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  • Le protectionnisme et ses ennemis...

    Les éditions Les Liens qui Libèrent viennent de publier un ouvrage collectif intitulé Le protectionnisme et ses ennemis, qui rassemble des articles de Ha-Joon Chang, Serge Halimi, Frédéric Lordon, François Ruffin et Jacques Sapir...

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    "Chômage, précarité, baisse du niveau de vie… Autant de maux que la mondialisation a considérablement aggravés. Veau d’or du capitalisme, le libre-échange passe, aux yeux de ses défenseurs, pour une loi incontournable de l’économie, à l’égal de celle de la gravitation universelle de Newton ou de l’héliocentrisme de Galilée. Et si le protectionnisme n’était pas l’épouvantail agité par les économistes bien-pensants ? Ce deuxième petit livre de la collection « Prendre parti » rassemble ici quelques-uns des articles les plus représentatifs de cette réflexion… Celui du grand économiste américain Chang, fils spirituel de Stiglitz, l'un des premiers à avoir étudié le mythe du libre échange dans l'histoire, celui de Jacques Sapir, auteur de La déglobalisation, qui explique pourquoi aujourd hui le retour du protectionnisme est vital pour nos économies anémiées, celui de Frédéric Lordon, auteur notamment de D'un retournement l'autre (Seuil) qui dénonce la mauvaise foi des thuriféraires du libre échange et les dangers d'une idéologie dominante qui a créé les conditions de la crise, celui de François Ruffin qui raconte comment le mot de protectionnisme est devenu imprononçable alors que nos industries sont sacrifiées, et celui enfin de Serge Halimi qui réinscrit le protectionnisme à l'aube du développement des Etats-Unis."

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  • Toulouse, médias et politiques : le doigt dans l'oeil !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue tonique de Dominique Jamet, cueilli sur Atlantico et consacré à la tragédie de Montauban et de Toulouse et à sa tentative de récupération par des intellectuels et des politiques peu scrupuleux...

     

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    Toulouse, médias et politiques : le doigt dans l'oeil

    Parler. Parler sans savoir. Parler sans attendre. Accuser sans preuves. Amalgamer sans logique. Condamner sans avoir instruit. Désigner à la vindicte et à l’exécration publiques le bouc émissaire de son choix. Tordre l’actualité, si tragique soit-elle, d’autant plus qu’elle est plus tragique et plus susceptible de déchaîner les passions, et l’instrumentaliser en fonction de ses préjugés, de ses obsessions, de ses haines ou tout simplement de ses intérêts. L’histoire surabonde de ce genre de comportements, trop souvent à la base d’ostracismes arbitraires, de lois d’exception, d’atteintes aux libertés.

    Le Reichstag flambait encore que Goering avait déjà identifié le pyromane et, derrière lui, la main du Parti communiste, aussitôt interdit. Bonaparte avait à peine échappé par miracle à l’attentat de la rue Saint-Nicaise, fomenté par les royalistes, qu’il en dénonçait déjà les auteurs, qui ne pouvaient être, n’est-ce pas, que les jacobins nostalgiques de la Terreur. On attendrait plus de sagesse, plus de retenue, plus de réflexion, dans une démocratie adulte, de la part d’hommes politiques, supposés responsables, puisque aspirant à exercer la plus haute charge de la République, a fortiori de polémistes qui se présentent sans complexe et se laissent complaisamment présenter comme philosophes.

    François Bayrou, que l’on aurait pu croire plus mesuré, mais qu’affolent son ambition monomane et la perspective d’être une fois encore privé de second tour, n’a pas craint, sans avoir procédé à la moindre enquête, et alors que l’enquête était en cours, de prononcer l’anathème contre « les gens qui se servent des passions noires pour les faire flamber ».

