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  • Les Mitterrandiens...

    Les éditions Pierre-Guillaume de Roux viennent de publier une étude historique de François Broche intitulée Les Mitterrandiens. Historien, François Broche est l'auteur de plusieurs ouvrages sur De Gaulle, la France Libre, l'Occupation ou l'anti-gaullisme.

     

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    " Entrons dans le secret des générations mitterrandiennes. On y trouve les proches de la première heure, bien sûr, mais aussi et surtout une impressionnante toile d’amitiés et de fidélités qui, en se tissant à l’infini, ne fait quasiment jamais se croiser ses membres et pour cause : le mélange des genres est toujours risqué quand il n’est pas aberrant. Ce réseau éclate en une arborescence dont les rameaux irrigueront à leur tour de nouveaux réseaux, qui, en apparence, n’ont aucun point commun mais qui, tous, sont au service de la volonté d’un seul homme. Certains mitterandiens sont célèbres : Pierre Bérégovoy, Jacques Séguéla, Georges-Marc Benhamou, etc. Outre les Charentais de sa jeunesse, les figures de la guerre et de la Résistance, les politiques, les intellectuels ou les communicants, on compte bien entendu les amitiés et les amours féminines, les médecins et les hommes de l’ombre. De Gaulle excepté, Mitterrand est le seul président de la République qui a suscité autant de livres, de colloques, de documentaires: « Comme si l’évocation de son souvenir aidait à combler un vide, écrivait Robert Schneider dix ans après sa mort. Comme s’il n’avait pas été remplacé, ni à la tête de l’État, ni à la tête de la gauche. Comme s’il existait bel et bien aujourd’hui, dans une France qui plus que jamais doute d’elle-même, une nostalgie Mitterrand.» Les pages les plus controversées des deux septennats (le cynisme politique, les relations avec René Bousquet, les « affaires », les coups tordus, les écoutes, le «mensonge d’État» sur la santé, son hostilité à la réunification allemande) se sont estompées. « Il nous avait dit : “Je ne vous quitterai pas”, remarquait déjà Stéphane Denis quatre ans après sa mort. Il a tenu parole et aurait même tendance à exagérer4.» Dans leur majorité, les Français préfèrent se souvenir de l’abolition de la peine de mort, de la contribution au développement de l’Union européenne, des grands travaux et aussi des progrès sociaux, comme l’atteste, vingt ans après sa mort, un sondage de l’Institut Odoxa pour Le Parisien. « Quelque chose fascine dans la fascination qu’il a exercée et c’est elle qui mériterait aujourd’hui qu’on s’y intéresse», observe Pierre Nora (Le Débat, mai 2000)

    Le moins que l’on puisse dire est que François Mitterrand nous a légué une image contrastée, et, en fin de compte, fascinante, sinon séduisante, d’un « artiste de la politique, selon le mot d’Alain Duhamel, peut-être le plus fascinant du xxe siècle français, à coup sûr le plus complexe, le plus romanesque, le plus atypique, le plus labyrinthien ». Mais aussi – et peut-être surtout – un homme de la France provinciale, de la France « profonde » (au double sens de ce mot), de la France de toujours, enraciné dans l’histoire et dans la géographie nationales, plus à l’aise avec Barrès et Chardonne qu’avec Marx et ses épigones internationalistes. Un homme en qui, bien malgré eux, ses adversaires poli- tiques reconnaissaient un compatriote par le cœur, par la culture, par l’amour de la vie et par l’interrogation sur la mort – et, dans ces divers domaines, la comparaison avec ses successeurs ne peut que jouer très largement en sa faveur. Sans que son règne soit perçu comme un âge d’or, les Français ne peuvent se retenir d’éprouver pour notre « dernier grand président », le « dernier roi de France », une certaine empathie : « Son bilan peut être négatif et le résultat, pour nous, catastrophique, observait encore Stéphane Denis lors du dixième anniversaire de sa disparition, son auteur luit doucement comme un personnage dont la chaleur ne se serait pas éteinte après sa mort.» "

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  • Trump, faute de mieux ?...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire, dans lequel il évoque les prochaines élections présidentielles américaines. Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Ce que penser veut dire (Rocher, 2017), Contre le libéralisme (Rocher, 2019) et La chape de plomb (La Nouvelle Librairie, 2020).

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    Alain de Benoist : « La victoire de Donald Trump est souhaitable, faute de mieux… »

    L’élection présidentielle américaine se rapproche à grands pas. À titre personnel, souhaitez-vous la réélection de  ? Un second mandat de ce président vous réjouirait-il, ne serait-ce que pour voir la tête de ses opposants, américains comme européens ?

    Je souhaite sa réélection, mais à défaut ou faute de mieux. Comme vous le savez, le personnage n’a pas grand-chose pour me plaire. Ce n’est pas tant ce qu’on lui reproche habituellement (son style, sa brutalité, sa vulgarité) qui me choque, car je pense que c’est au contraire ce qui lui vaut d’être apprécié de bon nombre d’Américains, ce qu’on s’entête à ne pas comprendre de ce côté-ci de l’Atlantique. C’est plutôt que son projet me paraît nébuleux, que sa politique étrangère est à mon avis exécrable, et que l’homme ne convient pas pour diriger ce qui demeure quand même (provisoirement au moins) la première puissance mondiale. Il n’y a, au fond, que trois véritables chefs d’État dans le monde d’aujourd’hui : Vladimir Poutine, héritier de l’ancien Empire russe, Xi Jinping, héritier de l’ancien Empire chinois, et Recep Tayyip Erdoğan, qui cherche à recréer l’ancien Empire ottoman. Donald Trump a sans doute des qualités, mais il n’a pas la dimension d’un homme d’État.

