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alain de benoist - Page 39

  • Les médias : un micro-milieu d'adeptes de la pensée unique...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire, dans lequel il évoque le monde médiatique... Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Ce que penser veut dire (Rocher, 2017) et L'écriture runique et les origines de l'écriture (Yoran, 2017).

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    Alain de Benoist : « Pour le monde médiatique, le monde extérieur, le monde réel, n’existent pas… »

    Ce n’est un secret pour personne : les quotidiens nationaux se vendent de moins en moins, certains étant même, tels Libération et L’Humanité, artificiellement maintenus sous perfusion financière. Il est, pourtant, des pays où la presse papier reste florissante. Comment expliquer ce paradoxe ?

    Deux remarques pour commencer. D’abord, quand on parle de la crise de la presse française, c’est en fait de la presse parisienne qu’on veut parler. La presse régionale se porte un peu moins mal, bien qu’elle soit en général peu attractive. Tradition jacobine oblige, tout ce qui se veut d’audience « nationale » se doit d’être à Paris. Deuxième remarque : les journaux emploient des journalistes, mais il y a longtemps que ceux-ci ne les possèdent plus. Dix milliardaires, marchands d’armes, banquiers, représentants de l’industrie du luxe ou du bâtiment possèdent, à eux seuls, 89,9 % des quotidiens nationaux. Pourquoi Dassault, Bouygues, Lagardère, Drahi, Niel, Bernard Arnault investissent-ils dans la presse ? Certainement pas par philanthropie. Ils se targuent tous, la main sur le cœur, de ne pas peser sur les choix rédactionnels, mais ils n’ont nul besoin le faire : il leur suffit de s’assurer que ne seront jamais recrutés des adversaires de l’idéologie dominante (ce qui leur est assez facile, puisque les écoles de journalisme forment déjà à cela).

    Pourquoi la presse se porte-t-elle si mal ? D’abord, bien sûr, parce qu’elle est mal faite. Quand on les compare à la presse quotidienne italienne ou allemande, le caractère misérable des quotidiens français saute aux yeux. Mais la cause principale, c’est évidemment la défiance envers les médias. Elle est, aujourd’hui, générale, mais elle est particulièrement significative quand elle s’exerce vis-à-vis de ceux qui sont censés informer. Les gens constatent que l’information est biaisée et qu’elle ne reflète en aucun façon ce qu’ils voient tous les jours autour d’eux. Les journalistes ne jouissent plus de la moindre autorité morale, la preuve en étant sur un certain nombre de problèmes-clés, au moins 80 % d’entre eux pensent exactement le contraire de ce que pensent 80 % des Français. Comment s’étonner de cette désaffection quand, comme le disait Guy Debord, « le vrai n’est plus qu’un moment du faux » ?

    Autrefois, les journaux professaient des idées différentes. Aujourd’hui, on a l’impression qu’ils disent tous plus ou moins la même chose. Pourquoi ?

    Journaux, télévisions, partis politiques : depuis trente ans, tous disent plus ou moins la même chose parce que tous raisonnent à l’intérieur du même cercle de pensée. On zappe sans cesse, mais on n’entend qu’une voix. La pensée unique est d’autant plus omniprésente dans les médias qu’elle s’exerce dans un micromilieu où tout le monde a les mêmes références (les valeurs économiques et les « droits de l’homme »), où tout le monde se tutoie et s’appelle par son prénom, où les mêmes relations incestueuses unissent journalistes, hommes politiques et show-business. Pour ces gens-là, le monde extérieur, le monde réel, n’existe tout simplement pas.

