Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

johan hardoy

  • Angleterre : la fracture communautaire...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un point de vue de Johan Hardoy, cueilli sur Polémia et consacré aux émeutes hostiles à l'immigration qui ont secoué plusieurs grandes villes du Royaume-Uni au cours de l'été.

    UK_Riots.jpg

    Angleterre : la fracture communautaire

    La violence des affrontements entre des Anglais de souche et la police peut surprendre dans un pays qui a théorisé le « Policing by consent », le consentement du public à l’action policière. De chaque côté de la Manche, la presse de grand chemin et les politiciens ont tôt fait de qualifier les protestataires de racistes primaires, en déniant toute légitimité aux revendications identitaires exprimées par cette « Angleterre périphérique » (selon le concept de Christophe Guilluy concernant des zones marginalisées par rapport aux métropoles qui bénéficient de la mondialisation économique). La récente mobilisation des Mahorais contre l’immigration massive aurait pourtant pu leur inspirer une lecture moins binaire des événements…

    Un modèle multiculturel en crise

    Le Royaume-Uni s’est constitué de longue date comme une société multiculturelle juxtaposant les communautés ethniques les plus diverses.

    En 1968, Enoch Powell a mis en garde ses compatriotes contre les conséquences catastrophiques de l’immigration de masse en l’absence d’intégration aux valeurs de la société britannique.

    Depuis lors, Londres, où le nombre de Britanniques de souche est désormais inférieur à 50 %, a connu des émeutes ethniques très violentes. En 1981, sous le gouvernement de Margaret Thatcher, l’une d’entre elles a éclaté dans le quartier de Brixton, la « capitale » de la communauté jamaïcaine (en France, en pleine campagne présidentielle, les informations télévisées évoquaient les agissements de bandes de skinheads !). La dernière en date, en 2011, a gagné tout le pays à partir du quartier multiethnique de Tottenham. Le Premier ministre David Cameron a alors reconnu l’échec du multiculturalisme à l’anglaise, qui conduit chaque communauté à vivre séparées les unes des autres au détriment du sentiment d’identité nationale.

    Par ailleurs, après celui de Londres en 2005, une série d’attentats terroristes islamistes a frappé la Grande-Bretagne, après de longues années de tolérance des autorités à l’égard de la présence croissante de djihadistes dans la capitale (une politique initiée dès 1979 avec le soutien britannique aux moudjahidines lors de la guerre soviéto-afghane).

    Dans les années 2010, deux scandales pédophiles majeurs sont survenus à Telford et à Rotherham, où, durant plusieurs décennies, un total effarant de 2 500 jeunes adolescentes blanches issues de milieux populaires ont été droguées, maltraitées, prostituées, violées et parfois torturées, contraintes à avorter ou même tuées par des gangs issus de la communauté pakistanaise.

    Du point de vue socio-économique, la classe ouvrière traditionnelle anglaise a subi une paupérisation régulière suite à des vagues de désindustrialisation et de fermetures d’entreprises, conjuguée à un démantèlement des services publics.
    La poursuite de l’immigration massive, voulue par les différents gouvernements conservateurs et travaillistes pour combler des besoins en main-d’œuvre à moindre prix, a encore aggravé sa situation à cause d’une mise en concurrence salariale souvent défavorable aux autochtones.
    En vertu des concepts libéraux de « main invisible » et de « laissez-faire », les Tories (Conservateurs) restent fermement attachés au libre-échangisme mondialisé, tandis que le Labour Party (Travailliste) s’inspire de théories similaires à celles que diffuse en France le cercle de réflexion Terra Nova, selon lequel la société de demain deviendra « plus jeune, plus diverse, plus féminisée » et sera « unifiée par des valeurs culturelles progressistes », rendant d’ores et déjà obsolescent le « discours politique de gauche ouvriériste » (comme disait François Hollande : « Perdre les ouvriers, ce n’est pas grave. »).

    En 2016, le vote en faveur du Brexit, largement motivé par les refus de l’immigration massive et du « dumping social », n’a pas modifié la politique des gouvernements conservateurs successifs, à l’exception d’un projet non abouti d’expulsion au Rwanda des demandeurs d’asile entrés illégalement au Royaume-Uni.
    Cette proposition a été enterrée dès son arrivée par le nouveau Premier ministre travailliste Keir Starmer, celui-là même qui avait publiquement posé un genou à terre en signe de soutien au mouvement Black Lives Matter.
    La ministre de l’Intérieur Yvette Cooper est quant à elle chargée d’une acquisition massive de logements à travers le pays en vue de les attribuer à des migrants…

    Le crime de trop

    La colère qui couvait dans les milieux populaires a explosé après le massacre des fillettes de Southport. Des rassemblements se sont très vite formés, parsemés de drapeaux britanniques et d’Union Jack, où la foule reprenait les mots d’ordre anti-immigration « Enough is enough ! » et « Stop the boats ! ».
    Ces attroupements ont souvent dégénéré en confrontations violentes avec la police, accusée de mansuétude envers les communautés immigrées. Des dégradations ont également été commises contre des mosquées et des hôtels hébergeant des migrants.
    Tommy Robinson, le fondateur du mouvement English Defence League (hostile à «l’islamisation » et pro-israélien) a été soupçonné par les médias d’attiser la violence via les réseaux sociaux.