    Pourquoi le soutenir, alors ? Parce que , c’est cent fois pire. Non du fait de sa personnalité falote et fatiguée, mais en raison de tout ce qu’il représente : l’Establishment, l’État profond, la soumission à l’idéologie dominante, l’immigrationnisme, le progressisme, le capitalisme déterritorialisé, le politiquement correct, Black Lives Matter, les médias de grand chemin, bref, cette abominable Nouvelle Classe dont la sorcière Hillary Clinton était déjà la représentante, il y a quatre ans. Pour barrer la route à , et à sa coéquipière Kamala Harris (qui aurait de bonnes chances de lui succéder en cours de mandat), je serais même prêt à voter Mickey !

    Mais Trump a-t-il encore des chances de l’emporter ?

    Je le crois. J’ai proposé plusieurs fois de faire la distinction entre le personnage Donald Trump et le phénomène trumpiste, qui est avant tout un réflexe populiste de contestation de tout ce que représente l’Establishment. Trump est contestable, mais le trumpisme est autre chose. Toutes proportions gardées, on pourrait le comparer à ce qu’on appelle, chez nous, « la France périphérique ». Les Américains sont extrêmement différents des Européens (beaucoup plus que ne le croient ces derniers), mais le schéma de base est le même : les classes populaires contre les élites mondialisées, les sédentaires contre les mobiles, le peuple contre les citoyens du monde, le bas contre le haut.

    Dans les États-Unis d’aujourd’hui, cette opposition s’est cristallisée pour donner naissance à deux blocs qui ne se parlent même plus. De part et d’autre, on ne veut plus seulement remporter les élections, mais anéantir ceux d’en face. Voulez-vous un chiffre révélateur, et même stupéfiant ? 15 % des républicains et 20 % des démocrates estiment que l’Amérique se porterait mieux si leurs rivaux « mouraient ». Du jamais-vu. C’est que la politique a changé. Les hommes et les femmes politiques, aux États-Unis, ne se présentent plus désormais aux élections en vantant leurs compétences, mais en tant que femmes, qu’homosexuels, qu’Afro-Américains, qu’Hispaniques, etc. L’identity politics, alimentée par le politiquement correct, a tout envahi. Ce qui veut dire que les enjeux politiques sont désormais subordonnés à des enjeux culturels et anthropologiques

    C’est pour cela que, contrairement à ce qui se passait autrefois (lorsque les programmes des républicains et des démocrates pouvaient paraître plus ou moins indiscernables, surtout à nos yeux), tous les sondages montrent que cette élection présidentielle est jugée par les Américains comme d’une importante exceptionnelle (87 % parlent d’un point de bascule irréversible), et surtout qu’il y a parmi eux très peu d’indécis. C’est la raison pour laquelle les deux candidats ne cherchent pas tant à débaucher des partisans de leur adversaire qu’à consolider leurs camps respectifs. Et c’est aussi ce qui explique que le premier débat Trump-Biden se soit soldé par un échange d’injures d’une violence (verbale) encore impensable chez nous. Que ce soit le trumpisme ou la Nouvelle Classe qui l’emporte, ce sont des conceptions du monde différentes qui sont en jeu.

    Quel bilan tirer de ces quatre ans de trumpisme ? Sa réélection serait-elle une bonne nouvelle pour les États-Unis et, plus important, pour la France et pour l’Europe ?

    Le bilan est difficile à évaluer. Il est sans doute meilleur que ne le disent les adversaires de Trump, mais plus mauvais que ne le disent ses partisans. Comme Trump a passé un temps considérable à échapper aux chausse-trapes où l’on cherchait à le faire tomber, et qu’il n’a pu y parvenir qu’en navigant à la godille entre des « conseillers » d’inspiration opposée, il est en outre difficile de savoir quelles sont les initiatives qui lui reviennent vraiment.

    En ce qui concerne sa politique étrangère – la seule qui devrait nous intéresser -, le bilan est franchement mauvais. Trump n’aime visiblement pas l’Europe, ce en quoi il ne se distingue de ses prédécesseurs que par le fait de ne pas s’en cacher. Au début, il a tenté de se rapprocher de la Russie dans l’espoir de la détourner de l’alliance chinoise, mais comme il n’a cessé d’être accusé d’être « au service des Russes », il y a rapidement renoncé. Son ennemi principal est la Chine. L’axe qu’il privilégie est l’axe Washington-Riyad-Tel Aviv, ce qui satisfait aussi bien les néoconservateurs que les évangéliques, mais se trouve être parfaitement contraire aux intérêts européens. Mais avec Joe Biden, ce serait là aussi encore pire. Rappelez-vous ce que François Mitterrand confiait à Georges-Marc Benamou : « Ils sont durs, les Américains, ils sont voraces, ils veulent un pouvoir sans partage sur le monde. La France ne le sait pas, mais nous sommes en guerre contre l’Amérique. Oui, une guerre permanente, une guerre vitale, une guerre économique, une guerre sans mort apparemment et pourtant une guerre à mort. »

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 14 octobre 2020)

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