    Jean-Luc Mélenchon, dans la pure tradition, de Robespierre, son modèle, son idole, menaçait obscurément ceux qui « recourent à certaines citations». En clair, c’est le fameux discours sécuritaire prononcé à Grenoble par Nicolas Sarkozy, ce sont les propos de Claude Guéant sur l’inégalité des civilisations qui ont armé le bras des assassins. On parle d’immigration, et l’on déchaîne les pogroms, on évoque le dossier de l’abattage et de la commercialisation de la viande halal, et cela finit par une boucherie. On cite des vers de Robert Brasillach, journaliste antisémite et poète fusillé, et l’on est justiciable de l’ascenseur pour les fachos.

    Pas en reste, Le Canard Enchaîné le plus institutionnel de nos journaux satiriques qui, bouclé le mardi, ne peut prévoir ce qui se passera le mercredi, en remontant la trace du tueur de Toulouse, reconnaît à son odeur nauséabonde la marque du néonazisme.

    Dès lundi, sur son blog, l’incorrigible Bernard-Henri Lévy, illustrant une fois de plus sa propension à l’emballement, au sensationnalisme, à l’approximation, à la généralisation, ces démons familiers et si peu philosophiques qui lui ont fait commettre tant de bourdes, maudissait ceux qui ont « libéré la parole infâme », déplorait « l’assassinat du contrat social » français (pas moins), clamait « sa honte et sa colère » et appelait à une grande procession réparatrice, à un exorcisme politico-moral semblable à celui qui avait présidé à la mémorable manifestation consécutive aux profanations du cimetière de Carpentras, manifestation d’unanimité dont, soulignait-il avec une certaine perfidie que le Front national s’était exclu, oubliant que le Front National pouvait difficilement s’inviter à ladite manifestation, organisée dans un climat d’hystérie collective pour protester contre le crime odieux dont il était accusé. A tort.

    Le sang des victimes de Toulouse et de Montauban n’était pas encore séché, leurs obsèques n’avaient pas encore eu lieu, la personnalité, les motivations, l’identité politique, religieuse et psychiatrique du tueur nous étaient encore inconnues que déjà l’auteur de L’Idéologie française y voyait une confirmation éclatante de la vision fantasmatique, cauchemardesque et obsessionnelle qu’il trimbale et tente d’imposer depuis trente ans d’une France peureuse, frileuse, haineuse et même pétaineuse, repliée sur elle-même, nationaliste, rétrograde, matrice et berceau du fascisme qui serait selon lui la France.


    Faut-il rappeler à Bernard-Henri Lévy, sans même évoquer la Déclaration des droits de l’Homme, œuvre française, que ce pays, notre pays, le sien, que la France, multiethnique, multiconfessionnelle, multiculturelle, passée en un demi-siècle de quarante à soixante-cinq millions d’habitants, a accueilli et tenté d’intégrer depuis la fin de la deuxième guerre mondiale des millions et des millions d’étrangers dont la loi, le temps, l’éducation, la République ont fait des Français à part entière ? Faut-il lui demander d’ouvrir les yeux et de constater que ce pays dont l’apport de ces étrangers et le renouvellement des générations ont profondément transformé le visage et modifié l’identité sans y déclencher la moindre guerre sociale ne saurait être accusé de racisme que par des ignorants, des sectaires et des démagogues ?

    Faut-il lui dire que, le tueur eût-il été effectivement un nazi, se réclamerait-il d’Al Qaida, il ne serait pas plus représentatif de la France que l’assassin Breivik, le tueur de masse d’Oslo n’est représentatif de la Norvège ou que « M » le maudit, le héros pédophile du chef-d’œuvre de Fritz Lang n’est représentatif de l’Allemagne ? Faut-il donner à un philosophe humaniste une petite leçon d’universalisme et tâcher de lui faire comprendre que si l’assassin a tué des petits enfants parce qu’ils étaient juifs, ce n’est justement pas parce qu’ils sont juifs mais parce que ce sont des petits enfants innocents qu’ils ont droit à notre compassion, à la même horreur et à la même compassion que s’ils étaient palestiniens, bouddhistes, catholiques ou sans confession ? Faut-il lui demander de faire un tour en France et de vérifier que la France est unanime dans sa condamnation du massacre et du massacreur?