    En réaction, des manifestations ont été organisées dans plusieurs grandes villes par des partisans de l’ouverture des frontières reprenant le slogan « Refugees Welcome ! ». Les activistes dits antifascistes, renforcés par le député Raphaël Arnaud venu pour l’occasion, étaient évidemment présents. Selon ces derniers, les prolétariats immigrés et anglais ne doivent pas se diviser mais au contraire s’unir pour combattre le système capitaliste qui cherche à les diviser pour mieux les exploiter (ici comme ailleurs, le fait qu’ils soient sur la même ligne que le grand patronat pour l’accueil des migrants ne semble pas les effleurer…).
    Des milices pakistanaises se sont également mobilisées au nom de la défense des mosquées, en scandant « Allah Akbar ! ». Certains de leurs membres ont exhibé des armes blanches pour montrer leur détermination, tandis que d’autres ont agressé des passants considérés comme racistes ou vandalisé un pub.

    En France, si Marine Le Pen a préféré garder le silence sur ces événements, sa nièce Marion Maréchal a repris le slogan « trop c’est trop » (en français) sur son compte X, tout en écrivant que « le cri de désespoir et de colère des Britanniques doit être entendu ».

    Une justice à deux vitesses

    Le gouvernement a annoncé qu’il ferait preuve d’une extrême fermeté face à cette contestation. En raison de la surpopulation carcérale, 500 détenus de droit commun vont être libérés par anticipation afin de pouvoir emprisonner les émeutiers. Un détenu complice de meurtre par fourniture d’arme va sortir après 6 mois de détention alors qu’il devait en purger 32 !

    Les tribunaux, restés exceptionnellement ouverts durant le week-end pour juger les manifestants anti-immigration, ont rendu des sentences inhabituellement lourdes. Un sexagénaire, sans antécédent judiciaire, a ainsi été condamné à une peine de 32 mois de prison pour avoir participé à une manifestation en étant porteur d’une matraque !

    Les appels à la violence sur les réseaux sociaux sont durement châtiés. Suite à des publications appelant à détruire un hôtel de demandeurs d’asile accusés de vivre aux crochets des travailleurs et des contribuables, des peines de 20 et 38 mois ont été prononcées contre des jeunes hommes.
    Pour faire bonne mesure, le juge a condamné à des peines de 20 et 18 mois d’emprisonnement deux Britanniques d’origine pakistanaise qui avaient agressé et blessé des protestataires drapés de l’Union Jack.

    Une préférence communautaire assortie d’un mépris de classe

    Sur sa plateforme X, Elon Musk a interpellé le Premier ministre anglais au sujet de la répression des manifestants : « Une police qui a choisi son camp, à deux vitesses », « Ne devriez-vous pas vous préoccuper de toutes les communautés ? ». Selon lui, « la guerre civile est inévitable ».

    Nigel Farage, le chef de file du parti Reform UK qui a obtenu 13 % des voix lors des dernières élections législatives, a constaté de son côté qu’« une explosion démographique sans intégration allait forcément mal finir », tout en dénonçant un deux poids, deux mesures dans la répression policière.

    Les manifestants ont surtout fait face à des polices locales, souvent peu aguerries au maintien de l’ordre. En effet, à l’exception de Londres et de quelques services spécialisés, la police britannique est organisée selon un système territorial, autour de comtés ou de regroupements de comtés. Depuis 2012, des Commissioners sont élus par l’électorat de leur région, sauf dans la capitale où c’est le Maire qui assume cette responsabilité auprès du Metropolitan Police Service.

    Ce modèle diffère de celui qui est en vigueur en France, où la police est étatisée depuis 1941 (le directeur de la Sûreté générale Célestin Hennion avait vainement tenté d’imposer une réforme en ce sens dès avant la Première Guerre mondiale). Sous la Troisième République, trop de maires avaient la fâcheuse tendance de gêner voire d’entraver l’action policière en prônant l’indulgence ou un surcroît de sévérité pour des raisons étrangères au bien commun.
    En Angleterre, les affaires pédophiles survenues à Telford et à Rotherham illustrent le pire de ce que peut générer le clientélisme communautaire au niveau municipal. Des enquêtes gouvernementales ont mis en évidence l’incurie des polices locales et des services sociaux, qui ont délibérément ignoré les signalements et même entravé les investigations par crainte d’être considérés comme racistes et d’attiser les tensions raciales.