    Et comme leur discours ne passe plus, ils sont de plus en plus haineux, de plus en plus hargneux. La campagne visant à faire en sorte qu’Éric Zemmour ne soit plus invité par aucun média en est un exemple parmi bien d’autres (souvenons-nous de l’affaire Richard Millet). Les pyromanes jouent aux pompiers, et les porteurs de fausses nouvelles font semblant de s’en prendre aux « fake news » pour mieux s’ériger en tribunal. On assiste à ce spectacle incroyable de journalistes qui dénoncent leurs confrères et pointent du doigt ceux qu’il faut ostraciser. Ayant déjà perdu le pouvoir culturel, ils s’efforcent de constituer un contre-pouvoir, non plus face à la puissance d’État, mais face aux pensées non conformes, ce qui les transforme en petits flics, en curés inquisiteurs, en procureurs au petit pied pour le compte de l’idéologie dominante, c’est-à-dire, comme toujours, de la classe dominante. Autrefois, la presse était victime de la censure. Aujourd’hui, elle est devenue le vecteur principal de la censure. « Le problème, dit Frédéric Taddeï, aujourd’hui exilé sur RT France, c’est que vous n’avez plus de vrai débat à la télévision française et que ça n’a l’air de gêner aucun journaliste. » Derrière tout cela, il y a de la peur. La peur d’une vague qui monte et que rien, bientôt, ne pourra plus endiguer.

    Il est souvent prétendu qu’à sa manière, Internet réhabiliterait la lecture, et qu’en fait les Français liraient de plus en plus. Pieuse illusion ?

    Le cinéma n’a pas tué le théâtre, la photo n’a pas tué la peinture. On sait bien, aussi, qu’Internet et le papier se complètent plus encore qu’ils ne se font concurrence. Mais il ne faut pas tout confondre. Quand on parle de la lecture dans le grand public, il faudrait déjà savoir qui lit quoi. Le lecteur de Closer et celui du Débat n’ont pas tout à fait le même profil ! Quand on dit que 91 % des Français lisent des livres, ce qui place la France au neuvième rang des pays qui lisent le plus (les États-Unis n’occupant que la 24e place), on ne sait pas toujours si ce sont des polars ou des œuvres littéraires de haute volée.

    Ensuite, la lecture à l’écran est très différente de la lecture d’un livre imprimé. Outre que la première est cause d’une fatigue visuelle beaucoup plus intense, la façon dont l’œil se déplace en lisant n’est pas la même. La lecture numérique est souvent interactive ; contrairement à la lecture papier, elle ne se limite pas à une seule tâche à la fois. Les spécialistes de psychologie cognitive l’ont observé : à l’écran, la lecture se fait en diagonale et par saccades, dans l’immédiateté, ce qui interdit le retour en arrière, la pensée profonde et la réflexion critique. Les circuits neuronaux doivent s’adapter à cette perte des repères spatiaux, due à la disparition d’un lien logique dans la lecture. Si Internet « réhabilite la lecture », c’est donc d’une autre lecture qu’il s’agit. Les enseignants ne devraient pas l’oublier.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 2 octobre 2018)

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  • Une guerre qui ne dit pas son nom...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire, dans lequel il évoque les sanctions économiques prises par les États-Unis ou à leur instigation... Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Ce que penser veut dire (Rocher, 2017) et L'écriture runique et les origines de l'écriture (Yoran, 2017).

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    Alain de Benoist : « Les sanctions économiques ? Une guerre qui ne dit pas son nom… »

    Dès qu’un pays pose problème, on évoque désormais des « sanctions internationales », lesquelles s’apparentent de plus en plus à des sanctions américaines. Mais quels sont, exactement, le sens et la légitimité de cette politique de sanctions ?

    La politique des sanctions n’est pas une politique. C’est une forme de guerre, qui n’utilise que des moyens « pacifiques » contribuant à brouiller la frontière entre la guerre et la paix. Tout comme le blocus, dont les sanctions constituent la forme moderne, cette guerre s’apparente à la guerre maritime, toujours privilégiée par les puissances thalassocratiques – l’Angleterre autrefois, les États-Unis aujourd’hui –, qui est également une guerre commerciale ou économique : la « guerre au commerce », qu’on appelait autrefois la « guerre de course ». C’est une guerre « totale », non seulement parce qu’elle rejette la distinction classique entre combattants et non-combattants, mais aussi parce qu’elle s’appuie le plus souvent sur une théorie de la guerre « juste », qui assimile l’ennemi à un criminel ou à un délinquant.