    Certes, on ne peut pas exiger d’un géopoliticien diplomate et stratège, spécialiste, internationalement reconnu à Saint-Germain des Prés, de la Bosnie, de la Libye et de la Syrie qu’il suive d’aussi près ce qui se passe sur notre hexagone, si petit qu’il n’a pas la place d’y déployer ses ailes de géant. Qu’il nous permette seulement de lui dire que cette fois encore il s’est mis son doigt de partisan dans son œil de philosophe.

    Dominique Jamet (Atlantico, 21 mars 2012)

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  • Le sanspapiérisme...

    Les éditions Xénia publient cette semaine un essai de Luc Gaffié intitulé Le sanspapiérisme. Luc Gaffié est, par ailleurs l'auteur d'un essai sur les idées du conservatisme américain.

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    "A partir de la pudibonderie suscitée par le politiquement correct, on a laissé s'établir en France une réalité parallèle fondée sur un simple abus de termes : les "sans papiers", nous dit Luc Gaffié, cela n'existe que dans les mots.
    Une analyse élégante et pénétrante d'un des grands tabous idéologiques de notre temps."
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  • La tuerie de Toulouse et la haine...

    Nous reproduisons ci-dessous les réflexions quont inspiré à Claude Bourrinet, sur le site de Voxnr, les tragiques événements de Montauban et de Toulouse.

     

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    La tuerie de Toulouse et la haine

    Après la tuerie perpétrée par un homme en scooter dans une école juive de Toulouse, lâche assassinat de trois enfants et d’un professeur d’hébreu, la parole va être encore moins possible qu’auparavant. Non que le flot, légitime, des indignations et de l’émotion, ne va pas envahir l’espace public – nous aurons bien sûr tout ce qui est d’usage en la matière – mais il sera difficile de désembuer la logique, et d’adopter une pensée raisonnable.

    Du reste, pourquoi ne pas, ici même, exprimer l’horreur qu’un tel acte suscite ? Le froid assassinat de trois (ou peut-être quatre) militaires français, à Toulouse et Montauban, ne pouvait que susciter la colère et l’écœurement. La première idée qui vint à l’esprit fut que ce geste relevait d’un terrorisme importé d’Afghanistan, malgré les dénégations des autorités. Cependant, l’origine maghrébine et antillaise des victimes laissait planer le doute, et paraissait plutôt désigner un acte raciste. Ce serait évidemment une circonstance aggravante, l’ignominie d’une exécution de sang froid suffisant au demeurant à disqualifier l’acte de l’assassin. Car si, par hypothèse, il avait été mû par des motifs partisans, il aurait été bien avisé de risquer sa peau et de combattre ses ennemis sur le théâtre même des opérations, au lieu de les supprimer comme un vulgaire criminel.

    Toutefois, l’origine juive des victimes de lundi ne laisse guère de doute sur le racisme de ces actes. La probabilité d’un crime erratique, commis par un égaré, est à écarter.
    Resterait bien sûr à définir la folie. Anders Behring Breivik, l’auteur du massacre de 70 participants, pro-palestinien, à Oslo, était-il aliéné ? On l’a plaidé lors de sa mise en accusation. Au fond, un geste qui dépasse la mesure humaine, qui oublie toute commisération, toute pitié, tout respect de la vie, d’autant plus que l’on a affaire à des êtres sans défense, fragiles et innocents, acte que les Romains appelait « scélératesse », acte monstrueux, n’est-il pas la manifestation d’une faille prodigieuse dans la perception de ce qu’est la condition humaine ? Pour que l’on dénie à autrui un minimum de respect dû à sa nature d’humain, il faut être soit aveuglé par la haine idéologique, soit beaucoup souffrir.

    Les commentateurs de la tuerie d’Oslo n’ont évoqué les raisons politiques qui en sont l’origine que partiellement, en général pour mettre en cause l’ « extrême droite » européenne, terme générique assez flou, occultant le philo-sionisme de son auteur, et son occidentalisme virulent, et ne retenant que sa haine du multiculturalisme et sa xénophobie antimusulmane. Lorsqu’on se trouve devant ce type de d’acte démesuré, les raccourcis fleurissent, et la juste évaluation des choses s’estompe.