    Au-delà de l’incompétence avérée d’exécutants obnubilés par la lutte contre les discriminations au point de ne plus prendre en compte la réalité des faits, ces conclusions ne disent pas si des élus peu scrupuleux ont tenté de s’assurer le soutien électoral de certaines communautés en orientant complaisamment l’activité des services relevant de leur autorité.

    Sans avoir étudié à Oxford ou Cambridge, les « petits Blancs » ont très bien compris qu’ils sont condamnés à subir, si rien ne change rapidement, non seulement une marginalisation socio-économique mais aussi la domination culturelle de communautés étrangères en augmentation démographique constante. Une fois le rapport de force en leur faveur assuré, celles-ci ne manqueront pas d’imposer leurs valeurs et leur mode de vie aux descendants déchus de l’ex-Empire colonial, dans l’indifférence totale d’un Establishment méprisant souverainement les white trashs.

    C’est pourtant Elon Musk, l’homme le plus riche du monde actuellement selon Forbes, qui a pris la défense de ces catégories populaires !

    Johan Hardoy (Polémia, 14 août 2024)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Dans la tête de « Jupiter »...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Johan Hardoy, cueilli sur Polémia et consacré à l'absence de toute vision politique liée au bien commun chez Emmanuel Macron. Il s'inspire dans son analyse de l'essai de Thomas Viain intitulé La sélection des intelligences - Pourquoi notre système produit des élites sans vision (L'Artilleur, 2024).

     

    Macron_Sophiste.jpg

    Dans la tête de « Jupiter »

    Le 6 février dernier, sous le titre Des élites dirigeantes sans vision qui pensent comme ChatGPT, Polémia a publié une recension du livre stimulant de Thomas Viain, La Sélection des intelligences, qui critique le mode de pensée des élites issues des grandes écoles. L’auteur observe qu’Emmanuel Macron emploie une forme de langage, typique des « bêtes à concours », qui rappelle étonnamment celui d’une intelligence artificielle. Ce président « jupitérien » ne serait-il donc que le fils de son époque ? Se prévaloir d’un tel patronage n’est pourtant pas anodin, mais Marx nous a appris que l’Histoire se répétait une première fois comme tragédie et une seconde fois comme farce.

    Un bref détour par l’Agora

    Thomas Viain, qui est énarque, agrégé de philosophie et manifestement honnête homme, considère avec Socrate que le bien est à la source de toutes nos actions : « Nul ne fait le mal volontairement », mais par l’effet d’une passion déraisonnable qui n’a pour source que l’ignorance.

    Dans le Gorgias, Platon met en scène Socrate qui dénonce la rhétorique des sophistes comme un art du mensonge dépourvu de base solide. Ignorant délibérément ce qui est juste ou injuste et se faisant fort de soutenir une thèse et son contraire, ces rhéteurs se font fort de manipuler l’opinion, contrairement au philosophe qui consacre sa vie à rechercher le bien et l’excellence de l’âme en s’appuyant sur des éléments rationnels et cohérents.

    Dans ces dialogues, Calliclès refuse les arguments de Socrate en défendant une morale aristocratique opposant les forts et les faibles. Il affirme que l’homme fort doit donner libre court à ses passions en exprimant ses désirs conformément aux lois de la Nature, tandis que les philosophes se révèlent incompétents pour le gouvernement de la Cité et ne sont habiles que dans la formation des jeunes gens.

    Pensée classique et pensée IA

    Dans son livre, Thomas Viain définit la « pensée verticale » comme un mode de réflexion reposant sur des principes supérieurs hiérarchisés dont l’origine remonte à Platon et Aristote.

    A contrario, la « pensée horizontale », étrangère à l’héritage grec mais valorisée de nos jours par l’institution scolaire et les « élites », s’organise « en réseau » et sans hiérarchisation des concepts. Ce défaut d’articulation globale aboutit logiquement à employer, via une « façon très plate et uniforme d’argumenter », un type de langage qui ressemble trait pour trait à celui de l’intelligence artificielle.

    Emmanuel Macron et son projet

    Thomas Viain cite ainsi Emmanuel Macron et son fameux « en même temps » comme un exemple typique de la « pensée horizontale » des meilleurs élèves issus des grandes écoles.
    En dépit de ses études de philosophie, le Chef de l’État aurait tout simplement oublié les principes légués par les Grecs, ou du moins les cantonnerait à un niveau périphérique, contrairement à un Charles de Gaulle féru de culture classique et animé par l’idée directrice de la grandeur de la France.

