Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de l'Observatoire du journalisme consacré au traitement par les médias du phénomène massif que constitue la délinquance des mineurs étrangers.
Délinquance des mineurs étrangers : un phénomène isolé pour les médias de grand chemin
Les derniers chiffres du ministère de l’intérieur le montrent : la délinquance est en pleine expansion. Parmi les délinquants, les jeunes étrangers qui se prétendent mineurs sont de plus en plus nombreux. L’analyse des articles des médias consacrés à ce sujet est riche d’enseignements.
Des faits isolés selon de nombreux médias
Les journaux et sites d’information régionaux consacrent de nombreux articles à la délinquance des mineurs étrangers, parfois appelés « mineurs non accompagnés ». On peut parler d’un véritable phénomène de société, mais qui n’est pas décrit comme tel : en effet, aucun lien n’est donné entre les différents faits relatés. Ceci bien qu’ils aient les mêmes caractéristiques.
Les pharmacies particulièrement visées
Plusieurs titres de presse ou sites d’information en font état : un peu partout en France, des pharmacies sont cambriolées par des mineurs étrangers. Certains ne mentionnent pas la nationalité des délinquants, comme les cambriolages commis par des « mineurs » en Seine et Marne selon Actu.fr, à Montpellier selon France bleu, à Laon selon Le Courrier picard, etc. Actu.fr relate l’arrestation de mineurs isolés et cambrioleurs à Rambouillet et au Perray.
Certains médias, plus rares, ne cachent pas la nationalité des jeunes délinquants. Le Courrier picard fait état en janvier de trois mineurs marocains interpellés lors du cambriolage d’une pharmacie à Chantilly. À Orange, en septembre 2019, ce sont selon Le Dauphiné des jeunes marocains qui sont interpellés alors qu’ils s’en prennent à une pharmacie. À Chalons, en décembre 2019, un jeune « d’origine étrangère » est jugé pour avoir cambriolé des pharmacies selon L’Union, etc.
Des vols et agressions en tous genres
Les méfaits de certains jeunes étrangers ne s’arrêtent pas là. Ce sont des vols et des agressions en tous genres que relatent les médias régionaux.
À Nancy, des « mineurs non accompagnés » (traduire : de jeunes étrangers) commettent selon 20 Minutes le 27 janvier des vols de portables avec violence.
À Nantes selon Ouest-France comme ailleurs, les interpellations des jeunes délinquants ne sont pas suivies d’effet.
À Pont Sainte Maxence, le maire est obligé d’instaurer un couvre-feu pour les mineurs selon Actu.fr L’objectif est de faire cesser l’arrivée des jeunes étrangers qui viennent de région parisienne pour commettre leurs méfaits.
En Gironde, la délinquance est en hausse et les mineurs étrangers ne sont pas en reste selon France 3. À Montpellier, les « mineurs » délinquants sont finalement majeurs selon Actu.fr.
Le 21 février selon Le Parisien, « quinze mineurs isolés (ont été) interpellés pour plusieurs cambriolages dans les Yvelines ». Algériens ou marocains, les jeunes étrangers ont fait l’objet d’un …rappel à la loi bien qu’ils aient reconnu les faits.
Des tentatives d’analyse circonscrites géographiquement
Les médias qui essaient d’analyser le phénomène sont rares. Quand les tentatives d’explications existent, elles ne dépassent pas un cadre géographique restreint : la ville ou le département.
L’Obs consacre un article à l’explosion des vols et des violences à Paris, « en grand partie le fait de mineurs ». Si les termes utilisés ne cachent pas la gravité de la situation, l’hebdomadaire de gauche bon teint s’attarde sur… « le difficile travail quotidien de la section des mineurs du parquet de Paris ». Un peu de compassion pour les victimes n’aurait pas nui…
Le Préfet de Police de Paris évoque sur Public Sénat une « violence inquisitive, de voie publique, particulièrement significative ». Il parle sur la chaine parlementaire d’« une réelle spécificité à Paris » et se garde bien d’évoquer un phénomène national.
