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Refuser ou dominer la révolution anthropologique...

Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Romain d'Aspremont, cueilli sur Polémia et consacré à la révolution anthropologique, liée à l'évolution des technologies cybernétiques et génétiques, qui se dessine. Les Européens doivent-ils suivre les évolutions, les rejeter ou tenter de les dominer ? Bonne question...

 

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La droite doit reconsidérer sa position sur le transhumanisme

Dans son discours de Lille, Marine Le Pen s’en est prise à l’idéologie transhumaniste : « Déjà, on voit poindre la promesse de contrôler, par la technologie génétique, les caractéristiques intellectuelles ou physiques des enfants et supprimer le hasard de la naissance et de la vie. […] Au delà, se pose la question du transhumanisme, c’est à dire la fabrique à l’échelon quasi industriel, de bébés “améliorés”. Quelques États semblent y travailler pour aligner des individus avec 200 de QI, tout comme des grandes firmes, nourries par les bénéfices générés par les réseaux sociaux. […] On joue à colin-maillard sur le bord de la falaise. La science déferle sur nous avec la tentation prométhéenne de faire de l’homme l’égal de Dieu. Revenons sur Terre. »

Le « bon sens », toujours. En cela, elle sera suivie par l’ensemble des conservateurs, de droite comme de gauche, d’ailleurs. En France, la technophobie n’est pas une denrée rare et on comprend que le transhumanisme fasse frémir : améliorer l’homme, via la cybernétique ou l’ingénierie génétique, voilà qui nous conduirait tout droit à la « barbarie technologique » dénoncée par la nouvelle présidente du « Rassemblement national ».

Mais le Pen s’enferre dans le travers classique du conservatisme : ralentir le rythme des « avancées progressistes » plutôt que proposer un nouveau cap. Cette posture est politiquement suicidaire car elle implique de renoncer à écrire l’Histoire. Si celle-ci était un livre, les progressistes tiendraient la plume, les réactionnaires la gomme, et les conservateurs batailleraient pour ajourner l’écriture du prochain chapitre.

Or ce nouveau chapitre de l’histoire de l’évolution – l’Homme qui s’améliore lui-même – adviendra, quoi qu’il arrive. Sinon en Europe, du moins en Asie et aux États-Unis. En sanctuarisant la « nature humaine », la droite conservatrice croît bien faire, mais une telle prudence n’aboutira qu’à nous faire manquer la prochaine révolution industrielle. Les pays qui se fermeront aux vents mauvais de la technologie transhumaniste formeront, en l’espace de deux générations, un nouveau tiers-monde, au même titre que les peuples restés à l’écart des révolutions industrielles du XIXème siècle.

En Chine, des centres de recherches séquencent le génome des surdoués, avec pour projet avoué propager le « gène du génie » parmi les nouvelles générations de Chinois. Vitupérer contre ces délires prométhéens conduisant à la « fin de l’homme » (Fukuyama) n’y changera rien : si les jeunes Français ne sont que 13% d’enthousiastes à l’idée d’améliorer le QI de leurs enfants, c’est un jeune Chinois sur deux qui se dit prêt à franchir le pas.

Ceux qui dansent au bord de l’abîme ne sont peut être pas ceux que l’on croît. D’abord, parce que les nations transhumanistes distanceront les peuples bioconservateurs, dans tous les domaines (scientifique, économique, militaire et même artistique). Ensuite, parce qu’il faut nous souvenir que l’humanité, libérée de la sélection naturelle, est condamnée à la dégénérescence.

Jacques Monod, prix Nobel de médecine, dans son essai Le hasard et la nécessité, écrit que dans nos sociétés modernes « la sélection y a été supprimée [ou] du moins n’a-t-elle plus rien de “naturel” au sens darwinien du terme [si bien qu’] aujourd’hui, beaucoup de ces infirmes génétiques survivent assez longtemps pour se reproduire [car] grâce aux progrès de la connaissance et de l’éthique sociale, le mécanisme qui défendait l’espèce contre la dégradation, inévitable lorsque la sélection naturelle est abolie, ne fonctionne plus guère que pour les tares les plus graves. »

Autrement dit, à défaut d’ingénierie génétique, les mutations aléatoires – n’étant plus triées par la sélection naturelle – s’accumuleront. Soit le pire effet secondaire de l’Etat-providence, qui protège les plus faibles et les malades, leur permettant de transmettre leurs gènes de moindre qualité.

Monod s’inquiète aussi du risque de dégénérescence intellectuelle, observant « une corrélation négative entre le quotient d’intelligence (ou le niveau de culture) et le nombre moyen d’enfants des couples » – les couples au QI le plus bas faisant moins d’enfants que ceux au QI élevé.

Et de conclure que « le danger, pour l’espèce, des conditions de non-sélection, ou de sélection à rebours, qui règnent dans les sociétés avancées est certain ». Rappelons que Monod, loin d’être fasciste, était sympathisant communiste. S’il ne s’est jamais prononcé en faveur du transhumanisme (qu’il considérait relever de la science fiction), son cri d’alarme devrait au moins nous conduire à réviser notre point de vue sur le transhumanisme : moins une lubie prométhéenne qu’une exigence éthique visant à corriger un génome accumulant les erreurs de copie.

Enfin, la droite serait plus inspirée de se battre pour modifier le contenu de la révolution anthropologique en cours, plutôt que de s’échiner à la tuer dans l’œuf. Car les plus fanatiques des transhumanistes n’aspirent à rien de moins que concrétiser leur égalitarisme mortifère : à l’image de Donna Haraway, auteur du Manifeste cyborg de 1985, les féministes déconstructivistes espèrent voir émerger des Posthumains asexués. Soit l’ultime étape de leur croisade : passer de la déconstruction des « stéréotypes » à la déconstruction biologique.
D’autres transhumanistes, tels Max More, souhaiteraient créer des Posthumains génétiquement pacifistes, dépourvus de pulsions agressives, débordant d’empathie et d’altruisme. Et, idéalement, herbivore.

Romain d’Aspremont (Polémia, 23 mars 2018)

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