    L’aptitude avérée du Président à dire une chose et son contraire dans un intervalle de temps très bref ne serait donc pas la marque d’un manque de conviction, ni, à l’instar des sophistes, d’une volonté de manipuler son auditoire, mais la conséquence d’un type de pensée reposant sur « une sorte de bric-à-brac de liens entre auteurs, sources, théories, arguments et contre-arguments permettant d’avoir un avis pondéré et informé sur tout ».
    Ses convictions se manifestent d’ailleurs dans son obstination, reconnue par ses opposants, à mettre en place un projet de société fondé sur une vision du monde globaliste et néo-libérale.

    Macron m’a tuer

    Pour le dire de façon lapidaire, nous pensons qu’Emmanuel Macron est animé par une farouche volonté de puissance individuelle qui le rend étranger à toute notion de bien commun. Pour celui qui estime qu’il existe une diversité de culture dans notre pays et non une culture française, tout en participant activement à la vente d’Alstom à General Electric, que peut bien vouloir signifier une France forte et souveraine ?

    Ses orientations politiques erratiques découlent essentiellement de l’obligation de récompenser ceux qui l’ont fait roi, à savoir tels ou tels établissements financiers ou cabinets de conseil anglo-saxons, combinée avec le soin de conserver les faveurs de ceux qui pourraient lui permettre, un jour prochain, d’occuper un poste prestigieux au sein des institutions européennes.

    Depuis le début de sa présidence, il a pu exprimer pleinement les sentiments et les principes sur lesquels repose sa conception du monde, cocktails d’hédonisme électro (peut-être sous l’influence de Dame Brigitte) et de ferveur plus ou moins partagée avec des footballeurs dans les vestiaires, conjugués à des formules méprisantes sur les « Gaulois réfractaires », « ceux qui ne sont rien » et autres « salariées illettrées ».

    De toute évidence, l’intéressé se révèle emblématique de la sécession des élites avec le peuple théorisée par Christopher Lasch.

    Un épigone « 2.0 »

    Compte tenu de sa formation philosophique, peut-on cependant lui attribuer une influence majeure qui lui servirait d’inspiration ou de figure tutélaire ?

    Ses mémoires d’étude ont été dédiés à deux penseurs politiques, Hegel et Machiavel, mais il paraît difficile d’admettre que ces deux philosophes, qui avaient assurément le sens de l’État, puissent constituer pour lui des références intellectuelles, sauf à envisager le machiavélisme dans son acception vulgaire désignant la seule volonté de conquérir et de conserver le pouvoir par tous les moyens. Une définition conforme à la pratique de notre Président mais de piètre intérêt philosophique et, surtout, peu originale dans le milieu politique.

    Écartons également son éventuelle adhésion à des thèses relevant du darwinisme social, qui ont certes promu les notions de « lutte pour la vie » et de « survie des plus aptes » comme moteur du « progrès », mais dont l’attention pour la puissance collective restait essentielle dans la perspective des rapports de force internationaux.
    Nous nous souvenons dès lors du fameux Calliclès et de son apologie des « forts », qui donnent libre court à leurs passions sans se soucier de la morale commune.
    Bien que son immaturité patente le desserve, accueillons donc notre Jupiter parmi les avatars post-modernes du rhéteur grec…

    Imaginons un instant que Socrate puisse rencontrer Macron dans les rues d’Athènes. Le philosophe n’aurait simplement qu’à l’écouter… En effet, pourquoi contredire un Macron ? Il est tellement plus simple d’attendre qu’il change d’avis !

    Johan Hardoy (Polémia, 23 février 2024)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Les snipers de la semaine... (267)

    Flingueuse.jpg

    Au sommaire cette semaine :

    - sur Polémia, Johan Hardoy se paie Rachida Dati, politicienne ambitieuse, séductrice et sans scrupule...

    Rachida Dati, un itinéraire en trompe-l’œil

    Dati.jpg

    - sur Hashtable, H16 allume les bouffons sinistres qui nous gouvernent...

    Nos ministres ont du talent

    Béchu.jpg

    Lien permanent Catégories : Snipers 0 commentaire Pin it!
  • Les « sages » du Conseil constitutionnel et le projet de loi immigration...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Johan Hardoy, cueilli sur Polémia et consacré au Conseil constitutionnel qui est en charge d'étudier la constitutionnalité de la loi immigration...

