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    L’échec d’une politique

    Alors que le G-20 de Hambourg se termine, et après les deux discours d’Emmanuel Macron et d’Edouard Philippe, le premier au Congrès et le second devant l’Assemblée Nationale, l’ampleur de l’échec à venir de la Présidence Macron se dessine. Ce n’est pas un point anecdotique, et il ne peut s’agir d’un constat réjouissant, mais c’est un fait : ce Président, élu sur un malentendu et appuyé sur une majorité elle-même probablement la plus mal élue de la République, va plonger la France dans une crise profonde.

    Une diplomatie ingénieuse mais perdante

    Reprenons la chronologie. A Hambourg, Emmanuel Macron, et avec lui la France, a été inaudible. Bien entendu, la première rencontre personnelle entre Donald Trump et Vladimir Poutine a concentré l’attention. Mais, au-delà, la France n’a pu faire entendre sa voix. Cela confirme un constat que l’on pouvait déjà tirer après l’échec personnel pour Emmanuel Macron qu’avait représenté le sommet européen des 22 et 23 juin. Il y avait été incapable de faire prendre en compte des revendications, que l’on peut trouver restreintes et qui constituaient le socle minimal des demandes françaises, à ses collègues de l’Union européenne.

    La stratégie d’Emmanuel Macron se déploie en deux temps. Dans le temps diplomatique, il entend jouer les intermédiaires, les « go between » pour reprendre le titre d’un grand film de Joseph Losey, entre Donald Trump et Angela Merkel, afin de bâtir un rapport de force vis-à-vis de l’Allemagne. C’est le sens de l’invitation qu’il a adressée au Président des Etats-Unis, invitation que ce dernier a acceptée, à venir assister avec lui au défilé du 14 juillet. Ce n’est pas une mauvaise idée, n’en déplaise à Jean-Luc Mélenchon sur ce point mal inspiré, mais il est clair que cela n’aura que peu d’effets. Donald Trump, dont on dit souvent que le comportement est erratique, poursuit en réalité une politique claire de défense des intérêts de son pays. Et cette politique est aujourd’hui contradictoire avec celle de l’Allemagne. Ce n’est pas une place dans la tribune d’honneur qui y changera quelque chose, quoi qu’en dise certains journalistes. Angela Merkel, qui affronte avec sérénité des élections au mois de septembre prochain, n’a nullement l’intention, ni la volonté, de faire la moindre concession que ce soit à Donald Trump ou, indirectement, à Emmanuel Macron. En effet, aujourd’hui le cadre de l’UE de la zone Euro fonctionne à plein pour les intérêts des entreprises allemandes. Elle n’acceptera des changements que contrainte et forcée.

    Quand Macron imite la « force des forts »

    Sans doute inquiet de la tournure prise par le volet diplomatique de sa stratégie, Emmanuel Macron a décidé de mettre en œuvre un volet interne. C’est le sens du discours d’Edouard Philippe,mardi 4 juillet, devant l’Assemblée Nationale. Prenant prétexte de la « découverte » par la Cour des Comptes d’un trou de 9 milliards dans les estimations budgétaires, il a décrété un tournant austéritaire, un de plus, pour l’économie française. On peut certes s’étonner de la « découverte », quand on se rappelle qu’Emmanuel Macron fut le Ministre de l’économie jusqu’à l’été 2016. Il s’agit bien évidemment d’un prétexte.

    En annonçant des coupes importantes dans les dépenses publiques (80 milliards sur 5 ans), le gel du point d’indice des fonctionnaires qui ont pourtant perdu largement en pouvoir d’achat depuis dix ans, et diverses autres mesures dont bien entendu la fameuse réforme du Code du Travail dont les conséquences en matière de pouvoir d’achat serons considérables, Edouard Philippe assume ce tournant austéritaire. Mais, il n’en dit pas la véritable raison.

    En fait, ce tournant n’est nullement lié au problème relevé par la Cour des Comptes. Emmanuel Macron est persuadé, et sur ce point on peut lui faire crédit de sa sincérité, que c’est en appliquant cette politique, et en remettant la France dans une orthodoxie comptable (avec le respect strict de la règle des 3% du déficit), qu’il va construire sa crédibilité face à l’Allemagne et à Mme Angela Merkel. Cela revient à croire que c’est en s’imposant une purge amère que l’on peut être pris au sérieux. C’est un raisonnement d’enfant de 10 ans qui se dit, devant cette purge : « les adultes la prennent bien, si j’en suis capable, ils me prendront au sérieux ». Cette logique fut magnifiquement décrite il y a 100 ans par Jack London dans un de ses nouvelles, La Force des Forts [1]. Sauf que la politique internationale n’obéit nullement à ces règles enfantines. Elle implique des logiques d’alliances, avec des pays connaissant les mêmes problèmes que nous, et surtout elle implique que l’on nous croit capable de « casser la vaisselle ».