    Notons en passant la multiplication de meurtres prémédités, de massacres froids, commis souvent par une personne isolée, dans le monde occidental, depuis quelques dizaines d’années. De la Finlande aux USA, d’Allemagne en Norvège, en France et ailleurs, des individus surarmés ont délibérément liquidé ceux qui se trouvaient en face d’eux. Leur appartenance politique, quand elle existait, était variée. Richard Durn, l’auteur du massacre du conseil municipal de Nanterre, était un militant écologiste, ancien membre du PS avant de rejoindre les Verts. Il était également militant de la Ligue des droits de l'homme (il était trésorier de la Ligue locale des droits de l'homme).

    Peut-être faudrait-il, avant d’invoquer des sources archéo-idéologiques, se demander pourquoi une société qui se veut humaine, protectrice, évoluée, progressiste, engendre de tels monstres.

    Il serait aussi judicieux, mais sans doute ne faut-il pas se laisser tenter par ce genre d’assimilation périlleuse, de souligner combien de tels massacres, de femmes, d’enfants, de civils, d’innocents, sont devenus le lot commun des populations du Proche et du Moyen-Orient, singulièrement depuis que l’impérialisme occidental se mêle d’y imposer la « civilisation ». Au fond, la mort de plusieurs centaines d’enfants, aussi bien palestiniens, durant l’opération « Plomb fondu », de janvier 2008, que libanais, pendant la guerre contre le Hezbollah, n’ont pas suscité le dixième de l’émotion ostentatoire, kippa vissée sur le crâne, de notre personnel politique, qui parade chaque année au Dîner du CRIF.

    Mais rappelons-le, qu’on ne nous fasse pas dire ce que nous ne disons nullement : il est inqualifiable de comparer les morts innocentes. Bien qu’à vrai dire, les médias semblent toujours, explicitement ou implicitement, nous présenter, dans cet ordre sordide, deux poids, deux mesures.

    Cela étant dit, je serais tout à fait en accord avec Jésus-Christ, lorsqu’il proclamait que le « royaume des cieux » était à ceux qui étaient comme les enfants. Malheur à qui s’en prend à eux ! Le tueur, à ce qu’il paraît, a poursuivi une enfant dans la cour pour l'abattre. Après ses premières victimes, d’après un responsable du CRIF, « il est ensuite entré dans la cour de l'établissement et a attrapé une enfant de 8 ans, la fille du directeur, pour lui tirer directement dans la tête ».

    Voilà des faits qui suffisent pour ne pas hésiter une seconde à crier son horreur.
    Mais après ce cri justifié ?

    Ne nous faisons pas d’illusion : la politique reprendra ses droits. C’est même déjà fait. Le « philosophe » hystérique BHL est parti en chasse, avec la célérité peu philosophique qu’on lui connaît. Les autres vont lui emboîter le pas. On va encore fouiner dans les caves de l’ « idéologie » française, en occultant soigneusement que le sionisme est un nationalisme ethnique et messianique. On va procéder à toutes les réductions, et faire taire les critiques en jetant anathèmes, excommunications, accusations diffamatoires. Les discours de sagesse, qui demandent à ce que la justice s’applique partout, quelle que soit l’origine des uns et des autres, ne seront pas entendus. Désormais, la parole ne sera plus que celle des va-t-en guerre. Le tueur ne pouvait pas mieux rêver.

    Claude Bourrinet (Voxnr, 20 mars 2012)

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  • Le Divin Marché...

    Paru en 2007 aux éditions Denoël, l'essai du philosophe Dany Robert-Dufour, Le Divin Marché, est réédité en poche dans la collection Folio. Pour Alain de Benoist, cet ouvrage est "un réquisitoire net et précis contre la dérégulation et la désinstutionnalisation généralisée".

