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drogue - Page 2

  • Bienvenue dans les guerres de l'ombre...

    Les éditions Gallimard viennent de sortir, dans leur collection Série noire, le premier tome de Pukhtu, un polar géopolitique signé par DOA. Auteur de polars particulièrement bien informés et documentés, DOA a notamment publié Citoyens clandestins (Gallimard, 2007) et Le serpent aux mille coupures (Gallimard, 2009). On retrouve dans Pukhtu quelques uns des personnages croisés dans Citoyens clandestins.

    A lire absolument pour découvrir un peu de l'envers du décor...

     

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    DOA, les racines du mal

    Tous les dix ans, à peu près, l'amateur de roman noir mâtiné de thriller est confronté à un ovni (objet violent non identifié). En 1995, ce fut American Tabloid de James Ellroy et les années Kennedy passées au Kärcher d'une plume déjantée. Une décennie plus tard, un autre Américain, Don Winslow, publiait The Power of the Dog (La Griffe du chien), encore un livre choc, cette fois sur fond de trafic de drogue international.

    Aujourd'hui, voici la synthèse des deux, Pukhtu primo, signé DOA. Pukhtu est un terme qui désigne l'une des valeurs essentielles du peuple pachtoune, l'honneur personnel. Primo signifie que ce monstre de papier sera suivi d'un petit frère d'ici à quelques mois. DOA (pour Dead On Arrival) est le pseudonyme choisi par cet auteur, également scénariste à ses heures, qui a marqué les dernières années avec une poignée de romans sous tension, dont deux sur quatre, Citoyens clandestins en 2007 et L'Honorable Société, en 2011 (écrit avec Dominique Manotti), ont été couronnés par le grand prix de littérature policière.

    Une quête incertaine

    Pukhtu se déroule un peu en Afrique, en France, au Kosovo et beaucoup en Afghanistan et dans les zones ou régions tribales du Pakistan. Le roman s'ouvre le 14 janvier 2008 et s'achève le 11 septembre de la même année. Un attentat dans un hôtel prétendument sécurisé de Kaboul d'un côté. Une cérémonie à Ground Zero, sur les lieux de l'attentat du World Trade Center, de l'autre. Entre les deux, des histoires d'honneur bafoué et de guerre religieuse, de trafics de drogue et d'armes, d'embuscades et d'attentats, de manipulations et de corruption, de torture et d'assassinat. Face à face, ensemble, alliés, ennemis, des clans, des milices, des agences de renseignement, des forces spéciales, des paramilitaires, des troupes régulières, des journalistes. Au milieu de ces hommes violents, des civils afghans victimes de trente années d'occupation et de règlements de comptes.

    La lecture de cette fresque est d'autant plus passionnante (et rude) qu'elle repose sur des situations, des chiffres, des faits, réels. Mais, comme chez Ellroy, bien difficile de faire la part du vrai et du faux. Et qui s'en soucie? Voici des hommes et des femmes engagés dans une quête incertaine. Pour les uns, il s'agit de recouvrer l'honneur, d'assouvir une vengeance. Pour d'autres, le moteur a pour nom «pouvoir» ou «argent» ou les deux. D'autres encore aiment la guerre, les sensations fortes. Enfin, certains sont perdus, déboussolés, et la rencontre d'une femme afghane très belle malgré son visage abîmé les fait rêver d'une possible rédemption.

    DOA entremêle les récits, les scènes d'action, les rapports militaires, avec une habileté de vieux roublard, aidé par des «professionnels silencieux» remerciés en fin d'ouvrage. Quel autre écrivain français du moment a le courage ou la folie de se lancer dans une telle entreprise romanesque?

    Bruno Corty (Le Figaro, 26 mars 2015)

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  • Lazaret...

    Les éditions L'Age d'Homme ont eu la bonne idée de rééditer, dans leur collection Revizor, Lazaret, un roman d'anticipation sombre d'Alain Paucard, qui avait été publié initialement en 1990. Nous reproduisons ci-dessous la recension que Christopher Gérard lui a consacré sur le site de Causeur.

