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de gaulle - Page 9

  • De Gaulle ne partageait pas le rêve assimilationniste et universaliste...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une chronique d'Éric Zemmour sur RTL, datée du 1er octobre 2015 et consacrée à De Gaulle et à sa vision des Français comme « un peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine et de religion chrétienne »...


    "Tout le monde en France a été, est ou sera... par rtl-fr

     

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  • Être ou ne pas être gaullien ?...

    Nous reproduisons ci-dessous une chronique de Bertrand Renouvin, cueillie sur son blog et consacrée aux principes qui ont fondé la politique de De Gaulle et qui conservent toute leur actualité.

     

    De Gaulle.jpg

    Être ou ne pas être gaullien

     

    Les chansons de geste ont leur charme mais, dans l’ordre politique, elles troublent la réflexion. Il faut se méfier du gaullisme de glorification – comme du légendaire monarchique. Présenter Charles de Gaulle comme un héros digne de l’antique, c’est encourager les dirigeants à la médiocrité. Ecoutons-les : ils sont lucides, et humbles ; ils ne sauraient prétendre à tant de grandeur ; leur courage est d’assumer petitement les petitesses du quotidien ! Les facilités de la psychologie doivent être tout aussi résolument écartées : le Caractère, l’Orgueil, la Volonté… n’expliquent rien car il faut distinguer, quand on s’intéresse aux hommes d’Etat, la personne et le personnage. Il est enfin évident que la carrière, aussi brillante soit-elle, ne prédestine pas. En juin 1940, plusieurs personnalités peuvent jouer un rôle de premier plan : Léon Blum, Georges Mandel, le général Noguès qui commande les forces françaises en Afrique du Nord, le général Catroux qui a été gouverneur général de l’Indochine française de juillet 1939 au 25 juin 1940 et qui a plus d’étoiles à son képi que le général de Gaulle…

     

    Pourquoi Charles de Gaulle ? Régis Debray donne la clé : parce que c’est « le dernier homme d’Etat ouest-européen qui ait pris la puissance de l’esprit au sérieux » (1). Le Général n’est pas un intellectuel et l’intellectualité comme l’intellectualisme ne sont pas gage de rectitude : de grands intellectuels, qui plaçaient la nation plus haut que tout – Charles Maurras, pour ne citer que lui – se sont fourvoyés dans le pétainisme. De Gaulle n’a pas lu beaucoup de livres de doctrine mais on n’a pas besoin de doctrine, et encore moins d’idéologie, lorsqu’on a une pensée. Mieux : De Gaulle a une pensée adéquate. Mieux encore : De Gaulle est l’homme d’une pensée en acte – qui se traduit par des actes et qui est elle-même en mouvement. La pensée gaullienne est ordonnée à la France, nation historique plus que millénaire – le Général lui attribue généreusement 1 500 ans. Son « idée de la France » est une idée incarnée et instituée, une réalisation qui ne s’accomplit que dans et pour la liberté. Cela signifie que la France n’est la France que dans l’indépendance, que l’indépendance s’obtient par l’acte d’un pouvoir souverain qui se légitime par le service de la patrie – de son unité, de sa sécurité – et par le consentement populaire. Etre gaullien, c’est lier, indissolublement, le principe de souveraineté et le principe de légitimité. C’est juger, par conséquent, que le reniement de ces principes et les compromis sur ces principes mettent en péril l’existence même de la France.

    En juin 1940, tout est à reconstruire face à Vichy : l’armée française, la souveraineté, le gouvernement. Cela se fait par la « puissance de l’esprit », selon une démarche méthodique déjà exposée dans La France et son armée : « Grandir sa force à la mesure de ses desseins, ne pas attendre du hasard, ni de ses formules, ce qu’on néglige de préparer, proportionner l’enjeu et les moyens : l’action des peuples, comme celle des individus, est soumise à ces froides règles. » Les principes sont indispensables, la méthode est nécessaire mais cela ne suffit pas : il faut encore réussir à incarner la légitimité en « incorporant l’unité et la continuité nationale quand la patrie est en danger » (2). C’est un travail sur soi-même, très difficile et douloureux : être gaullien, c’est se détacher de soi sans se prendre pour la France. Il faut sacrifier une grande partie de sa vie privée pour devenir le serviteur de la nation. Charles de Gaulle réussit ce tour de force en juin 1940 et c’est pour cela que ses compagnons d’armes le reconnaissent comme chef. Le général Catroux a le mot juste lorsqu’il déclare se rallier au « Connétable » : le connétable n’est pas le roi mais l’homme qui a en charge la défense du royaume. Ce n’est pas la personne privée qui incarne, mais le personnage public. Et c’est le fait d’être dépassé par son personnage qui décuple le courage physique, l’audace diplomatique, l’endurance face aux déceptions, aux intrigues et aux trahisons dont De Gaulle, comme tous les hommes d’Etat, fut accablé (3).

