Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Maxime Tandonnet, cueilli sur son blog personnel et consacré au "monde d'après" macronien. Ancien haut-fonctionnaire, spécialiste des questions d'immigration, et désormais enseignant, Maxime Tandonnet a été conseiller à l'Elysée sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Il a donné un témoignage lucide et éclairant de cette expérience dans Au cœur du volcan (Flammarion, 2014).
20 mots clés du monde d'après
Annonces: la valse des annonces: à la différence de l’action ou de la décision, « l’annonce » n’engage que ceux qui l’ont entendue.
Brouillage des esprits : la destruction des repères (droite/gauche, débat d’idées, partis, etc.), engendre un terreau de confusion ou s’enracine le culte narcissique.
Courtisanerie: partout, dans la presse, les administrations ou les médias, les lèche-bottes prolifèrent comme une sorte d’anti peuple réfractaire.
Culot (« plus c’est gros plus ça passe »): copinage et clanisme nonobstant les mises en examen de source judiciaire: rien ne doit donner le sentiment de les faire reculer.
Don d’ubiquité: être partout à la fois courir du matin au soir, démultiplier les apparitions, et gesticuler comme des pantins pour donner l’illusion de l’action.
Déconnexion: la question n’est pas de régler les sujets mais de les nier, les effacer (dette, chômage, violence, migrations, pauvreté), en évitant tout ce qui s’y rapporte.
Démultiplication des « petits pains« ou des milliards: on ne sait d’où ils sortent mais ils prolifèrent 12, 70, 100; à chaque apparition son bouquet de milliards distribués.
Grands mots vides: « le nouveau monde, la transformation, la refondation , la réinvention, le monde d’après »: en compensation de l’immobilisme et l’impuissance.
Incantation: il suffit de pavoiser, claironner, pour prétendre avoir traité un problème: proclamer « ceci est intolérable! » en guise de mesure pour la sécurité.
Irresponsabilité: déclencher les pires calamités commettre les fautes les plus monstrueuses n’a pas la moindre conséquence: j’y suis, j’y reste.
Jupitérisme: où l’autorité verticale, d’autant plus implacable sur la forme que dépourvue de prestige et de confiance populaire, tourne à vide et brasse le néant.
Mépris: des « sans dents » aux « Gaulois réfractaires »: il est entendu une fois pour toute que la « vile populace » ne mérite que la chicote, doit être matée (avec le sourire).
Narcissisme: le principe « d’incarnation » devenu fou quand la vie publique se confond toute entière avec l’image médiatique d’un individu.
Nihilisme: l’ère du vide, rien ne compte, rien n’importe, ni le bien commun, ni l’intérêt public ou national, en dehors d’une fin suprême: la réélection comme but en soi.
Provocation et polémiques: déclencher l’excitation médiatique ou l’hystérie pour donner l’illusion du mouvement et de l’action.
Sensationnel: noyer la médiocrité, les souffrance, les préoccupation de l’époque dans une surenchère de coups médiatiques, d’événements et d’apparitions providentiels.
Spectacle : la vie politique présentée en grand spectacle autour d’un héros de légende, Jupiter ou archange Saint Michel pour combattre les démons (« populistes »).
Table rase: un événement chasse l’autre, la roue médiatique tourne, la mémoire se rétrécit à vue d’œil: il suffit de quelques jours pour faire oublier les pires sottises.
Transgression: ne reculer devant rien, aucune aberration, aucune contradiction: un jour post national, le lendemain souverainiste. Et alors?
Vanité: principe fondamental du nouveau régime narcissique, équivalent de ce qu’est la vertu à la démocratie, l’honneur à l’aristocratie, et la crainte à la monarchie (selon Montesquieu).
Maxime Tandonnet (Blog personnel de Maxime Tandonnet, 8 août 2020)