     

     

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    " «Les vices privés font la fortune publique» : cette formule aujourd'hui banale scandalisa l'Europe des Lumières lorsqu'elle fut énoncée pour la première fois en 1704 par Bernard de Mandeville.
    Pourtant, ce médecin, précurseur trop méconnu du libéralisme, ne faisait qu'énoncer la morale perverse qui, au-delà de l'Occident, régit aujourd'hui la planète. Elle est au coeur d'une nouvelle religion qui semble désormais régner sans partage, celle du marché : si les faiblesses individuelles contribuent aux richesses collectives, ne doit-on pas privilégier les intérêts égoïstes de chacun ? En philosophe, Dany-Robert Dufour poursuit dans cet ouvrage ses interrogations sur les évolutions radicales de notre société.
    En présentant, en autant de chapitres, les " dix commandements " inquiétants qui résultent de la morale néolibérale aujourd'hui dominante, il analyse les ébranlements qu'elle provoque dans tous les domaines : le rapport de chacun à soi et à l'autre, à l'école, au politique, à l'économie et à l'entreprise, au savoir, à la langue, à la Loi, à l'art, à l'inconscient, etc. Et il démontre ainsi qu'une véritable révolution culturelle est en cours.
    Qui nous mènera jusqu'où ?"

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  • Halal/Casher : qu'en pensent les moutons ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Frédéric Malaval, cueilli sur Polémia et consacré à la question de l'abattage rituel, qu'il soit casher ou halal...

     

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    Halal/Casher : qu'en pensent les moutons ?

    Marine Le Pen a lancé le débat. Puis, Claude Guéant, François Fillon, Nicolas Sarkozy l'ont relayée, chacun tentant d'attirer quelques électeurs de plus en pointant les pratiques halal/casher.

     

    Choquée que ce thème soit utilisé à des fins électorales, la bien-pensance monta au front arguant que des sujets bien plus importants devaient être privilégiés. Pourtant, le maintien de rites ancestraux au nom d'identités d'essence religieuse manifeste la volonté de minorités d'être en contravention avec la règle commune. Notons que les représentants de l'Ecologie politique officielle sont d'une discrétion absolue sur ce sujet. Eva Joly a même osé qualifier cela de « rideau de fumée qui masque les véritables enjeux ». Elle préfère parler de chômage ou de politique étrangère… Si les «écologistes patentés ne s'intéressent pas à la nature et aux animaux, qui va le faire ?

     

    Plus globalement, la singularité religieuse casher/halal affirme une volonté de se singulariser au sein d'une civilisation européenne qui accorde de plus en plus de droits à la nature, en général, et à l'animal, en particulier. Parmi ceux-ci : celui de ne pas souffrir. Relevons que sur ce thème aucun mouton, vache, poulet, etc., n'a été interrogé alors qu'ils sont les premiers concernés. Personne ne peut légitimement se revendiquer leur tuteur. Ce constat, entre autres, amène de nombreux juristes à considérer que le droit anthropocentré qui organise nos écosystèmes artificiels est désormais obsolète.

     

    Hier, la souffrance animale était envisagée comme une illusion. Assimilé à une machine dans la philosophie de Descartes, car dépourvu d'âme, l'animal était offert à toutes les abominations. La vivisection du XIXe siècle fut la conséquence paroxystique de cette conception. En parallèle émerge une conscience naturaliste dont la législation actuelle est l'héritière. Dès le XIIIe siècle, saint François d’Assise diffuse l’idée d’une nature distincte de l’homme, certes, mais dont les éléments comme les oiseaux sont nos frères. Aussi, on trouve dans la tradition chrétienne l'idée que l'homme n'est que le « gérant » ou l' « intendant » de la Création divine à laquelle il doit rendre compte de ses actes. Hans Jonas (1903-1993), philosophe allemand, fut une des personnalités ayant popularisé les enjeux philosophiques de cette relation à la nature.