    Un homme d’Etat, « …c’est un homme capable de prendre des risques », disait le Général. Cette prise de risque est étrangère au calcul du carriériste et au culot de l’aventurier. Elle est proportionnée à l’enjeu politique selon la dialectique du faible et du fort. Régis Debray rappelle ce dialogue de 1942 :

    -  Churchill : « Faites comme moi, Général, je plie devant Roosevelt, et puis je me relève ».

    -  De Gaulle : « Je suis trop pauvre, je ne puis ».

     

    Etre gaullien, c’est cultiver l’intransigeance parce que l’intransigeance est la force du faible. Cette intransigeance s’appuie sur des principes politiques intangibles – la souveraineté, la légitimité – et se manifeste par une mise en jeu de sa personne et de la collectivité qu’on représente. Cette mise en jeu est angoissante et la plupart des hommes politiques préfèrent invoquer les « contraintes » qui ne justifient rien mais assurent le confort de la soumission. Pendant la guerre, le Général ne cesse de prendre les risques méthodiques, raisonnés, qui permettent de se libérer des prétendues contraintes. Après 1958, il comprendra immédiatement la stratégie nucléaire de dissuasion du fort par le faible selon le risque et l’enjeu et, disposant de la puissance de l’Etat souverain, il pourra mener une politique étrangère indépendante marquée par la chaise vide à Bruxelles, la sortie du commandement intégré de l’Otan, le discours de Phnom Penh…

    La radicalité gaullienne est sans faille tant que le Général incarne le projet national. La radicalité de la gauche de la gauche est dans le discours, non dans l’acte. Cela tient aux faiblesses de la pensée qui inspire ce discours : méfiance à l’égard des pouvoirs institués, rejet du principe de légitimité, volonté d’abolir la souveraineté nationale dans une « internationale » mythique depuis longtemps résorbée dans l’européisme banal. Fondamentalement, la gauche radicale récuse la radicalité gaullienne. Comme nous venons de le voir en Grèce, sa « culture de gouvernement » est viciée par l’esprit de compromis qui noie les grands principes dans la boue du moindre mal. Elle subira de nouvelles défaites si la capitulation d’Alexis Tsipras ne lui sert pas de leçon.

    Bertrand Renouvin (Blog de Bertrand Renouvin, 1er août 2015)

     

    Notes :

    (1)    Régis Debray, A demain de Gaulle, Gallimard, 1990.

    (2)    Mémoires d’Espoir, I, Le Renouveau. Cette citation comme la précédente est tirée de l’excellent ouvrage de Jean-Luc Barré, Devenir de Gaulle, 1939-1943, Perrin, 2003. Cf. mon article sur ce blog : http://www.bertrand-renouvin.fr/devenir-de-gaulle/

    (3)    Le 15 juin 1943, le Général, qui est à Alger, en pleine affaire Giraud, écrit à sa femme : « Tu ne peux pas te faire une idée de l’atmosphère de mensonges, fausses nouvelles, etc. dans laquelle nos bons alliés et leurs bons amis d’ici – les mêmes qui leur tiraient naguère dessus – auront essayé de me noyer. Il faut avoir le cœur bien accroché et la France devant les yeux pour ne pas tout envoyer promener… ». Cité par Jean-Luc Barré, op. cit. page 344.