    Anar de droite et ronchon, Alain Paucard est un polémiste, amateur de vieille pierre et de chanson française, à qui l'on doit, entre autres, Les criminels du béton (Les Belles Lettres, 1991), La crétinisation par la culture (L'Age d'Homme, 2000), Tartuffe au Bordel (Le dilettante, 2013), La France de Michel Audiard (Xénia, 2013) ou encore Paris, c'est foutu ! (Jean-Cyrille Godefroy, 2013). 

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    La résurrection de Lazaret

    Auteur d’un Manuel de résistance à l’art contemporain, des Carnets d’un obsédé et d’une trentaine d’autres romans et pamphlets, Alain Paucard (XIVème arrondissement) est aussi le président à vie du Club des Ronchons, dont firent partie Pierre Gripari et Jean Dutourd. Ce chantre du Paris populaire et des filles de joie, cet admirateur de Guitry et d’Audiard s’était amusé naguère à composer une sorte d’uchronie, que réédite L’Age d’Homme  - louée soit Son infinie sagesse.

    Sous les oripeaux de la série B transparaît le conte philosophique, pas vraiment rousseauiste, même si, dans une autre vie, l’auteur fut proche du Komintern (ou quelque chose d’approchant). Dans un Paris à peine futuriste où règne un strict apartheid spatial, le quartier de la Défense, qui symbolise l’enfer sur terre (Le Corbusier et consorts étant considérés par l’auteur comme des criminels de béton) est devenu une sorte de ghetto – le lazaret – réservé non aux lépreux mais aux héroïnomanes, parqués manu militari et livrés au pouvoir de kapos sans scrupules. Trois castes y coexistent ( ?) : les maîtres, qui contrôlent la poudre obligeamment fournie par le Ministère de la Santé ; les esclaves, qui travaillent et les larves, qui meurent. Le lecteur y suit à la trace trois nouveaux-venus, raflés par la police et transportés dans cette jungle urbaine où règne la force brute.

    C’est peu dire que Paucard jubile quand il décrit, dans une langue ferme et emplie d’un tranquille cynisme, les atroces jeux de pouvoir qui se déroulent dans ce lazaret. Pourtant, le destin veille et l’horrible pyramide vacille. Unhappy end garantie. Sacré Paucard !

    Christopher Gérard (Causeur, 26 avril 2014)

     

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  • Astérix, national-socialix ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un excellent billet d'humeur de Coralie Delaume, cueilli sur Causeur et consacré à une chronique délirante de Michel Serres diffusée sur France Infos le 18 septembre... Les aventures d'Astérix le Gaulois, la célèbre bande-dessinée, seraient un vecteur du fascisme et du nazisme ! Il faut évidemment écouter cette chronique intitulée Astérix pour se persuader qu'on ne rêve pas ! ... L'absence d'humour des curés du politiquement correct est consternante...

     

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    Astérix, national-socialix ?

    « Tintin au Congo, BD raciste », on connaissait. Cette blague belge est inscrite dans notre patrimoine indignatoire depuis belle lurette. Ce qu’on savait moins, en revanche, c’est qu’il existe nombre d’autres bandes dessinées nazies. Tour d’horizon :

    Il y a quelques mois, un génie trop injustement méconnu publiait un Petit livre bleu dans lequel il livrait la quintessence de sa pensée politique. Pour lui, « la société des Schtroumpfs est un archétype d’utopie totalitaire empreint de stalinisme et de nazisme ». Le grand Schtroumpf? Une représentation de Marx. La Schtroumpfette? Une potiche blonde dégoulinante d’une niaiserie toute antiféministe. Quant au méchant sorcier, ennemi juré des lutins bleus, il est laid, avare et affublé d’un nez crochu « comme les capitalistes occidentaux dans la propagande communiste, Gargamel est mû par la cupidité, l’intérêt égoïste et aveugle. Il a tout du juif tel que la propagande stalinienne le représente ».

    Dimanche dernier, c’était au tour de Michel Serres, d’alimenter l’autodafé. Dans sa chronique du 18 septembre sur France Info, l’homme s’en prenait à Astérix et Obélix, héros d’un « album de revanche et de ressentiment », faisant systématiquement l’apologie de la violence sous stupéfiants (la potion magique) et typiquement fascistoïde dans son « mépris forcené de la culture ». Il est vrai que les libations des intrépides gaulois se passent souvent hors de la présence du barde, dûment attaché et bâillonné. Ni une, ni deux, Serres décèle là l’illustration d’une maxime célèbre, qu’il attribue (à tort, d’ailleurs) à Goering: « Quand j’entends le mot culture, je sors mon revolver ».