    Sages_Conseil constitutionnel.jpg

    Les « sages » du Conseil constitutionnel et le projet de loi immigration

    Après des débats houleux à l’Assemblée nationale, le projet de loi immigration a finalement été voté. Pourtant, de leur propre aveu, Emmanuel Macron et Élisabeth Borne misent sur le Conseil constitutionnel pour censurer certaines dispositions d’un texte pourtant approuvé par leur propre majorité !
    Il reviendra donc aux « sages » de la République – comme les appelle la presse de grand chemin – de légitimer ou non un texte suspecté en haut lieu de contenir des dispositions inconstitutionnelles.

    Une création de la Ve République

    Depuis la rébellion de la Fronde (1648-1653), la monarchie française avait été confrontée à une opposition des tribunaux culminant avec la Révolte des Parlements qui avait considérablement affaibli l’autorité royale de Louis XVI. Les parlements ou hautes cours de justice de France revendiquaient alors le droit d’examiner et d’enregistrer les lois et édits que le roi souhaitait adopter, l’obligeant en cas de refus à passer en force par le biais d’une procédure contestée, le « lit de justice ».

    Par la suite, les républiques parlementaires, qui se souvenaient de la méfiance des révolutionnaires à l’égard des juridictions d’Ancien Régime, n’avaient jamais accepté la création d’organes juridictionnels susceptibles de faire échec aux assemblées parlementaires.

    C’est la Ve République qui a donné naissance au Conseil constitutionnel, dont l’une des prérogatives consiste à se prononcer sur la conformité à la Constitution des lois et des règlements, après saisine du Président de la République, du Premier ministre, des présidents de l’Assemblée ou du Sénat, ou encore de 60 sénateurs ou députés.

    Au fil du temps, cette institution aux pouvoirs au départ limitée à un contrôle formel s’est transformée en un authentique juge constitutionnel et en protecteur des droits fondamentaux, bien que, contrairement à d’autres juridictions telles que la Cour suprême américaine, elle ne se situe au sommet d’aucune hiérarchie de tribunaux judiciaires ou administratifs.

    Concernant l’immigration, rappelons qu’en 2018, le Conseil constitutionnel a consacré la valeur constitutionnelle du principe de fraternité en se basant sur la devise de la République, le préambule de la Constitution (relatif aux « territoires d’outre-mer ») et l’article 72-3 de la Constitution (idem), affirmant dès lors le principe de la liberté d’aider autrui, dans un but humanitaire, sans considération de la régularité de son séjour sur le territoire national, à charge pour le législateur d’assurer la conciliation entre ce principe et la sauvegarde de l’ordre public.

    Qui sont les « sages » de la République ?

    Ses neuf membres, auxquels s’ajoutent les anciens Présidents de la République, sont nommés pour neuf ans et désignés par tiers par le Président de la République, le président du Sénat et le président de l’Assemblée nationale, après avis des commissions parlementaires qui peuvent s’y opposer à la majorité qualifiée des trois cinquièmes. Nicolas Sarkozy n’y a plus siégé depuis 2013 et François Hollande ne l’a jamais fait.

    Un tiers de ces « sages » sont des politiciens chevronnés, extérieurs au monde juridique, dont les orientations ne devraient pas trop décevoir Emmanuel Macron :

    * Laurent Fabius a été Premier ministre sous François Mitterrand.

    Il est l’auteur d’une formule restée fameuse : « le Front national pose les bonnes questions, mais leur donne de mauvaises réponses. »

    * Alain Juppé a été Premier ministre de Jacques Chirac.

    Sa nomination au Conseil constitutionnel par Emmanuel Macron a fait de lui le premier membre de cette institution à avoir été condamné par la justice (en 2004, 14 mois de prison avec sursis et un an d’inéligibilité pour prise illégale d’intérêts dans l’affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris).

    Ses positions à l’égard de l’immigration ont largement fluctué au cours des ans. Tenant d’une ligne considérée comme dure dans les années 1970 (en 1977, il souhaitait que « les emplois traditionnellement abandonnés aux étrangers puissent être occupés par des Français »), il déclarait plus tard qu’il fallait « accueillir de nouveaux immigrés » à la suite de la publication d’un rapport du Medef allant dans ce sens. Ses positions ultérieures sont à l’avenant : hostilité à la suppression du droit du sol, critique d’une possible suspension du regroupement familial, etc.

    * Jacqueline Gourault, qui était enseignante d’histoire et géographie avant sa carrière politique au sein de l’UDF puis du MoDem, a été sénatrice de 2001 à 2017, vice-présidente du Sénat de 2014 à 2017, ministre auprès du ministre de l’Intérieur, puis ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales dans les gouvernements d’Édouard Philippe et de Jean Castex.