    Les chansons de geste ont leur charme mais, dans l’ordre politique, elles troublent la réflexion. Il faut se méfier du gaullisme de glorification – comme du légendaire monarchique. Présenter Charles de Gaulle comme un héros digne de l’antique, c’est encourager les dirigeants à la médiocrité. Ecoutons-les : ils sont lucides, et humbles ; ils ne sauraient prétendre à tant de grandeur ; leur courage est d’assumer petitement les petitesses du quotidien ! Les facilités de la psychologie doivent être tout aussi résolument écartées : le Caractère, l’Orgueil, la Volonté… n’expliquent rien car il faut distinguer, quand on s’intéresse aux hommes d’Etat, la personne et le personnage. Il est enfin évident que la carrière, aussi brillante soit-elle, ne prédestine pas. En juin 1940, plusieurs personnalités peuvent jouer un rôle de premier plan : Léon Blum, Georges Mandel, le général Noguès qui commande les forces françaises en Afrique du Nord, le général Catroux qui a été gouverneur général de l’Indochine française de juillet 1939 au 25 juin 1940 et qui a plus d’étoiles à son képi que le général de Gaulle…

    Pourquoi Charles de Gaulle ? Régis Debray donne la clé : parce que c’est « le dernier homme d’Etat ouest-européen qui ait pris la puissance de l’esprit au sérieux » (1). Le Général n’est pas un intellectuel et l’intellectualité comme l’intellectualisme ne sont pas gage de rectitude : de grands intellectuels, qui plaçaient la nation plus haut que tout – Charles Maurras, pour ne citer que lui – se sont fourvoyés dans le pétainisme. De Gaulle n’a pas lu beaucoup de livres de doctrine mais on n’a pas besoin de doctrine, et encore moins d’idéologie, lorsqu’on a une pensée. Mieux : De Gaulle a une pensée adéquate. Mieux encore : De Gaulle est l’homme d’une pensée en acte – qui se traduit par des actes et qui est elle-même en mouvement. La pensée gaullienne est ordonnée à la France, nation historique plus que millénaire – le Général lui attribue généreusement 1 500 ans. Son « idée de la France » est une idée incarnée et instituée, une réalisation qui ne s’accomplit que dans et pour la liberté. Cela signifie que la France n’est la France que dans l’indépendance, que l’indépendance s’obtient par l’acte d’un pouvoir souverain qui se légitime par le service de la patrie – de son unité, de sa sécurité – et par le consentement populaire. Etre gaullien, c’est lier, indissolublement, le principe de souveraineté et le principe de légitimité. C’est juger, par conséquent, que le reniement de ces principes et les compromis sur ces principes mettent en péril l’existence même de la France.

    En juin 1940, tout est à reconstruire face à Vichy : l’armée française, la souveraineté, le gouvernement. Cela se fait par la « puissance de l’esprit », selon une démarche méthodique déjà exposée dans La France et son armée : « Grandir sa force à la mesure de ses desseins, ne pas attendre du hasard, ni de ses formules, ce qu’on néglige de préparer, proportionner l’enjeu et les moyens : l’action des peuples, comme celle des individus, est soumise à ces froides règles. » Les principes sont indispensables, la méthode est nécessaire mais cela ne suffit pas : il faut encore réussir à incarner la légitimité en « incorporant l’unité et la continuité nationale quand la patrie est en danger » (2). C’est un travail sur soi-même, très difficile et douloureux : être gaullien, c’est se détacher de soi sans se prendre pour la France. Il faut sacrifier une grande partie de sa vie privée pour devenir le serviteur de la nation. Charles de Gaulle réussit ce tour de force en juin 1940 et c’est pour cela que ses compagnons d’armes le reconnaissent comme chef. Le général Catroux a le mot juste lorsqu’il déclare se rallier au « Connétable » : le connétable n’est pas le roi mais l’homme qui a en charge la défense du royaume. Ce n’est pas la personne privée qui incarne, mais le personnage public. Et c’est le fait d’être dépassé par son personnage qui décuple le courage physique, l’audace diplomatique, l’endurance face aux déceptions, aux intrigues et aux trahisons dont De Gaulle, comme tous les hommes d’Etat, fut accablé (3).

    Un homme d’Etat, « …c’est un homme capable de prendre des risques », disait le Général. Cette prise de risque est étrangère au calcul du carriériste et au culot de l’aventurier. Elle est proportionnée à l’enjeu politique selon la dialectique du faible et du fort. Régis Debray rappelle ce dialogue de 1942 :

    -  Churchill : « Faites comme moi, Général, je plie devant Roosevelt, et puis je me relève ».