    Et l’on se prend à trembler en se rappelant les horreurs qu’on a sans doute offertes à nos enfants. N’avez-vous jamais songé que le monde enchanté de Winnie l’Ourson, peuplé d’animaux interlopes, n’est peut-être qu’une allégorie de cette bestialité froide tapie en nous et qui ne demande qu’à surgir ? N’avez-vous pas entrevu que l’appétence de l’ursidé pour le miel et sa tendance à chaparder ce nectar n’étaient probablement rien d’autre qu’une apologie de la gourmandise et du vol, autrement dit d’un péché doublé d’un crime ?

    Heureusement qu’il reste les poupées. A condition bien sûr qu’on évacue la célèbre Barbie, dont on n’a point encore élucidé le mystère de ses liens avec le Klaus éponyme…

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  • Drogue : la fin de l'utopie néerlandaise ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un article de Xavier Raufer, publié initialement sur Ring (qui vient de reprendre son activité après près de deux mois d'arrêt pour développement) et consacré à l'échec de l'expérience néerlandaise de légalisation de la consommation de cannabis...

     

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    Stupéfiants : la fin de l'utopie néerlandaise

    Jeune loup sur la touche ? Ex-ministre démodé ? Longtemps, le politicien au rancart eut un truc pour attirer l’attention : exiger la libéralisation du cannabis. Sitôt, les micros de tendaient, les invitations aux talk-shows s’empilaient, tant ces fausses audaces ravissent les médias. Avec, toujours, un argument massue : voyez les Pays-Bas, leurs coffee-shops où le cannabis se vend librement - la tolérance, ça marche !Eh bien non. Et même, les Pays-Bas abandonnent désormais leur historique tolérance envers les drogues « douces », avec la fermeture programmée des fameux coffee-shops qui - Ô mânes de Tartuffe - ne vendent pas de café, mais de la drogue.Il faut dire que, trente-cinq ans durant, les Pays-Bas ont tout fait pour que leur laxiste utopie vire au drame. Et d’abord, de croire les usuels Diafoirus-sociologues et leur culture de l’excuse, prônant que de pauvres victimes de l’exclusion et du racisme survivent en vendant de la tisane sympa à une innocente jeunesse conviviale. Résultat : des Pays-Bas transformés en centre commercial mondial pour narco-trafiquants, et une croissante réputation de « narco-Etat » dans les instances européennes de Bruxelles. Pour la police néerlandaise en tout cas, nul ne manque dans cette sorte d’Onu du crime : triades chinoises, mafia turque, cartels colombiens, gangs africains, israéliens, vietnamiens, marocains ; un enivrant paradis pour amateurs de « diversité » criminelle. Le local maintenant : comme le sait tout criminologue sérieux, seul le crime organisé peut contrôler durablement un marché illicite. Ainsi, voici un siècle et inexorablement, les tenaces mâchoires, les puissants crocs mafieux se sont refermés sur les drogues. Toutes les drogues. Et par conséquent, ce n’est pas une capitulation sympa et festive, vendue comme doctrine sociologique ou progrès social, qui leur fera lâcher prise.Ainsi, le gros du marché du cannabis néerlandais (Nederwiet, ou Skunk), est-il contrôlé par le crime organisé, « fermes à cannabis » et Coffee-shops tout ensemble. Et qui dit marché dit concurrence : le paisible narco-paradis a bientôt viré à l’enfer, avec explosion des homicides entre gangs, braquages, jets de grenades et tirs d’armes de guerre visant les rivaux, etc.Puis les bandits ont ciblé les élus « pas cool » avec eux : ayant déclaré que les Coffee-shops de sa ville « étaient liés au crime organisé » Rob van Gijzel, maire d’Eindhoven, est sous surveillance policière. Menacé avec sa famille, Fons Jacob, maire de la ville voisine de Helmond, a dû fuir et se cacher. D’où le retournement néerlandais. Une décision brutale ? Non. La fin du laxisme local en matière de drogue était prévisible depuis juin 2010 : lors d’une discrète conférence au ministère français de l’Intérieur, des experts officiels néerlandais et belges avaient révélé l’ampleur du désastre. Selon eux, « l’investissement du crime organisé dans la culture indoor