    La stratégie navale, on le sait, diffère profondément de la stratégie terrestre. Sur terre, la guerre oppose classiquement des armées étatiques sans viser les personnes civiles, qui ne sont pas traitées en ennemis aussi longtemps qu’elles ne participent pas aux hostilités. La guerre maritime, elle, ne se réduit pas à une confrontation entre marines ennemies ni même entre militaires. Elle ne vise pas seulement les combattants, mais aussi les civils. Elle ne distingue pas, non plus, entre le front et « l’arrière ». Les notions de blocus, de droit de prise, de butin, de capture, qui permettent de s’emparer des propriétés privées de l’ennemi, sont des notions spécifiques de la guerre navale, qui frappe indistinctement toute la population ennemie, tous les ressortissants de l’État belligérant sans distinction d’âge ou de sexe, mais aussi toute société privée ou État neutre qui pourraient être en relation avec l’ennemi ou l’aider à tourner les sanctions.

    Les sanctions de Donald Trump contre Téhéran, par exemple, visent aussi les puissances européennes qui continuent à commercer avec l’Iran, car elles n’ont aucune raison de s’associer à la décision états-unienne de sortir de l’accord nucléaire qui avait été conclu avec ce pays. C’est l’un des traits les plus caractéristiques des sanctions : elles ne reconnaissent pas la neutralité ; quiconque refuse de soutenir les sanctions décrétées par le sanctionneur est pareillement sanctionné à son tour.

    On remarque aussi que les « sanctions » aboutissent généralement à un renforcement des pouvoirs en place plutôt qu’à leur affaiblissement. Ne serait-il pas plus sage, voire plus efficace, d’en revenir à une diplomatie plus traditionnelle ?

    La politique des sanctions, encore une fois, n’est pas une forme de diplomatie mais une forme de guerre. Elle intervient lorsque la diplomatie a abdiqué. Les sanctions visent à provoquer à la fois des effets physiques (la pénurie, l’appauvrissement, la désorganisation de l’économie, l’impossibilité d’exporter ou d’importer) et des effets psychologiques (faire monter le mécontentement dans la population de façon à ce qu’elle fasse pression sur son gouvernement). Cette stratégie repose sur le double postulat que les populations sont vulnérables, car elles dépendent de l’extérieur pour leurs approvisionnements et leurs débouchés, et qu’elles sont en mesure d’influencer leurs dirigeants. Le premier postulat est exact, le second ne l’est pas. Dans la majorité des cas, la population ainsi maltraitée fait porter la responsabilité de son sort sur l’auteur des sanctions et tend plutôt à faire corps avec son gouvernement : au lieu de provoquer la scission entre les dirigeants et les dirigés, les sanctions tendent à les rapprocher. On assiste alors seulement à un durcissement de la situation.

    Le cas des sanctions européennes contre la Russie, pour cause « d’annexion » de la Crimée est intéressant, sachant que la Russie a ensuite pris d’autres sanctions contre les premiers sanctionneurs. Logique infernale ?

    Les États-Unis sont les spécialistes des sanctions : contre l’Iran, contre la Russie, contre la Chine, contre la Corée du Nord, contre le Venezuela et j’en passe. Ces sanctions prennent souvent la forme de l’embargo, qui est aussi un équivalent moderne du blocus. Elles peuvent être de diverses natures (commerciales, financières, économiques, militaires, administratives, technologiques ou purement symboliques) et avoir les motifs les plus différents. Elles n’impliquent pas nécessairement un affrontement idéologique mais sont, évidemment, conformes à la politique étrangère états-unienne : la Russie est sanctionnée pour avoir rendu la Crimée à la Russie conformément au vœu de ses habitants, tandis qu’Israël est libre d’occuper depuis plus de trente ans le plateau du Golan à seule fin d’assurer sa sécurité.

    Les Américains se sont aujourd’hui engagés, avec la Chine et la Russie notamment, dans une absurde spirale de sanctions et de contre-sanctions devenue le principal mode de relation entre anciens partenaires devenus rivaux. Les sanctions ne laissent apercevoir aucune solution aux problèmes de sécurité du continent européen, car ce sont par définition des mesures déterritorialisées. « L’histoire des puissances commerciales offre des cas typiques de politique non territoriale », écrivait déjà Friedrich Ratzel, précurseur de la géopolitique. La mondialisation est, elle-même, une « maritimisation ».

