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La face cachée de l'immigration

Nous reproduisons ici un texte de Marianne2.fr consacré au livre de Michèle Tribalat, intitulé Les Yeux grands fermés (cf. notre note du 23 mars 2010).

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Michelle Tribalat dévoile une face cachée de l'immigration

Dans Les yeux grands fermés, la démographe Michèle Tribalat pourfend la bien-pensance de rigueur en matière d'immigration: statistiques, mensongères, refus de considérer le coût de l’immigration, absence des débats. L’auteur s'inquiète de l'aveuglement complice des pouvoirs publics.

Le livre aurait pu s’appeler La face cachée de l’immigration. Celle que la France ne veut pas voir sous des prétextes aussi bienveillants que fallacieux.

« Le modèle français » assimilationniste s’effondre sous nos yeux, et le pays s’interdit les analyses et débats scientifiques qui permettraient de regarder cette France en voie de « désintégration » en face.

Directrice de recherche à l’Institut national des études démographiques, et spécialiste de l'immigration, Michèle Tribalat tente de pallier cette lacune. La France ne dispose que des chiffres sur les entrées d’étrangers en provenance de pays n’appartenant pas à l’espace économique européen ou encore le solde migratoire qui indique la différence entre les entrants et les sortants, sans prise en compte de la nationalité.

Des statistiques au « doigt mouillé » selon la démographe mais surtout des statistiques politiquement convenables  puisqu’elles interdisent toute discussion sur le sujet du coût de l’immigration, le développement des mariages mixtes d’où « une ignorance généralisée et des difficultés à imaginer les politiques efficaces ».
Le syndrome orwellien « qui consiste soit à présenter sous un jour favorable des faits qui dérangent, soit à les dissimuler, soit à incriminer le porteur de mauvaises nouvelles ».

Le migrant, prototype de l'homme mondialisé

Michèle Tribalat donne des chiffres. Par exemple ceux des mariages célébrés à l’étranger qui échappent aux statistiques, et qui ces dernières années ont fortement progressé. Dans 56% des cas, ils aboutissent à une régularisation en France. Elle relativise l’apport des populations immigrées sur la fécondité ou le rajeunissement de la fécondation française. « Le coup de jeune est suspendu à la perpétuation de cette immigration et au fil du temps, les filles d’immigrées se trouvent en position d’avoir des enfants mais pas plus que les autres Françaises ».

Suit une avalanche de chiffres. En 1999, en France, 14 millions de personnes étaient d’origine étrangère soit un quart de la population pour majorité originaires d’Europe du sud (5,2 millions) contre 3 millions d’origine maghrébine.
En Ile de France, la proportion des populations d’origine étrangère est passée de 16% à 37% entre 1968 et 2005.
A Blois, un tiers des jeunes sont d'origine étrangère, alors qu'ils n'étaient qu'un sur vingt à la fin des années 60 ; à Grigny, dans l'Essonne, 31 % des jeunes sont d'origine subsaharienne, soit trois fois plus qu'en 1990, ce qui constitue le record de France.

Les phénomènes de « concentration » s’additionnent. Ainsi la ségrégation sociale s’ajoute à la ségrégation ethnique. Dans le 18è arrondissement 37% des jeunes sont d’origine maghrébine, subsaharienne ou turque et 62% de leurs voisins sont de même origine. Autant de symptômes du déclin de la mixité que Michèle Tribalat assimile à des « stratégies d’évitement ». Un constat, qui impose la nécessité impérieuse de recourir à des données qualitatives : « Elles ont des implications politiques évidentes. Nul doute que les écoles où les petits camarades d’origine française se font rares nécessitent des investissements particuliers ».  

Sur un plan plus politique, Michèle Tribalat tente de démontrer comment les législations européennes, l’idéologie « droitdelhommiste », l’intrusion du pouvoir juridique et les fantasmes de gouvernance mondiale ont -presque- réduit à néant la marge de manœuvre migratoire française. « Puisque le migrant est le prototype du monde qui vient, il faut une instance supranationale qui s’ajuste à l’univers mondialisé du migrant ». C’est la soupe experte qu’on nous sert.   
Autre cible, le climat idéologique dans lequel s'élaborent les discours sur l'immigration à partir des sondages sur le racisme commandés par la Commission nationale consultative des droits de l'homme.

L'immigration comme symptôme d'une société en voie de désintégration

Un conte de fée global que rien ne doit venir contester et surtout pas la statistique. Se basant sur des études britanniques, la démographe minimise l’argument selon lequel les immigrés sont indispensables à nos économies car « ils exerceraient les emplois que les natifs ne veulent pas faire ». Dans les années 2000, l’afflux massif d’immigrés en Angleterre n’a pas réduit le nombre d’emplois souffrant de pénuries. Il est resté voisin de 600.000 car l’immigration accroît à la fois la demande et l’offre de travail. La France s’interdit toute étude de ce type.

Salutaire à bien des égards, le livre de Tribalat a les défauts de ses qualités, une approche trop scientifique du sujet. Et c’est chez Baudrillard dans un texte intitulé « Nique ta mère » (1) que l’on trouvera un début d’explication, aussi lumineux que dérangeant, de cet aveuglement : « L’immigration et ses problèmes ne sont que les symptômes de la dissociation de notre société aux prises avec elle-même. La vérité inacceptable est là : c’est nous qui n’intégrons même plus nos propres valeurs et, du coup, faute de les assumer, il ne nous reste plus qu’à les refiler aux autres de gré ou de force. Une bonne part de la population se vit ainsi, culturellement et politiquement, comme immigrée dans son propre pays, qui ne peut même plus lui offrir une définition de sa propre appartenance nationale. Cette société doit affronter une épreuve bien plus terrible que celle de forces adverses : celle de sa propre absence, de sa perte de réalité, telle qu’elle n’aura bientôt plus d’autre définition que celle des corps étrangers qui hantent sa périphérie, de ceux qu’elle a expulsés et qui, maintenant, l’expulsent d’elle-même, mais dont l’interpellation violente à la fois révèle ce qui se défait en elle et réveille une sorte de prise de conscience. Si elle réussissait à les intégrer, elle cesserait définitivement d’exister à ses propres yeux ».

Régis Soubrouillard (Marianne2.fr, 29 mars 2010)
(1) Note de Métapo infos : cet excellent texte de Jean Baudrillard est disponible ici.
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