du cannabis » était massif aux Pays-Bas. « La production de cannabis contrôlée par le crime organisé se situant entre 300 et 800 tonnes », pour « un chiffre d’affaires [annuel] de un à trois milliard d’euros ». Ce contrôle criminel du business du cannabis s’accompagnant « d’une montée des homicides liés à la rivalité entre gangs (25 morts en 2009), «  des séquestrations et tortures » et du « trafic des êtres humains et du travail forcé ».Uniquement aux Pays-Bas ? Non : la gangrène gagnait le nord de la Belgique, où « les organisations criminelles hollandaises s’implantent de plus en plus ». « Au Brabant septentrional et en Flandre s’est constitué une sorte de Rif [montagnes marocaines où se cultive le cannabis] indoor qui produit 1 000 tonnes d’herbe » [par an] ». Au total, un appel au secours où les Pays-Bas et la Belgique ressentaient cher payer trente ans de laxisme. Le cannabis était naïvement laissé en vente libre par petites doses pour éviter les guerres de gangs et le crime organisé ? Résultat : les mafias, les homicides, le travail forcé, la drogue par tonnes et des milliards de narco-euros corrompant les campagnes de la région. Telle est la leçon à retenir. C’est sur cette base simple et réaliste que devra se bâtir toute politique européenne anti-drogue. Une construction désormais possible, maintenant que les Pays-Bas abandonnent leur laxiste utopie. Et d’autant plus urgente qu’en la matière, une crise menace, du fait d’une imminente « rupture majeure dans la géopolitique du cannabis » (Drogues, enjeux internationaux, bulletin de l’Observatoire français des drogues et toxicomanies, N°1, mai 2011). Rappel préalable : le cannabis compte dans l’Union européenne 23 millions d’usagers récréatifs, dont 4 millions de fumeurs pluri-hebdomadaires. Or, sur ce marché énorme, s’amorce une guerre de territoires entre la résine de cannabis du Maroc, dominante en Europe du Sud (Italie, Espagne, Portugal, France) et l’herbe Sinsemilla, elle cultivée clandestinement en serres, surtout en Europe du nord et en Grande-Bretagne. En présence : la résine marocaine, qui est pauvre en principe intoxicant : de 3 à 16% de THC (Tétrahydrocannabinol) ; venant du Maghreb, elle doit donc être transportée de loin. Et la Sin-semilla (sans graines en espagnol), une plante femelle ultra chargée en THC (de 20 à 35%). Cultivée en Europe, près des consommateurs, elle est à la fois bon marché et « forte », donc attrayante pour les drogués.Or la Sinsemilla est désormais en pleine conquête de l’Europe du Sud - à commencer par la France.D’où, deux conséquences prévisibles :- Une guerre européenne entre gangs vendant la résine, ou la Sinsemilla,- Un déport des dealers de résine vers la cocaïne, pour combler leur manque à gagner.Or, toujours et partout dans le passé, de tels soubresauts dans un marché illicite ont généré de sanglantes guerres de gangs. Voilà qui explique pour bonne part l’évolution néerlandaise - et qui rend plus urgente encore l’élaboration d’une politique européenne anti-drogue cohérente et ferme.

    Xavier Raufer (Ring, 21/06/2011)



     

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  • Les drogues douces et le Meilleur des mondes...

    Alors que le débat sur la dépénalisation de la consommation de cannabis fait rage, grâce à une habile campagne médiatique de mise en condition, nous reproduisons ci-dessous un texte de Claude Bourrinet publié par Voxnr, qui pose bien les données du problème...

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    Les drogues douces et le Meilleur des mondes

    Les récentes prises de position en faveur de la dépénalisation des drogues dites « douces », ou de leur légalisation, soit sous forme de proposition de loi, soit sous celle de déclarations individuelles, parfois au plus haut niveau, permettent de mettre en lumière les contradictions d’un système juridique qui, dans le fond, comme le rappelle Jean-Claude Michéa dans « L’empire du moindre mal » (Champs essais), a décrété qu’on pouvait se passer de la Vérité, du bien, de la Gloire et de l’Honneur, pour se rabattre pragmatiquement sur la logique du pur utilitarisme.