    Le 25 novembre 2016, Jacques Attali déclarait, dans Marianne : « J’ai prophétisé, il y a près de quatorze ans, l’avènement d’un monde nomade, et je crois que celui-ci prend enfin forme. Les puissances thalassocratiques prennent leur revanche sur les puissances continentales, et tout l’enjeu va être pour la France de se mouvoir dans ce nouvel univers. » Nomadisme commercial ou enracinement continental : c’est tout l’enjeu, en effet.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 29 septembre 2018)

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  • Ecologie conservatrice contre écologie révolutionnaire...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire, dans lequel il évoque l'écologie... Philosophe et essayiste, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Ce que penser veut dire (Rocher, 2017) et L'écriture runique et les origines de l'écriture (Yoran, 2017).

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    Alain de Benoist : « L’écologie a un versant conservateur et un versant révolutionnaire ! »

    Avec le départ de Nicolas Hulot du gouvernement, on en vient à penser qu’un ministre de l’Écologie ne sert finalement à rien, si ce n’est à démissionner. Encore une occasion manquée ?

    On peut reprocher beaucoup de choses à Nicolas Hulot, mais certainement pas l’accuser d’opportunisme. Je n’en dirai pas autant de son successeur, qui me paraît déjà avoir la bouche bien entraînée pour avaler les couleuvres. Hulot ne tenait pas à être ministre, il a fini par céder aux pressions, il s’en est repenti. Et il est parti. Mais en partant, il a dit la vérité, à savoir que, malgré toutes les sottises que l’on peut entendre sur le « capitalisme vert » et le « développement durable », l’écologie et l’économie obéissent à des logiques inconciliables. L’écologie n’est pas compatible avec le capitalisme libéral ni avec la logique du profit, parce que c’est à leur déchaînement planétaire que l’on doit toutes les dégradations de l’environnement que l’on constate aujourd’hui. C’est ici qu’il faudrait citer le mot de Bossuet sur ceux qui déplorent des conséquences dont ils chérissent les causes.

    De ce point de vue, un ministre de l’Écologie ne peut être, en effet, qu’un idiot utile qui fait de la figuration. Il est là pour « verdir » l’image du gouvernement à de simples fins électorales. Soyons sûrs que, dans le rôle, François de Rugy fera merveille. En réalité, aussi longtemps qu’on n’aura pas remis en cause l’obsession de la croissance et de la consommation, la toute-puissance de la marchandise, l’axiomatique de l’intérêt et la folie du productivisme, rien ne s’améliorera fondamentalement.

    L’écologie est assez mal vue à droite alors que, conservatrice par nature, elle est précisément née à droite. Est-ce la faute des écologistes ou des gens de droite ?

    L’écologie a un versant conservateur et un versant révolutionnaire. Elle est éminemment conservatrice dans la mesure où elle cherche à sauvegarder la nature et à protéger l’équilibre des écosystèmes. Mais elle est révolutionnaire en ce qu’elle est assez lucide pour observer qu’on ne renversera pas la tendance actuelle par des mesures cosmétiques. C’est le paradigme général qu’il faut changer. Cet aspect-là ne peut, évidemment, que scandaliser les libéraux et, d’une façon générale, tous ceux qui pensent que le monde peut bien périr pour autant que l’existence humaine reste gouvernée par des valeurs marchandes et qu’on continue d’obéir aux « lois de l’économie ». « Fiat economia, et pereat mundus » !