    Sa nomination au Conseil constitutionnel, sur proposition d’Emmanuel Macron, a suscité la polémique en raison de son absence de qualification juridique, mais le parlement l’a validée par 41 voix pour, 31 contre et 4 abstentions.

    En 1998, elle était l’une des rares élues du Loir-et-Cher à refuser toute alliance avec le Front national au conseil régional.

    Deux autres membres ont été nommés par la Macronie :

    * Jacques Mézard est diplômé en droit privé et avocat. Il a été sénateur dans le Cantal en 2008, puis ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation et ministre de la Cohésion des territoires du gouvernement d’Édouard Philippe.

    * Véronique Malbec est une magistrate expérimentée qui a débuté sa carrière comme juge d’instruction, avant de devenir procureure générale, Secrétaire générale du ministère de la Justice de 2018 à 2020, puis directrice du cabinet du garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti.

    En 2017, en tant que procureure générale de Rennes, elle a supervisé (sans donner d’instruction) le classement sans suite d’une plainte de l’affaire des Mutuelles de Bretagne dans laquelle Richard Ferrand était mis en cause. C’est d’ailleurs ce dernier qui l’a nommée au Conseil constitutionnel en 2022, ce qui a soulevé des questions au sein même du monde judiciaire, bien que l’intéressée soit réputée indépendante d’esprit.

    L’intéressée vit en couple avec le Directeur général de la police, Frédéric Veaux.

    La suivante présente un profil plus neutre :

    * Corinne Luquiens, nommée en 2016 par le socialiste Claude Bartolone, est diplômée en droit public. Elle a effectué toute sa carrière à l’Assemblée nationale, tout d’abord en tant qu’administratrice au service des affaires sociales puis comme secrétaire générale de 2010 à 2016, sur proposition du Bernard Accoyer (alors UMP, devenu LR).

    Il est moins probable que les trois derniers, nommés au Conseil constitutionnel par Gérard Larcher participent à la censure du texte :

    * Michel Pinault est licencié en droit, diplômé d’HEC et énarque. Il a siégé au Conseil d’État de 1976 à 1992 et de 2004 à 2008. Entretemps, il a travaillé chez les assureurs UAP et AXA pendant treize ans. En 2014, il a été élu président de la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers.

    * François Pillet, diplômé en droit privé, a exercé pendant 38 ans à la cour d’appel de Bourges. Ancien membre de la Cour de justice de la République, il a été président du comité de déontologie parlementaire de la chambre haute, et sénateur divers droite rattaché au groupe LR entre 2007 et 2019.

    En tant que membre de la commission des Lois au Sénat, il est intervenu dans la commission de l’affaire Benalla. Il a auditionné Alexis Kohler, le secrétaire général de l’Élysée et bras droit d’Emmanuel Macron, avant de déclarer que les manquements de l’intéressé étaient très clairs. Par ailleurs, il a soutenu François Fillon durant la primaire présidentielle des Républicains de 2016.

    * François Seners, qui est énarque, a été conseiller au tribunal administratif de Nice de 1993 à 1996, puis au Conseil d’État de 1997 à 2008. Ancien directeur de cabinet de Rachida Dati pendant six mois entre 2008 et 2009, il a été secrétaire général du Conseil d’État entre 2012 et 2014, puis directeur du cabinet de Gérard Larcher entre 2014 et 2017.

    Par ailleurs, il a été Chef du centre de prospective de la gendarmerie nationale de 1999 à 2002, et membre du conseil de l’Ordre des médecins jusqu’à sa nomination en 2022.

    ***

    La composition actuelle du Conseil constitutionnel rend donc probable que le souhait présidentiel de censurer une partie du projet de loi sur l’immigration sera satisfait, sauf à ce que ses membres montrent une indépendance d’esprit digne des « sages » qu’ils sont censés être.

    Quelle que soit leur position sur ce texte, il va de soi que tant que la France n’aura pas recouvré sa pleine souveraineté, l’impact de cette trentième loi sur l’immigration restera cosmétique.

    En conséquence, la récente proposition de Marion Maréchal d’organiser un « Comité pour un référendum sur l’immigration », en invitant les partis attachés à la sauvegarde de la civilisation française à soutenir cette initiative en vue d’organiser un référendum d’initiative partagée (RIP), prend tout son sens. Le RIP, encore jamais organisé en France, doit préalablement réunir les paraphes de 185 parlementaires et d’environ 4,8 millions d’électeurs.

    Pour mémoire, ainsi qu’il l’a rappelé à propos de l’élection du Président de la République, en 1962, et du traité de Maastricht, en 1992, le Conseil constitutionnel ne contrôle pas la décision du peuple souverain, mais la régularité des conditions de sa consultation.