    Celui-ci revient en fait à l’enregistrement d’un simple rapport de force, puisque rien de transcendant, sinon la liberté elle-même, n’informe ou ne limite l’expression de la transgression permanente des normes. Les glissements sémantiques, idéologiques, peuvent aller très vite. Aussi voit-on les affirmations provocatrices d’un Cohn Bendit, au début des années 80, encore marquées du coin brûlant de mai 68, sur la libido et la légitimité du plaisir enfantin, avec ou sans la participation d’adultes, susciter maintenant gêne ou indignation quand, à l’époque, ce discours était tenu pour acceptable, ou comme non sujet à condamnation pénale. La société serait-elle devenue plus « morale » ? Il faudrait alors que l’adoption par des couples homosexuels, que l’on considérait jadis comme une aberration, au point qu’une telle hypothèse n’était même pas dicible, le fût devenue - ce qui est bien sûr le cas dans le discours de certains, avec éventuellement la reconnaissance de la prostitution comme métier à part entière, ou la constitution d’un service sexuel dû aux handicapés. Dans l’ordre du relatif, tout est possible (et même le jeu ironique des effets « domino » : le pédophile, au fond, n’est-il pas la victime collatérale de la survalorisation du « droit de l’enfant », si à la mode actuellement, et qui vise à saper sournoisement l’autorité de l’adulte ? Un jour, quand l’enfant éternel aura supplanté l’homme mûr, on s’avisera qu’on est tous égaux, et alors ce sera la revanche et le triomphe du pédophile !). Mais l’étonnant est qu’on puisse encore emprunter le ton moralisateur pour démolir la morale.

    On voit bien, du reste, que cette morale, qui constitue un obstacle au progrès indéfini des droits de la personne, s’inscrit dans une tradition qu’il s’agit d’abattre. Or, tout ce qui est stable demeure un danger pour le jeu fluctuant du marché. La seule et ultime raison de la gestion irraisonnée de l’homme est sa satisfaction personnelle, que l’on pare du slogan pompeux et prétentieux de « réalisation de soi », ce qui est, d’un point de vue philosophique, un casse-tête désespérant (qu’est-ce que « soi » ? quand pourrions-nous parler de « réalisation » ? et dans quelle mesure l’homme est-il sa propre mesure ?). Il n’est pas besoin, d’ailleurs, d’être grand philosophe, pour percevoir jusqu’où, jusqu’à quels délires, peut aller cette revendication d’autosatisfaction. Sade n’est pas loin, et dans ce cas comme en d’autres, l’argument qui met en avant la nocivité pour autrui de certaines pratiques , étant donné la plasticité et la relativité d’un tel concept, ne vaut pas grand-chose. Littéralement, on n’en sort pas. Car pourquoi, par exemple, ne pas prendre sérieusement en considération, sinon par des sondages préfabriqués par le matraquage, ou trafiqués, l’opinion de la majorité, ou du moins de certains courants religieux ou philosophiques, pour atténuer des revendications qu’on nous présente toujours comme légitimes, et pour ainsi dire avalisés par le cours de l’Histoire ? Au fond, le mariage homosexuel heurtera l’Eglise, une grande partie des Israélites et la majorité des Musulmans. Mais il est vrai que la doxa politiquement correcte considère la religion comme un legs nuisible du passé. De quel droit ?

    Uniquement parce qu’elle est du passé et prétend à la vérité. L’ultima ratio du système est le présent informe. Une réforme ne se justifie que par son actualité. Elle appartient au monde de maintenant, elle est « moderne ». Mais qui est légitime pour affirmer cela ? Nous avons là, comme dans les cultes à mystère, l’absolue absence de réponse rationnelle.