Dans le département de l’Héraut, Le Midi libre mène une enquête sur la délinquance dans le département. « La problématique des mineurs délinquants est très prégnante sur la ville (Montpellier) ». Ils représentaient 41% de la population délinquante en 2019 contre 34% en 2018, nous informe le quotidien régional.
Selon Sud-Ouest le 22 février, quatre frères « écoulaient le butin » dérobé par des jeunes étrangers à Bordeaux. « Le phénomène Mineurs Non Accompagnés empoisonne la justice et la police bordelaise depuis plus de trois ans ». Arrachages de chaines de cou ou de téléphones, cambriolages, squats : le quotidien régional nous informe qu’il ne s’agit pas de faits isolés mais bien de plusieurs centaines d’objets (téléphones, colliers, montres, etc.) qui sont volés chaque semaine.
Si certains titres essaient de dépasser le traitement ponctuel de faits de délinquance, aucun média ne recoupe les informations éparses sur ces bandes de jeunes délinquants étrangers qui semblent opérer leurs méfaits dans une quasi impunité, au point d’en faire un phénomène de société en pleine expansion mais à bas bruit médiatique.
La réforme de la justice pénale des mineurs
Face à la délinquance de plus en plus précoce de jeunes, le gouvernement a entrepris une réforme de la justice pénale des mineurs. Son objectif serait selon l’Union de « juger mieux et plus vite ».
C’en est déjà trop pour la gauche castafiore qui donne de la voix : à Caen, selon Ouest-France, des éducateurs de la Protection Judiciaire de la Jeunesse manifestent contre la réforme. La photo de la banderole de la manifestation montre une franche opposition à l’enfermement. France culture parle d’une « réforme à marche forcée ». On craint le pire. France bleu couvre une grève d’éducateurs à Carpentras tandis que L’Humanité évoque une « justice plus expéditive pour les mineurs ».
Une fermeté en trompe l’œil pour un pédopsychiatre bien isolé
Alors que la réforme de la justice pénale pour les mineurs est soumise au Parlement, un pédopsychiatre, Maurice Berger, estime dans une tribune parue dans Le Figaro du 23 février 2020 que celle-ci n’apportera pas les réponses nécessaires à la délinquance des mineurs. Il rappelle qu’un fait de violence gratuite a été commis toutes les 44 secondes en 2018 et que la part des mineurs dans ces violences qui peuvent causer la mort est importante. Il cite plusieurs dispositions qui ne vont pas dans le sens de la fermeté : « présomption de non discernement pour les moins de 13 ans », droit du mineur à l’accompagnement par les parents lors de l’enquête judiciaire, fin de la prison ferme pour les peines inférieures à un mois, etc. La liste est longue.
Un remake de la loi Asile et immigration ?
Le jeu des acteurs dans cette réforme relayé par les médias de grand chemin ressemble étrangement à celui qui a été tenu lors du débat sur la loi Asile et immigration en 2018. Un jeu médiatisé sans grand recul dans les médias.
Censée résoudre un problème – la délinquance croissante des jeunes mineurs – grâce à une accélération des procédures, la réforme fait l’objet d’un tir de barrage de la gauche castafiore. Des syndicalistes et des militants de gauche utilisent les médias comme un porte-voix à leur opposition à tout durcissement de la loi applicables aux mineurs. Pour faire passer sa réforme, le gouvernement donne des gages à la gauche, notamment en évitant soigneusement de revenir sur une mesure essentielle : la dispense pour les mineurs d’avoir un titre de séjour, qui rend l’expulsion des mineurs étrangers délinquants très difficile voire impossible.
Il est plus que probable que les médias continuent à l’avenir d’évoquer ponctuellement l’augmentation continue de la délinquance des jeunes étrangers, sans se poser outre mesure des questions dérangeantes. Des jeunes qui plus que jamais considéreront la France comme un pays de cocagne où un simple rappel à la loi est souvent le solde de tout compte de vols à répétition…Sans que cela provoque outre mesure une bronca médiatique.
Observatoire du journalisme (OJIM, 2 mars 2020)