    Il faut pourtant ne pas avoir pas les yeux en face des trous pour ne pas voir ce que l’on voit aujourd’hui : les pollutions qui ne cessent de s’étendre, l’épuisement des réserves naturelles, les dérèglements climatiques, l’empoisonnement des sols, des airs et des eaux. Le drame est que les gens de droite s’imaginent souvent que se préoccuper du sort de la planète, c’est du « mondialisme » (eh oui, la pollution ne s’arrête pas aux frontières !). Comme ils adorent contester les discours officiels, ils les contestent même quand ceux-ci énoncent des évidences. Les climato-sceptiques sont, à cet égard, les meilleurs alliés des multinationales qui détruisent la Terre. Ils confondent la météo et le climat et croient que ce n’est pas la peine de s’inquiéter des changements climatiques puisque « c’est naturel » (comme les tornades et les tremblements de terre !). Ils me font penser aux surréalistes, qui soutenaient par « non-conformisme » que deux et deux pouvaient faire n’importe quoi, mais surtout pas quatre.

    Les gens de droite, en outre, connaissent très mal la pensée écologiste. Ils s’imaginent que l’écologie est représentée par les « partis verts » libéraux-libertaires, qui n’ont cessé de s’allier aux partis productivistes et dont les revendications n’ont qu’un rapport très lointain avec l’écologie. Sans remonter jusqu’à Haeckel, la philosophie de l’écologisme a peu touché les esprits, qu’il s’agisse de la pensée des héritiers de Günther Anders et d’Aldo Leopold, de celles de Murray Bookchin, d’André Gorz et de Vittorio Hösle, de l’Écologie profonde d’Arnes Naess ou de grands théoriciens comme Holmes Rolston III ou John Baird Callicott. En France, beaucoup ont même oublié la veine qui, de Giono, Bernard Charbonneau et Jacques Ellul, aboutit à François Partant et à Serge Latouche.

    Pour certains écologistes, toutes les espèces vivantes auraient le droit de vivre dans un milieu naturel préservé, à la seule exception des peuples de la Terre qui, eux, devraient accepter l’occupation de leur territoire par des populations venues d’ailleurs. L’écologie est-elle incapable de comprendre les effets de l’immigration de masse ?

    Les altermondialistes en sont pour la plupart incapables, mais ils sont bien loin de représenter toute l’écologie politique. Lisez, par exemple, le beau livre d’Antoine Waechter et Fabien Niezgoda, Le Sens de l’écologie politique. Une vision par-delà droite et gauche (Éditions Sang de la Terre, 2018) qui s’inscrit dans la tradition naturaliste de Robert Hainard. Mais à l’inverse, ceux qui croient que la question identitaire relègue l’écologie à l’arrière-plan (comme si l’on ne pouvait pas se préoccuper des deux en même temps !) se trompent également. D’autant qu’il faut être vraiment naïf pour s’imaginer que les changements climatiques, la disparition des cultures vivrières, la déforestation, l’épuisement des sols et des nappes phréatiques n’auront pas d’effets sur les vagues migratoires. Quand la planète sera devenue inhabitable pour tout le monde, et que les océans contiendront plus de plastique que de poissons, les revendications identitaires n’auront plus beaucoup de sens. L’écologie n’est pas un discours décoratif, pas plus que la nature n’est le simple décor de nos existences. C’est la condition systémique du maintien de la vie.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 27 septembre 2018)

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  • Populisme de gauche, populisme de droite, les fronts bougent…

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire, dans lequel il évoque l'apparition d'un populisme de gauche hostile à l'immigration... Philosophe et essayiste, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Ce que penser veut dire (Rocher, 2017) et L'écriture runique et les origines de l'écriture (Yoran, 2017).

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    Alain de Benoist : « Populisme de gauche, populisme de droite, les fronts bougent… »

    En Allemagne, une femme politique d’extrême gauche, Sahra Wagenknecht, a récemment défrayé la chronique en annonçant la création d’un mouvement qui réclame un strict contrôle de l’immigration. Cette initiative a aussitôt déclenché des cris d’orfraie de ce côté-ci du Rhin. Cela vous paraît-il anecdotique ?