    -  De Gaulle : « Je suis trop pauvre, je ne puis ».

    Etre gaullien, c’est cultiver l’intransigeance parce que l’intransigeance est la force du faible. Cette intransigeance s’appuie sur des principes politiques intangibles – la souveraineté, la légitimité – et se manifeste par une mise en jeu de sa personne et de la collectivité qu’on représente. Cette mise en jeu est angoissante et la plupart des hommes politiques préfèrent invoquer les « contraintes » qui ne justifient rien mais assurent le confort de la soumission. Pendant la guerre, le Général ne cesse de prendre les risques méthodiques, raisonnés, qui permettent de se libérer des prétendues contraintes. Après 1958, il comprendra immédiatement la stratégie nucléaire de dissuasion du fort par le faible selon le risque et l’enjeu et, disposant de la puissance de l’Etat souverain,il pourra mener une politique étrangère indépendante marquée par la chaise vide à Bruxelles, la sortie du commandement intégré de l’Otan, le discours de Phnom Penh…

    La radicalité gaullienne est sans faille tant que le Général incarne le projet national. La radicalité de la gauche de la gauche est dans le discours, non dans l’acte. Cela tient aux faiblesses de la pensée qui inspire ce discours : méfiance à l’égard des pouvoirs institués, rejet du principe de légitimité, volonté d’abolir la souveraineté nationale dans une « internationale » mythique depuis longtemps résorbée dans l’européisme banal. Fondamentalement, la gauche radicale récuse la radicalité gaullienne. Comme nous venons de le voir en Grèce, sa « culture de gouvernement » est viciée par l’esprit de compromis qui noie les grands principes dans la boue du moindre mal. Elle subira de nouvelles défaites si la capitulation d’Alexis Tsipras ne lui sert pas de leçon.

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  • Crise de la démocratie et souveraineté...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jacques Sapir, cueilli sur son site RussEurope et consacré à la crise de la démocratie dans notre pays qui trouve ses racines dans sa perte de souveraineté...

     

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    Crise de la démocratie et souveraineté

    La France souffre aujourd’hui d’un déficit démocratique profond. On peut mesurer dans la montée de l’abstention lors des divers scrutin depuis près de vingt ans. Ceci est largement reconnu, même si l’on diffère sur l’analyse des causes de cette situation. Certains, rêvent d’une réforme institutionnelle qu’ils appellent de leurs vœux. Telle l’idée d’une « VIème République » avancée par le Parti de Gauche. Mais, pour qu’un tel changement ait un sens, pour qu’il produise les effets que l’on lui prête, il faudrait tout d’abord que la France redevienne un Etat souverain, ce qu’elle n’est plus. La Nation n’étant plus souveraine, le peuple ne peut plus exercer cette souveraineté. La démocratie alors s’étiole, et progressivement disparaît.

    Faux semblants.

    Bien des femmes et des hommes politiques de tout bord cherchent alors à s’emparer de cette thématique. On voit même un ancien Président de la République, Nicolas Sarkozy pour le nommer, qui pourtant fut à l’origine du Traité de Lisbonne et qui avait négocié le traité budgétaire européen que l’on nomme le TSCG, summum des abandons de souveraineté, reprendre cette idée. Sauf à l’entendre procéder à une autocritique, cet exercice si typique de la culture stalinienne mais qui en l’occurrence serait plus que justifié, on doit avouer qu’un sérieux doute plane sur sa sincérité. Certes, tel Clovis se convertissant de l’Arianisme à l’orthodoxie chrétienne de son temps – telle que définie dans les conciles du IVème siècle – peut-être est-il prêt à adorer ce qu’il a brûlé par le passé et brûler ce qu’il a adoré. Mais on est, devant les zigs et les zags de sa trajectoire politique récente, en droit de très sérieusement s’interroger sur sa sincérité. Dans un cas comme dans l’autre il faut craindre que, reprenant la formule de Giuseppe Tomasi di Lampedusa dans Le Guépard les femmes et les hommes politiques ne crient d’autant plus fort qu’il faut que tout change que pour masquer leur envie de ne rien changer.