    L’impact d’une purge austéritaire

    Cette purge austéritaire va plonger la France dans un nouvel épisode de récession. Il suffit pour le comprendre de lire attentivement les statistiques économiques. Nous vivons aujourd’hui sur un « plateau », lié à l’amélioration du pouvoir d’achat qui s’est manifestée depuis l’hiver 2016. Mais, et les statistiques de l’INSEE l’indiquent clairement, la contraction relative des revenus nominaux associée à une (très petite) poussée d’inflation, va provoquer une détérioration du pouvoir d’achat à partir de la fin de l’année 2017. Si, en 2018, viennent se combiner à cette détérioration les effets des mesures d’austérité décidées par Edouard Philippe et les effets des mesures structurelles, dont celles concernant le Code du Travail, alors la consommation et le revenu disponible des ménages se verront amputés. Cela conduira à une nouvelle période de baisse de l’activité, tout comme la politique de François Fillon, ou le choc fiscal de François Hollande avaient eux-aussi conduit à des baisses d’activités, autrement dit à des hausses, plus ou moins importantes du chômage.

    On comprend que les français, dans leur grande majorité, soient plus que circonspects quand aux mesures promises et annoncées par Emmanuel Macron et Edouard Philippe. Mais, cette circonspection peut très vite se tourner en mécontentement de fond. Or, il faut toujours le rappeler, le Président Macron a été élu sur un malentendu, par défaut, et sa majorité a réuni la plus faible proportion des inscrits par rapport à son nombre effectif de députés. Dans ces conditions, le contexte d’une crise politique grave, d’une crise politique qui pourrait déboucher sur une crise de régime, est d’ores et déjà en place.

    L’accumulation de poudre dans la Sainte-Barbe du navire France n’implique pas, évidemment, que tout va sauter. Mais, danser dans cette Sainte-Barbe avec une torche à la main, ce qui est métaphoriquement ce que font tant Emmanuel Macron qu’Edouard Philippe, et La République en Marche, dont l’attitude à l’Assemblée nationale par son refus du pluralisme mais aussi de par l’inexpérience de nombreux de ses députés, pose un véritable problème à la démocratie, est une attitude profondément malsaine et irresponsable.

    Le problème posé aux pays de la Zone Euro et de l’Union européenne par la politique allemande est une réalité. Plutôt que d’imaginer que ce soit par l’imitation, voire par l’apaisement – oh mânes de Daladier et Chamberlain à Munich – que l’on pourra faire modifier le cadre politique qui étrangle tant la France que l’Italie et de nombreux pays d’Europe, il faudrait comprendre que c’est par l’affrontement et le démantèlement volontaire d’une bonne partie de ce cadre que l’on pourra faire changer les choses. C’est là que se situe la cohérence des politiques. Si l’on veut éviter que cela se fasse dans le chaos, il faut mettre en place de manière délibérée et réfléchie ce démantèlement avant que la crise n’éclate. Et l’on sent bien qu’elle couve, que ce soit en France ou en Italie.

    Mais, il faut aussi que les oppositions à la politique d’Emmanuel Macron et d’Edouard Philippe comprennent que, au-delà de divergences et d’oppositions qui peuvent être légitimes, elles ont aussi une responsabilité dans la situation actuelle. Car, la force du pouvoir d’Emmanuel Macron tient bien plus à la faiblesse et à l’impuissance politique de ses opposants qu’à une quelconque adhésion de la part des Français.

    Jacques Sapir (RussEurope, 8 juillet 2017)

     

    Note :

    [1] London J. : Les Temps Maudits, publié en français par 10-18 / UGE, Paris ; la nouvelle La Force des Forts ouvre ce recueil.

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  • Les premières semaines d’Emmanuel Macron vues par Alain de Benoist...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Alain de Benoist à Breizh info et consacré aux premières semaines d'Emannuel Macron comme président de la République... Philosophe et essayiste, éditorialiste du magazine Éléments, Alain de Benoist dirige les revues Nouvelle Ecole et Krisis et anime l'émission Les idées à l'endroit sur TV Libertés. Il a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017) ainsi qu'un recueil d'articles intitulé Ce que penser veut dire (Rocher, 2017) et une étude sur L'écriture runique et les origines de l'écriture (Yoran, 2017).

     

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    Pour Alain de Benoist, la réforme du code du travail pourrait entrainer des réactions violentes

    Breizh-info.com : Quelle est votre analyse, quelques jours après les élections législatives ? Que vous inspirent la nomination du nouveau gouvernement et les premières semaines d’Emmanuel Macron à la tête du pays ?

    Alain de Benoist : En refusant de se situer par rapport au clivage droite-gauche, afin de rassembler les « progressistes » et les libéraux de tous bords, Emmanuel Macron a accompli un double exploit : se faire élire président de la République dans les conditions que l’on sait et faire disparaître du paysage politique l’essentiel de l’ancienne classe dirigeante. Au-delà de l’ampleur de sa victoire aux élections législatives, ce qui frappe le plus, c’est l’ampleur du renouvellement qu’elle a provoqué. Le gouvernement est pour l’essentiel constitué de personnes inconnues du grand public (le plus souvent des énarques et des hauts fonctionnaires), et la vaste majorité des nouveaux députés, inconnus eux aussi, n’ont aucune expérience de la vie politique.