    Cela ne va pas sans contradiction, et des légitimités s’entre choquent. Prenons par exemple l’un des chevaux de bataille des Verts rejoints par les socialistes, la revendication de la légalisation des drogues dites « douces » (et qui ne le sont pas). L’argument est d’abord pratique : il s’agit d’empêcher les circuits illégaux et parallèles, qui enrichissent la mafia et nourrissent une partie de la banlieue (cette dernière réalité étant, faut-il le dire, prise en compte cyniquement par l’Etat, ce qui explique l’absence de moyens radicaux pour mettre fin au trafic). Parallèlement, il est indispensable d’éviter, tant que faire se peut (le fameux « moindre mal »), les risques encourus par les consommateurs livrés à des produits douteux, car « impurs ».

    On notera au passage l’argument qui consisterait à créer un marché légal des hallucinogènes. La gauche se révèle au grand jour dans cette circonstance. Finalement, elle se fait la championne du marché (certes, légal !). Cela ne va pas sans tartufferie : qu’est-ce qui fait dire en effet que de l’ « herbe », même non trafiquée, serait sans nocivité pour la santé ? Ne faut-il pas, du reste, fumer, pour consommer ces drogues ? Le tabac n’est-il donc plus nuisible ? Et le mineurs n’ont-ils pas « droit » aussi à ces drogues, donc au tabac, qui leur est interdit ? Et quand celui-ci sera définitivement prohibé (ce qui arrivera), que faire ? Manger, comme au 19e siècle, le haschisch ? Et comment pourra-t-on éviter la persistance d’un marché noir de drogues « dures » ? Faut-il aussi légaliser celles-ci ? C’est ce qui, logiquement, devrait s’ensuivre…

    Mais outre ces apories, il faut saisir ce en quoi ces positions sont suprêmement idéologiques (ce qui permet de souligner combien le système libéral, qui voudrait nous délivrer de la tyrannie des systèmes d’opinions, nous y ramène infailliblement). Ainsi, comment expliquer que, comme pour le mariage homosexuels, qui n’émeut qu’une frange minoritaires de bobos en manque de sensations … plutôt banales (qui songe encore à se marier dans un monde qui discrédite toute valeur ?!), la question de la légalisation du haschisch et assimilé hante et agite le bocal empesté des progressistes ? Pourquoi, par exemple, s’en prendre, avec les puritains et autres hygiénistes américanoïdes, à l’alcool, et singulièrement au vin, avec des accents que l’on ne retrouve que quand on attaque avec des traits haineux les « réactionnaires » ?

    Les « drogues douces » ont, par rapport à notre civilisation, une origine allogène. Elles viennent du Proche et du Moyen Orient, ou des pays du Maghreb. Elles sont donc entachées d’un préjugé favorable, comme les immigrés, les sans papiers, le raï, le rap, et tout ce qui contredit la culture indigène (c’est-à-dire d’ici). Aussi le vin, par exemple, si ancré dans notre terroir et ses traditions de bonne vie ou ses racines sacrées, est-il vertement dénoncé. Il ne faut pas chercher plus loin pour vilipender un produit si digne de soupçon. Et le rapprocher des alcools durs, qu’on ingurgite brutalement pour atteindre l’ivresse, lors de soirées étudiantes par exemple, c’est faire preuve d’une extrême mauvaise foi, et d’une propension à la reductio ad diabolum, comme c’est la coutume dans d’autres domaines.

    Par ailleurs, les drogues dites « douces » appartiennent à l’imaginaire, aux codes de la société postmoderne, hédoniste et décomplexée, telle qu’elle s’est développée dans la Silicone vallée, et telle qu’on nous la donne en viatique pour un avenir radieux. Elles constituent, si l’on veut, l’hostie, la relique, par quoi on entre dans la nouvelle religiosité (qui saura trouver son inquisition), le dogme de la philosophie sectaire, par laquelle on nous somme d’être heureux, on nous initie aux mystères du Brave new world (souvenons-nous du soma, consommé à outrance, dans le célèbre ouvrage d’Aldous Huxley).

    Pauvre libéralisme, qui orne la misère humaine du halo du droit, et du romantisme de pacotille d’une bohème usée et fatiguée. Ne resterait-il que le joint pour être révolutionnaire ? Quel manque d’imagination, quelle médiocrité!

    Claude Bourrinet (Voxnr, 19 juin 2011)

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  • Cocaïne : l'ère du vide...

    Nous reproduisons ici un article intéressant de Xavier Eman publié sur le blog du Choc du mois et consacré à la banalisation de la consommation de la cocaïne...