    De fait, si de nombreux acteurs politiques font le constat d’une perte de la souveraineté, peu nombreux sont ceux qui donnent des signes tangibles de vouloir reconstruire cette dernière. Encore moins nombreux sont ceux qui semblent réellement comprendre ce que cela implique. Partons néanmoins de ce point de départ que l’on pense partagé par de nombreux français, qu’ils se définissent comme « de gauche » ou « de droite » : il n’y a pas de sens à discuter des institutions si la France n’est plus un Etat souverain. Le constat est grave. Cela place d’emblée la question de la souveraineté au centre du débat.

    La question des institutions.

    Non que la question des institutions soit par ailleurs sans importance ; c’est tout le contraire. Encore faudrait-il ne pas oublier que ce n’est pas en changeant des institutions que l’on résout une crise politique et s’entendre sur où nous sommes et ce que nous voulons changer. J’ai bien peur que derrière la grandiloquence de certaines déclarations se cache surtout un grand vide politique. La véritable question est de savoir comment la souveraineté nationale est compatible avec la construction européenne. Or, il faut dire aujourd’hui que l’on ne peut défendre un projet européiste, certes amendé, certes modifié, mais qui reste un projet européiste néanmoins et prétendre en bonne fois vouloir restaurer la souveraineté nationale. Boire ou conduire, il faut choisir dit le slogan ; entre l’ivresse malsaine qui sort des outres du fédéralisme et la dure tache de conduire le peuple vers une réappropriation de sa souveraineté il ne peut y avoir de compromis. Cette tentative désespérée de concilier l’inconciliable a entraîné une perte de lisibilité et ceux qui s’y sont essayés en ont payé le prix.

    Nous sommes en réalité, dans une VIème République. Oh, bien sur on n’a pas fait sonner les trompettes ni procédé à de solennels roulements de tambours. Ce changement s’est fait par étape, dans un glissement progressif vers une perte de la souveraineté et un déni de la démocratie. La décision de Jacques Chirac d’aligner le mandat du Président de la République sur celui de l’assemblée nationale fut l’un des plus significatifs. Il crée une dyarchie au sommet de l’Etat, constituant le Président en chef de la majorité parlementaire mais sans qu’y soit attaché une quelconque responsabilité devant le Parlement. Cela aboutit à la confusion des responsabilités du Premier-ministre et du Président.

    La Cinquième République

    L’idée des constituants de 1958, que ce soit le gaulliste Michel Debré ou Guy Mollet, le dirigeant de a SFIO, était de bien séparer les deux fonctions, dans la mesure où ils avaient conscience qu’il fallait séparer l’incarnation de la légitimité de l’exercice de l’autorité directe légale du pouvoir. La réforme à laquelle le général De Gaulle procéda, introduisant l’élection du Président de la République au suffrage universel ne constituait pas une négation mais au contraire un renforcement de cette idée. Cet équilibre était néanmoins instable. On le vit dès l’élection de Georges Pompidou qui s’appropria une partie des compétences du ministère de l’économie et des finances et qui, après l’épisode ou Jacques Chaban-Delmas fut Premier-ministre, confia la fonction à un exécutant, certes de qualité, mais un exécutant quand même en la personne de Pierre Messmer. Une dérive s’amorça qui fut aggravée par les foucades d’un Valery Giscard d’Estaing, dont on peut penser qu’il nourrissait une ancienne opposition à la Constitution, et de François Mitterrand, qui fut un des opposants historiques de cette même Constitution. Mais, il fallut attendre le Président suivant pour que ceci soit acté dans les textes et que le pivotement de nos institutions devienne une réalité institutionnelle. C’est Jacques Chirac qui a mis le Président et le Premier-ministre sur le même plan en alignant le mandat présidentiel sur le mandat législatif. Dès lors, la fonction du Premier-ministre devient indistincte, et la légitimité dont dispose le Président l’entraîne à abuser de son pouvoir. Ceci donna naissance, sous Nicolas Sarkozy, à l’expression « hyper-président » qui traduit bien cette dérive.

