Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Richard Dessens, cueilli sur EuroLibertés et consacré aux résultats des élections européennes. Docteur en droit et professeur en classes préparatoires, Richard Dessens a notamment publié La démocratie travestie par les mots (L'Æncre, 2010), Henri Rochefort ou la véritable liberté de la presse (Dualpha, 2017) et La démocratie interdite (Dualpha, 2018).
Europe, Europe, Europe, morne plaine
Ça, c’est fait ! La vie peut reprendre son cours normal, Emmanuel Macron son programme en accéléré et l’Union européenne sa course folle destructrice. Rien ne changera par rapport à la situation précédente avec quelques écologistes en plus et une poignée de nationaux populistes dispersés en trois groupes faméliques.
Le « raz-de-marée » national-populiste n’a pas eu lieu : quelques élus en plus ici, quelques autres en moins là, stagnation ailleurs. Au final, les peuples bien informés et mis en condition, ont voté massivement (avec « seulement » 48 % d’abstentions en Europe comme en France) pour la « droite », le « centre » et la « gauche » comme d’habitude, à epsilon près et avec une redistribution entre le PPE, les sociaux-démocrates et l’AELE (groupe « macronien »).
En France, le RN arrive en tête de très peu, et malgré un million de voix supplémentaires par rapport à 2014, baisse en pourcentage. Les 200 000 voix qui le séparent de LREM donnent un goût amer à cette courte victoire qui a frôlé la défaite et qui rend triomphants LREM et les élites qui martèlent le fait que finalement 70 % des électeurs ont voté pour l’Union européenne actuelle. Et c’est malheureusement vrai. Tout va donc bien dans le meilleur des mondes.
Enfin, l’impossibilité de convergences entre les différents nationaux-populistes obsédés par le mythe de souverainetés nationales étroites, obère gravement l’impact d’élections qui auraient pu aboutir à un groupe dominant de plus de 170 députés « anti-UE » qui s’éclatent finalement en trois groupes d’une cinquantaine de députés sans pouvoir. Cette situation montre encore une fois qu’une Europe des souverainetés d’États-nations traditionnels est impossible à construire pour assurer son devenir. Une Europe fédérale des peuples est la seule issue à une Europe qui va s’enlisant de plus en plus dans ses contradictions à la plus grande joie des puissances économico-financières mondialistes.
En revanche la véritable poussée électorale vient des Écologistes dont la principale caractéristique est de se situer à gauche voire à l’extrême gauche avec un zeste de snobisme bobo de bon aloi et un engouement à la mode d’une partie de la jeunesse qui succède d’une certaine manière aux anciens gauchistes et pacifistes d’antan.
Le représentant du WWF interrogé sur Europe 1 répondait tranquillement à une auditrice « qu’on ne peut qu’être de gauche quand on est écologiste »… L’écologie politique n’est qu’une branche habile d’une idéologie politique droit-de-l’hommienne, « humaniste », internationaliste, adepte d’une mixité généralisée, et rêvant d’un monde à 15 ou 20 milliards d’humains.
En réalité, l’écologie politique idéologique qui triomphe actuellement est une superbe mystification qui fait saliver tous les partis politiques traditionnels. L’écologie politique est en fait le contraire de la protection de la Nature. L’écologie politique officielle met l’homme au centre de ses préoccupations là où une véritable écologie met la Nature elle-même au premier plan. Et cela change tout fondamentalement.
L’objectif devrait être de rétablir les équilibres naturels, notamment en termes de démographie humaine comme animale, sur un même plan. Intégrer comme une évidence idéologique de progressistes un développement humain au prix d’une quasi-disparition des démographies animales et de la destruction de la flore et des ressources que nous offre la Nature, est la ligne effective des Écologistes quoi qu’ils en disent. Leur « politique » ne peut mener qu’à cette conclusion. Tout comme l’idée d’un progrès perpétuel est la solution prônée par ces Écologistes aux propos prétendument incontournables parce que culpabilisants et alarmistes.
Si la situation du monde et de la Nature est en effet devenue dramatique, ce ne sont certainement pas les utopies idéologiques des Écologistes qui apporteront des solutions. Mais ils ont réussi à enfermer tout débat (s’il en existait un…) dans une alternative entre eux et les saccageurs de la Planète incarnés par tous ceux qui sont leurs adversaires politiques. Alors que l’écologie devrait être un sujet transversal totalement déconnecté de tout partisanisme politique d’ailleurs largement mis à mal depuis quelques années par ailleurs. Mais le discours de M. Jadot le soir de son « triomphe » (à 13 %…) était consacré en partie à fustiger l’« extrême droite » et le danger du chaos représenté par le Rassemblement national.
Autrement dit si vous votez pour le RN vous n’avez pas le droit d’être écologiste. De même si vous défendez la cause animale vous devez voter pour le Parti animaliste, proche et d’ailleurs assimilé à EELV. Cette dialectique est insupportable et malsaine mais porte ses fruits électoralement.
La démographie humaine galopante est la seule catastrophe écologique qui entraîne toutes les autres. Mais de cela les Écologistes ne veulent tenir aucun compte idéologiquement.
Au terme de la période électorale qui s’achève, le constat ne peut qu’être désolant : l’Europe s’enlise dans une morne plaine désolée et fait les yeux doux aux nouveaux pacifistes babacool mondialistes incarnés par des « Verts » qui se renforcent dans leurs principes politiques mortifères.
La route risque d’être longue pour libérer les peuples et rétablir les véritables équilibres naturels. En espérant qu’elle ne sera pas coupée trop tôt.
Richard Dessens (EuroLibertés, 28 mai 2019)