    Nous vous rappelons que le Choc du mois (février 2011) est actuellement diponible en kiosque.

     

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    Cocaïne

    Les sectateurs acharnés de la démocratisation tous azimuts et de l’égalitarisme généralisé peuvent se réjouir : jadis drogue des élites politiques, des rock stars écorchées vives et des traders épuisés par leurs gesticulations boursières, la cocaïne est en passe de devenir le stupéfiant de monsieur tout le monde, la came du citoyen lambda, le passeport pour la défonce de tout un chacun.
    C’est au milieu des années 2000 que la poudre blanche a glissé des mains des nantis à paillettes pour se répandre dans l’ensemble de la société et dans la plupart des secteurs professionnels, tout particulièrement le BTP, la restauration ou le commerce, souvent à titre de stimulant (1).

    La cocaïne est ainsi devenue la deuxième drogue la plus consommée en France (et en Europe), juste derrière le cannabis qui voit sa domination menacée. Le petit joint n’a en effet plus vraiment la cote auprès des nouvelles générations pour lesquelles il s’est tellement banalisé qu’il n’offre désormais plus le degré minimum de frisson transgressif. Les post-soixante-huitards enfumés du bulbe, qui trouvaient très « sympa » et très « progressiste » de rouler leurs « bédots » devant leurs rejetons et même d’en partager avec eux, en sont donc pour leurs frais. Pas plus qu’elle ne désire s’habiller comme eux, leur progéniture ne veut se cantonner aux drogues de papa-maman. Passage donc à la vitesse supérieure : en route pour la cocaïne !
    Les causes de cette spectaculaire extension de la consommation de « poudre blanche » sont multiples. Tout d’abord, il y a la saturation du marché américain qui a vu les flux de trafics se réorienter vers la vieille Europe. Une hausse de l’offre qui a entraîné une importante diminution des coûts pour le consommateur. Ainsi, de 1997 à 2007, le prix du gramme de cocaïne a chuté de moitié, passant de 120 à 60 euros environ.

    Le « rail » coupe d’abord l’axe Auteuil, Neuilly, Passy

    Les plus importants pays producteurs de cocaïne sont situés en Amérique latine, la Colombie, le Pérou et la Bolivie se partageant le marché. Selon les sources officielles américaines, les plantations d’arbustes à coca en Amérique latine produisent annuellement de 900 à 1 000 tonnes de cocaïne, démontrant au passage l’échec total de la « guerre à la drogue » cornaquée par les Etats-Unis dans la région.
    Dans l’Union européenne, selon l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies, 10 millions d’adultes entre quinze et soixante-quatre ans ont consommé cette drogue au moins une fois. 4,5 millions en ont consommé au cours des douze derniers mois et 2,5 millions durant les trente derniers jours.
    En France, le nombre de consommateurs de cocaïne parmi les 12-75 ans est estimé à environ 1 million de personnes, avec une hausse spectaculaire en dix ans, ce nombre ayant plus que doublé de 1995 à 2005.
    La cocaïne est désormais partout et il n’a jamais été aussi facile de s’en procurer. Si les lascars de banlieues ne dédaignent pas d’ajouter la « CC » à leur panoplie de Tony Montana de supérettes Franprix, c’est toutefois essentiellement dans les classes moyennes et moyennes-supérieures des centres-villes que la « mode » de la ligne de poudre tend à devenir un véritable phénomène sociétal.

    Les ados accros ? Des toxicos mornes et sordides

    Les adolescents des lycées « chics » en consomment notamment de plus en plus jeunes et de plus en plus fréquemment. Ayant déjà expérimenté le cannabis et les cigarettes dès la cinquième ou la quatrième, leur curiosité et leur goût de la transgression sont titillés dès leur passage en seconde par l’image de la cocaïne, cette drogue largement représentée à la télévision et au cinéma, généralement dans un cadre considéré comme « valorisant » par les jeunes (luxe, fêtes, « gangsters », show-biz…).
    Largement pourvus en argent de poche par des parents souvent démissionnaires cherchant à compenser matériellement leur absence physique ou affective, les adolescents peuvent alors recourir à la « coke » pour meubler l’ennui trop nourri de leurs soirées, stimuler leur libido déjà blasée et noyer sous les délires hallucinés leur nihilisme et leur absence de perspectives autant que de passions. Cette drogue ?, stimulant les « performances », leur permet également de s’arracher à cette espèce d’introversion angoissée, proche de l’autisme, caractérisant une génération étouffée de technologie et de virtualité qui ne maîtrise désormais que très imparfaitement les modes de communication « directe », ceux ne permettant pas l’usage d’un écran protecteur et rassurant.
    Bien informés, les ados connaissent parfaitement les risques et dangers de la cocaïne (même s’ils minimisent généralement, comme tous les toxicomanes, leur « addiction » au produit), mais les effets qu’ils recherchent priment sur la crainte de conséquences toujours considérées comme lointaines.