    En cas de validation finale du RIP et de la possibilité enfin donnée aux Français de se prononcer en faveur d’une législation moins laxiste sur l’immigration, la question de la prédominance des lois et conventions européennes, de même que des traités internationaux ratifiés par la France, resterait pendante, mais l’expression populaire, si elle était manifeste, pèserait indéniablement en faveur de la promotion des choix politiques nécessaires à la maîtrise des flux migratoires.

    Johan Hardoy (Polémia, 29 décembre 2023)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Le virus « woke », une nouvelle épidémie mortelle ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Johan Hardoy cueilli sur Polémia et consacré à l'épidémie « woke ».

     

    wokisme 2.jpg

    Le virus « woke », une nouvelle épidémie mortelle ?

    Après la prolifération du virus chinois, voici désormais qu’un vent mauvais venu d’Amérique nous amène une autre épidémie, d’ordre culturel cette fois : le woke. Des auteurs de sensibilités diverses ont entrepris de comprendre l’origine et le développement de cette contagion, comme la journaliste franco-américaine Anne Toulouse, auteur de deux livres sur Donald Trump, et le jeune philosophe marxiste Loïc Chaigneau. Ce dernier est ouvert au dialogue, comme l’attestent des débats de qualité (visibles sur Internet) menés notamment avec Pierre-Yves Rougeyron, le président du think tank souverainiste Cercle Aristote.

    Une origine certifiée française

    De même que le laboratoire de virologie P4 de Wuhan, l’ancêtre de l’idéologie woke est un produit d’importation d’origine française ! En effet, à partir des années 1970, un courant philosophique postmoderne, la French Theory, a prospéré dans les universités américaines après avoir été inspiré par les œuvres du couple existentialiste formé par Sartre et Simone de Beauvoir, ainsi que par les penseurs de la « déconstruction » Foucault, Deleuze, Derrida, Lyotard et consorts.

    Nos philosophes peuvent donc légitimement revendiquer la paternité (ou la maternité !) d’une théorie qui revient en France comme un boomerang après son américanisation dans les campus.

    Les nouveaux Gardes rouges

    Le mot woke, issu de l’argot afro-américain, s’est répandu outre-Atlantique dans le contexte historique de la lutte pour les droits des Noirs. Ce terme désigne le fait d’être en alerte face aux discriminations de toutes sortes concernant les minorités ethniques et sexuelles.

    Comme l’on sait, les partisans du wokisme manifestent une hostilité radicale qui tourne très rapidement à l’hystérie à l’encontre de ses opposants, voire même contre ceux qui se contentent simplement d’exprimer une opinion jugée déviante.

    Une de leurs cibles principale consiste à éradiquer ce qu’ils nomment l’eurocentrisme de l’enseignement. Selon la Critical Race Theory (CRT), les programmes éducatifs, y compris les mathématiques, désavantagent les minorités au profit de la classe dominante blanche. Il conviendrait donc d’adapter le contenu des cours et l’évaluation des performances en fonction de l’origine ethnique des élèves.

    Le succès croissant de cette idéologie dans les universités américaines entraîne les conséquences les plus déconcertantes. Un professeur d’UCLA (Californie) a ainsi été suspendu parce qu’il avait refusé de noter avec indulgence les étudiants noirs censés être traumatisés après la mort de George Floyd. Dans l’université d’Evergreen (État de Washington), les Blancs ont été exclus temporairement pour éviter qu’ils interfèrent dans une discussion sur le racisme.

    Par ailleurs, des statues, des monuments et des drapeaux sudistes sont régulièrement retirés de la vue du public tandis que des centaines d’écoles et de rues sont rebaptisées.

    Des clubs sportifs changent également de nom. Les Redskins, une célèbre équipe de football américain, se nomme désormais « équipe de football de Washington » pour ne pas indisposer les premiers habitants du pays.

    Un langage totalitaire

    Outre l’utilisation de l’écriture inclusive, les idéologues de l’intersectionnalité (discrimination pour au moins deux motifs qui interagissent) emploient leur propre jargon pour désigner leur conception du monde et leurs modes d’actions :

    • « It’s not funny » : expression désignant une plaisanterie pouvant heurter une sensibilité ;
    • « call out » : interpellation pour attirer l’attention sur les transgressions ;
    • « shaming » : faire honte lors d’une transgression ;
    • « shunning » : ostracisation après une transgression ;
    • « doxing » : divulgation d’informations personnelles ;
    • « cancel culture » : « effacement » d’un individu ou d’une entreprise ayant transgressé les normes tolérées.