    Un pareil renouvellement, avec ce qu’il comporte de rajeunissement et de féminisation de la représentation nationale, ne s’était jamais vu dans toute l’histoire de la Ve République. Les deux anciens grands partis de gouvernement en sont les principales victimes : les socialistes sont réduits à l’état de groupuscule, les républicains sont en passe de se casser en deux, sinon en trois. C’est en cela, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, que l’élection de Macron représente un événement véritablement historique.

    Deuxième observation : le style Macron se précise, et tout donne à penser que l’homme est fondamentalement un autocrate. Le départ des ministres MoDem du gouvernement montre qu’il n’est pas homme à tergiverser. Il a fait accéder à la députation des hommes et des femmes qui n’ont pas été désignés par la base, mais sélectionnés d’en haut, selon des procédures d’embauche commerciale, par une commission à ses ordres. Ces nouveaux députés, plus inexpérimentés les uns que les autres, voteront comme un seul homme tout ce qu’on leur demandera de voter, à commencer par le recours aux ordonnances. Avec un Parlement transformé en simple chambre d’enregistrement, le renouvellement dont se réjouissent tant les médias se traduira donc par la neutralisation du pouvoir législatif.

    Breizh-info.com : L’abstention équivaut au fait que dix régions administratives sur treize ne seraient pas allées voter. La France est-elle en état de sécession avancée ?

    Alain de Benoist : L’abstention a effectivement battu tous les records (51 % au premier tour, 57,4 % au second). Mais, comme l’a dit Mélenchon, une vague d’une telle importance a un sens. Elle n’exprime pas seulement une lassitude bien compréhensible à l’issue d’une séquence électorale à six tours, voire le fatalisme et le sentiment que les jeux étaient faits d’avance (« après tout, on verra bien comment il va s’y prendre »). Elle ne touche pas indistinctement tous les milieux. Ce qui importe est donc de savoir qui s’est abstenu. Or, la réponse est claire : ce sont essentiellement les classes populaires qui se sont abstenues, et les classes supérieures qui ont le plus voté.

    On a pu dire qu’avec les nouveaux députés LREM, c’est la « société civile » qui entre au Parlement. C’est un leurre – qui traduit d’ailleurs bien ce que la classe dominante entend par « société civile ». Presque tous les nouveaux impétrants appartiennent aux professions libérales et aux classes supérieures (CSP +). Les classes populaires, pour ne rien dire des ouvriers, ne sont tout simplement pas représentées. Le bloc libéral macronien, pour reprendre l’expression des économistes Bruno Amable et Stefano Palombari, c’est le « bloc bourgeois ».

    La base sociale de LREM reste de ce fait très fragile. Les députés macroniens peuvent bien détenir la majorité absolue à l’Assemblée nationale (306 sièges sur 577), ils ne représentent que 13 ou 15 % de l’électorat. Cela signifie que le « bloc bourgeois », quoique politiquement majoritaire, reste socialement minoritaire. Si l’on additionne les abstentions, les votes blancs et les votes nuls, il n’est pas exagéré de dire qu’une majorité de Français se trouvent aujourd’hui en état de sécession. Et que la ligne de fracture recoupe largement les frontières de classe.

    Breizh-info.com : La réforme du Code du travail ?

    Alain de Benoist : Elle vise, comme on le sait, à renverser la hiérarchie des normes existantes. Alors que jusqu’à présent le principe du droit du travail était que toute norme inférieure devait être conforme ou compatible avec la norme supérieure (ce qui signifiait qu’on ne pouvait pas accorder aux salariés moins que ce que prévoyait la norme supérieure), Emmanuel Macron veut faire en sorte que les accords d’entreprise priment désormais sur le contrat de travail défini par les normes nationales, les accords de branche ou les négociations collectives, ce qui permettra de déroger à la loi grâce à des accords d’entreprise que les salariés, n’étant plus en position de force, devront souvent approuver sous menace de licenciements ou de délocalisation.

    Sous prétexte de baisser le « coût du travail », l’objectif est de généraliser la « flexibilité », c’est-à-dire la précarité, de faire disparaître un certain nombre de protections sociales, d’aboutir à une baisse générale des rémunérations, et subsidiairement de plafonner les indemnités en cas de licenciement abusif. Avec ces « réformes structurelles », il s’agit donc de démanteler les fondements mêmes du droit du travail afin de soumettre les salariés aux exigences du capitalisme actionnarial, conformément aux vœux de la Commission européenne et du patronat. On favorisera ainsi le dumping social et l’on multipliera les « travailleurs pauvres » à l’exemple de ce qui s’est passé en Angleterre et en Allemagne. Mais on ne résoudra pas pour autant le problème du chômage, car la baisse ou la stagnation du pouvoir d’achat pèsera sur la demande, et la baisse de la demande fera que les entreprises n’auront pas de motif d’embaucher.

    Il est peu probable que cela ne suscite pas des réactions qui pourraient être violentes. On peut d’ailleurs se demander si le projet macronien d’intégration dans le droit pénal ordinaire de mesures d’exception destinées à lutter contre le terrorisme ne vise pas surtout à donner au gouvernement des moyens supplémentaires de faire face aux remous sociaux.