    Pas du tout. Je pense même que c’est un événement très important. Non seulement parce que cela se déroule en Allemagne, qui ne nous a pas habitués à ce genre d’initiative, mais aussi compte tenu de la personnalité de Sahra Wagenkencht. Née à Iéna d’un père iranien et de formation marxiste (elle est l’auteur d’une thèse sur l’interprétation de Hegel par le jeune Karl Marx), épouse depuis quatre ans du célèbre politicien d’extrême gauche Oskar Lafontaine, membre du Parlement européen, elle est aussi vice-présidente du parti Die Linke, héritier de l’ancien SED d’Allemagne de l’Est. On comprend que le lancement, au début du mois dernier, de son nouveau mouvement, Ausftehen (« Debout »), ait fait du bruit. D’autant que 100.000 adhérents de Die Linke s’y seraient déjà inscrits.

    Encore ne faut-il pas se méprendre sur ses intentions. Favorable au droit d’asile, sous réserve d’un contrôle très strict (les bénéficiaires devront revenir dans leur pays dès que les circonstances qui les ont amenés à le quitter auront disparu), elle condamne en revanche avec force toute politique laxiste en matière d’immigration, au motif notamment que les classes populaires y sont hostiles et que l’ouverture des frontières exerce sur les salaires une pression à la baisse : « Le problème de la pauvreté dans le monde ne peut être résolu par une immigration sans frontières, dont le seul effet est de fournir de la main-d’œuvre bon marché au patronat. »

    N’est-ce pas une trahison des principes de gauche, à seule fin de récupérer les votes de l’Alternative für Deutschland (AfD), qui semble s’imposer comme une force montante dans le paysage politique allemand ?

    C’est ce que tente de faire croire une analyse superficielle. Mais je pense que Sahra Wagenknecht a surtout compris que la cause première du succès de l’AfD, qui explique aussi que le Rassemblement national soit devenu le premier parti ouvrier de France, est que la gauche a trahi sa raison d’être : la défense des travailleurs et la lutte contre le capital. En se ralliant à la société de marché et à l’idéologie du « désir » individuel, la gauche s’est coupée du peuple, dont elle ne partage plus les aspirations. De ce point de vue, la naissance d’Aufstehen ne marque pas une trahison des principes de gauche, mais bien plutôt la réapparition d’un socialisme fidèle à ses origines.

    On a un peu vite oublié que Karl Marx condamnait déjà la concurrence déloyale que représentaient les travailleurs immigrés pour le prolétariat autochtone : l’immigration était, selon lui, l’« armée de réserve du capital ». Dans les années 1950, le Parti communiste, en même temps qu’il dénonçait la contraception et l’avortement comme des « vices bourgeois », ne raisonnait pas autrement : internationalisme et cosmopolitisme n’étaient pas, à ses yeux, synonymes. Jean-Claude Michéa le répète aujourd’hui : la mondialisation n’est rien d’autre que l’extension planétaire d’un capitalisme spéculatif et déterritorialisé dont les peuples font les frais. N’oubliez pas, non plus, les prises de position d’André Gérin, ancien maire communiste de Vénissieux (« L’immigration n’est pas une chance pour la France ») ni celles du syndicaliste communiste Jacques Nikonoff, ancien président d’ATTAC (« Il faut stopper l’immigration et organiser le retour sur une base volontaire ») ni, bien sûr, la lettre adressée en 1981, à une époque où le FN n’était encore qu’un groupuscule, par Georges Marchais au recteur de la mosquée de Paris : « La cote d’alerte est atteinte. Je précise bien : il faut stopper l’immigration officielle et clandestine. »

    Cela pose la question de savoir si un populisme de gauche est possible en France ?

    Un chiffré-clé à cet égard : selon un sondage IFOP de janvier dernier, 51 % des électeurs de Mélenchon trouvent que l’immigration s’effectue en France à un rythme trop élevé, contre seulement 31 % chez ceux d’Emmanuel Macron. Un sur deux ! Ce n’est, en fait, un secret pour personne que La France insoumise a deux électorats tout à fait différents. C’est ce qui explique la guerre de moins en moins feutrée que se livrent dans ses rangs les progressistes libertaires du type Danièle Obono ou Clémentine Autain, et les tenants d’un véritable populisme de gauche. Djordje Kuzmanovic, porte-parole de FI pour les questions internationales et qui se range dans la seconde catégorie (il s’est présenté comme « candidat patriote » aux dernières législatives), a récemment donné à L’Obs un entretien, qui a lui aussi fait des vagues, dans lequel il déclarait ne pas trouver tout à fait normal que, sur l’immigration, la gauche tienne le même discours que le patronat. « La bonne conscience de gauche, ajoutait-il, empêche de réfléchir concrètement à la façon de ralentir, voire d’assécher les flux migratoires. » Jean-Luc Mélenchon, dont j’ai de bonnes raisons de croire qu’il n’en pense pas moins, a cru bon de le désavouer par crainte des conséquences électorales. C’est, à mon sens, une grosse bourde stratégique.