    Des salariés qui se « dopent » comme de vulgaires coureurs du Tour de France

    Ce qui frappe le plus dans l’observation de ce mode d’utilisation de la cocaïne, c’est que son caractère prétendument « festif » disparaît assez vite au profit d’une consommation morne et compulsive. Les adolescents et jeunes adultes ne sortent même plus des appartements où ils se réunissent pour « sniffer » et où la drogue devient peu à peu le centre unique d’attention, la seule raison d’être du rassemblement, le sujet exclusif des conversations. Une hiérarchie sordide s’établit alors au sein de la bande de zombies, en fonction des quantités possédées par les uns ou les autres, de la complaisance à laisser les filles « taper » sur ses propres rails ou de la qualité du produit « offert » au groupe.
    Souvent, pour remplacer ou compléter les mannes parentales, les jeunes consommateurs de cocaïne n’hésitent pas à « dealer » dans leur entourage des produits généralement coupés pour en améliorer le bénéfice. Ce développement d’un « micro-trafic » de proximité, assez difficilement contrôlable, est également l’un des facteurs du développement drastique de l’usage de la cocaïne en France, ces dernières années.
    Dans le monde du travail, l’usage de cocaïne peut revêtir deux principaux aspects. Soit il est la continuité à l’âge adulte de ces pratiques « adolescentes » devenues « addictives », soit il peut être « causé » par l’environnement professionnel lui-même, le travail moderne étant, dans de nombreux secteurs, toujours plus stressant et exigeant en termes d’efficacité et de rendement. L’activité professionnelle travail étant devenue un sport de haut niveau au sein duquel les participants doivent chaque année améliorer leurs performances, les salariés se « dopent » comme de vulgaires coureurs du Tour de France.

    L’ère du vide et de la poudre blanche

    Selon la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, plus de 10 % des salariés ont ainsi besoin de drogue pour affronter leur travail. Un pourcentage qui ne cesse de croître, notamment du fait de la pression libérale exercée sur les secteurs jadis « protégés ».
    Si les professions les plus touchées par la consommation de cocaïne sont celles des banques, des transports routiers, du BTP, de la restauration et du monde médical, les services publics en cours de privatisation sont également de plus en plus exposés. Ainsi les services médicaux de toxicologie traitent-ils par exemple un nombre croissant de salariés de la Poste, établissement qui cherche à offrir toujours davantage de services avec de moins en moins de personnel, les guichetiers récoltant alors le mécontentement et parfois la violence, verbale ou physique, des usagers mécontents.
    Qu’il soit dit « festif » ou « productiviste », l’usage exponentiel de cocaïne est indéniablement un nouveau symptôme de ce « désir de mort » qui semble caractériser notre modernité occidentale subclaquante.
    Ajoutant la fuite en avant chimique à l’échappatoire virtuelle, nos contemporains cherchent à s’extraire le plus totalement possible d’une réalité devenue insupportable à force de désenchantement et de désacralisation. Pour meubler l’attente du tombeau, ils tentent donc, hagards et épuisés, de trouver dans les stimuli artificiels de la poudre blanche et de ses avatars quelques lueurs perçant encore la désespérante obscurité d’un quotidien qu’ils n’ont plus la foi ni la force de vouloir révolutionner.   


    Xavier Eman (Le Choc du mois, février 2011)

    1 - Le Code du travail interdit les prélèvements urinaires ou sanguins  en entreprise pour détecter d’éventuelles traces de drogues, en dehors des postes dits « de sécurité ».

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