    Breizh-info.com : Un mot sur le Front national, qui a obtenu huit députés. Le système n’a-t-il pas intérêt, de fait, à favoriser l’immobilisme avec un FN maintenu en vie, grâce à des subventions financières, et l’impossibilité de l’émergence de toute autre force d’opposition pendant cinq ans ?

    Alain de Benoist : Le système a surtout besoin de contenir les « extrêmes » en gonflant au maximum le groupe central qui vient de s’installer au pouvoir, même si la base sociale de celui-ci est extrêmement réduite. Cela dit, la recomposition en cours n’épargnera la famille politique qui se reconnaît aujourd’hui dans le Front national. A certains égards, le FN apparaît désormais, à l’instar des ex-grands partis aujourd’hui en déclin, comme un héritage du passé. C’est un parti de l’ancien monde. Cela vaut pour tous les partis et tous les mouvements de type classique, avec leur système d’adhésion vieillot, leurs congrès annuels, leurs motions de synthèse, etc. Cette forme politique-là est aujourd’hui épuisée.

    Beaucoup de voix appellent actuellement à la refondation d’un « grand parti de droite ». C’est assez paradoxal à un moment où chacun peut constater que la victoire de Macron tient avant tout au fait qu’il a su dépasser le clivage gauche-droite en se situant d’emblée dans une perspective contre-populiste. Macron a su surfer sur ce qui constitue aujourd’hui le nouveau clivage majeur, « perdants versus gagnants de la mondialisation », comme le dit Jérôme Fourquet, qui ajoute que ce nouveau clivage, qui travaille aujourd’hui en profondeur tous les pays européens, « a désormais pris suffisamment de force pour supplanter la traditionnelle opposition gauche-droite ». Cela n’interdit pas, bien sûr, de rêver à une future alliance de Marion Maréchal-Le Pen, Laurent Wauquiez et quelques autres. On verra ce qui en sortira.

    Breizh-info.com : Daech vient de détruire à l’explosif la mosquée Al Nouri de Mossoul, pourtant l’un des joyaux de l’islam. Comment expliquez-vous cette propension à faire table rase du passé, y compris de leurs symboles, chez les islamistes ?

    Alain de Benoist : La destruction de la mosquée Al Nouri s’explique en fait par des raisons de circonstances : les gens de Daesh ne voulaient tout simplement pas que les forces irakiennes régulières s’en emparent. La destruction de Palmyre était plus significative. La propension à faire table rase du passé, en détruisant tout ce qui en maintient le souvenir, tout ce qui témoigne d’un avant, est une attitude classique chez ceux qui s’imaginent pouvoir inaugurer de manière absolue une nouvelle page d’histoire. L’avenir est radieux, le passé est haïssable ou honteux. Les témoignages du passé, à commencer par les monuments, doivent disparaître parce qu’ils rappellent qu’il existait auparavant une autre façon de vivre, de voir et d’habiter le monde.

    Aux premiers siècles de notre ère, les chrétiens ont systématiquement détruit des milliers de statues et de temples antiques. La Révolution française s’est pareillement attaquée aux « symboles de la tyrannie ». L’idéologie du progrès, même si elle n’a pas entraîné les mêmes ravages, repose elle aussi sur la dévaluation de principe de l’hier. Dans le cas de certains monothéismes, la prescription iconoclaste aggrave encore les choses. Au bout de la chaîne, on en arrive à ces jeunes qui disent : « Ca ne m’intéresse pas, puisque quand ça a eu lieu je n’étais pas né ». Vieux désir maladif de vouloir tout (re)construire, y compris soi-même, à partir de rien.

    Breizh-info.com : Un homme a récemment attaqué une mosquée à Londres. L’Angleterre, et plus globalement l’Europe de l’Ouest, sont-elles en voie de guerre civile ?

    Alain de Benoist : Des incidents de ce genre sont appelés à se multiplier. Ils sont éminemment contre-productifs, puisque cela permet aux pouvoirs publics de vanter encore un peu plus les vertus du « vivre ensemble » et aux islamistes radicaux de faire monter une pression dont ils espèrent tirer profit. De là à y voir le signe avant-coureur d’une guerre civile il y a de la marge. La première condition de possibilité d’une véritable guerre civile, opposant des factions opposées d’une même population (si ce n’est pas la même population, ce n’est pas une guerre civile), c’est l’effondrement de fait de tous les pouvoirs institués. Nous n’en sommes pas encore là.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Yann Vallerie (Breizh info, 28 juin 2017)

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  • Rélexions après la défaite...

     Nous reproduisons ci-dessous un point de vue Javier Portella, cueilli sur Polémia, dans lequel il analyse les raisons de l'échec du mouvement national et de sa stratégie populiste de conquête du pouvoir...

    Javier Portella est l'auteur d'un essai remarquable intitulé Les esclaves heureux de la liberté (David Reinarch, 2012).