    Il faut lire le dernier livre de Chantal Mouffe, Pour un populisme de gauche (Albin Michel), pour comprendre les enjeux de cette querelle. Chantal Mouffe était l’épouse d’Ernesto Laclau, philosophe politique argentin décédé voici quelques années, qui fut précisément le grand théoricien du populisme de gauche (ce qui lui a valu les attaques conjointes de la droite et de la gauche classique). Très marquée par la pensée de Carl Schmitt, elle a elle-même exercé une nette influence sur Mélenchon et sur certains dirigeants de Podemos en Espagne. L’initiative de Sahra Wagenkencht est à replacer dans ce cadre, tout comme le revirement des sociaux-démocrates danois, qui s’opposent désormais à l’immigration. C’est la confirmation que les fronts bougent.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 25 septembre 2018)

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  • Ces démocraties illibérales plébiscitées par le peuple...

    Le nouveau numéro de la revue Éléments (n°174, octobre-novembre 2018) est en kiosque !

    A côté du dossier consacré aux nouvelles démocraties illibérales, on retrouvera l'éditorial d'Alain de Benoist, les rubriques «Cartouches», «Le combat des idées» et «Panorama» , un choix d'articles variés, des entretiens, notamment avec Laurent Obertone et Eric Zemmour, les chroniques de Xavier Eman, d'Hervé Juvin, d'Olivier François, de Ludovic Maubreuil, de Fabien Niezgoda, de Laurent Schang et d'Yves Christen et l'anti-manuel de philosophie de Jean-François Gautier...

    Bonne lecture !

    Vous pouvez commander ce numéro ou vous abonner sur le site de la revue : http://www.revue-elements.com.

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    Éditorial           

    La fin des classes moyennes, par Alain de Benoist

    Agenda, actualités

    L’entretien

    Laurent Obertone enterre le vivre-ensemble, propos recueillis par François Bousquet et Pascal Esseyric

    Cartouches

    Le regard d’Olivier François : Le jeu de massacre d'Anne Hansen

    Une fin du monde sans importance, par Xavier Eman

    Le carnet géopolitique d’Hervé Juvin : Tout est normal, tout change

    Nimier inactuel, donc plus actuel que jamais ! , par Michel Marmin

    Je me souviens... de Sergio Leone , par Ludovic Maubreuil

    Champs de bataille : Voir Teutoburg et mourir, par Laurent Schang

    Guerre aux démolisseurs, par Fabien Niezgoda

    Bestiaires : L'homme est-il un animal domestique, par Yves Christen

    Sciences

    Le combat des idées

    Eric Zemmour, pourquoi la France, propos recueillis par François Bousquet

    Mathieu Bock-Côté : Justin Trudeau, le laborantin du progressisme mondialisé, propos recueillis par Alain de Benoist

    Emmanuel Caméléon, par Christian Combaz

    Christian Combaz, la révolte de la France de Campagnol, par François Bousquet

    Combattre au Moyen-Age, par Fabien Niezgoda

    D'estoc et de taille, rencontre avec Jean-Paul Conraud, propos recueillis par Fabien Niezgoda

    Fabrice Grimal : la jeunesse française face à la révolution, propos recueillis par David L’Épée