    Jean-Pierre Chevènement, prévoyant les conséquences de ce déséquilibre, avait proposé que l’on supprimât la fonction de Premier-ministre, transformant la France en une véritable République Présidentielle, sur le modèle des Etats-Unis. Il ne fut pas écouté.

    La nouvelle dynamique politique

    Ce changement est significatif par la nouvelle dynamique politique qu’il entraine. Néanmoins, le changement le plus profond est venu, comme bien souvent, de la pratique, et il a concerné les rapports entre la République Française et les institutions européennes.

    Tout d’abord, l’interprétation du traité de Maastricht a commencé à vider la République d’une partie de sa souveraineté. Mais, et c’est de loin le plus important, les réactions de la classe politique au rejet du Projet de Traité Constitutionnel en Europe, en 2005, ont été en un sens fondatrices. En soi, ce rejet, s’il ouvrait une période d’incertitudes pour les institutions européennes, était parfaitement dans la logique des institutions françaises. Le peuple est consulté, il rend une décision, il en est tenu compte. Nous savons bien que ce ne fut pas comme cela que se passèrent les choses. Les français furent volés comme dans un bois de leur vote, ils furent dépossédés de leur souveraineté par un tour de passe-passe dans lequel les deux grands partis qui se partagent le pouvoir furent largement connivents. Il fut donc proclamé que l’on ne ferait plus de référendum sur la chose européenne et que l’on devait régler par le Congrès la question de la validation de traités ultérieurs. C’est un aveu lourd de sens.

    Le fait que Nicolas Sarkozy se ressouvienne aujourd’hui des mérites de la procédure référendaire, mais en en dénaturant profondément et radicalement son sens, ne doit pas faire illusion. Il fut donc décidé par une très large majorité de la classe politique que l’on ne donnerait plus la parole aux français sur un tel sujet. Le traité de Lisbonne, entérinant un choix dont les termes avaient été rejetés par les français, signait l’abandon de notre souveraineté et une dérive conduisant les institutions françaises, mais aussi européennes, vers des pratiques de moins en moins démocratiques.

    Abandon de souveraineté et guerre civile froide

    Cet abandon de souveraineté va progressivement de pair avec l’abandon des principales fonctions de l’Etat et du Parlement. On le voit à l’évidence dans les débats budgétaires de 2014 qui se sont déroulés sous l’épée de Damoclès d’une commission européenne rendant désormais des avis régaliens. Ceci induit en vérité un délitement de l’Etat, dont on a vu les effets sur le barrage de Sievens entre autres. « Quand on n’a plus d’honneur, on n’a plus de famille » fait dire Victor Hugo au héro du Roi s’Amuse. Quand on n’a plus d’Etat on n’a plus de paix civile est-on aujourd’hui obligé de constater.

    La souveraineté apparaît au cœur de ce qui fait société. Et ce n’est sans doute pas un hasard si nous avons le sentiment que cette société se délite dans la mesure ou la souveraineté n’est plus respectée. La dimension a-sociale d’un certain nombre de conflits qui traversent la société française en témoigne. Pourtant, cette multiplication des conflits n’est pas en soi un indicateur suffisant. Toute société est fondée tant sur la coopération que sur du conflit. C’est plutôt la nature de ces derniers qui pose aujourd’hui problème.

    La guerre civile froide serait elle l’avenir qui guette nos sociétés, et en particulier la société française ? On peut le craindre à la lecture de la presse qui décrit une société livrée à l’anomie. Le délitement de la société que l’on constate maintenant plusieurs années, pose abruptement, et au premier chef, la question du « vivre ensemble ». Devant la montée de cette anomie[1], nous sommes renvoyés à cette interrogation majeure : qu’est-ce qui « fait société » ? Plus encore, pouvons nous nous poser la question de « ce qui fait société » sans nous poser en même temps la question de savoir dans quelle société nous voulons vivre ?

    Jacques Sapir (RussEurope, 23 avril 2015)

     

    Note :

    [1] E. Durkheim, De la division du travail social, Paris, PUF, (1893), 2007.

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  • La Syrie illustre-t-elle une crise de la diplomatie française ?...

    Nous reproduisons ci-dessous une excellente analyse d'Alexandre Latsa, cueilli sur son blog Dissonance et consacré à la faillite de la politique syrienne de la France...