     

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    Réflexions après la défaite

    Que se passerait-il si jamais, d’aventure, on gagnait les élections ? Posons-nous la question maintenant qu’on vient de les perdre. Et on vient de les perdre lorsque, pour la première fois depuis des décennies, un germe d’espoir, un embryon de changement – et changement profond, radical : non pas un simple ravalement de façade – avait vu le jour en Europe. Dans trois pays et à trois reprises consécutives – l’Autriche, les Pays-Bas et, la plus retentissante, la France – il semblait que des partis alternatifs avaient de grandes chances de remporter la victoire. Aucun ne l’a fait. Davantage, les résultats de Marine Le Pen ont été, surtout après son calamiteux débat télévisé, inférieurs à ce qu’on entend par une défaite honorable.

    Et pourtant, jamais l’ambiance culturelle, intellectuelle, n’a été aussi favorable aux idées politiquement incorrectes, rebelles, iconoclastes : en rupture avec le Système. L’ambiance culturelle, spirituelle, certes… Mais, et l’ambiance sociale ? Brisant l’hégémonie exercée pendant des décennies par le marxisme et remplissant le vide laissé par une pensée de droite tout simplement inexistante, de grandes figures des lettres et de la pensée sont apparues qui tiennent le haut du pavé : les Houellebecq, Zemmour, Finkielkraut, Onfray… dont les livres se vendent par des centaines de milliers d’exemplaires et auxquels on peut désormais joindre un Alain de Benoist de moins en moins démonisé. En même temps, et grâce à Internet, tout un large réseau de médias alternatifs – la « réinfosphère », appelée par ses adversaires la « fachosphère » – accomplit la grande tâche de réinformer en brisant le monopole exercé par les médias au service du Système.

    Face à une telle situation, comment ne pas exulter, ne pas jubiler ? Notre joie était, et elle demeure, toujours légitime ; mais si les choses sont envisagées à court terme, elle est trompeuse aussi. Pour importante que soit la réinfosphère, elle est comme une goutte d’eau perdue dans l’océan des médias éléphantesques que nous subissons. Et en ce qui concerne la pensée exprimée par des intellectuels talentueux et pleins de succès, c’est évidemment de pensée, d’idées, qu’il s’agit : quelque chose qui est on ne peut plus éloigné des inquiétudes de l’électeur moyen – celui dont l’addition ouvre les portes du pouvoir.

    Cela étant, comment envisager sérieusement que cette addition puisse atteindre, ne serait-ce qu’une fois, les 50,1% des voix qui mènent au paradis (ou à l’enfer) du pouvoir ?

    La chose semble impossible, ce qui est d’ailleurs tout à fait logique : le seul sens de la démocratie est de régler l’accession au pouvoir des forces qui, partageant la vision libérale du monde, configurent le Système. Ni la démocratie ni aucun autre Système n’ont pour mission de faciliter l’accession au pouvoir à ceux qui prônent une vision radicalement différente de celle qui façonne le monde.

    Or, ce n’est pas là ce que disent la doctrine, la loi et la propagande libérales. Elles disent même tout le contraire. D’un point de vue légal, affirment-elles, et elles ont raison, aucune alternative, aucun projet n’est supérieur aux autres. Le manteau du droit les enveloppe tous de la même façon. Rien, dès lors, n’empêche que des opposants au Système parviennent un jour à obtenir ce 50,1% des voix qui mène au pouvoir. D’un point de vue légal, en effet… Mais la loi c’est la loi, et la réalité, la crue réalité. Si l’on s’en tient à cette dernière et au pouvoir de ceux qui y sont aux commandes, il est clair qu’une telle possibilité semble invraisemblable. Supposons, toutefois, qu’elle ne le soit pas. Supposons qu’au moins à une occasion le miracle s’accomplisse. Que passerait-il une fois que les rebelles auraient atteint le pouvoir ?

    Le deep State

    Il se passerait… cela même qui est en train de se passer aujourd’hui aux Etats-Unis – et se serait passé en France si Marine Le Pen avait remporté les élections. Il se passerait que les rebelles parvenus au pouvoir se trouveraient dans l’impossibilité de l’exercer. Comme cela est en train d’arriver à ce curieux milliardaire qu’est Donald Trump. Sa rébellion n’est, bien entendu, que fort partielle : grand capitaliste, l’homme applique et défend… le capitalisme, en même temps qu’il s’en prend aux idéologies (féminisme, idéologie de genre, multiculturalisme migratoire…) dont le Système se drape aujourd’hui, tout en combattant la mondialisation économique et culturelle que celui-ci met en œuvre. Pour ce faire, Trump prend des mesures qui sont jour après jour boycottées par l’appareil de l’Etat (auquel se joignent les pouvoirs financier et médiatique). Il se heurte de la sorte à tout ce deep State qui finira, soit par chasser Trump avec un impeachement, soit par réussir que ce soit lui-même qui, s’accrochant tel un naufragé à son radeau, dénature ou cesse d’appliquer les politiques pour lesquelles il a été élu.