    L'impuissance de Galileo, le GPS européen, par Hector Burnouf

    L'énigme brésilienne Jair Bolsonao, par Nicolas Dolo

    Le Brésil sous la coupe de l'«État profond» américain, par Nicolas Dolo

    1789, une contre-révolution sexuelle, par David L’Épée

    Pierre Madelin, au-delà de l'anticapitalisme, par Falk van Gaver

    Le récit secret de Christopher Gérard, par François Bousquet

    La victoire de la boue, par Patrice Jean

    La poésie de Georgette LeBlanc, par Erik L'Homme

    Dans l'atelier de Pierre Lamalattie, propos recueillis par Thomas Hennetier

    Dossier

    Les nouvelles démocraties illibérales

    La société illibérale et ses ennemis, par Alain de Benoist

    Viktor Orban, l'illibéralisme au pays du «goulash», par Yann Caspar

    L'essence anti-démocratique du libéralisme, par Jean-Louis Bernard

    Le retour du protectionnisme, par Guillaume Travers

    L'imposture du national-libéralisme, par David L’Épée

    Panorama

    L’œil de Slobodan Despot

    Les espaces à reconquérir, par Slobodan Despot

    Philo : Un problème peut-il être mystérieux ?, par Jean-François Gautier

    L’esprit des lieux : Glen Coe, terre sauvage, par Fabien Niezgoda

    C’était dans Éléments : Pour en finir avec la civilisation occidentale, par Guillaume Faye

    Éphémérides

     

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  • Les populistes identitaires sont-ils en train de gagner...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous l'émission Signe des temps diffusée sur France Culture qui réunissait, pour évoquer la montée du populisme identitaire, Aurélien Bellanger, Dominique Reynié et Alain de Benoist.

     

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    " L'ouverture de la "Nouvelle librairie Nationale" rue de Médicis à Paris invite à se pencher sur la montée des conservatismes et sur le mouvement multiforme et parfois contradictoire que l’on appelle populisme ou identitaire

    La "Nouvelle librairie Nationale" est une libraire historique située rue de Médicis à Paris, juste en face du jardin du Luxembourg. 

    Entre 1900 et 1925, elle a été la propriété du mouvement antisémite et royaliste l’Action Française fondé par Charles Maurras avant d’être reprise ensuite par George Valois, créateur du faisceau, le premier mouvement fasciste français, qui rejoignit par la suite la Résistance.

    Elle a rouvert cet été 2018 sous la direction de François Bousquet, le rédacteur en chef de la revue "Eléments", qui veut en faire un instrument de "guérilla culturelle" ainsi qu’il l’a raconté à l’Express. Cet automne, elle propose donc dans ses rayons entre autres livres ceux de et sur Maurras, ceux de Michel Houllebecq, les œuvres complètes du penseur fasciste italien Julius Evola et ceux de l’écrivain français Jean Raspail, tous deux inspirateurs de l’ancien conseiller de Donald Trump, Steve Bannon, qui sillonne en ce moment même les capitales européennes pour créer un grand front antilibéral.

    Pendant ce temps, ce même automne

    Frédéric Taddeï commence une nouvelle émission sur la chaîne officielle du gouvernement russe "Russia Today", Natacha Polony prend la tête de "Marianne", racheté par l’industriel tchèque Daniel Kretinsky, et à Lyon, Marion-Maréchal Le Pen ouvre l’Institut des sciences sociales économiques et politiques destiné à former les cadres de "la jeunesse conservatrice". Bien sûr, ces figures sont toutes différentes, mais, sur les ruines d’une gauche qui, pour reprendre les termes de Pierre Rosanvallon, n’a plus rien à dire, elles ont pour point commun de se lancer toutes à l’assaut d’un paysage culturel hanté par la correction politique.

    Signe des temps, l’émission qui n’a peut-être jamais si bien porté son nom qu’aujourd’hui, propose donc pour ce troisième numéro de se pencher sur le mouvement politique peut-être le plus important du début de ce nouveau siècle, ce mouvement multiforme et parfois contradictoire, que l’on appelle populisme ou identitaire, qui est aussi difficile à définir qu’à comprendre, mais qui, né en France dans les dernières années du XIXe siècle, s’est étendu aujourd’hui de la Hongrie à l’Italie, des Etats-Unis à la Pologne et à la Russie, de l’Allemagne à l’Autriche, et semble en passe de gagner la bataille sinon politique, du moins culturelle. "

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