     

    Assad Syrie.jpg

    La Syrie illustre-t-elle une crise de la diplomatie française ?

    Ces dernières semaines, plusieurs nouvelles du front syrien ont pu laisser penser aux observateurs les plus attentifs que notre diplomatie avait commis de lourdes erreurs d’appréciation, et qu’une prise de conscience était en cours.

    Victime d’une agression extérieure à haute intensité qui a commencé en 2011, l’Etat syrien mène une guerre pour maintenir l’unité nationale et éviter une désintégration qui transformerait le pays en un Irak bis.

    Dès le début des événements, en 2011, la France a pris sans réfléchir des positions tranchées qui semblaient ne laisser aucun avenir au système Assad. Notre ministre des Affaires étrangères nous ressassait en 2011 et 2012 que Bachar el-Assad n’en avait plus « que pour quelques mois », ajoutant que même les Russes « envisageaient de laisser tomber le président syrien ».Visiblement très mal informée de la réalité de la situation sur le terrain, notre diplomatie n’avait pas envisagé un quelconque scénario alternatif. Pourtant, de nombreux experts non alignés avaient fait à l’époque d’autres prévisions qui se sont finalement réalisées: au cours des années 2013 et 2014, la coalition syrienne, c’est à dire l’appareil politique et militaire syrien et ses nombreux soutiens intérieurs et extérieurs, allait petit a petit regagner du terrain et connaître d’importants succès militaires et politiques.

    Ces succès militaires engrangés au cours des deux dernières années permettent au régime de contrôler aujourd’hui 60% du territoire et environ 75% de la population du pays. En parallèle de cette dynamique positive pour le pouvoir syrien, l’opposition dite démocratique s’est retrouvée de plus en plus écrasée entre la puissance des loyalistes et l’éclosion d’une multitude de fractions islamistes radicales à l’influence croissante. Parmi ces dernières, le front Al-Nosra qui tient une grande poche entre Idlib et Alep, ou l’Emirat islamique qui contrôle la zone allant de l’est d’Alep à la frontière irakienne dans le nord du pays. Cette carte éditée par le blogueur Peto_Lucem illustre à titre informatif les rapports de force sur le terrain fin janvier 2015.Alors que la France s’apprêtait à frapper militairement la Syrie et l’Etat syrien à la fin septembre 2013, c’est finalement une coalition militaire de 22 pays impliquant puissances occidentales et arabes qui procéda à une intervention militaire au cœur de l’été 2014 mais cette fois contre… l’Etat islamique et non le régime syrien! Un renversement historique total.

    Il faut rappeler que si l’abominable décapitation du journaliste James Foley a été l’un des déclencheurs médiatiques de cette opération militaire contre l’Etat islamique, le mainstream médiatique n’a cessé ces derniers mois d’insinuer que ce dernier avait été kidnappé par les forces d’Assad, comme on peut le voir ici.

    Alors que l’EI connaît actuellement ses premières défaites militaires importantes que ce soit face aux forces kurdes (Kobane) ou face à l’armée syrienne (Deir ez-Zor, Palmira…), après presque cinq ans de guerre, Assad est toujours là et il y a désormais peu de chances qu’il s’en aille aussi rapidement que certains avaient envisagés ou que l’Armée syrienne ne soit militairement défaite, sans une intervention extérieure très appuyée. La récente et courageuse visite de parlementaires français en Syrie confirme que l’homme est visiblement « tout sauf isolé (…) parfaitement informé de la situation (…) Et ne compte pas quitter la barque ».Alors que pour le président, le premier ministre et le ministre des Affaires étrangères français aucune négociation avec le président syrien ne semble encore envisageable, ce n’est apparemment plus le cas pour la diplomatie américaine dont la ligne de conduite semble connaître une inflexion assez importante: John Kerry lui-même a admis la possibilité de négociations avec le président syrien. Washington peine, il est vrai, à trouver les milliers de volontaires qu’elle souhaitait former pour aller combattre le régime syrien dans un premier temps, mais dont l’objectif serait désormais d’aller combattre au sol l’Etat islamique.