    Quelle naïveté !… Comment peut-on croire qu’il en aille autrement ? Comment peut-on imaginer qu’il suffise d’atteindre 50,1% des voix pour que tout un Système – économique, politique, médiatique, social… et mental – change paisiblement de peau, transforme sa chair, renouvelle son sang ? Comme si les maîtres du pouvoir étaient assez sots pour le lâcher sans plus ! Des transformations d’une telle envergure n’ont jamais été faites ni ne se feront jamais à travers de simples victoires électorales. Celles-ci ne peuvent, tout au plus, qu’apporter un soutien ou une concrétisation à tout un processus qui a un nom aussi clair que bien connu : révolution.

    Mais la révolution que notre monde exige s’il veut être sauvé n’est pas l’affaire d’un jour. Ou d’un soir : elle n’est pas l’affaire du Grand Soir dont tous les révolutionnaires rêvent, que ce soit du Grand Soir d’une victoire électorale, ou du Grand Soir de la prise du palais présidentiel. Dans les deux cas, l’approche est au fond la même : plus élégante et moins sanglante dans le premier cas, c’est tout.

    Sommes-nous vraiment conscients de l’enjeu, proprement extraordinaire, dans lequel notre monde se débat ? J’en doute, car si nous en étions vraiment conscients, l’impatience nous tarauderait bien moins. La clairvoyance et la patience seraient alors nos alliées ; elles découleraient de la prise de conscience d’un enjeu si colossal qu’il nous rapproche, par son envergure, des deux principaux processus révolutionnaires que notre civilisation a connus : le processus par lequel le monde de l’Antiquité devint le monde chrétien, et celui par lequel le monde aristocratique devint le monde démocratique et bourgeois – des choses qui ne furent certainement accomplies ni lors d’un Grand Soir ni lors de cent. Dans le premier cas, le processus dura quatre siècles (dès la naissance du Christ jusqu’à l’édit de Théodose en 380) ; dans le deuxième cas, même si le processus ne se concrétisa que lors de la dernière décennie du XVIIIe siècle et les premières du XIXe, c’est l’ensemble des Temps Modernes qui peuvent être considérés comme un sourd, lent acheminement vers sa réalisation.

    Le grand enjeu du monde d’aujourd’hui

    Tout un profond processus de changement mental, social, idéologique est aujourd’hui en jeu. (Qu’il soit en jeu, il n’y a pas de doute, mais rien ne peut nous dire avec certitude ni qui finira par emporter la partie, ni dans combien d’années… ou de décennies celle-ci prendra fin.) Or, si ce qui est en jeu est tout un processus qu’on peut qualifier de révolutionnaire, celui-ci a très peu à voir avec ce qu’on entend couramment par révolution : celles, notamment, des XIXe et XXe siècles. D’une part, il n’y a plus ici le sectarisme, la prépotence et l’autoritarisme qui ont tellement marqué l’esprit révolutionnaire de ces temps-là. Et ce qui est tout aussi important : on a cessé de croire au Grand Soir, on a compris (même si les anciennes inerties font que, parfois, on se fasse sottement des illusions) que le monde ne saurait être transformé ni en gagnant des élections ni en prenant d’assaut le Palais d’Hiver. Transformer le monde de fond en comble, cela ne se fait pas par la simple action politique. Cela se fait à travers un long travail de ce qui a reçu le nom de métapolitique : en modifiant les mentalités, en influençant les espoirs, en marquant les sensibilités.

    Or, toutes ces actions étant faites au moyen de la parole, on a fini par croire que celle-ci suffit à la besogne – et ce n’est pas du tout le cas. Aussi persuasif qu’un discours puisse être, il ne suffit pas de le déployer pour qu’un nouveau consensus social voie le jour. La parole est indispensable, mais insuffisante aussi. Si, dans la Rome hostile, les chrétiens s’étaient par exemple bornés à leurs prêches et sermons, le monde n’aurait jamais été transformé comme il le fut grâce à l’action de ceux qui, outre des sermons, parvinrent à mettre sur pied toute une extraordinaire infrastructure axée sur la philanthropie active. C’est l’empereur Julien (« l’Apostat », comme l’Eglise le surnomme) qui le reconnaît lui-même, et c’est Louis Rougier qui le souligne en rappelant que « les nombreuses institutions d’assistance et de bienfaisance que les églises avaient fondées, alimentées par les donations des riches, contribuèrent pour beaucoup au triomphe du christianisme » (*).

    Alimentées par les donations des riches… Voilà l’autre aspect de la question. Nul doute que les pauvres (aussi bien ceux dépourvus de biens matériels que les pauvres d’esprit auxquels le royaume des cieux est promis) constituèrent le socle social du christianisme naissant ; mais si les nouvelles idées et croyances n’avaient pas touché aussi une fraction importante des élites romaines, leur triomphe eût été impossible. Comme il eût été également impossible le triomphe des Lumières et de la Révolution si leurs idées et aspirations n’avaient été que l’affaire des bourgeois et du petit peuple ; si la nouvelle vision du monde, autrement dit, ne s’était pas également glissée au sein d’une aristocratie qui n’imaginait pas un seul instant – parfois l’Histoire aime bien à se moquer – que leurs têtes seraient coupées et leur pouvoir renversé.