     

    Les historiens considèrent que c'est au XIXe siècle que cette reconnaissance des droits de l'animal prend forme. Les modifications industrielles qui conduisent au remplacement de l'énergie animale par la vapeur ou l'électricité font que l'animal de référence n'est plus seulement l'animal de travail, usé à la tâche, souvent traité avec indifférence ou cruauté, mais l'animal de compagnie, observé et aimé. C'est ainsi qu'après les guerres napoléoniennes apparaissent les premières sociétés de protection des animaux. Les traitements inhumains des animaux (élevage ou abattage des animaux de boucherie, dressage des animaux de cirque, bêtes de trait maltraitées) sont stigmatisés. Les chasses cruelles sont condamnées. On dénonce la vivisection. On fait interdire les combats d'animaux. Toute une série de lois assure la protection juridique des animaux. En Angleterre comme en France, le combat contre la souffrance animale est associé à la lutte contre l'esclavage et au développement de la démocratie. C’est une composante du Progrès de l’HOMME.

     

    Jeremy Bentham dans Introduction aux principes de la morale et de la législation, déclarait ainsi en 1789 : « Il y eut une époque, et j'avoue avec tristesse qu'en bien des lieux ce temps n'est pas révolu, où la plus grande partie de l'espèce, sous la dénomination d'esclaves, était considérée aux yeux de la loi de la même manière que les animaux des races inférieures sont traités en Angleterre par exemple. Le jour viendra peut-être où le reste du règne animal retrouvera ses droits qui n'auraient jamais pu lui être enlevés autrement que par le bras de la tyrannie. Les Français ont déjà réalisé que la peau foncée n'est pas une raison pour abandonner sans recours un être humain aux caprices d'un persécuteur. Peut-être finira-t-on un jour par s'apercevoir que le nombre de jambes, la pilosité de la peau ou l'extrémité de l'os sacrum sont des raisons tout aussi insuffisantes d'abandonner une créature sensible au même sort. »

     

    Depuis, le droit de la nature et des animaux est devenu un pilier de notre civilisation européenne. La directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, sur la responsabilité environnementale en est la pierre angulaire. Auparavant, en mai 1999 était entré en vigueur le protocole sur la protection et le bien-être des animaux. Ils y sont reconnus comme des êtres sensibles. S'appuyant sur des législations anticipatrices, la directive 74/577/CEE du Conseil du 18 novembre 1974 imposait l'étourdissement des animaux avant leur abattage. Les procédés d'étourdissement autorisés doivent plonger les animaux dans un état d'inconscience qui doit durer jusqu'à leur abattage, de manière que toute souffrance leur soit épargnée. Or, les pratiques casher/halal s’affranchissent de cette règle de fond.

     

    Pourtant, la pression est forte. La chaîne de télévision Arte alimente le combat pour le droit des animaux. Le mardi 27 mars 2012, elle diffusera un reportage sous le titre : « Doit-on encore manger des animaux ? » Hier, elle faisait une large publicité au livre Faut-il manger les animaux ? de Jonathan Safran Foer. Une multitude de vidéos sur l'abattage casher ou halal circulent sur le Web. Personne ne peut dire : je ne sais pas. Alors pourquoi des dérogations halal/casher ? Beaucoup de juifs et de musulmans n'approuvent pas leurs coreligionnaires extrémistes. Mais ils sont discrets.

     

    En imposant, on ne sait comment, des pratiques d'un autre âge, et alors que le combat pour la dignité animale est loin d'être gagné, le maintien de ces pratiques d'abattage halal/casher trahit une volonté de se situer résolument à la marge d'une évolution organique de la civilisation européenne. La polémique déclenchée par Marine Le Pen est donc symptomatique d’un enjeu de civilisation fondamental. Au contraire d’une dispute factice sur les avantages réciproques de la prime pour l’emploi ou de la TVA sociale, elle est digne d’une élection présidentielle. Encore faudrait-il l’aborder franchement et appeler un mouton, un mouton. Cela participerait à la mutation d’un droit anthropocentré en un droit écocentré, seul garant de l’avènement d’une réelle société écologique.

     

    En guise de conclusion, et pour étouffer d'emblée toutes déformations de ces lignes, précisons que si les prosélytes du halal/casher apportaient la preuve que leurs pratiques limitaient la souffrance animale, alors il faudrait immédiatement que tous les abattoirs s'y adonnent.

    Frédéric Malaval (Polémia, 17 mars 2012)

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