    Il est plausible que les chancelleries européennes, France en tête, vont sans doute dans les mois qui viennent devoir revoir leur copie sur le dossier syrien et prendre en compte quelques réalités de terrain.— Tout d’abord, si le régime syrien semble ne pas pouvoir l’emporter militairement aussi rapidement qu’il l’envisageait, il continue sa reconquête militaire et territoriale.

    — Il n’existe quasiment plus en Syrie d’opposition modérée au régime d’Assad (ayant un poids militaire ou politique suffisant) avec qui discuter.

    — Un fort consensus international s’établit progressivement sur le fait que la priorité est de neutraliser la nébuleuse « Etat islamique » pour éviter qu’elle ne devienne un élément supplémentaire et décisif de déstabilisation régionale. Une priorité d’autant plus importante pour l’Occident et la Russie que des milliers de citoyens européens et russes combattent au sein des milices islamiques, ce qui représente un gros risque pour leurs pays d’origine.

    Cette équation complexe implique donc que si la guerre continue, l’armée syrienne devrait progresser dans sa reprise de contrôle du territoire syrien; dans le même temps, il n’existe plausiblement pas d’interlocuteurs crédibles pour remplacer Assad. Dans un tel cas de figure, ce dernier, après avoir déjoué l’agenda des grandes puissances impérialistes (occidentales ou pays du Golfe) pourrait potentiellement apparaître comme un symbole d’un genre nouveau, une sorte de De Gaulle arabe, héros de la souveraineté nationale. L’équation syrienne pourrait constituer un piège pour la France si notre diplomatie devait s’entêter, pour des raisons idéologiques et non pragmatiques, à refuser de constater que non seulement Assad n’est pas prêt à partir, mais qu’il est aussi la clef du dossier syrien.

    Un dossier dont la solution est strictement politique, comme ne cesse de le répéter la diplomatie russe depuis maintenant près de cinq ans.

    Alexandre Latsa (Dissonance, 5 avril 2015)

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  • Or noir, la grande histoire du pétrole...

    Les éditions La Découverte viennent de publier un essai de Matthieu Auzanneau intitulé Or noir - La grande histoire du pétrole. Journaliste, Matthieu Auzanneau anime le blog " Oil Man, chroniques du début de la fin du pétrole "...

     

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    " Depuis les premiers puits désormais à sec jusqu'à la quête frénétique d'un après-pétrole, du cartel secret des firmes anglo-saxonnes (les "Sept Sœurs") jusqu'au pétrole de schiste, Or noir retrace l'irrésistible ascension de la plus puissante des industries. Dans cette fresque passionnante, on croise les personnages centraux des cent dernières années – Churchill, Clemenceau, Roosevelt, Staline, Hitler, De Gaulle, Kissinger, sans oublier les présidents George Bush père et fils... –, mais aussi John Rockefeller, probablement l'homme le plus riche de tous les temps, ainsi que des personnalités moins connues ayant joué des rôles décisifs, tels Calouste Gulbenkian, Abdullah al-Tariki ou Marion King Hubbert. Ce livre éclaire d'un jour inattendu des événements cruciaux – l'émergence de l'URSS, la crise de 1929, les deux guerres mondiales, les chocs pétroliers, les guerres d'Irak, la crise de 2008, etc. –, bousculant au passage beaucoup de fausses certitudes. Le pétrole, notre source primordiale et tarissable de puissance, est présent à l'origine des plus grands déchaînements du siècle passé, comme du sucre versé sur une fourmilière. Jusqu'à une date récente, l'emprise du pétrole s'oubliait ; elle allait tellement de soi. Croissance, climat, guerre, terrorisme : cette emprise ressurgit aujourd'hui à travers de gigantesques menaces. Or notre avenir dépend de celui que nous donnerons au pétrole, ou bien de celui qu'il nous imposera. La fin du pétrole, en tant que carburant de l'essor de l'humanité, devrait se produire bien avant que ce siècle ne s'achève. De gré ou de force. Et nul ne peut dire où cette fin va nous conduire... "

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  • Faut-il revoir nos choix diplomatiques et militaires ?...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une chronique percutante d'Éric Zemmour sur RTL, datée du 22 janvier 2015 et consacrée aux incohérences de notre politique diplomatique et militaire...

     


    Éric Zemmour : "Il faut revoir nos choix... par rtl-fr

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