    C’est si évident !… Il est impossible de renverser tout un système articulé d’idées et de valeurs si les élites qui l’incarnent ne sont pas contaminées, d’une façon ou d’une autre, par les nouvelles idées qui frappent à la porte. D’où la question, décisive : qu’en est-il parmi nous ? Il n’en est rien. Nos élites – misérables et indignes, mais qui se tiennent aux commandes – sont pures, incontaminées : nulle influence n’est exercée sur elles par les idées qui sont en train de germer. Reconnaissons cependant que s’il en est ainsi, c’est aussi parce que personne, parmi nous, n’a jamais songé à gagner, peu ou prou, les élites à nos idées – comme le christianisme gagna (partiellement, certes) l’aristocratie de Rome, et le libéralisme, celle de l’Europe.

    Le « peuple périphérique » et « le peuple central »

    D’une part, les élites ; d’autre part, le peuple. En effet. Seul le peuple peut devenir le grand moteur permettant qu’un jour se voient concrétisés les profonds changements que tout cela implique. Le peuple, les braves gens frappés par la crise et la mondialisation ; les couches populaires qui connaissent encore l’attachement à la terre, le respect des traditions, l’amour de la patrie (ou de ce qu’il en reste). « Des braves gens, disait le poète Antonio Machado, qui vivent, travaillent, passent et rêvent » ; des gens qui, « s’il y a du vin, ils en boivent, sinon ils boivent de l’eau fraîche ». Des braves gens qui, éloignés des monstres urbains et établis dans ce qui reste de la campagne ou dans les petites et moyennes villes de province – dans « la France périphérique », comme l’appelle Christophe Guilluy –, sont toujours attachés à « la décence commune » dont parlait George Orwell.

    Des braves gens, des gens simples et bons. Ce sont eux – « les déplorables », comme les qualifiait Hillary Clinton – qui ont porté Donald Trump au pouvoir (non : pas au pouvoir, nous l’avons déjà vu ; rien qu’à la présidence). Ce sont eux aussi qui ont voté pour Marine Le Pen.

    Il suffit pourtant de rappeler de tels faits, et les choses se compliquent considérablement. Car si la confrontation se passe entre « le peuple » et « les élites » ou, en termes territoriaux, entre « les provinces » et « les métropoles », ou entre « la périphérie » et « le centre », il en découle qu’il y a bien un autre peuple aussi : celui qui, occupant cet « espace central » que sont les grandes villes et ayant un nombre d’habitants égal, sinon plus grand que celui du « peuple périphérique », apporte son soutien à nos élites ignobles et dépravées. On pourrait même dire, au vu d’une telle servitude volontaire, que ce peuple fait même partie des élites : non pas de leur pouvoir, non pas de leur train de vie, mais bien de leur esprit, de leurs craintes et envies. Ou est-ce peut-être qu’ils ne font pas partie du peuple, tous ces petits gens qui à New York, à Los Angeles, à Philadelphie… se sont massivement mis au côté d’Hillary Clinton et de ce qu’elle représente ? Est-ce qu’ils ne font pas partie du peuple, tous ces employés et scribouillards, fonctionnaires, ouvriers (moins qu’avant, mais il en reste encore), boutiquiers, étudiants, travailleurs indépendants, petits entrepreneurs… de Paris, dont seulement 50.000 misérables voix ont été rassemblées par Marine Le Pen au premier tour des élections, tandis qu’au second tour ce même peuple de Paris plébiscitait le représentant de la ploutocratie mondialiste et apatride, Emmanuel Macron, avec rien moins que 95% des voix ? Tous ces gens-là, loin d’être des braves gens, seraient-ils des mauvaises gens : du peuple devenu de la racaille ?

    La racaille est bien là : celle des bandes de jeunes délinquants souvent venus d’ailleurs ; celle de nombreux migrants, arabes ou noirs, qui, avec ou sans sa carte d’identité en poche, ne se sentent pas français mais n’en font pas moins partie, dans une approche populiste stricto sensu, du peuple de Paris ou de celui de n’importe quelle grande ville. Mais ce ne sont pas eux qui importent ici. Ce ne sont pas eux qui composent (pour l’instant) la majorité de la population.

    Or, c’est la majorité de la population – le centre, et non seulement la périphérie – qu’il faut conquérir. Sans faire de concessions, bien sûr, mais avec l’intelligence nécessaire pour leur faire comprendre plusieurs choses d’une extrême importance.

    Pour leur faire comprendre, par exemple, que faire de l’argent, entreprendre des affaires, c’est légitime, c’est nécessaire. « Enrichissez-vous ! », comme disait François Guizot, le ministre de Louis-Philippe. Enrichissez-vous, mais avec bon sens et modération : en fuyant l’hubris, la démesure que les Grecs craignaient comme la peste et qui conduit, entre autres, à nous écraser, nous qui ne nous enrichissons ni ne le prétendons, mais qui n’avons pas pour autant à nous appauvrir (ou à tomber dans la précarité : cette pauvreté de nos jours). Ce n’est pas la richesse qu’il faut fuir ; c’est cette démesure qui fait qu’aussi bien les oligarques que leurs victimes considèrent les richesses et l’enrichissement comme le destin même de l’Humanité : un destin qui a dès lors pour seul attrait l’hédonisme plat et vulgaire qui, réduisant tout à un « bonheur » fait d’argent, consommation et divertissement, ignore tout devoir et toute contrainte.