    En outre, « iels » (en écriture inclusive) réprouvent absolument :

    • « l’appropriation » : emprunt à une culture minoritaire ;
    • les « triggers » : déclencheurs de réaction émotionnelle négative chez les personnes censées être discriminées ;
    • le « dead naming » : emploi du nom de naissance d’une personne ayant changé de sexe ;
    • l’« othering » : formulation pouvant faire sentir à autrui qu’il est différent ;
    • le « colorblind » : négation des couleurs et des discriminations afférentes ;
    • le « white privilege » : ceux qui naissent avec la peau blanche héritent d’une série d’avantages immérités quelle que soit leur situation sociale ;
    • le « racisme systémique » : les Blancs sont de façon inhérente coupables d’un racisme qu’ils cherchent à perpétuer en dépit des lois. Ce concept a été repris par Joe Biden lui-même lors de son discours inaugural, à rebours de son prédécesseur démocrate Barack Obama qui a dénoncé l’activisme woke pendant et après sa présidence.

    Marx n’est pas woke

    De son point de vue marxiste, Loïc Chaigneau insiste sur l’opposition entre l’idéologie woke et les présupposés universalistes du matérialisme dialectique et historique, même s’il s’agit dans les deux cas de faire table rase du passé.

    Selon lui, le woke, cet « idéalisme déguisé en post-marxisme » n’a rien conservé des doctrines de Hegel et de Marx. Au contraire, ses tenants postmodernistes « de gauche » proclament la fin des « grands récits » et envisagent le capitalisme comme un horizon indépassable.

    De fait, « l’intellectuel de gauche verse dans le subjectivisme du libéralisme-libertaire, loin des problématiques crasseuses de classes ». Invité dans les meilleures pages des magazines people, celui-ci évite soigneusement toute critique de l’impérialisme et du capitalisme « en prétextant qu’il est impossible d’en dire quoi que ce soit si ce n’est des éléments disparates et marginaux jamais constitués en classes objectives : le sexe, le genre, la race, l’animal… ». Cette prétention d’agir pour le changement des mentalités, sans jamais envisager la réalité matérielle des individus qui développent ces représentations, ne coûte rien au grand capital.

    « Le discours de l’intersectionnalité, sous couvert de se présenter comme émancipateur, essentialise finalement les rapports sociaux ». Une chanteuse noire « peut se dire victime de multiples oppressions et discriminations, ce qui ne l’empêche pas de remplir des salles de concert, d’être présente sur de nombreux plateaux de télévision, d’avoir grandi dans le luxe, etc. ». Dans le même temps, des ouvriers sont considérés comme des privilégiés parce que blancs de peau, et, à rebours de toute rationalité, « tout homme blanc qui s’exprime sur le racisme est d’emblée considéré comme illégitime puisqu’il ne pourrait pas porter de raisonnement objectif sur sa condition ».

    Loin d’agir pour l’émancipation des travailleurs, la gauche libertaire se révèle donc comme l’alliée objective de la droite néolibérale et mondialiste, ce qui explique que l’Open Society Institute du milliardaire George Soros finance, parmi d’autres fondations dites philanthropiques, les associations promouvant l’intersectionnalité.

    La France est-elle immunisée ?

    En 2014, « l’ABCD de l’égalité », le programme d’enseignement proposé par la ministre Najat Vallaud-Belkacem pour lutter contre le sexisme et les stéréotypes de genre, avait été accusé de promouvoir la « théorie du genre », mais ce n’est que sept ans plus tard qu’est apparu un débat public sur le wokisme à l’université, après la suspension et le placement sous protection policière de Klaus Kinzler, un professeur de Sciences Po Grenoble accusé d’« islamophobie ».

    L’an dernier, le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer a créé un Observatoire républicain pour lutter contre le woke et la cancel culture.

    Diverses sensibilités politiques convergent donc vers une critique argumentée du wokisme, ce qui semble indiquer que notre pays possèderait une immunité culturelle lui assurant une certaine résistance contre un virus qui prospère dans les sociétés anglo-saxonne orientée vers le néolibéralisme et le communautarisme.

    Quelques signes avant-coureurs se révèlent pourtant préoccupants : Sciences Po a d’ores et déjà adopté l’écriture inclusive, le Robert a validé le « iel » et Sandrine Rousseau déblatère quotidiennement dans les médias…

    [De notre point de vue, la terminologie woke n’est pas sans rappeler le « langage totalitaire » observé en son temps par Victor Klemperer pour désigner une formulation excluant toute pensée divergente et appelant à l’anéantissement de toute altérité.

    Pour prévenir l’épidémie, il conviendra donc, comme Polémia le fait déjà au sujet de la novlangue politique et médiatique, de décrypter consciencieusement le jargon woke ! ]

    Johan Hardoy (Polémia, 9 novembre 2022)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!