    Fuyons un tel hédonisme, mais ne tombons pas pour autant dans l’ascétisme et ses rigueurs ; assumons, par contre, la seule joie grande et véritable : celle de ceux qui, sachant se sacrifier quand il le faut, savent également jouir dans la joie et dans la volupté.

    Il s’agit finalement de faire comprendre à tous, aussi bien au peuple corrompu par les élites qu’à la partie de celles-ci dont les oreilles ne seraient pas encore tout à fait bouchées, que nous sommes tous embarqués sur le même bateau, attelés au même sort : celui de vivre et de mourir sans la sûreté d’un port à atteindre, plongés dans le va-et-vient et les incertitudes d’un monde qui, dépourvu d’appuis auxquels s’attacher et de Destin auquel se vouer, doit et peut trouver dans une telle indétermination – mais à la condition de déployer des doses extrêmes de courage et d’endurance – le plus haut destin dont on puisse rêver.

    Tant qu’à faire comprendre des choses (à propos, combien de fois a-t-on essayé d’expliquer de telles choses aux gens ?), il faut également faire comprendre – à tous : aux élites, au « peuple central » et au « peuple périphérique » – que, certes, nous sommes conservateurs ; certes, nous affirmons la tradition, ce lien avec nos ancêtres qu’il est indispensable de conserver. Mais conserver… quoi, au juste ? Ce qu’il faut absolument conserver, ce sont les grandes valeurs de notre culture, de notre civilisation, mais en jetant par-dessus bord – hé oui, nous sommes aussi révolutionnaires ! – tout ce qu’il faut rejeter du rance, guindé, étriqué esprit conservateur. Qu’ils soient rassurés, les hommes et les femmes libres qui craignent pour leur liberté : ni le puritanisme ni le rigorisme ne vont marquer le monde nouveau qu’entre tous… ou luttant entre tous nous allons tôt ou tard forger.

    Qu’ils soient également rassurés ceux qui, attachés aux droits de l’individu, craignent qu’à force d’affirmer la dimension collective de l’existence – la patrie, l’enracinement historique… : ces choses qui les énervent tellement –, ce soit l’autonomie individuelle qui en pâtisse ou se voie anéantie. Qu’ils se rassurent : c’est exactement tout le contraire qui se passe. C’est lorsque les liens collectifs se voient dissous, c’est lorsqu’il se produit la perte de cette continuité temporelle qu’est l’histoire d’un peuple ; c’est lorsque l’homme reste tout nu et dépourvu de destin, voué à la mort ; c’est, en un mot, lorsque l’homme apatride règne, que le royaume des hommes libres – ces personnalités fortes et différenciées – se voit remplacé par le grand amoncellement de l’homme masse, indifférencié et impersonnel : cette sorte de zombi grégaire qui va errant d’aéroport en aéroport, de ville en ville, de haute tour de bureaux en haute tour d’appartements dans un monde aussi indistinct que mondialisé, dépourvu d’histoire, privé de personnalité.

    Ici aussi il faut pourtant préciser les choses, tout comme elles l’ont été lorsque différents travers de l’esprit conservateur ont été chassés. Il y en a encore un qu’il faut repousser : le chauvinisme, cette hubris faite de fanatisme, bourrée d’outrances, qui, croyant défendre la patrie, ne fait que l’embourber dans la fange d’une vanité aussi pompeuse que creuse ; dans une vulgarité sectaire et grossière qui fait que les chauvins, se prenant pour les coqs du village, méprisent et harcèlent leurs voisins, ceux qui appartiennent, pourtant, à leur même lignage, ceux avec lesquels ils partagent, en Europe du moins, un même mais différencié destin.

    Le chauvinisme, cette peste qui, s’étant emparée de l’Europe, la détruisit il y a un siècle, ne peut être vaincu ni par l’individualisme mondialisé ni par l’atomisme indifférencié. Le chauvinisme ne peut être vaincu que par les liens de la communauté qui embrassent et, en embrassant, libèrent ; et en prodiguant leur chaleur, agrandissent. Rappelons de telles choses aussi bien au « peuple périphérique » qu’au « peuple central ». Au premier, à ce peuple qui croit encore à un destin collectif, pour éviter que la tentation chauvine (même si aujourd’hui on ne peut la déceler nulle part) ne puisse un jour s’emparer à nouveau de lui. Rappelons de telles choses à l’autre peuple aussi, à celui qui dans les grandes villes surtout ne croit plus à rien. Faisons tout pour le convaincre que ce n’est qu’en assumant les liens de son destin collectif qu’il pourra sortir de la mort qui nous laisse nous tous – nous aussi, car aucune communauté ne peut s’asseoir sur une seule moitié de sa population – nus et sans rien.

    Javier Portella (Polémia, 28 mai 2017

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